• il y a 2 ans
Chroniqueuse : Maya Lauqué


Demain aura lieu la Marche des Fiertés à Paris, pour l ‘occasion nous recevons Maxime Haes, porte-parole de Stop Homophobie. Après une récente dégradation devant une école à Lyon, pour le porte-parole « C’est choquant mais pas surprenant, dans le climat dans lequel on est aujourd’hui », une société où la violence homophobe a augmenté de 30 % depuis 2021. 

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Transcription
00:00 C'est l'heure de l'interview d'actualité.
00:02 Maïa, vous recevez ce matin Maxime Heyss, porte-parole de Stop Homophobie.
00:06 Bonjour Maxime Heyss.
00:07 Bonjour.
00:08 Merci d'être avec nous ce matin.
00:09 Je voudrais pour commencer vous montrer une image,
00:12 celle de ces arcs-en-ciel recouverts au sol d'une épaisse résine noire
00:18 devant une école maternelle à Lyon.
00:20 C'est la rue des enfants qui devait être inaugurée mercredi.
00:23 Il se trouve que parallèlement,
00:24 des plaintes avaient été reçues par la mairie ces derniers jours.
00:27 Maintenant, personne ne percevait ces arcs-en-ciel
00:30 comme des drapeaux LGBTQIA+.
00:33 Ça vous inspire quoi ?
00:34 Ce n'est pas surprenant.
00:37 Évidemment, c'est choquant.
00:38 C'est une peinture sur un trottoir.
00:43 Les enfants voulaient mettre de la couleur.
00:44 Est-ce que ça mérite qu'on s'y intéresse
00:47 et qu'on soit aussi haineux vis-à-vis d'une peinture sur un trottoir ?
00:50 Je ne suis pas très convaincu.
00:51 C'est choquant, mais ce n'est pas surprenant dans le climat dans lequel on est aujourd'hui.
00:55 On va en parler justement.
00:56 Demain aura lieu la marche des fiertés à Paris,
00:58 sous le slogan "depuis dix ans, mariage pour tous,
01:01 depuis toujours, violence pour tous et toutes".
01:04 Est-ce que vous constatez au sein de Stop Homophobie
01:08 une augmentation de cette violence homophobe ?
01:10 Ou alors est-ce qu'on en parle peut-être davantage qu'avant ?
01:13 Très clairement et oui pour les deux questions.
01:16 Nous, chez Stop Homophobie, sur 2022, on a reçu 2600 appels.
01:19 C'est une augmentation énorme par rapport à 2021.
01:22 Ça fait 7 appels par jour de victimes.
01:25 Les chiffres du ministère de l'Intérieur,
01:26 c'est plus 30% de violence LGBT par rapport à 2021.
01:30 SOS Homophobie constate la même chose comme Stop Homophobie,
01:33 plus 30% de violence transphobe par rapport à 2021 aussi.
01:40 C'est énorme.
01:41 On est vraiment sur un climat délétère vis-à-vis de la population LGBTQIA+.
01:45 Et ça se retranscrit littéralement tous les jours.
01:47 Il y a eu deux jours, il y a eu un maire de Montreuil qui s'est fait agresser.
01:50 Maire adjoint de Montreuil, effectivement.
01:51 Maire adjoint de Montreuil, pardon, qui s'est fait agresser de manière homophobe.
01:54 Moi, j'ai failli me faire agresser hier de manière homophobe.
01:57 C'est-à-dire ? Expliquez-nous.
01:58 Dans le métro.
01:58 Dans le métro, je me suis fait interpeller par quelqu'un qui ne voulait pas,
02:02 qui marchait tout droit.
02:03 Je me suis un peu décalé.
02:04 Il ne s'est pas décalé.
02:04 Je me suis fait agresser.
02:06 Alors, fort heureusement, rien ne s'est passé,
02:07 mais des insultes homophobes, évidemment.
02:10 C'est comme ça.
02:11 Et malheureusement, nous…
02:12 Attends, des insultes homophobes juste parce que vous ne l'avez pas laissé passer ?
02:16 Je me suis écarté quand même.
02:17 Mais parce que lui a cru que tout le quai était à lui.
02:20 D'accord.
02:21 Mais les insultes homophobes, je ne vais pas les dire ici,
02:24 mais nous, chez Stop Homophobie, comme chez toutes les associations,
02:28 on remarque la même chose.
02:29 Il y a une vraie explosion de la violence.
02:31 Et ce sont des violences qui sont de plus en plus violentes.
02:34 On n'est pas que sur des insultes.
02:35 On n'est pas que sur du harcèlement qui est déjà violent.
02:37 On est aussi sur des…
02:39 Des agressions physiques.
02:39 Des agressions physiques.
02:41 Et parfois, ça mène au meurtre.
02:43 Vous parlez aussi de cyberharcèlement.
02:45 Et je crois que, malheureusement, vous aussi en avez été victime.
02:48 Bien sûr, oui.
02:49 J'en suis toujours victime.
02:50 Moi, ça fait depuis 2014 que je suis harcelé parce que je suis gay,
02:52 que je suis out sur la question
02:54 et qu'en plus, je milite contre les discriminations.
02:58 Là, on peut parler de justice, on peut parler de police.
03:01 Ça a été très compliqué de déposer plainte.
03:03 Je rappelle que c'est illégal de refuser une plainte
03:05 dans quelconque commissariat que ce soit,
03:06 pour quelconque motif que ce soit.
03:08 Ça fait depuis des années qu'on attend un procès avec mes avocats.
03:11 On ne sait pas ce que fait la justice.
03:13 Et le problème, c'est que ça, je le mets en corrélation
03:15 exactement avec ce qui se passe chez Stop Homophobie.
03:17 On a déposé plus de 600 plaintes depuis la création de Stop Homophobie en 2013.
03:22 En 2019, on a déposé 200 plaintes.
03:24 Sur les 200 plaintes qu'on a déposées en 2019, seule une a abouti.
03:28 Nous, heureusement, la majorité des plaintes qu'on dépose
03:31 et qui aboutissent, on les gagne.
03:34 Mais ça montre très clairement le manque de moyens dans la justice
03:37 et parfois une justice qui n'existe pas,
03:40 une justice qui est défaillante
03:42 et des magistrats qui ne vont pas au bout de la chose.
03:44 On parle du harcèlement.
03:45 Le harcèlement, la loi, c'est deux ans de prison, 45 000 euros d'amende.
03:48 Jamais cette loi, à ma connaissance, n'a été appliquée dans son entièreté.
03:53 Aujourd'hui, en France, deux hommes ou deux femmes
03:56 ne peuvent toujours pas se promener main dans la main
03:59 ou s'embrasser dans la rue sans crainte ?
04:01 Oui, c'est vrai.
04:02 C'est tout à fait vrai.
04:03 On est en 2021 et pourtant, c'est comme si ça n'avait pas évidemment évolué.
04:08 Ça a un peu évolué.
04:10 Soyons honnêtes, les chiffres de l'IFOP, le dernier sondage pour les moins de 26 ans,
04:14 je crois qu'on est autour de 20 % de personnes qui s'identifient comme LGBTQIA+,
04:18 avec une augmentation des personnes qui s'identifient comme bisexuelles.
04:21 Évidemment, quand on est dans un pays qui permet d'être qui on est
04:26 et d'être protégé par le droit dans un État de droit,
04:28 forcément, les personnes s'identifient comme telles.
04:31 Mais derrière, il y a un regain de violence
04:33 parce que tu as une extrême neutralisation,
04:35 une extrême droitisation des discours,
04:37 que ce soit dans la politique, dans les médias,
04:39 même dans l'éducation nationale.
04:41 Là, on se rend compte qu'il commence à y avoir un énorme débat
04:43 sur parler d'identité de genre aux enfants.
04:45 Alors écoutez, vous évoquez l'éducation nationale.
04:47 Il y a un peu moins de six mois,
04:48 Lucas, adolescent homo de 13 ans, a mis fin à ses jours.
04:50 Il était harcelé à l'école.
04:51 Cette semaine, une maman, Julie, a écrit une lettre ouverte au ministre de l'Éducation
04:55 pour lui raconter le quotidien de son ado, son fils lycéen homosexuel.
05:00 Elle évoque les insultes d'un groupe d'élèves, pas quotidiennes mais régulières.
05:04 Il a rendez-vous avec le proviseur qui lui dit que le problème,
05:06 ce n'est pas l'établissement, c'est son fils.
05:07 Elle veut le changer d'établissement.
05:09 Au téléphone, on lui dit par exemple, on lui demande si son fils est très maniéré
05:12 ou un peu efféminé.
05:14 Elle a réussi à le changer d'établissement et il a repris une vie normale.
05:17 Mais est-ce que ça vous étonne ces témoignages ?
05:19 Est-ce que vous en recevez beaucoup des témoignages de ce type-là ?
05:21 Alors nous, on en reçoit.
05:22 Évidemment qu'on en reçoit.
05:23 D'ailleurs, cette maman, nous, on travaille activement avec cette homophobie
05:26 pour justement l'accompagner juridiquement là-dessus.
05:28 On ne laissera pas faire.
05:29 Ce qui se passe, et je tiens à le redire,
05:31 et je tiens à le redire pour cette maman et pour cet enfant,
05:33 c'est qu'elle dit que le proviseur est inacceptable.
05:35 Il faut qu'il soit condamné.
05:37 Il faut qu'il y ait des sanctions.
05:38 On ne peut pas laisser un proviseur d'établissement
05:40 raconter tout le jour les mêmes stéréotypes homophobes.
05:43 Il serait maniéré, c'est un problème.
05:45 Pardon ? Dans quel monde, en fait ?
05:47 On est en France, on peut être qui on veut.
05:49 Il y a le droit qui est à côté de nous.
05:50 À un moment donné, il faudrait se prendre du recul
05:52 et mettre un peu les perspectives
05:54 et en tout cas les lui rappeler à ce proviseur.
05:57 Mais ce n'est pas étonnant.
05:58 Ce n'est pas étonnant.
05:59 Est-ce que c'est à l'enfant de changer d'établissement
06:01 plutôt qu'au harceleur de se faire sanctionner ?
06:04 Je pense plutôt que ce sont les harceleurs
06:06 qui doivent être sanctionnés
06:08 et l'enfant qui doit être protégé.
06:10 Et en fait, ça montre qu'il y a un manque de formation
06:12 et de sensibilisation dans tout le corps enseignant,
06:15 dans tout le corps de métier de l'éducation nationale
06:17 et que le ministre de l'éducation nationale
06:19 doit prendre cette question,
06:20 non pas à la légère comme il le prend aujourd'hui,
06:22 mais avec gravité.
06:23 Parce que derrière, c'est Lucas qui se suicide
06:25 et il y en aura d'autres.
06:26 Il faut faire de la pédagogie, il faut se mobiliser.
06:28 On va peut-être terminer sur une note positive.
06:30 Cette année, des marches des Fiertés ont eu lieu à Lens-le-Saunier.
06:33 À Guéret, dans la Creuse, à Fécamp.
06:35 Il y a 300 personnes qui ont aussi défilé à Mande, en Lauser.
06:39 Il n'y a pas que les grandes villes qui se mobilisent.
06:41 Est-ce que c'est aussi un motif d'espoir ?
06:44 C'est évidemment un motif d'espoir et moi je m'en réjouis.
06:46 Et chez Stop, on s'en réjouit évidemment.
06:48 Là, on lance la deuxième édition de Fierté rurale,
06:51 le 29 juillet à Schoenveld.
06:52 L'année dernière, ça avait fait un carton plein,
06:54 plus que ce qu'on attendait.
06:57 Donc oui, ça évolue, même dans le milieu rural,
06:59 dans les campagnes, évidemment,
07:00 il y a des personnes LGBTQIA+.
07:02 Elles se sentent suffisamment à l'aise
07:04 pour revendiquer et demander plus de droits.
07:08 Parce que pour l'instant, je le rappelle,
07:09 on n'a pas les mêmes droits que tout le monde.
07:12 On ne peut pas marcher dans la rue sans se faire tabasser, etc.
07:15 C'est bien, on s'en réjouit, mais il faut que derrière, ça se suive.
07:18 Il faut que ça se suive côté politique,
07:19 il faut que ça se suive côté législatif, juridique,
07:22 sensibilisation, etc.
07:23 Et j'aimerais, le dernier message que j'aimerais faire passer,
07:25 c'est que les personnes qui ont le pouvoir aujourd'hui
07:27 d'améliorer la vie des gens et d'améliorer la vie
07:29 des personnes LGBTQIA+
07:31 et qui décident de ne rien faire
07:33 et de ne pas combattre les discours d'extrême droite,
07:35 intégristes et autres,
07:37 il faudrait qu'ils se regardent dans le miroir
07:39 parce que nos vies méritent un peu mieux que leur silence.
07:41 – Le message est passé, merci beaucoup Maxime.
07:43 – Merci beaucoup.

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