• il y a 3 ans
Témoignage de Patricia Oddo : mon mari a assassiné mes deux enfants

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Transcription
00:00 Pour quelqu'un de sensé, est-ce qu'on peut imaginer qu'un homme ou qu'un père va faire du mal à son enfant ?
00:06 Je m'appelle Patricia Odo, j'ai 61 ans, je suis la mère de 4 enfants.
00:15 J'ai écrit "Survivre au pire" et dans ce livre, je raconte comment j'ai survécu
00:22 à la mort de mes 2 enfants assassinés par leur père en 1990.
00:28 Je ne travaillais pas à l'époque et très vite, j'ai souhaité reprendre une activité.
00:34 Et ça, il ne voyait pas ça du bon oeil.
00:37 Je pense que ça a été un élément déclencheur.
00:42 En février 1990, quand je lui propose qu'on se sépare, il accepte.
00:46 Dès qu'il avait les enfants en garde, la nuit il m'appelait pour me dire que je ne les reverrai plus.
00:51 J'avais fini par décrocher le téléphone la nuit quand il les avait, pour ne plus entendre.
00:56 C'est un chantage pour vous qu'il exerce ?
01:01 Pour moi, c'est un chantage qu'il exerce.
01:04 J'avais décidé de me séparer définitivement de lui.
01:09 Parce que je sentais mes enfants en danger, moi également, mais surtout mes enfants.
01:18 C'était ça la priorité.
01:20 Fin août arrive et nous décidons de nous retrouver.
01:23 Je me sépare de mon intention de divorcer.
01:26 Et lui, il me refuse.
01:28 Il me dit "Moi, je m'en fous. Tu fais ce que tu veux, mais moi je veux que tu restes vivre avec moi."
01:33 Et ce jour-là, dans la maison, autour de toutes les pièces,
01:37 il avait fait agrandir des photos de moi.
01:42 Partout, sur le placardé, sur tous les murs, des photos que de moi.
01:47 Sur le pas de la porte, je me retourne et je lui demande "Jacky, est-ce que je vais revoir les enfants ?"
01:53 Donc ça, ça devait être un jeudi.
01:55 Et lundi matin, dans ma boîte à lettres, j'ai eu la réponse à ma question.
02:03 La question n'est pas de savoir si tu vas revoir les enfants.
02:07 La question est de savoir comment éviter de ne pas les revoir.
02:11 La balle est dans ton camp.
02:13 Je m'en souviens, ça a été prononcé il y a 30 ans, mais je ne les ai jamais oubliés.
02:16 Parce que ça dépend de toi.
02:19 Si tu veux revoir les enfants, reste vivre avec moi.
02:22 Mais est-ce que je serais vivante ou est-ce qu'on serait morts tous les quatre ? Je ne sais pas.
02:26 C'est toujours la question que je me suis posée.
02:28 Alors je rappelle les faits.
02:30 Le mardi 5, il a été acheté l'arme, le matin, avec les enfants.
02:36 Et le mercredi matin, ils ont été tués.
02:42 Je suis arrivée le mercredi à 18h, puisque c'était l'horaire où je devais retrouver Lucie et Sylvain.
02:48 Et personne ne répondait.
02:50 Donc je suis partie dans la ville, partout où j'aurais pu les trouver.
02:56 J'ai fait part à la centrale de toutes mes inquiétudes.
02:59 Ils m'ont proposé dès 10h de me rejoindre devant chez Jacquie.
03:04 Ils étaient accompagnés d'un serrurier.
03:07 Là, on a ouvert la maison.
03:08 À ce moment-là, je me suis dirigée tout de suite vers le garage, parce que dans ma tête, c'est s'il y avait la voiture.
03:13 Il y avait quelque chose de grave qui s'était passé.
03:15 Je suis allée et en effet, il y avait la voiture.
03:17 J'ai vu son blouson sur une chaise de la cuisine.
03:20 Quelqu'un est monté à l'étage.
03:22 Il est redescendu aussitôt.
03:23 Là, tout de suite après, il y a cette personne ou une autre, je ne sais plus, a appelé les pompiers.
03:28 C'était quelque chose de fou.
03:29 Un moment qu'on n'oublie jamais.
03:31 Je savais à ce moment-là que ma vie allait basculer.
03:34 Je ne pouvais pas crier, je ne pouvais pas pleurer.
03:36 Le médecin m'a dit que Lucien Sylvain était mort.
03:39 J'aurais dit, et si j'étais arrivée hier, si j'avais ouvert la maison, si j'avais cassé un carreau, est-ce que j'aurais pu les sauver ?
03:48 Ils m'ont dit non, c'était déjà trop tard.
03:50 Je me réveille donc à l'hôpital de Dieppe.
03:52 Un psy vient me voir, un psychiatre vient me voir.
03:55 Il me demande pourquoi je suis là.
03:57 Et je lui dis oui, mon mari a tué mes deux enfants.
04:02 Mais vous savez, je vais continuer à vivre.
04:05 Je ne sais pas comment, mais je sais que je vais continuer à vivre.
04:08 J'aurai d'autres enfants.
04:09 Vous savez, j'ai envie de vomir de vous dire que j'aurai d'autres enfants et que je vais continuer à vivre.
04:13 Parce que ce n'est pas juste, ce n'est pas normal.
04:15 Mais je sais que je vais continuer à vivre.
04:17 Ce choix, cette décision que j'ai prise en toute conscience,
04:22 je dis m'a sauvé la vie.
04:28 À ce moment-là, j'enterrais Lucie et Sylvain avec leur père et non pas avec leur meurtrier.
04:35 L'acte qui aujourd'hui brise ma vie, parce que oui, la mort de Lucie et Sylvain est un traumatisme énorme.
04:44 Mais je lui pardonne, parce que j'ai décidé de continuer à vivre.
04:48 Et que je sais que si je ne pardonne pas, je ne pourrai pas un jour trouver la paix, la sérénité.
04:54 Je ne pourrai pas vivre sereine.
04:56 J'ai été hospitalisée en clinique psychiatrique, trois jours après l'enterrement.
05:01 Et la personne auprès de qui je me suis assise ce jour-là, c'est un grand jeune homme, Eric.
05:09 Et voilà, nous nous sommes rencontrés, et quand on est sortis, lui en premier, puis moi quelques semaines après,
05:18 nous étions promis de nous retrouver.
05:21 Donc en décembre, on s'est revus en décembre 1990, et là on s'est aimés, voilà.
05:29 Et Thibaut est arrivé en 92, Angélique en 1994, et c'était voilà, aujourd'hui, à partir de ce moment-là,
05:42 je savais pourquoi je vivais. Je savais pourquoi me lever chaque matin.
05:52 Pourquoi… pour qui j'allais raconter encore des histoires, pour qui j'allais chanter encore,
05:57 pour qui… avec qui j'allais me promener encore.
06:01 Et ça c'est extraordinaire, de revivre à nouveau la maternité.
06:09 Alors, survivre à la mort de ses enfants est très culpabilisant.
06:14 Bien sûr qu'on a envie de rejoindre son enfant, c'est tout à fait légitime.
06:19 C'est tout à fait légitime, mais à la fois…
06:23 Moi je me suis toujours dit que tant que je serais en vie, Lucie et Sylvain vivraient.
06:31 À travers moi, ils sont là, je suis leur mère, je reste leur mère.
06:36 Et ça, c'est pour toute ma vie, c'est pour toute cette ère.
06:41 Et aujourd'hui, j'ai mon fils Thibaut, j'ai ma fille Angélique, grâce à l'écriture de mon livre,
06:48 ils connaissent Lucie et Sylvain, ils connaissent qui je suis,
06:54 ils connaissent le parcours de vie que j'ai eu, et je dis que j'ai eu raison de continuer à vivre.
07:02 [Musique]

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