Jeudi 15 juin 2023, SMART IMPACT reçoit Jean-Marc Guillemet (Directeur des opérations, Petit Bateau) et Renan Devillières (Président directeur général, OSS Ventures)
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00:00 Retrouvez le débat de Smart Impact avec Veolia.
00:06 Comment la numérisation peut faciliter le passage à une économie plus circulaire ?
00:16 Voilà ce que l'on va voir ensemble dans le secteur du textile, avec un focus sur le textile, tout de suite avec Renan De Villers.
00:23 Bonsoir, bonjour, bienvenue. Vous êtes le PDG d'OSS Venture et puis avec nous en visioconférence en duplex.
00:29 Jean-Marc Guillemet, directeur des opérations de Petit Bateau. Bienvenue à vous aussi.
00:33 Une présentation d'OSS Venture pour commencer, c'est quoi ?
00:36 Donc, OSS Venture, c'est un venture builder qui a été créé il y a trois ans et demi.
00:40 Alors un venture builder, c'est le même business model qu'un fonds d'investissement.
00:43 Donc notre métier, c'est de détenir des parts d'entreprises tech à très forte croissance.
00:47 La particularité d'un venture builder, c'est qu'au lieu d'investir dans des boîtes qui existent déjà, on crée des boîtes qui n'existent pas.
00:53 Et la petite différence qu'on a, c'est qu'on co-crée des entreprises avec des industriels et on ne fait de la tech que pour notre tissu industriel en France et en Europe.
01:03 Ok. Et donc, on va voir en détail ce que vous avez créé ensemble parce que c'est vraiment un projet commun avec Petit Bateau.
01:11 Jean-Marc Guillemet, Petit Bateau, Marc Santner, fondé en 1920, qui fait évoluer son business model.
01:17 C'est ce qu'on va raconter ensemble pendant ce débat et ça se fait étape par étape.
01:22 Quelle était peut-être la philosophie de ce changement de business model et le premier défi à relever ?
01:30 Bonjour à tous. Petit Bateau, je me permets même de rappeler que nous sommes nés en 1893.
01:37 Et le site historique de Troyes, où je suis actuellement, a été fondé en 1893.
01:43 Donc on a le plaisir de fêter nos 130 ans cette année.
01:46 Petit Bateau, pourquoi réinventer le modèle ? Eh bien, c'est d'abord un principe qui nous saute aux yeux il y a 4 ans maintenant
01:55 qui est qu'on ne peut plus produire comme autrefois dans le textile.
01:59 Et produire comme autrefois, c'était produire sur base de prévision, avoir beaucoup de stock et puis essayer de vendre au mieux.
02:06 Et puis après, écouler la marchandise comme on pouvait via des soldes ou des magasins d'usines.
02:12 Le modèle, il est révolu, surtout dans un contexte de plus en plus fluctuant, de plus en plus incertain.
02:18 Et donc nous décidons, il y a 4 ans, de changer de modèle et de se mettre à produire au plus juste.
02:23 C'est-à-dire d'être capable, en cours de saison, de reproduire les modèles qui vont plaire le plus à nos clientes
02:29 et en particulier en s'appuyant sur cette usine française.
02:33 Et donc on est capable aujourd'hui de produire 30% de ce qui va être vendu dans une saison
02:40 pendant la saison de commercialisation, en ayant complètement revu la façon de produire
02:47 et en particulier en investissant dans notre outil industriel.
02:51 Vous avez là sous les yeux une imprimante numérique, une imprimante Gédan,
02:56 qu'on a été les premiers en France à être capable d'imprimer comme ça sur notre tissu emblématique qu'on appelle la maille.
03:03 Et cette imprimante nous permet de faire aujourd'hui plus de 400 000 mètres d'imprimés tous les ans en étant très rapide.
03:10 On est passé de 3-4 mois de développement à 1 mois.
03:14 On est passé de 3-4 semaines de production sur ce genre de tricot imprimé en une semaine
03:20 et même une journée quand nous avons vraiment des urgences.
03:25 - Je vous interromps un petit peu, ça veut dire que vous avez réinternalisé cette impression ?
03:34 C'était ça déjà le point de départ ?
03:37 - Oui, on est déjà unique en France puisque nous avons toute la chaîne de valeur intégrée,
03:42 du tricotage en passant par la teinture, l'ennoblissement, la coupe et la confection.
03:47 Ça n'existe plus du tout en France ce genre d'industrie.
03:51 Il nous manquait un maillon, l'impression et donc nous avons décidé de réinternaliser ces productions
03:58 qui étaient sous-traitées jusqu'alors en investissant dans le futur avec cette machine dont je viens de vous parler.
04:05 - Renan de Villières, je reviens vers vous avec ce partenariat entre OSS Venture et Petit Bateau.
04:12 A quelle étape de cette évolution, transformation du business model vous intervenez ?
04:20 - Je pense qu'on s'est connus il y a deux ans déjà avec Jean-Marc.
04:25 Nous chez OSS Venture, on est assez pragmatique.
04:29 On dit que ce sont les clients qui savent, qui ont ce qu'on appelle dans notre jargon les pain points, les choses à régler.
04:35 Un des pain points qui est à peu près verré partout dans le textile, c'est le contrôle de la qualité du tissu.
04:42 Le contrôle de la qualité du tissu, c'est beaucoup plus compliqué qu'il n'y paraît.
04:46 Notamment parce que la taille des mailles, un trou c'est quoi ?
04:50 C'est une maille qui est plus grande que les autres.
04:52 Mais comment on définit un trou qui est trop grand, trop petit, etc. ?
04:56 C'est encore plus compliqué si jamais il y a des retours de clients et que là, il n'y a pas de standard.
05:01 Et ça, c'est le cas d'utilisation de l'intelligence artificielle et notamment de ce qu'on appelle le computer vision.
05:06 Quand on a commencé à collaborer avec Jean-Marc, on a juste fait le tour de l'usine et on a écouté tout le monde.
05:13 Et quand on a écouté tout le monde, il y avait ce truc-là, les trous, le contrôle de la qualité du tissu.
05:18 Et la deuxième chose, c'était les compétences.
05:21 Parce que ce dont Jean-Marc parle, c'est une révolution totale dans une usine,
05:26 de remettre des métiers, de réengager des gens sur des métiers qui n'existaient peut-être plus en France et dans le tissu industriel.
05:33 Donc c'était vraiment les deux choses.
05:34 Et il se trouve que sur la première, c'est une co-construction.
05:38 C'est-à-dire qu'on a fait venir quelqu'un qui était revenu des États-Unis,
05:41 qui bossait dans un équivalent des GAFAM, pour bosser A3 dans l'intelligence artificielle, pour regarder ça.
05:50 Pour la deuxième partie, la compétence des collaborateurs, on avait déjà vu ça chez les industriels.
05:55 Et donc on avait une solution Mercatim qui avait déjà été développée, qu'on a commencé à co-construire.
06:00 Alors on va y revenir en détail sur ces deux aspects.
06:03 Le premier aspect, avec ce rôle de l'intelligence artificielle.
06:06 Vous avez co-créé une startup qui s'appelle Otomi, c'est ça ?
06:12 Et alors qu'est-ce qu'elle fait ?
06:14 C'est quoi ? C'est des caméras au lien de l'intelligence artificielle qui détectent les défauts de la maille ?
06:21 C'est ça. Et surtout, une caméra, ça ne s'arrête jamais, ça ne se fatigue jamais.
06:26 C'est répétable, c'est-à-dire que ça fait tout le temps le même boulot.
06:29 Et c'est capable de détecter tous ces écarts.
06:31 Et donc Otomi, c'est quoi ? Vous prenez n'importe quelle caméra, et vous mettez le flux vidéo sur Otomi.
06:39 Et ce qui est très important pour nous, c'est que c'est les collaborateurs et les collaboratrices qui disent à Otomi
06:44 "ça c'est un trou, ça c'est pas un trou, ça c'est un défaut, ça c'est pas un défaut, voilà ce que ça fait, voilà ce que ça fait pas".
06:48 Pourquoi ? Parce que c'est les gens sur le terrain qui savent.
06:51 Et une fois que les gens sur le terrain, ils ont entraîné cette caméra,
06:54 en fait la caméra elle est 24/7, elle regarde tous les défauts,
06:56 et les gens, les collaborateurs, les collaboratrices, ils peuvent aller sur des tâches à plus haute valeur ajoutée.
07:02 Parce que dans cette nouvelle façon de faire dans l'industrie, il y a plein de choses à faire.
07:08 Et donc rester devant un métier à tisser pour regarder s'il y a des défauts,
07:11 c'est pas comme ça qu'on va créer le futur de l'industrie.
07:13 Et puis c'est pas le métier le plus intéressant, on le compromet.
07:15 Jean-Marc Guillemet, comment ça fonctionne ? Vous en êtes à quel stade de l'utilisation d'Otomi ?
07:21 Alors on est effectivement sur nos métiers à tricoter, avec un essai sur un métier,
07:27 et puis après progressivement un déploiement sur une douzaine de métiers les plus importants,
07:33 qui produisent les tricots les plus utilisés chez nous,
07:37 pour être capable, comme l'expliquait Renan, de piéger le défaut au plus tôt,
07:42 et puis après on va, grâce à cette intelligence artificielle, décider du devenir de ce défaut.
07:48 Est-ce qu'on le laisse continuer dans la chaîne de valeur et on va le piéger plus tard,
07:51 ou est-ce qu'immédiatement on isole et on met de côté le tricot des effectueux ?
07:55 Ce qui est génial, c'est que ça nous permet d'améliorer encore plus la qualité de nos produits,
08:00 ça nous permet évidemment de réduire les coûts de non-qualité matière,
08:07 et puis on fait du bien aussi à l'environnement,
08:09 puisque à chaque fois qu'on a un défaut, c'est potentiellement la matière qu'on est après obligé de jeter,
08:14 donc on a gâché quelque part de l'énergie, des matières premières, pour rien.
08:19 Donc c'est vraiment une aide très importante pour nous améliorer en termes de performance.
08:26 Renan De Villiers, l'autre pilier dont vous avez parlé, c'est cette solution numérique qui s'appelle Mercatim. De quoi il s'agit ?
08:32 Mercatim, c'est quelque chose d'assez marrant. C'est la deuxième boîte qu'on a créée il y a un peu plus de trois ans.
08:38 On allait dans les usines, nous on est encore une fois très pragmatiques,
08:42 on se fait deux ou trois usines par semaine, et on va littéralement dans les usines,
08:46 et on écoute les gens, on leur dit ce qu'il ne faut pas.
08:48 Et en fait, on s'est rendu compte que tous les managers, ils ont un Excel,
08:52 et dans l'Excel, en ligne, il y a le nom des gens, et en colonne, il y a les postes de ce qu'ils savent faire.
08:58 Pourquoi ? Parce que quand vous avez une équipe de 20 personnes,
09:02 qu'il n'y a pas tout le monde qui sait opérer toutes les machines,
09:04 et qu'il y en a quatre qui demandent les vacances en même temps,
09:06 comment est-ce que je fais pour les donner, pas les donner, faire le planning, etc.
09:09 On s'est rendu compte qu'ils avaient tous ça.
09:11 Ça c'est la première chose dont on s'est rendu compte.
09:13 La deuxième chose dont on s'est rendu compte, c'est que la gestion de carrière,
09:16 de ce qu'on appelle nous les cols bleus, et alors nous on est amoureux des cols bleus,
09:20 c'est un niveau en moyenne qui est nul.
09:24 C'est-à-dire que ce n'est pas assez bien géré, on ne sait pas qui sait faire quoi,
09:27 on ne valorise pas, il n'y a pas cet amour du beau geste.
09:30 Alors dans le luxe, évidemment, ça existe, mais dans les autres métiers manuels,
09:33 alors Petit Bateau étant un peu une exception, mais dans les autres métiers très manuels,
09:36 il y a cette dévalorisation de ce qui pourtant est une énorme richesse dans l'industrie,
09:40 ils recrutent énormément.
09:42 Donc on a vu ces deux choses-là, et on a dit "Ok, on va filer au manager
09:46 la possibilité de reconnaître les compétences de tout le monde
09:49 et de faire son planning de façon automatisée.
09:51 Et on va filer au col bleu la possibilité de reconnaître les compétences de chacun,
09:55 de dire "Moi j'ai envie d'aller par là, j'ai envie d'évoluer, j'ai envie de savoir faire ça."
09:58 Et donc de faire cette gestion de carrière qui est aujourd'hui un standard chez les cols blancs.
10:01 Vous allez dans une tour à la Défense, en moyenne il y a ça qui est fait.
10:04 Vous allez dans une usine, dans une des 55 000 usines françaises, en moyenne ça ne s'est pas fait.
10:08 D'accord. Jean-Marc Guillemet, comment vous l'utilisez ?
10:10 Je crois que c'est déjà déployé sur deux sites de production.
10:14 Il y a aussi une logique de transmission de savoir qui est un enjeu important
10:18 pour un métier comme le autre.
10:20 Oui exactement, si on parle de la confection qui est vraiment un métier de savoir-faire,
10:25 où on a d'ailleurs notre propre école de formation.
10:29 On va apprendre des gens qui viennent d'horizons très divers,
10:32 et on va les former pendant 12-18 mois pour qu'ils apprennent ce métier,
10:37 et qu'ils apprennent les 10, 20, 30 opérations élémentaires
10:42 qui vont au final permettre d'avoir une confectionneuse expérimentée.
10:50 Cet outil Mercatim au sein de notre atelier de confection va nous permettre de suivre
10:55 l'évolution des compétences de chacun de nos collaborateurs,
10:58 de penser à du recyclage aussi éventuellement.
11:01 Donc c'est une aide précieuse et comme l'expliquait Ronan,
11:05 ça va bien au-delà de l'outil Excel qui était souvent à l'apanage de chaque chef d'équipe
11:11 sans avoir une vision consolidée au niveau de l'atelier.
11:13 Là ça nous permet à tout niveau d'avoir le bon niveau d'agrégation
11:17 pour gérer au mieux ces compétences.
11:19 C'est donc effectivement des compétences mieux gérées pour nos opératrices
11:23 et puis une performance globale au niveau de l'atelier qui est accrue, qui est simplifiée.
11:28 - Jean-Marc Guillemet, un dernier mot, il nous reste un peu plus d'une minute
11:31 parce que je parlais des étapes mais ça touche encore peut-être plus au business model.
11:36 Vous créez votre place de marché, votre marketplace de location de vêtements pour enfants.
11:41 Donc là on commence à passer de la possession à l'usage.
11:44 - Effectivement, quand on bascule dans un modèle d'affaires circulaires,
11:48 on se dit que quand on fabrique des produits durables,
11:51 des produits qui durent plus longtemps que leur usage,
11:53 il est malin de proposer de nouveaux services.
11:56 On proposait déjà un service omnicanal sur la seconde main.
12:00 C'est aussi de la location de vêtements que nous proposons depuis novembre
12:04 pour les bébés qui vont changer 5 à 6 fois de taille la première année.
12:09 Nous, nous proposons de la location de vêtements.
12:12 C'est opéré de notre site logistique de Bouchères, donc ici basé aussi à Troyes
12:17 et ça nous permet vraiment de basculer dans ces nouveaux modes de fonctionnement.
12:21 Et ça, c'est issu aussi de discussions qu'on a eues avec Ronan il y a deux ans
12:26 pour intégrer ces nouveaux modes de fonctionnement.
12:29 Donc si je peux me permettre de rajouter un mot,
12:31 au-delà des outils que proposent Ronan et OSS,
12:34 pour nous c'est un état d'esprit différent qui est apporté
12:38 et ça nous fait du bien, j'allais dire nous à l'industrie,
12:42 que des startups, que des boîtes qui se créent comme ça s'occupent de nous
12:45 et nous aident à transformer nos modèles.
12:48 Merci beaucoup, merci à tous les deux et à bientôt sur Bsmart.
12:52 On passe à Smart Eyes, la restauration collective au Média.
12:55 Merci Jean-Marc.