Jeudi 22 juin 2023, SMART IMPACT reçoit Thomas Matagne (Président fondateur, Ecov)
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00:00 L'invité de ce Smart Impact c'est donc Thomas Matagne. Bonjour, bienvenue. Bonjour.
00:09 Heureux de vous retrouver. Vous étiez venu nous présenter ECOV il y a peut-être un
00:13 peu plus d'un an. Entreprise créée fin 2014, huit ans et demi plus tard. Vous opérez
00:18 combien de lignes de covoiturage ? C'est quoi ECOV ? On a une trentaine de territoires
00:22 sur lesquels il y a une soixantaine de lignes qui sont opérées en France. D'accord.
00:26 Et donc, il faut rappeler le principe quand même, c'est une ligne d'autobus mais du
00:30 covoiturage. C'est un peu ça ? Exactement. C'est étendre le domaine des transports
00:33 collectifs à des territoires qui ne sont pas suffisamment denses pour être bien équipés.
00:37 Et pour ça, en fait, on s'appuie sur les flux de sièges libres qui existent déjà,
00:41 qui sont les sièges libres dans les voitures individuelles. Et donc, un conducteur passe
00:45 par la ligne de covoiturage naturellement et en passant par la ligne, il peut embarquer
00:48 des passagers. Il est libre de le faire s'il veut ou pas. Et pour un passager, c'est
00:52 à lui de prendre comme un bus mais avec une très haute fréquence puisque le temps d'attente
00:56 moyen d'un passager sur nos lignes, il est inférieur à 3 minutes. Donc, c'est la fréquence
01:00 d'un métro dans des territoires pérovains et ruraux. Et pour lui, c'est se déplacer
01:04 comme s'il prenait un transport collectif habituel. Et donc, on a vu une photo, c'est
01:08 vraiment, il y a un abri bus. On attend la voiture comme on attend un bus. Mais comment
01:14 on est informé de qui vient ? Je n'allais pas dire on va choisir le conducteur, mais
01:20 c'est une appli tout simplement. Comment ça marche ?
01:22 Oui, alors c'est un mélange de physique et numérique. C'est ça qui est clé. On
01:25 organise dans le territoire les endroits où les conducteurs peuvent trouver des passagers
01:29 réciproquement. Donc, on comprend comment vont les flux et à ces endroits-là, on met
01:34 des arrêts en lien avec les arrêts de transport collectif. Ça, on le fait avec les collectivités
01:38 européennes. Et concrètement après, pour un passager, il va faire sa demande de covoiturage
01:42 en temps réel sans aucune réservation au moment où il va vers l'arrêt ou même quand
01:46 il est à l'arrêt par l'application smartphone. C'est une immense majorité de l'usage.
01:49 Mais il y a aussi possibilité par du SMS ou même par téléphone si les gens ne savent
01:53 pas utiliser une appli. Et donc, il fait sa demande de covoiturage sur la ligne en disant
01:58 voilà, je vais plus loin sur la ligne. Et l'info est diffusée en temps réel à la
02:02 fois sur les smartphones des conducteurs qui sont équipés et sur des panneaux lumineux
02:06 qui sont au bord de voiries qui informent tout le flux de conducteurs. Et donc, statistiquement,
02:10 le point clé là, statistiquement dans le flux de conducteurs, on va avoir un conducteur
02:13 disponible pour emmener le passager. Est-ce qu'il y a une taille limite, enfin
02:18 un nombre de conducteurs limite pour que ça marche ? Vous voyez ce que je veux dire ?
02:20 Oui, bien sûr. Évidemment, il faut comprendre les flux et avoir suffisamment de conducteurs
02:25 qui participent pour que la ligne fonctionne. Mais le seuil est en fait très bas, ce qui
02:29 fait qu'on arrive à faire ça dans des territoires très ruraux si le taux de participation
02:35 est élevé. Quand on a une voiture sur deux qui s'arrête, ce qui peut être le cas
02:37 dans les territoires qui sont assez solidaires, eh bien ça fonctionne très bien et ça marche
02:41 avec des flux tout petits. Alors, vous avez commencé à l'évoquer.
02:43 Donc, une soixantaine de lignes de covoiturage. C'est quoi ? C'est ce qu'on appelle
02:47 la France périphérique ? Alors, de quoi on parle exactement ? Vous êtes où ?
02:51 On est ailleurs que dans les centres-villes. Et donc, c'est la France dite périphérique
02:55 qui recouvre une très, très grande diversité de situations. Nous, on l'appelle aussi
03:00 la France qui conduit. C'est la France qui est un peu obligée.
03:02 Qui n'a pas le choix quoi, qui doit conduire. Pour l'essentiel des gens, prendre la voiture,
03:07 c'est une obligation. Ce n'est pas forcément une volonté, un choix. Et la prendre seule
03:10 en particulier, c'est rarement une volonté. Mais par contre, c'est des territoires qui
03:15 ne sont pas suffisamment denses qu'on a construit pendant tout le XXe siècle avec
03:19 justement les sortes de la voiture. Pas suffisamment denses pour être équipé de bons transports
03:23 collectifs puisqu'il n'y a pas assez de personnes à transporter. Donc, faire passer
03:26 un bus toutes les 10 minutes, on n'arrive pas à le remplir. Donc, on n'en met pas.
03:29 Donc, les gens sont dépendants de la voiture. C'est à ça qu'on s'attaque.
03:33 Est-ce que le conducteur gagne de l'argent ou est-ce que c'est bénévole ?
03:36 Alors, ça dépend des lignes. Il y a des lignes qui sont sans partage de frais et
03:39 ça marche très bien. Il y en a d'autres qui ont du partage de frais. Il y a deux types
03:42 de partage de frais. Le fait pour un conducteur de proposer ses sièges libres, c'est déjà
03:46 quelque chose. C'est participer à un service public et avoir une petite indemnité de la
03:51 collectivité pour ça et une indemnité supplémentaire quand on embarque un passager.
03:54 C'est des petits montants. On est de l'ordre de 1 euro pour proposer ses sièges libres
03:59 et puis 2 euros par passager pour des trajets de 30 kilomètres. Donc, si on embarque un
04:03 passager, ça fait 10 centimes par kilomètre, par exemple. C'est vraiment du partage de
04:07 frais. C'est intéressant pour le conducteur puisque ça permet d'absorber une partie
04:12 des coûts et c'est très efficace économiquement. Mais alors, votre modèle économique ne repose
04:16 pas là-dessus. Il repose sur les collectivités locales. C'est bien ça.
04:19 C'est ça. Nous, on ne reçoit pas d'argent sur la transaction entre les conducteurs et
04:22 les passagers. Nous, on est payé par les collectivités locales comme pour un transporteur
04:27 RATP, Keolis, Transdev, SNCF. Ce sont des acteurs qui fournissent des services publics
04:32 de mobilité payés par les collectivités qui lèvent l'impôt pour faire ça. Nous,
04:35 c'est la même chose, mais appliqué à des territoires moins denses.
04:38 C'est un modèle qui convainc puisque vous venez d'annoncer, c'était il y a un petit
04:42 mois, une levée de fonds de 11,75 millions d'euros auprès de quels partenaires pour
04:47 commencer et puis ensuite, on va détailler un peu la stratégie.
04:49 Alors, on a la Banque des Territoires qui nous accompagne depuis 2018, qui continue
04:55 de nous accompagner, qui participe à ce tour de financement. On a ensuite BNP Pariva sur
05:00 ses fonds propres, les fonds propres de la banque au titre de son investissement à impact.
05:04 On a ensuite Maïf Impact, qui est le fonds à impact de la Maïf. Et enfin, on a Adem
05:10 Investissement, qui est le bras armé pour l'investissement de l'Agence de l'Environnement
05:15 et de la Maîtrise de l'énergie et qui déploie les fonds de France 2030.
05:18 Qu'est-ce que ça va vous permettre de faire ? C'est quoi la stratégie ?
05:20 Alors, on continue notre stratégie qui, depuis le début, est celle de faire à la fois de
05:26 l'innovation radicale sur plein d'aspects technologiques, data, mais aussi social,
05:32 l'usage et la mise en œuvre sur le terrain. Parce qu'il faut bien être sur le terrain
05:36 pour arriver à faire en sorte de changer les usages. Et donc, on a un objectif de très
05:40 forte accélération du déploiement des lignes de covoiturage en France, puisqu'on se
05:44 focalise sur la France pour l'instant, et en même temps de continuer de l'innovation
05:49 et de faire grandir les deux ensemble. Oui, mais alors quand on parle d'innovation,
05:53 c'est quoi ? C'est sur la data, sur la connaissance du trafic des conducteurs, des
05:59 passagers ? Oui, alors il y a ça. Comprendre les flux
06:01 de voitures, ce n'est pas simple. Déjà, il y a un sujet autour de la data.
06:05 Donc, continuer de développer ça. Continuer de développer ça. Déjà, on a
06:08 un bureau d'études à part entière qui a ses propres outils, qui sont assez uniques
06:12 puisqu'on s'est concentré là-dessus. Mais donc, il y a encore un champ d'exploration
06:15 très important avec des nouvelles sources de données notamment. Mais il y a aussi plein
06:18 d'autres sources d'innovation. En fait, notre slogan, c'est « La voiture est un
06:22 transport collectif ». C'est vraiment repenser le système routier comme un système
06:26 de transport collectif. Or, le système routier, donc les routes et les voitures, ne sont pas
06:31 du tout pensées pour ça. Donc, concrètement, c'est arriver à faire en sorte qu'on
06:36 s'intègre davantage dans le véhicule pour que ce soit naturel en fait dans le véhicule
06:40 de pouvoir partager ses sièges libres, de pouvoir embarquer un passager.
06:44 Quand vous dites « on s'intègre », que l'appli Ecov s'intègre plus naturellement
06:48 dans le véhicule, c'est ça ? C'est ça.
06:49 D'accord. Que le véhicule soit utile à ça. C'est-à-dire
06:50 aujourd'hui, par exemple, les véhicules, ils ont plein de capteurs, mais ils ne mesurent
06:53 pas le taux d'occupation de véhicule. Alors que c'est une information qui serait
06:57 très utile, par exemple, pour pouvoir accéder à des voies réservées ou par exemple pour
07:02 accéder aux zones à faible émission. Il y a l'interaction entre le véhicule et
07:06 son usage et l'environnement, l'infrastructure et la régulation, et quelque chose qui est
07:11 quasiment inexistant aujourd'hui. Mais alors, vous parlez de voies réservées.
07:14 Comment on développe des voies réservées dans des zones rurales où on n'est pas forcément
07:19 sur des deux fois deux voies ? Enfin, je ne vois pas comment c'est possible ça.
07:22 Non, en zone rurale, on ne mettra pas de voies réservées.
07:23 Bon, ok. On est bien d'accord. On ne va pas créer de nouvelles voies, etc.
07:26 Mais nous, on est partout, à l'exception des centres-villes. Et à l'extérieur des
07:30 centres-villes, on a aussi toutes les pénétrantes de métropoles qui sont congestionnées.
07:34 Donc ça, typiquement, ce sont des territoires sur lesquels il va y avoir des voies réservées,
07:37 sur lesquels il y a des voies réservées en expérimentation en France qui ne marchent
07:40 pas encore très bien, mais ça va s'améliorer. Mais surtout qu'on peut améliorer, c'est-à-dire
07:44 qu'on peut arriver à faire plus intelligente que ce qu'elles ne sont aujourd'hui.
07:48 Et donc, sur la base de ce qui peut exister à l'étranger, sur des bonnes infrastructures
07:52 bien exploitées et sur l'innovation qu'on peut apporter, on pense qu'il y a une réinvention
07:56 du système routier complet qui peut être faite.
07:58 Et est-ce que sur les lignes déjà existantes, il y a aussi du potentiel de développement,
08:02 c'est-à-dire faire venir plus de voitures, plus d'utilisateurs, tout simplement ?
08:05 On n'est sur aucun réseau, on est à maturité. Le plus ancien qu'on a, qui est Laine, entre
08:10 Bourgogne-Alieu et Lyon, qui a ouvert en 2019 aux passagers, on est toujours en forte croissance
08:16 de semaine en semaine. Donc, on est toujours dans une phase de croissance au sein de chaque
08:22 ligne et des réseaux en tant que tel. Puisqu'évidemment, c'est des systèmes de réseau, donc il faut
08:27 un petit développement supplémentaire, développer un potentiel complémentaire.
08:30 Et il y a l'interaction des lignes de covoiturage avec les autres modes de transport, et notamment
08:34 les premiers et derniers kilomètres, la trottinette, le vélo, le transport à la demande, plein
08:39 de modes différents qui vont pouvoir compléter les lignes de covoiturage et qui sont aujourd'hui
08:43 dans ces territoires assez peu développés.
08:45 Et donc, c'est là-dessus aussi que vous travaillez en innovation ?
08:47 Aussi, tout à fait. C'est-à-dire que nous, ce qu'on veut, c'est que les gens puissent
08:50 facilement changer leur usage de la voiture. Donc, il faut que ce soit simple. Et donc,
08:54 s'il y a un problème de premiers et derniers kilomètres, il faut aussi qu'on le règle
08:57 et qu'on travaille avec des acteurs qui font ça, qu'on travaille avec les collectivités
08:59 pour construire ce système multimodal qu'on connaît très bien dans le centre-ville,
09:04 mais qui n'existe pas dans ces territoires.
09:05 Est-ce que les utilisateurs sont fidèles ? C'est-à-dire, à Souvrissier, à fidéliser
09:09 les conducteurs et les passagers.
09:10 Oui, on a un taux de rétention, un taux de fidélisation qui est extrêmement bon sur
09:15 le très long terme. On perd pas mal de gens au début, mais une fois passés les six
09:19 mois, on est à 100%, voire à plus de 100%. C'est-à-dire que les gens reviennent sur
09:24 le temps long, sur 24 mois ou plus. Donc, on a une transformation profonde. Et d'autres
09:30 éléments de preuve, c'est qu'aujourd'hui, on a mesuré que sur le service Line entre
09:35 Bourgogne et Lyon, on a 21% de démotorisation de nos passagers. C'est-à-dire que les passagers
09:42 ont revendu l'une des voitures du ménage parce que pour l'un des usages de mobilité,
09:46 ils n'ont plus besoin de leur voiture. Et ça, c'est un peu le graal ultime dans la
09:49 politique de mobilité. C'est-à-dire quand les gens ne sont plus complètement dépendants
09:52 de la voiture et qu'ils peuvent faire autrement, ils peuvent la revendre.
09:54 Un mot de recrutement. On va terminer là-dessus puisque vous venez de lever cette somme près
10:00 de 12 millions d'euros. Vous allez gonfler en nombre de salariés. Quel type de profil
10:05 vous recherchez ? On va croître sur l'ensemble de la chaîne
10:08 de valeur. Ça va être très large en termes de recrutement. On vise une multiplication
10:12 par deux de notre équipe d'ici deux à trois ans. Et donc, on va croître sur des
10:18 postes autour de la R&D technologique et data notamment, mais aussi opérationnel, ingénierie,
10:26 opérationnel marketing, relation client et relation utilisateur.
10:30 On va continuer notre stratégie de gestion de la chaîne de valeur dans son enjeu.
10:35 Et dernier mot, budget de com, de pub. C'est-à-dire que ça se passe avec les territoires quand
10:39 vous signez un contrat. C'est le territoire qui va faire connaître le nouveau service.
10:44 Oui, complètement. Nous, on travaille en marque blanche. C'est la propriété de
10:48 la collectivité, la marque. C'est un actif public. C'est logique que ce soit la marque
10:51 de la collectivité. Mais par contre, on va le mettre en œuvre pour le compte de la collectivité.
10:54 Donc, chaque projet va disposer d'un budget qui va nous permettre de faire connaître
10:58 une marque comme sur Grenoble, par exemple, M Covetling Plus qui est la marque locale
11:02 associée à la marque M qui est la marque de mobilité de Grenoble.
11:06 Merci beaucoup Thomas Matagne. A bientôt sur Bsmart.
11:09 On passe à notre débat, les défis, le secteur de l'alimentation face aux défis RSE.