COUPE DU MONDE – L'Espagne, comme en 2018, a quitté le Mondial dès les 8es de finale après une prestation caricaturale face au Maroc (0-0, 3-0 aux t.a.b). Dans Tour du monde, à retrouver en intégralité en podcast, Anna Carreau se penche sur les manques de cette Roja et sur le modèle espagnol, à bout de souffle. Luis Enrique est-il vraiment le problème ? Pas sûr… (Real : A.Thirion / M.Popovic)
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00:00 Et allez on termine ce tour du monde par la grosse surprise de ces huitièmes de finale, l'élimination de l'Espagne.
00:07 On accueille Anna Caro, notre spécialiste du football espagnol.
00:10 Anna, j'imagine que l'ambiance est un petit peu moçade ce mercredi en Espagne,
00:16 avec une Espagne qui comprend un peu mal ce qui s'est passé face au Maroc.
00:20 Oui, c'est vraiment un gros coup derrière la tête parce que la dernière fois qu'on s'est vu,
00:24 on parlait du Costa Rica, on parlait d'une victoire 7-0 et là c'est retour à la maison d'aller huitième.
00:29 Une défaite très amère finalement contre le Maroc.
00:35 Si on prend du côté de la presse espagnole, il y a comme toujours la presse catalane d'un côté,
00:44 la presse madrilène de l'autre.
00:45 La presse catalane qui va être dans l'émotion finalement dans cette élimination qui fait mal derrière la tête finalement
00:52 avec tous ces joueurs du Barça qui sont dans le groupe.
00:55 Et puis si on regarde du côté madrilène, finalement il y aurait presque de la joie de voir cette Rora éliminée sitôt
01:03 parce qu'on déteste Luis Enrique tout simplement.
01:05 On déteste qu'il a mis en place depuis des années et qu'il y a beaucoup d'éditorialistes, de journalistes
01:11 qui n'attendaient finalement que ça.
01:13 Si on regarde par exemple El Chiringuito, pour eux c'était heure de gloire hier soir.
01:19 Donc voilà, c'est un peu compliqué à cerner une telle élimination.
01:23 Moi je voudrais t'interroger Anna sur les réactions des joueurs espagnols et du sélectionneur Luis Enrique.
01:28 Je les ai un petit peu trouvé de manière personnelle, un petit peu déconnecté de la réalité.
01:33 On a beaucoup entendu Pedri vanter le mérite de l'Espagne en disant qu'ils avaient simplement manqué de chance
01:38 dans le dernier geste.
01:40 Marcos Llorente c'était un petit peu pareil.
01:42 Luis Enrique lui a dit que ses garçons avaient appliqué l'idée qui se faisait du football.
01:46 Pourtant face au Maroc, moi j'ai trouvé que c'était le Maroc qui était le plus dangereux paradoxalement
01:53 et que cette possession stérile espagnole qu'on avait déjà vu par le passé,
01:58 mais là on était presque sur une caricature face au Maroc.
02:01 Est-ce que le football espagnol n'a pas un peu du mal à se remettre en cause peut-être ?
02:06 Alors il a du mal à se remettre en cause, mais la Roja est un peu l'aboutissement de tout ce manque de remise en question.
02:15 Parce que si la Roja joue aujourd'hui comme ça, et on sait pourquoi Luis Enrique est critiqué,
02:21 mais si la Roja joue comme ça, c'est parce qu'elle a des joueurs pour jouer comme ça.
02:25 C'est parce qu'elle a des joueurs, parce qu'elle a des bousquets de Pedri-Gavi
02:28 et qui ne sont pas des joueurs de transition.
02:29 Gavi peut-être un peu plus, mais du coup c'est le seul dans le trio.
02:32 Et donc, quasiment obligatoirement, il y a ce football de possession.
02:39 Alors le problème c'est que là on a vu un football de possession ultra stérile.
02:42 Mais le problème aussi c'est que devant ils ont Daniel Mo, Ferran Torres ou Dejan Sufati qui sortent du banc.
02:48 Et honnêtement, ce n'est pas un niveau incroyable.
02:52 Ce n'est pas la France qui peut faire entrer des Giroud, etc.
02:56 Bon, Giroud il est titulaire là lors de la Coupe du Monde, mais ils ont des joueurs d'impact, la France,
03:00 là où il n'y a pas du tout ce réservoir-là en Espagne.
03:03 Donc en fait il faut une remise en cause, pas seulement de Luis Enrique.
03:08 Là aujourd'hui...
03:09 Ça dépasse son cas.
03:10 Là aujourd'hui le football espagnol globalement tape sur Luis Enrique.
03:15 Mais si Luis Enrique a joué comme ça, c'est aussi parce qu'il n'est pas bête.
03:18 Lui il dit peut-être que c'est l'idée qui se fait du football,
03:20 mais c'est aussi l'idée qui se dit "c'est comme ça qu'on va gagner".
03:24 Il sait que si l'Espagne se fait prendre en contre, ils vont avoir énormément de mal à revenir.
03:29 Parce qu'ils ont des joueurs qui ne sont pas forcément ultra rapides.
03:32 Parce qu'ils ne peuvent pas eux-mêmes jouer le contre.
03:36 Donc en fait ils sont un peu bloqués par ces joueurs-là,
03:40 par le réservoir de joueurs qu'il y a en Espagne,
03:43 et qui contraint un peu à jouer ce football de possession.
03:47 Parce que ça permet normalement de générer davantage d'occasion.
03:51 Et d'avoir, même si on a des attaquants devant qui sont un peu moins bons que les autres nations,
03:56 en ayant le ballon, à force normalement ça doit rentrer.
04:00 Là, le fait est que ce n'était pas le cas,
04:03 et qu'on a eu des attaquants hier qui ont été quand même assez mauvais, il faut le dire.
04:08 Mais comment on explique que ce cadre idéologique espagnol ait du mal à être peut-être assoupli ?
04:13 On a vu les évolutions en football de club, où la transition est devenue un petit peu la norme,
04:18 et on a vu à quel point le FC Barcelone avait eu du mal justement à se plier à cette norme-là.
04:22 Le Real l'a fait, mais par l'intermédiaire de joueurs étrangers, paradoxalement.
04:27 Pourquoi, en termes de formation, on n'a pas eu cette présence d'esprit-là de se dire
04:32 "peut-être que former des très bons dribblers ça pourrait nous servir, former des attaquants très véloces" ?
04:37 Et quand on voit l'entrée de Williams lors de ce huitième de finale-là,
04:43 il y a un vrai apport. Pourquoi le football espagnol a du mal à produire des profils différents ?
04:50 Parce que c'est très compliqué de remettre en cause des philosophies comme celles qui peuvent être du Real ou du Barça
04:56 au sein d'une formation.
04:58 Il y a une quantité énorme d'éducateurs sur place qui ont été formés pendant des années à une telle technique,
05:03 qui forment derrière et fait que cette façon de jouer fonctionne chez les jeunes.
05:09 Donc en fait, c'est difficile de se remettre en question derrière,
05:12 parce qu'aujourd'hui on attend aussi des résultats chez les jeunes. C'est ça aussi le problème.
05:16 On attend aussi que le U19 remporte la Youth League, etc.
05:20 Et la dernière fois que le Barça a remporté la Youth League, c'était avec ce fameux Chiquitaca, avec la Possession, etc.
05:26 Donc en fait, il faut que la fédération espagnole prenne ça en charge et demande à créer des nouveaux modèles de jeu, etc.
05:36 Pour le coup, l'Espagne a peut-être ce défaut en formation, où les joueurs sont un peu formés dans le même moule, etc.
05:44 Mais elle a beaucoup de bons entraîneurs, de bons jeunes entraîneurs, qui peuvent amener quelque chose de différent.
05:52 Par exemple, si on prend le cas de Diego Martinez, qui est à l'Espagnol, ça ne marche pas très bien à l'Espagnol.
05:57 Mais c'est un très bon entraîneur. Il a appris à l'étranger, pas seulement en Espagne.
06:03 Et donc, lui, il connaît davantage ce football de projection, etc.
06:08 Et d'ailleurs, quand son équipe à Granada tournait, c'était globalement avec des joueurs qui amenaient de la projection,
06:12 mais c'était des joueurs qui n'étaient pas espagnols. Donc ça ramène toujours au même problème, finalement.
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