IMMIGRATION - « Jusqu’où l’État nous laissera dans cette situation ? » Deux mois après le début de l’occupation d’une école désaffectée dans le 16e arrondissement de Paris, le 4 avril dernier, les associations d’aide aux migrants réclament plus que jamais une mise à l’abri pour les quelques 500 jeunes qui vivent maintenant dans des conditions particulièrement précaires, sans eau courante ni électricité.
Comme vous pouvez le voir dans notre reportage vidéo, Le HuffPost a visité les lieux aux bord de la saturation, jeudi 1er juin. Les bénévoles estiment que cette occupation ne fait que répondre à la dispersion systématique des campements de migrants et à la pression policière dans les rues de Paris depuis quelques années.
Comme vous pouvez le voir dans notre reportage vidéo, Le HuffPost a visité les lieux aux bord de la saturation, jeudi 1er juin. Les bénévoles estiment que cette occupation ne fait que répondre à la dispersion systématique des campements de migrants et à la pression policière dans les rues de Paris depuis quelques années.
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00:00 Combien seront-ils demain ?
00:02 Derrière ce mur, dans les quartiers aisés du 16e arrondissement de Paris,
00:05 près de 500 jeunes migrants ont trouvé refuge dans une école primaire désaffectée.
00:09 Ces dernières semaines, les associations ont vu les tentes et les lits de fortune se multiplier ici,
00:14 une situation qui met en exergue le nombre grandissant de mineurs non accompagnés en France.
00:19 En 2022, l'État en recensait près de 15 000.
00:22 C'est trois fois plus qu'il y a dix ans.
00:23 Selon l'UNICEF, il n'y a même jamais eu autant de filles et de garçons en mouvement dans le monde
00:27 depuis la Seconde Guerre mondiale.
00:30 Voilà, donc ça c'est la deuxième cour.
00:33 Les jeunes dorment dans des salles de classe.
00:36 On a mis les numéros dessus.
00:37 On sait qu'on a 24 jeunes dans la chambre 14.
00:42 On sait qu'on a 50 jeunes dans la chambre 9.
00:45 Et du coup, ça c'est le résultat d'une situation qui s'enlise.
00:49 Et on se demande jusqu'où ?
00:50 On se demande jusqu'à combien ?
00:51 On se demande jusqu'où l'État nous laisse dans cette situation ?
00:55 [Musique]
01:12 On est rentrés dans une situation assez inédite,
01:14 mais qui pour le coup va malheureusement devenir, je pense,
01:18 usuelle et pérenne,
01:19 qui est en fait zérotante dans Paris.
01:21 Il y a les JO qui approchent.
01:23 Ça veut dire qu'il n'y a pas de recensement par les institutions.
01:26 Ça veut dire qu'en fait ils sont invisibles, rien n'existe.
01:30 Et donc l'école, ça a été en premier lieu un refuge pour dire stop, ça suffit.
01:35 Ces jeunes sont arrivés ici après un périple dangereux
01:37 depuis le Mali, la Guinée ou encore la Côte d'Ivoire.
01:40 D'anciennes colonies françaises marquées par des années de crises humanitaires ou politiques,
01:44 ils affirment tous avoir moins de 18 ans,
01:46 ce que l'Aide sociale à l'enfance a réfuté après examen de leur dossier.
01:50 Il faut dire que l'évaluation de la minorité ou non des jeunes migrants
01:54 est très difficile et particulièrement débattue en France.
01:57 En 2014, le Haut conseil de la santé publique
02:00 affirmait qu'il n'y a aucune donnée scientifique
02:02 permettant de déterminer avec précision et fiabilité l'âge d'un individu.
02:07 Ils sont accueillis avec une ambiance de soupçon.
02:09 C'est des évaluations qui sont faites à charge
02:11 et on leur demande de prouver qu'ils sont mineurs.
02:13 Alors qu'en réalité, ce serait en face,
02:16 qu'on devrait essayer de prouver qu'ils ne le sont pas
02:18 si on pense qu'ils ne le sont pas.
02:19 Ça veut dire que ces jeunes se retrouvent dehors,
02:21 c'est traumatisant, c'est des jeunes qui ne seront pas soignés,
02:23 qui peuvent être récupérés par les trafiquants, etc.
02:26 Et donc on laisse s'aggraver déjà une situation de fragilité.
02:29 Vous savez en Guinée, il y a toujours des grèves.
02:32 Même si tu restes là-bas, tu ne peux pas gagner ta vie.
02:35 Un jour, il vient un gars tout.
02:37 Moi, je n'ai pas demandé à venir.
02:39 C'est ma mère qui a eu peur.
02:41 Qu'un jour, elle retrouve son fils.
02:43 Parce que les terroristes, ce sont des gens qui recrutent en fait.
02:46 Qui recrutent, qui ne te donnent pas le choix,
02:48 qui te proposent beaucoup de choses.
02:49 C'était un trajet difficile ?
02:50 Très difficile.
02:52 Je ne vais pas mettre en vue tout ce que j'ai traversé sur la route.
02:56 Mais je crois que tous ceux qui ont traversé le désert savent de quoi je parle.
02:59 Dernièrement, l'endroit a attiré l'attention de groupuscules d'extrême droite.
03:03 Il y a eu des manifestations d'opposants,
03:05 des tentatives d'intrusion autour du bâtiment.
03:07 Les associations craignent des débordements violents,
03:09 surtout dans un contexte de virulente opposition
03:12 à des centres de demandeurs d'asile ailleurs en France.
03:15 En 2022, la défenseure des droits rappelait dans un rapport
03:17 que les mineurs non accompagnés sont davantage vus
03:20 comme des personnes en situation irrégulière ou des délinquants,
03:24 avant d'être considérés comme des enfants en danger.
03:26 Eux, leur souhait, c'est d'étudier, apprendre un travail,
03:32 rester en France, avoir une vie de meilleure qualité
03:36 que celle qu'ils avaient dans leur pays d'origine.
03:38 Et le problème, c'est quand ils arrivent là,
03:40 les conditions sont très très dures.
03:42 Qu'est-ce que vous aimez en France ?
03:43 J'aime bien l'école.
03:44 Et puis je suis basé sur l'égalité, la fraternité, l'égalité.
03:49 C'est ça ?
03:49 Liberté.
03:50 Merci, c'est la liberté, tu peux faire comme tu veux,
03:52 tu peux t'exprimer comme tu veux.
03:53 Mon échénie, d'abord, c'est de jouer au foot.
03:56 Après, aller à l'école.
03:58 Dans le futur, si y a un travail, on va le faire.
04:00 Pour avoir une avenue meilleure.
04:02 Moi, j'ai pas eu la chance d'aller à l'école.
04:03 Moi, mon premier objectif, c'était d'aller à l'école.
04:07 Maintenant, après l'école, maintenant,
04:09 travailler et puis m'intégrer.
04:10 Quel travail ?
04:11 La carrosserie.
04:12 Ce sont des jeunes qu'il faut intégrer, qui sont de vraies forces,
04:15 qui ont une vraie envie de travailler, d'apprendre.
04:18 C'est une jeunesse qui arrive avec de l'enthousiasme,
04:20 qui aime notre pays, qui a envie de faire quelque chose.
04:23 Mais ne pas le faire, c'est créer des problèmes de précarité
04:26 qu'on devra réparer après.
04:27 Donc je pense quand même que ça, c'est audible,
04:30 même par des pouvoirs publics.
04:31 Parce qu'aujourd'hui, ne pas accueillir
04:33 coûte beaucoup plus cher que d'accueillir proprement, dignement.
04:36 [musique]