• l’année dernière
Transcription
00:00 Je voulais vous informer si vous n'étiez pas au courant d'une modification essentielle de Sladkin & Co.
00:06 puisque depuis le 1er janvier, on s'est adossé à un groupe français que vous connaissez bien, qui est très Daniel,
00:13 pour développer cette société comme on l'a développé jusqu'ici avec les actionnaires suisses qui sont remplacés.
00:22 Donc on s'appelle Sladkin & Co. mais on va évoluer vers quelque chose d'autre et compagnie,
00:28 sans doute Istia et compagnie.
00:30 Ça c'était la première chose que je voulais vous dire.
00:33 La deuxième, c'était que nous avons ici Yoann Iacono,
00:36 que vous avez peut-être repéré avec son premier roman il y a 3 ans,
00:41 qui était le Stradivarius de Goebbels, qui donnait...
00:46 Tout le monde voit ce que c'est, pas forcément.
00:48 C'était l'histoire d'une jeune femme de 17 ans, qui était japonaise,
00:54 qui se retrouvait dédicataire d'un Stradivarius que lui offrait Goebbels.
01:00 Elle se retrouvait au nom des forces de l'Axe, à l'époque Japon et Allemagne.
01:05 Elle se retrouvait avec cet appareil qui avait été capté, volé à ses propriétaires juifs.
01:12 Elle se retrouvait à ne pas pouvoir en jouer. C'était l'histoire de ce violon.
01:15 Et Yoann part un peu sur ses rapports pouvoir, intelligence, culture,
01:22 avec ce nouveau projet que vous trouverez dans votre buzzer.
01:28 Merci beaucoup. Merci aux éditions, à Sletkin et à Henri de m'avoir invité.
01:35 Merci à vous de m'écouter.
01:38 Comme le disait Henri, avec ce deuxième roman, j'essaie de poursuivre mon thème de prédilection,
01:48 qui est une réflexion sur les rapports ambivalents qu'entretiennent art et politique,
01:53 avec différentes déclinaisons, soit la politisation de l'artiste,
01:57 soit l'instrumentalisation de l'artiste face au pouvoir.
02:01 Avec le premier roman, Henri en parlait, c'était vraiment une figure d'une jeune violoniste
02:07 qui, pour le coup, n'était absolument pas politisée, mais plutôt instrumentalisée,
02:12 puisqu'un peu à l'image de Furtwängler, elle recevait ce cadeau de Goebbels,
02:17 c'est une histoire vraie, et elle a continué à en jouer toute sa vie,
02:21 sans jamais rechercher à trouver le propriétaire initial juif,
02:26 et en disant que finalement, elle n'avait fait que jouer de la musique,
02:30 qui était sa passion, et sans interroger le symbole politique
02:35 qui avait été l'objet de ce cadeau. Donc ce nouveau roman, et ce deuxième,
02:40 ils continuent dans ce registre-là, sur art et politique, j'ai juste changé de registre,
02:44 j'ai abandonné la musique, pour essayer d'étudier le volet autour de la littérature.
02:50 Je trouvais ça amusant, j'aime bien m'amuser en écrivant,
02:54 sinon c'est long, pendant trois ans ou quatre ans,
02:57 et là, ce qui était intéressant, c'est qu'on retrouve les liens avec les éditeurs,
03:04 avec la distribution, etc., donc c'est assez amusant,
03:07 mais ce thème et ce sujet exploratoire, c'est un poète russe,
03:12 Vladimir Mayakovski, c'est le hasard, parce que l'actualité m'a rattrapé,
03:18 mais j'ai commencé il y a quatre ans, avant le déclenchement de la guerre en Ukraine,
03:22 et le thème principal, c'est vraiment le lien entre l'artiste et le pouvoir,
03:25 plus que la Russie, donc je ne fais pas de lien avec l'actualité actuelle.
03:31 Et ce qui est vraiment intéressant avec ce personnage de Mayakovski,
03:38 c'est qu'en très peu de temps, il est confronté à une succession de pouvoirs,
03:43 puisque c'est un poète révolutionnaire russe,
03:45 donc il a connu avant, pendant et après la révolution russe.
03:48 Et ce qui est assez amusant, c'est que ces régimes-là, c'est une succession d'exceptions pour lui,
03:53 puisque quand il est sous le régime tsariste, c'est un poète révolutionnaire,
03:56 donc il croit beaucoup à la liberté, il croit à la révolution de l'art,
04:01 à mettre fin au conservatisme littéraire, Pushkin, Tolstoy, etc., il veut bouger les lignes.
04:08 Et quand Lénine arrive au pouvoir, la révolution bolchévique,
04:11 il croit enfin que ça va tout changer, que ça va révolutionner l'art, qu'il va être enfin libre.
04:15 Et très vite, il s'aperçoit que le propre de tout pouvoir,
04:18 particulièrement des pouvoirs dans des contextes historiques un peu compliqués, autoritaires,
04:23 font qu'il y a cette volonté de contrôle.
04:25 Et lui est beaucoup trop agitateur, il inquiète, etc.,
04:29 et donc finalement il n'est pas du tout plébiscité par ce pouvoir, et ainsi de suite,
04:34 puisque à la mort de Lénine, c'est les débuts du régime stalinien, donc on imagine le contexte.
04:41 Donc, Mayakovsky, c'est vraiment quelqu'un de... un personnage très moderne,
04:46 c'est un géant de deux mètres, il est fougueux, il est passionné, il est parfois violent.
04:53 Il a un côté un peu Limonov, si j'ose dire, avant l'heure.
04:58 Et en même temps, il est quelqu'un de très amoureux, très généreux, au grand cœur.
05:03 Et c'est un personnage vraiment très... à la fois attachant, mais particulièrement complexe.
05:11 L'idée particulièrement intelligente que vous avez eue, c'est de donner la parole,
05:15 le narrateur est en fait le fils, puisqu'il a eu trois enfants cachés,
05:20 le fils de Mayakovsky, qui est le narrateur et qui fait appel à des pièces d'archives
05:26 que vous avez pour partie inventées, d'ailleurs.
05:29 Oui, effectivement, comme mon premier roman, puisque le premier roman, c'était une histoire vraie,
05:32 donc ça m'a nécessité un très gros travail de documentation, en plus au Japon, puis aux Etats-Unis, etc.
05:37 Donc ça a été assez compliqué. Là, c'est un peu la même chose,
05:40 j'ai mené un travail d'archives assez important, un peu plus simple,
05:44 parce que Mayakovsky était assez documenté, mais quand même.
05:48 Et ce qui est amusant, c'est que Mayakovsky, à un moment donné,
05:52 il a été adoubé par le pouvoir bolchévique, par Lénine, pour d'ailleurs une raison un peu saugrenue,
05:58 avant très vite de s'apercevoir qu'il faisait fausse route,
06:01 et c'est un peu le thème de ce livre, et de reprendre son indépendance et sa liberté,
06:04 ce qui lui coûtera cher. Et à un moment de sa vie, il a eu la latitude de voyager,
06:10 parce qu'à cette époque-là, sous le régime bolchévique, c'était compliqué,
06:14 et donc il a voyagé beaucoup à Paris.
06:18 Au début, il était tombé amoureux d'Elsa Triolet, avant qu'elle émigre à Paris,
06:23 et qu'elle soit la compagne de Louis Aragon.
06:26 Après, il est tombé amoureux de la sœur d'Elsa Triolet, Lili Brick,
06:30 avec laquelle il est resté très longtemps.
06:32 Mais donc il a voyagé à Paris, à Berlin, à New York,
06:35 et en fait, plus il voyageait, plus il était ouvert sur l'Europe, sur l'Occident,
06:41 plus il voyait les artistes libres, et plus pour lui, c'était une forme de contraste.
06:46 En même temps, il était très convaincu par ses idéaux communistes,
06:50 par son souci d'égalité, de partage de la richesse,
06:55 donc il pouvait être critique aussi, vis-à-vis de l'Occident,
06:58 mais par contre, il était toujours saisi par la liberté de création.
07:03 Et dans le livre aussi, j'ai essayé de redonner ça,
07:09 et de vraiment le prendre dans sa complétude,
07:13 et dans ses voyages aussi à l'étranger,
07:15 où d'ailleurs, comme le disait Henri, c'est là-dessus que je voulais réagir,
07:18 il a effectivement eu deux enfants cachés,
07:21 qui n'ont été révélés que très tardivement, en 1991.
07:24 Il a une fille américaine, qui est née à New York,
07:28 et qui a fait d'ailleurs tout un travail de reconnaissance,
07:31 qui n'a pas forcément abouti d'ailleurs avec le régime russe,
07:34 et il a eu un autre enfant caché, mais ça a été très longtemps caché.
07:37 Donc le narrateur, et tant de ses enfants cachés,
07:42 mais pour le coup, imaginés, qui remènent l'enquête sur son père,
07:45 et comme il ne l'a pas connu, en fait, il n'a qu'une vision par bribes,
07:50 et parce que tout ce qu'il a pu retrouver,
07:53 comme archives, comme documents sur son père,
07:56 comme livres, lectures, etc.,
07:58 donc il a une image reconstituée de son père, comme un puzzle,
08:02 et c'est ce qui explique après la structure narrative de ce roman,
08:05 où le narrateur mène son enquête,
08:08 mais parfois il y a des mouvements avec des regards et des voix différentes,
08:13 pour essayer de recomposer l'image hybride et très ambivalente de son père.
08:19 - Pour donner un peu d'actualité à cet autre Vladimir,
08:23 vous avez, et ce n'est pas seulement pour lui donner de l'actualité,
08:25 dédié ce livre à quelqu'un en Russie,
08:29 à qui il a rivé une aventure particulière.
08:32 - Comme je le disais, j'ai commencé ce projet sur l'entame que je vous disais,
08:38 c'est-à-dire vraiment le lien entre art et politique,
08:40 cette question de l'artiste et du pouvoir,
08:43 ensuite j'ai eu une passion personnelle pour la littérature russe,
08:46 j'ai eu la chance d'avoir un père qui lisait énormément de littérature russe,
08:50 donc ça me passionnait,
08:52 et c'est vrai que l'actualité m'a un petit peu rattrapé,
08:55 je remercie d'ailleurs Henri et toute la maison d'édition,
09:00 parce que c'est vrai que dans le contexte actuel,
09:02 certains n'auraient peut-être pas osé sortir ce roman et cette thématique-là,
09:08 parce que j'ai lu des choses, notamment en Italie,
09:11 où on voulait interdire la publication de livres de Dostoevsky,
09:14 ce que je trouve juste hallucinant, mais peu importe.
09:17 Et effectivement, récemment, il y a une tradition en Russie,
09:21 tous les ans, sous la statue de Vladimir Mayakovsky,
09:25 sur la place Triumphalaya de Moscou,
09:27 donc il y a cette grande statue de Mayakovsky,
09:29 et la tradition, c'est que des jeunes poètes,
09:31 inconnus ou connus, viennent déclamer des poèmes,
09:35 tous les ans, une période au mois de juin,
09:38 et cette année, un jeune poète qui s'appelle Artyom Kamardin
09:43 a prononcé un poème plutôt pour la paix,
09:47 assez sobre, et trois jours après,
09:49 il a été arrêté, torturé, violé, emprisonné par la police russe,
09:55 et aujourd'hui, il est accusé de crime contre l'État,
09:59 il risque jusqu'à dix ans de prison,
10:01 et j'ai trouvé que le hasard, finalement,
10:05 venait vraiment interroger sur la poésie,
10:08 en quoi un poète pouvait menacer le pouvoir,
10:10 et manifestement, c'est qu'il doit le menacer
10:12 pour avoir un tel traitement,
10:16 et donc je me suis dit que finalement,
10:18 la poésie comme art de combat, ça n'avait pas d'époque,
10:21 c'était un thème universel,
10:23 et je trouve que ce qui est beau dans la littérature,
10:25 et dans l'art en général,
10:27 c'est les thèmes universels comme ceux-là,
10:29 et Mayakovski, c'est non seulement un thème universel,
10:31 mais c'est aussi une forme de jeunesse éternelle,
10:34 y compris ces grands musiciens, ces grands rockers
10:37 qui sont morts à 33 ans,
10:39 lui, sans trahir la fin,
10:41 de toute façon, c'est assez connu, il se suicide assez jeune,
10:43 et en fait, c'est ce qui fait son aura, sa jeunesse,
10:46 et aussi ses erreurs, ou pas, j'en sais rien,
10:49 mais son parcours ambivalent, chacun le juge,
10:51 fait que c'est ça qui le rend attachant,
10:53 parce que sa vie est loin d'être lisse,
10:56 et c'est ce qui en fait tout le sel et le charme.
10:59 Je m'arrête là, parce que...
11:01 - Vous présentez la suite, c'est bon ?
11:03 - On va parler des arts, non ?
11:05 - Vous en jugerez, je trouve l'écriture de Johan absolument remarquable,
11:09 vous en jugerez vous-même dans ce jeu d'épreuves
11:11 qu'on vous a fait, composé à l'arrache,
11:13 et non corrigé,
11:15 dans lequel vous trouverez, puisqu'on ne peut vous donner qu'un livre,
11:18 un chapitre des trois autres livres de notre entrée,
11:21 que vous verrez à la fin,
11:24 et surtout les trois premiers chapitres du nouveau,
11:28 du dernier Luca di Fulvio,
11:31 qu'on avait titré à l'époque "L'obscure clarté des étoiles",
11:34 en disant de restituer un oxymore,
11:37 comme toujours dans les titres de Luca di Fulvio,
11:40 le gang des rêves, les prisonniers de la liberté,
11:43 et en fait, on n'avait pas donné son titre initial,
11:47 parce qu'on ne voulait pas porter de malheur,
11:50 bêtement, par superstition à Luca,
11:53 et on a ce qu'ils appellent, le vrai titre, "Le paradis caché".
11:56 Et comme vous le savez, Luca di Fulvio est mort la semaine dernière,
12:00 d'une maladie qu'il a habitée,
12:03 puisque c'est un charcot,
12:06 et c'est quelque chose d'irrémédiable,
12:09 et votre corps est de plus en plus prisonnier,
12:12 à l'intérieur de votre propre corps qui se rétracte,
12:15 il ne pouvait plus écrire, mais continuait d'écrire,
12:18 évidemment, la suite du gang des rêves,
12:21 et de relire, par exemple, parce qu'il est mort le lendemain,
12:24 d'avoir relu les épreuves de la traduction du "Paradis caché",
12:28 mais il est mort trop tôt, ça nous a énormément choqués,
12:32 et je pense que vous connaissez tous cet auteur maintenant,
12:36 grâce à Pocket, qui a permis de transformer
12:39 le succès du gang des rêves et des autres titres.
12:42 Celui-ci, comme toujours chez Luca,
12:45 se passe à la frontière très exacte
12:48 d'un sombre Moyen-Âge,
12:51 et d'une renaissance où l'humanisme va prendre le pas
12:55 sur le déisme, ou plutôt sur la personne de Dieu et de la royauté,
13:00 et c'est exactement, dans le gang des rêves,
13:03 c'est au moment de la naissance de la modernité,
13:06 l'invention du cinéma parlant, etc.,
13:09 "Les prisonniers de la liberté", c'est aussi une jonction, etc.,
13:13 et surtout dans "Les enfants d'Enis",
13:16 et là, la jonction, ça se passe en avril 1633,
13:19 qui est le moment où Copernic est jugé,
13:22 pardon, Galilée est jugée,
13:25 pour avoir, après Copernic en Pologne,
13:28 50 ans plus tôt, parlé de l'héliocentrisme.
13:31 Mais en Italie, dans cette Italie,
13:34 qui se passe à la fois dans le roman "Entre Rome et une région montagneuse",
13:38 à l'ouest de l'Italie,
13:41 c'est la queue, si vous voulez, de l'Inquisition.
13:44 C'est-à-dire qu'il y a des procès pour sorcellerie,
13:47 en veux-tu, en voilà, et le cœur de cette histoire,
13:50 c'est deux enfants qui sont réunis par hasard dans un orphelinat,
13:54 vous aurez toute la trame en trois chapitres, comme d'habitude,
13:57 et après ça galope pendant 700 pages,
14:00 qui se retrouvent réunis, qui sont séparés,
14:03 la jeune fille qui s'appelle Susanna,
14:06 et le garçon Daniele, la jeune fille se marie,
14:09 on retrouve son mari mort,
14:12 et on l'accuse de sorcellerie et d'avoir tué son mari,
14:15 et Daniele, qui lui était dans un couvent,
14:18 et qui travaillait évidemment à côté du grand inquisiteur,
14:21 se retrouve à retrouver cet amour d'enfance,
14:24 et tout le charme de Luca va éclater dans ce roman,
14:27 ce n'est pas parce que c'est le dernier,
14:30 mais il faut être conscient qu'il l'écrit au moment où il est malade,
14:33 donc il y a une sorte de puissance définitive
14:36 que je vous invite à lire.
14:39 Vous verrez que dans ce livre,
14:42 on a créé un site pour vous,
14:45 qu'on a appelé contactistiasledkine.fr,
14:48 il vous suffit d'écrire à ce site
14:51 pour nous demander un de ces quatre titres,
14:54 et on vous l'enverra immédiatement,
14:57 et je vous remercie de nous avoir écoutés aussi gentiment.
15:00 (Applaudissements)
15:03 (...)
15:06 (...)

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