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Cédric Sapin-Defour, écrivain, chroniqueur, voyageur, alpiniste, auteur de "Son odeur après la pluie" (Stock), récit de son amour pour son chien Ubac, est l'invité de 7h50. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-06-juillet-2023-7630256

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00:00 - Il est 7h47, Léa Salamé, votre invité ce matin est écrivain, voyageur et alpiniste.
00:11 - Bonjour Cédric Sapin-Defour, merci d'être avec nous ce matin, vous habitez en Savoie,
00:16 vous êtes donc alpiniste, vous avez été prof d'éducation physique, voyageur également,
00:20 mais aussi depuis récemment écrivain.
00:22 Depuis très récemment, votre premier roman « Son odeur après la pluie » publié chez
00:26 Stock est le succès surprise, le succès inattendu de l'été en librairie.
00:31 Il a été vendu à plus de 20 000 exemplaires ces dernières semaines, il est le coup de
00:34 cœur des libraires et il bénéficie d'un incroyable bouche à oreille et d'une presse
00:39 unanime.
00:40 Un livre éblouissant et grave pour le parisien, un champ d'amour pour l'Obs, un livre d'une
00:45 très grande beauté pour le monde qui va droit au cœur pour le Figaro.
00:48 Bref, vous avez toute la presse.
00:50 Et pourtant, pardonnez-moi, mais le pitch sur le papier de votre livre, c'est-à-dire
00:55 l'histoire d'amour d'un homme et de son chien, n'est pas forcément le thème
00:57 le plus porteur, le plus vendeur.
00:59 Avez-vous compris l'enthousiasme que suscite votre livre ?
01:02 Bien sûr que non.
01:03 Bien sûr que non.
01:04 Et c'est la magie de l'écriture.
01:05 Je ne peux pas être à la fois celui qui a vécu cette histoire, celui qui a la prétention
01:12 d'en faire cet objet si haut placé dans ma vision du monde qui est le livre, et en
01:15 plus d'expliquer éventuellement les raisons du succès.
01:19 Et puis, il n'y aurait pas meilleur showstrap pour se planter si prochain livre il y avait
01:23 cherché la recette, ce serait d'une tristesse absolue.
01:25 Non, je n'en sais rien.
01:26 Son odeur après la pluie raconte donc votre lien intime et intense avec Hubak, votre bouvier
01:31 bernois, une vie commune qui a duré 13 ans jusqu'à sa mort en 2017.
01:34 Vous dites que ce roman est évidemment un hommage à votre chien, mais il parle au-delà
01:38 de la relation plus universelle que vous avez à la nature.
01:41 Ce livre est une réhabilitation de l'empathie, de l'attention.
01:44 C'est une résistance à la noirceur du monde, dites-vous.
01:47 Oui, et ce lien à la nature, ce lien lumineux dont vous parlez.
01:51 Moi, je suis issu d'un milieu de pratique des activités de nature où l'on se présente
01:58 comme des experts de la lecture de cet univers, de ce milieu, de ces éléments.
02:02 Et en fait, la vie avec un chien nous rabat élégamment le caquet parce que lui nous apprend
02:09 à établir une relation horizontale avec la nature.
02:13 Qu'est-ce qui vous a appris de la nature, votre chien ? Comment il vous a appris à
02:16 mieux la regarder, à mieux comprendre le monde ? Vous-même, l'alpiniste que vous êtes
02:20 effectivement, connaissait mieux la nature que toutes les personnes qui sont autour de
02:22 la table ici.
02:23 Oui, parce que quand on est en montagne, on ne cesse de discuter avec la neige, avec
02:26 le rocher, avec le vent pour une question simplement d'intégrité physique, de survie.
02:30 Mais on n'échappe pas à cet écueil qui est de considérer la nature soit comme une
02:35 carte postale, un selfie très avantageuse, soit comme un terrain de jeu, qui est une
02:40 expression insupportable, comme si la nature était un stade, soit comme une cure psychanalytique.
02:45 On va en nature pour aller bien.
02:47 Mais la nature, elle n'est pas à notre service.
02:49 La nature, elle existe très bien sans nous, je vous assure.
02:52 Et un chien, il vous rappelle en fait ce rapport.
02:56 Il vous rappelle et il horizontalise ses liens avec les éléments naturels, là où on a
03:00 tendance à verticaliser.
03:02 Vous écrivez avoir un chien resserre aussi le temps.
03:05 Serrer à prendre qu'une heure est faite de 60 minutes, valant chacune d'être considérée.
03:09 Le rapport au temps change avec le chien.
03:12 Vous dites qu'il est resserré, que ça va plus vite.
03:15 Oui, parce que nous, les hommes et les femmes, on est toujours à contre-temps.
03:19 Vous le savez, on est toujours dans la nostalgie ou l'impatience ou la crainte.
03:23 On n'est jamais là.
03:24 On n'est jamais là dans cette minute.
03:26 Un chien, il s'en moque complètement.
03:27 Il est dans le présent.
03:28 Oui, les prévisions, la mélancolie, tout ça, il s'en fiche.
03:33 Il ne refuse rien de ce qui pourrait lui animer, lui égayer la minute qu'il est en train de vivre.
03:39 Il vous rappelle qu'une existence, c'est une minute plus une autre minute, plus une
03:44 autre minute.
03:45 À la fin, ça s'appelle une vie.
03:46 Mais on est vraiment aligné.
03:48 C'est un tutorat joyeux.
03:50 Et puis, il protège contre l'immobilité.
03:51 C'est un antidote à la fossilisation.
03:53 Il nous force à le sortir.
03:55 Il faut le sortir.
03:56 Ce n'est pas toujours très drôle.
03:57 Surtout en ville.
03:59 Et puis, idéalement, c'est la promenade sur les crêtes ou sur le bord de l'océan,
04:03 les pieds dans l'eau, au coucher de soleil et avec un chien obéissant.
04:06 Mais c'est aussi un matin de pluie de novembre dans les rues parisiennes avec les klaxons
04:12 et les protestations.
04:13 Tout commence par une petite annonce.
04:16 Patrick, votre narrateur, parce que c'est un roman, lit dans le journal local du département
04:19 des Hauts-de-Savoie qu'une portée de 12 chiots bouviers bernois, tous nés le 4 octobre
04:23 2003, est à vendre.
04:24 Après un temps d'hésitation et de doute, vous décidez d'y aller, d'en acheter un.
04:27 Et vous dites "c'est lui qui m'a choisi plutôt que l'inverse".
04:31 La rencontre est très belle parce que vous vous retrouvez avec 12 chiots et c'est lui
04:35 qui vient vers vous.
04:36 C'est une évidence.
04:37 C'est ce qu'on dit traditionnellement.
04:39 On dit que l'animal nous choisit.
04:40 Moi, je voulais vraiment échapper à cette espèce de règle absolue.
04:43 On imagine toujours que son histoire est singulière.
04:47 Mais non, en fait, banalement, elle a commencé comme toutes les histoires d'amour entre
04:51 un homme et un animal.
04:52 C'est-à-dire qu'il m'a vu, il m'a regardé, il m'a dit "c'est toi".
04:56 Et il a joué en plus d'une indifférence forcenée.
04:59 Et on sait qu'en amour, il n'y a rien de plus magnétique.
05:02 Oui, il vous a snobé un peu, par contre à moi et aux autres.
05:04 Il n'y a rien de plus magnétique que d'être ignoré.
05:06 Vous écrivez habituellement dans les relations d'amour habituelles.
05:10 Il en faut des rendez-vous successifs, des espoirs, des craintes, des roses et des poèmes,
05:13 des cliquets prudemment actionnés avant que deux vies s'accordent avec un chien.
05:17 Vous entrez seul, l'heure d'après, vous ressortez uni.
05:19 C'est immédiat et c'est inconditionnel.
05:22 C'est aussi un amour qui ne s'arrête jamais.
05:23 Oui, c'est immédiat.
05:25 Vous sortez quand même délesté d'un petit chèque aussi.
05:28 Un chien, ça s'achète.
05:30 Il faut aussi dire les choses.
05:31 Ce n'est pas seulement une rencontre comme ça, d'un romanesque.
05:34 Mais c'est immédiat.
05:36 C'est une puissance immédiate, absolue, continue.
05:38 Autant dans mon existence, je trouve très charmante les oscillations, les contrastes.
05:44 Les oscillations de l'amour ?
05:46 Oui, les oscillations de l'amour, de l'amitié, les incertitudes, les contrastes, les remises
05:52 en question.
05:53 Mais là, l'amour est immédiat, puissant, constant, malheureusement peu durable.
05:58 On va y venir.
05:59 Mais vous l'aimez tellement que vous vous demandez même si Hubak ne va pas prendre
06:02 toute la place dans votre vie et notamment la place d'une femme.
06:05 Et puis non.
06:06 Et puis, Steve Mathilde, votre nouvelle compagne, il y a de la place dans votre cœur.
06:09 Il faut dire qu'elle partage comme vous l'amour des chiens.
06:12 C'est la condition sine qua non pour vous.
06:13 J'imagine que les choses auraient été plus difficiles s'il y avait eu une aversion
06:18 à la cause canine.
06:19 Mais nous partageons et nous partageons encore ça aujourd'hui.
06:24 Mais en fait, l'amour se divise aisément.
06:28 Mais en tout cas, il se multiplie.
06:29 On pourrait croire que l'amour, c'est comme ça un gâteau qu'on a à partager.
06:32 Lorsque l'on a donné des grandes parts à un individu, à un être, il ne reste pas
06:36 grand chose.
06:37 Il ne reste que des miettes.
06:38 Mais en fait, ça se renouvelle.
06:39 Ça se diffuse.
06:40 C'est très contagieux l'amour.
06:41 Votre livre évite deux écueils en tout cas.
06:43 D'abord l'anthropomorphisme, c'est-à-dire considérer que l'animal est comme un humain.
06:47 Vous dites que malgré tout votre amour, ce n'est pas un enfant, ce n'est pas un humain,
06:50 c'est un animal.
06:51 Point.
06:52 Et l'autre écueil que vous évitez, c'est l'idéalisation de l'animal.
06:54 Ce qui a été le cas notamment de Victor Hugo quand il disait « le chien, c'est
06:56 la vertu qui ne pouvant se faire homme, s'est fait bête » ou encore Sacha Guitry « plus
07:00 je passe du temps avec les gens, plus j'aime mon chien ». Chez vous, il n'y a pas d'idéalisation.
07:04 Non, je trouve qu'il y a véritablement deux écueils lorsqu'on évoque la relation
07:10 avec les animaux.
07:11 C'est une sorte de déification et de réification.
07:14 Soit on en fait une chose, ça par contre je défends l'idée que non, soit il y a
07:18 vraiment une sanctification de l'animal, on le place trop haut et on desserre la cause.
07:23 Et on devient misanthrope vous dites.
07:24 Oui, il y a l'anthropomorphisme et il y a la misanthropie qui étaient vraiment les
07:27 deux bornes, les deux écueils à l'écriture.
07:29 Parce qu'il est très facile de se dire « aimer beaucoup plus les animaux que les
07:34 hommes », de vivre… Moi je vis en lisière, en bordure du monde, je revendique ça, je
07:37 suis vigilant, mais je ne fuis pas les hommes.
07:41 Là encore une fois, l'amour est partageable.
07:45 Et puis, il y a quelques mois de cela, Mathilde, puisque vous en avez parlé, elle a eu un
07:51 très grave accident, elle est tombée du ciel, elle s'est écrasée sur les rochers.
07:54 Et là, d'aimer les buses, d'aimer les mouflons, les marmottes, ça ne m'aurait
08:00 été d'aucun recours.
08:01 Je voulais qu'il y ait la 5G, j'ai fait le 112, j'ai appelé des hommes et des femmes
08:06 qui ont sauvé la vie de ma femme.
08:07 C'est ça, vous n'êtes pas à côté de la vie.
08:09 Puis il y a la mort, vous racontez qu'avec un animal, la fin est déjà écrite.
08:13 On ne négocie pas avec la chronologie, les chiens fanent.
08:15 Prendre un chien c'est aussi se saisir d'un être de passage.
08:18 Il est mort à l'âge de 13 ans en 2017.
08:20 Donc il y a la tristesse immense que vous racontez et c'est très beau.
08:23 Et la tristesse qui ne suscite qu'indifférence ou moquerie chez les autres parce que vous
08:27 l'écrivez vous-même, au classement des peines légitimes, la perte d'un clébard
08:30 est mal placée.
08:31 Mais c'est ainsi, vous l'assumez et vous racontez ça et vous racontez sa fin et c'est
08:35 très beau.
08:36 En attendant d'acheter un chien, je vous conseille vivement d'acheter ce livre qui
08:42 est un antidote au désenchantement du monde et du moment.
08:45 Merci beaucoup Cédric Sapin de Fourre d'avoir été là.
08:48 Vous étiez mon dernier 750.
08:49 Et oui.
08:50 Après neuf saisons, c'est ma dernière interview de 750.
08:53 On y a reçu des politiques, des écrivains, des intellectuels, des acteurs de la société
08:57 civile, des anonymes, des paroles libres, des paroles fortes, parfois bouleversantes.
09:02 Ça a été pour moi un bonheur absolu de les accueillir dans cet écran magnifique.
09:05 Mais que je quitte et que je donne à la rentrée à Sonia De Vilaire.
09:10 Elle y imprimera son style, sa marque et son talent.
09:13 Évidemment, quant à nous, amis auditeurs, on se retrouvera un peu plus tard dans le
09:16 poste, dans le nouveau Grand 7-10 avec Nicolas.
09:19 On espère que vous serez fidèles au poste, mais on vous en reparlera en temps et en
09:22 heure.
09:23 En tout cas, merci à vous pour votre livre qui m'a enchantée.

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