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00:00 * Extrait de « La vie de la vie » de La Marseillaise *
00:19 Merci d'avoir poussé la porte du club de lecture de France Culture, un beau club qui
00:23 va vous emmener loin, très loin dans le temps, un temps que seul ce n'est au moins 30 000
00:28 ans avant notre ère peuvent connaître à l'époque des premières civilisations du
00:33 néandertalien, un ancêtre, en somme, un très vieux cousin qu'on ne connaîtrait
00:38 pas très bien.
00:39 La force du roman et de l'ADN, c'est peut-être de pouvoir justement faire cohabiter à nouveau
00:45 les hommes que nous sommes avec le néandertal.
00:48 Une manière de nous interroger sur notre rapport à la nature, sur la place des femmes
00:53 aussi dans l'évolution de la grotte à nos jours et de mettre à mal un certain nombre
00:58 d'idées reçues.
00:59 Nous allons en discuter avec nos invités jusqu'à 13h30 et avec la communauté du
01:03 beau club.
01:04 Alors là on a face à nous l'espèce de transhumanisme inversé où on a face à nous
01:09 des êtres humains, enfin des êtres humains que nous ne sommes plus.
01:12 Et donc non, les femmes ne passaient pas leur temps à balayer la grotte, à juste cueillir
01:18 etc.
01:19 Et oui elles étaient des chasseuses, oui elles étaient des guerrières comme les hommes.
01:22 * Extrait *
01:48 On est dans l'ambiance de l'ouverture de ce beau club, on retrouvera Anna et Alexia
01:51 les lectrices du jour.
01:52 Bonjour Noëlle Michel.
01:53 Bonjour.
01:54 Merci d'être à distance avec nous depuis la Belgique où vous vivez.
01:58 Vous êtes ingénieure de formation, traductrice et donc romancière.
02:02 Vous publiez votre second roman Demain les ombres aux éditions Le Bruit du Monde.
02:07 Une plongée, une évasion si on peut dire dans le monde néandertal puisqu'il s'agit
02:13 dans ce roman justement de recréer Néandertal.
02:16 Comment ça va se passer ?
02:17 Alors comment ça va se passer ? En fait tout part d'un projet effectivement assez
02:25 mégalomane d'un directeur de recherche qui imagine de recréer l'humanité disparue
02:35 qui est néandertale à partir de techniques qui se basent sur le clonage et l'ADN ancien,
02:42 le séquençage d'ADN ancien.
02:43 Donc c'est d'abord un projet, une expérience scientifique bien sûr.
02:50 On ouvre votre roman avec une phrase de notre second invité.
02:54 C'est Marilène Patoumatis.
02:55 Bonjour.
02:56 Bonjour.
02:57 Une phrase extraite donc de votre ouvrage intitulé Néandertal une autre humanité que
03:00 vous aviez édité chez Perrin en 2006.
03:03 Vous êtes préhistorienne, spécialiste des comportements justement des néandertaliens,
03:08 directrice de recherche au CNRS et autrice de nombreux ouvrages en SIT1.
03:12 Mais je cite également l'homme pris au stéric est aussi une femme qui reparaît
03:16 aujourd'hui dans l'édition Poche.
03:18 Et vous connaissez bien Noël Michel puisque vous avez relu son roman avec votre œil scientifique.
03:25 L'expérience que l'on vient d'évoquer il y a un instant, est-ce que c'est le rêve
03:29 de tout scientifique, de tout historien pouvoir rencontrer ce néandertalien qu'on connaît
03:35 pas très bien ? Est-ce que Noël Michel réalise votre rêve dans ce roman ?
03:39 Oui je crois qu'on a tous ce rêve sauf que mon rêve c'est plutôt de rester dans
03:44 le domaine du rêve et de l'imaginaire parce que franchement que ce soit d'ailleurs
03:49 pour d'autres espèces non humaines comme les mammouths là aussi on est en train d'essayer
03:57 de cloner.
03:58 Je pense que ce clonage c'est vraiment quelque chose qui est à mon avis complètement au
04:04 niveau scientifique complètement idiot parce que de toute façon ce ne sera pas, c'est
04:08 des chimères, ce ne sera pas vraiment des mammouths et au niveau éthique surtout pour
04:11 les néandertaliens, pour moi ce sont des humains différents ni inférieurs ni supérieurs
04:18 mais des humains donc cloner, recloner, ça me paraît complètement fou et là pour moi
04:23 c'est vraiment une aberration.
04:25 C'est cette idée aussi Noël Michel de réaliser presque un peu comme Frankenstein
04:33 avec des monstres c'est-à-dire de recréer quelque chose et quelqu'un qui n'existe
04:36 plus qui vous a intéressé pour écrire votre roman ?
04:40 Oui je crois que c'est plutôt, soyons clairs, c'est plutôt un cauchemar qu'un rêve.
04:46 En plus je pense que c'est effectivement ce serait un projet voué à l'échec, c'est
04:50 ce que je pense montre l'histoire aussi.
04:52 Donc disons que vous me demandiez par rapport à Frankenstein, oui il y a quelque chose
05:03 de l'ordre de l'achimère, alors peut-être pas du monstre mais ce qui est voué à l'échec
05:07 c'est que dans ce roman on essaye de recréer une espèce disparue, ce sera peut-être possible
05:14 un jour du point de vue scientifique, c'est même très plausible mais à partir du moment
05:20 où on crée une espèce humaine, une espèce humaine ça veut dire des jeunes, des enfants
05:27 qui naissent complètement dépendants d'autres personnes et ce pendant des années, on a besoin
05:32 d'années de dépendance avant d'atteindre l'autonomie et ça, ça veut dire qu'on est
05:38 très très dépendant de la culture.
05:40 Donc même ces petits Néandertaliens quand ils sont recréés dans l'histoire, il y a
05:44 forcément besoin de personnes d'homo sapiens finalement pour les élever et donc ils vont
05:50 leur transmettre une culture et cette culture elle est forcément artificielle puisque on
05:53 a des données qui sont fragmentaires sur la préhistoire et sur les modes de vie, les
06:00 modes de pensée de Néandertal donc cette culture qui est fabriquée à partir de ce
06:06 que nous nous connaissons, oui elle est très artificielle d'où l'idée de Chimère
06:10 effectivement.
06:11 Vous êtes d'accord Marilène Patoumatis, on ne peut pas recréer un Néandertal comme
06:14 il se comportait il y a 30 000, 40 000 ans ?
06:18 Oui bien entendu, c'est impossible parce que de toute façon ce sont des humains qui
06:23 d'abord sont très diversifiés, là aussi je voudrais casser quand même l'image, la
06:27 nature ça n'existe pas, ce sont des sociétés préhistoriques et si on remonte vraiment
06:32 très très loin, vous savez on s'est séparé avec les grands singes il y a 8 millions d'années
06:36 donc toute cette lignée humaine, il y a eu plein d'espèces différentes, d'espèces
06:40 qui ont évolué, d'autres qui sont disparues donc c'est une très longue histoire et même
06:44 si on prend les dernières justement les sociétés néandertaliennes par exemple qui apparaissent
06:48 qui ont évolué à partir de 450 000 ans jusqu'à 35 000 ans donc là on voit que là aussi
06:56 on a plein de sociétés différentes donc quel type de néandertal ? Vous voyez néandertal
07:01 ça n'existe pas, néandertal c'est le squelette qu'on a trouvé à Néandert dans la vallée
07:06 de Néandert près du Seldorf en Allemagne donc si vous voulez là aussi c'est une espèce
07:10 de fiction de quelque chose qui n'existe pas, comme si on voulait réduire toute une
07:15 civilisation qui a fait plus de 400 000 ans en disant "bah voilà ils étaient tous comme
07:20 ça, ils faisaient tous comme ça" c'est pas vrai, ce sont déjà des sociétés très
07:23 diversifiées, on les connaît très bien au niveau des techniques justement de la fabrication
07:28 des outils, des techniques de chasse, ils ont enterré leurs morts, ils connaissaient
07:32 le feu etc. les relations qu'ils ont eues même avec nous puisque nous avons les eurasiatiques
07:38 entre 1 et 4% de gènes néandertaliens donc quelque part on a leur gène donc tout ça
07:44 oui donc on va faire quoi ? On va prendre quoi ? C'est même plus qu'une chimère,
07:49 c'est une aberration parce qu'on n'aura jamais ce que nous on recherche et malheureusement
07:55 qui est difficile à trouver au niveau des vestiges archéologiques lors des fouilles,
07:58 c'est ce qu'ils pensaient, quelle était leur cosmogonie, leur imaginaire, le savoir,
08:03 savoir technologique, on approche vraiment des choses assez précises mais là on sait
08:09 pas donc là aussi on va les faire penser à quoi, quel type de cosmogonie, on sait
08:15 pas.
08:16 Et c'est toutes ces questions notamment que pose le roman de Noël Michel "Demain les
08:19 ombres" on va évidemment raconter un peu l'histoire, on l'a dit il y a cette expérience
08:24 scientifique à laquelle va participer l'un des personnages qui s'appelle Eva, recréer
08:29 ce néandertal à partir d'un bout d'ADN et cela va fonctionner mais cela évidemment
08:33 coûte très cher et pour financer ce projet et bien l'expérience va se transformer en
08:37 télé-réalité, télé-réalité que tout le monde regarde tous les soirs, on scrute
08:43 la vie de cette société d'ancêtres et cela pose évidemment beaucoup de questions
08:49 et Anna notre lectrice a lu votre livre "Noël Michel" voici ce qu'elle en retient.
08:52 Alors ce que j'ai adoré dans "Demain les ombres" de Noël Michel et ce que j'aime
08:58 d'ailleurs dans la dystopie et l'anticipation c'est la diversité des sujets qu'il est
09:01 possible d'aborder.
09:02 Sans aide de la science-fiction "Demain les ombres" joue tout de même avec les codes
09:07 de la littérature, avec un récit et une narration bien suivis mais c'est surtout
09:12 les sujets abordés, les questions éthiques que l'on pose aux lecteurs qui le font réfléchir
09:18 et qui font appel à son imaginaire.
09:20 Alors là on a face à nous l'espèce de transhumanisme inversé où on a face à nous
09:26 des êtres humains, enfin des êtres humains que nous ne sommes plus mais que nous comprenons
09:30 et cette super connectivité que nous vivons mais pas encore à ce point là.
09:35 Et donc on est un peu tiraillés entre les deux, surtout que c'est fait par le prisme
09:40 d'une télé-réalité et nous qui connaissons ça on se demande un petit peu jusqu'où
09:45 est-ce qu'on serait prêts comme téléspectateurs, qu'est-ce qu'on serait prêts à voir,
09:50 est-ce que le contenu toujours plus violent nous arrêterait même si la vie d'être
09:55 humain était en jeu.
09:56 Et je me demande si c'est pas là le fond que l'autrice veut questionner, qu'est-ce
10:03 qu'on serait prêts à accepter ?
10:04 Vous parliez de cauchemar Noël-Michel tout à l'heure, évidemment ça pose cette
10:09 question-là de l'acceptation de cette création, de cette créature.
10:17 Oui, l'acceptation de la créature, disons que c'est vrai que ça pose tout un tas de
10:23 questions aussi de nature éthique sur les droits accordés par exemple à ces néandertaliens.
10:29 Dans le roman, j'ai imaginé qu'on allait les mettre dans une sorte de réserve naturelle
10:35 qui leur serait dédiée, où ils pourraient vivre en autarcie, un petit peu sous le prétexte
10:40 de les protéger finalement de l'extérieur, mais voilà, en rajoutant les caméras pour
10:44 en faire quand même un divertissement.
10:46 Donc évidemment c'est aussi l'occasion de réfléchir à notre rapport au divertissement.
10:51 Et puis il y a aussi des questions qui nous interrogent évidemment sur notre société,
10:58 sur comment est-ce qu'on regarde notre société.
11:00 Et c'est en quelque sorte une rencontre exceptionnelle que vous arrivez à recréer.
11:07 Et on dit dans le roman que ça peut nous aider à éradiquer le racisme, le sexisme
11:12 et les formes de discrimination qui sont basées sur la différence.
11:16 On voit ces néandertal reconstitués comme une forme de miroir de notre société aussi ?
11:22 Oui, tout à fait.
11:25 C'est-à-dire que l'idée de cette humanité plus réelle, moi c'est ça qui m'intéressait
11:30 de faire dans ce livre, c'était de recréer finalement une espèce humaine parce que je
11:35 pense que le fait qu'on soit seule, espèce d'un autre genre, ça a eu une grande influence
11:40 sur notre présentation du monde et sur notre rapport à l'altérité.
11:43 Donc c'était un petit peu la question, qu'est-ce qui se passe si un autre comme
11:47 néandertal fait son apparition ? C'est un autre qui est malgré tout très semblable
11:52 mais quand même différent par certains aspects, ni inférieur ni supérieur.
11:56 Donc quelle place on lui fait ? Après ce sont des questions ouvertes.
12:01 Finalement si d'autres espèces humaines avaient survécu aujourd'hui, est-ce qu'on
12:04 aurait des sociétés plus ouvertes, moins racistes ou l'inverse finalement ? On n'en
12:08 sait rien.
12:09 Et donc…
12:13 Il y a dans votre roman aussi ce personnage.
12:19 Je ne sais pas, vous parliez des questions éthiques il y a quelques instants.
12:21 Anna aussi, notre lectrice, en parlait.
12:24 Je me tourne vers Marianne Patoumatis.
12:26 Est-ce que vous vous êtes reconnue, vous, dans le personnage d'Eva qui est cette scientifique
12:32 qui connaît tout, des nouvelles technologies de clonage et qui se pose la question dès
12:38 le début du roman, est-ce que je vais ou pas dans ce projet, dans cette expérience
12:42 un peu folle ?
12:43 Oui, je crois que c'est des questions, en tout cas tous scientifiques se les posent
12:48 ou devraient se les poser.
12:49 Et notamment, bien sûr, personnellement je ne travaille pas sur le futur clonage des
12:55 Nandertaliens, mais par contre on peut s'interroger sur ce qu'on va transmettre, traduire à
13:01 la société de nos recherches.
13:03 C'est-à-dire que là aussi pendant très longtemps les Nandertaliens ont été considérés
13:07 comme des inférieurs, en tout cas très inférieurs aux sapiens.
13:09 Et là on a essayé de retravailler ça.
13:12 Est-ce que c'est vrai ? En partant, on est des scientifiques du matériel qui sort des
13:16 fouilles et des laboratoires où on les analyse.
13:19 Et là c'est très important pour nous parce qu'on va véhiculer et transmettre là aussi
13:24 une image.
13:25 Et c'est important parce que c'est des sociétés disparues et donc d'essayer de
13:30 restituer, reconstituer, de restituer à tout le monde leur façon de vivre est importante
13:38 parce qu'on va véhiculer soit comme avant ces notions d'infériorité et de supériorité
13:42 ou au contraire on va essayer de montrer qu'on peut être différent et qu'il n'y
13:46 a pas à chercher à savoir si c'est mieux ou moins bien.
13:49 Et donc d'arrêter cette espèce de hiérarchisation des sociétés qui a fait tellement de mal,
13:55 sans parler évidemment au XIXe et encore malheureusement actuellement parfois des races
14:01 par exemple, comme on disait au XIXe siècle.
14:04 Donc ça c'est important de toujours se travailler et c'est le rôle de scientifique
14:08 de se poser toujours la question est-ce que quand je commence à interpréter, quand je
14:11 commence à transmettre au public certaines informations, est-ce qu'elles sont vraiment
14:19 factuelles ou est-ce que le fait que je vais interpréter, c'est moi, Marie-Hélène
14:23 Patoumatis, avec mon histoire personnelle, avec l'histoire de ma société au temps
14:27 présent et non plus XIXe, est-ce que tout ça ne joue pas pour donner une fausse image
14:32 aussi ? Et on est toujours à travailler cette question.
14:36 C'est pour ça que c'est important d'avoir aussi des romans parce que moi j'écris
14:40 des essais et vous savez comment sont toujours les collègues très attentifs à ce qu'on
14:44 va dire parce que bon voilà, il faut respecter ceci, respecter cela au niveau scientifique,
14:50 ce qui est vrai, mais on ne peut pas aller aussi loin qu'un romancier et ce romancier
14:55 et notamment je pense à Noël, permet justement d'aborder ces questions d'une façon plus
15:02 franche quelque part et de poser peut-être des questions qui sont plus politiques au
15:07 sens de la société et je crois que ça c'est quelque chose d'important, c'est
15:13 je crois une recherche commune quelque part et l'entente entre justement des écrivains
15:20 et des scientifiques, ça me paraît intéressant cette collaboration, ça permet comme dans
15:25 les expositions, moi j'ai eu la chance de faire une exposition sur Néandertal au musée
15:28 de l'Arme, là c'est pareil avec les muséographes de discuter pour ce qu'on va
15:32 montrer au public, comment on va le montrer, etc.
15:34 Ce dialogue permet d'aller plus loin à mon avis dans la réflexion au niveau de la
15:40 société dans laquelle on vit.
15:42 - Vous êtes passionnée de science Noël Michel, je l'ai dit, vous avez une formation
15:45 d'ingénieur aussi, qu'est-ce que ça vous a permis d'être dans la peau de la romancière
15:50 cette fois-ci sur ce sujet-là ? Vous vous êtes pas mis de barrière ?
15:55 - Alors c'est vrai que moi je suis de formation scientifique à la base et oui la science
16:02 ça nourrit aussi mon imaginaire et mes envies quand j'écris de la fiction.
16:09 Après, moi en fait, ce qui me tenait à cœur, ce qui était important pour moi c'était
16:18 vraiment de documenter sérieusement mon travail parce que, comme le dit Marilène, ça reste
16:25 de la fiction évidemment, donc ça permet d'aller dans de l'imaginaire et de se forger
16:30 finalement des nouveaux imaginaires, mais je voulais que tout ça soit plausible et
16:34 donc je voulais vérifier dans la mesure du possible que ce que j'avançais était possible
16:41 en tout cas.
16:42 Et donc après c'est vrai qu'en termes de thème scientifique, je trouve que c'est
16:48 très intéressant d'explorer, là c'est clairement aussi le thème de l'apprenti
16:51 sorcier qu'on explore, jusqu'où est-ce qu'on peut aller dans la science, qu'est-ce
16:56 que véritablement le progrès, est-ce qu'on est finalement condamné à faire tout ce
16:59 que la science nous permet de réaliser ? Je pense que ce sont des questions importantes
17:04 qu'on doit se poser et qui sont intéressantes à aborder à travers la fiction.
17:08 - Si je parlais de monstres tout à l'heure, c'est aussi parce que, évidemment, cette
17:12 expérience que vous nous écrivez dans ce roman, ça nous fait penser à Jurassic Park,
17:18 à la fiction, à la littérature aussi.
17:21 Qu'est-ce que ça change d'imaginer et de créer, d'être dans la peau, vous l'avez
17:27 dit, de cet apprenti sorcier qui va créer un être qui nous ressemble peut-être le
17:32 plus possible, Noël Michel ?
17:35 - Qu'est-ce que ça change par rapport à nous, à Sapiens, vous pouvez dire ?
17:40 - Oui, tout à fait.
17:41 - Ben disons que, je ne sais pas si ça change beaucoup de choses, oui forcément, mais
17:49 moi ce qui m'intéressait aussi c'était, à travers le fait de ressusciter cet autre,
17:55 c'était de faire un pas de côté finalement, parce que le point de vue de Neandertal nous
18:00 permet aussi de prendre du recul par rapport à qui nous sommes, nous, Sapiens, de prendre
18:06 un peu de distance, de réfléchir à ce que c'est vraiment que l'humanité, à ce qui
18:10 fait notre identité.
18:11 Ça je trouvais ça un aspect intéressant.
18:14 - Et ça nous permet aussi, et c'est là où je me retourne vers Marilène Pattoumatis,
18:19 de revoir les idées reçues qu'on peut avoir sur effectivement ces humains qui vivaient
18:26 à cette époque, alors qu'on dit à cette époque, replacer nous sur cette frise chronologique
18:31 parce qu'on est un peu perdu, Neandertal c'est grand.
18:35 - Alors, donc les Neandertaliens sont apparus par évolution d'un groupe qui est venu d'Afrique
18:41 en Europe.
18:42 Donc au départ c'est vraiment des Européens.
18:44 Ils vont actuellement, c'est 400, 450 000 ans, donc on a les premiers Neandertaliens
18:51 et les derniers, entre guillemets, puisque je vous dis on a des jeunes Neandertaliens,
18:55 les derniers, donc c'est vers 35 000 ans.
18:58 Donc c'est une grande période, plus que nous, puisque je vous rappelle que nous on a 300
19:03 000 ans, les plus anciens Sapiens pour l'instant c'est 300 000 ans.
19:06 Et il faut savoir aussi, ça c'est important dans l'histoire de notre relation avec eux,
19:11 parce qu'une partie de ces Neandertaliens vont aller au Proche-Orient.
19:15 Et ça c'est important vers à peu près 130 000 ans parce que c'est là-bas qu'il va y
19:19 avoir des rencontres, parce que quand ils arrivent il y a des sociétés Sapiens qu'il
19:24 n'y a pas en Europe, il y a des sociétés Sapiens, donc ils vont avoir des cultures
19:29 très très proches et à un moment donné ils vont se mélanger, ils vont se croiser
19:33 et c'est pour ça que nous avons ces gènes.
19:34 Et ça c'est une donnée intéressante parce que justement quand on parle de l'autre,
19:39 c'est en évidence que cette différence qu'on a mis pendant très longtemps entre
19:43 eux et nous, en fin de compte il était moindre pour les Sapiens de cette période-là, vers
19:48 70 000 par exemple, donc eux ils n'ont pas vu cette grande différence puisque ils se
19:53 sont même reproduits, voilà, ils se sont mélangés comme on dit maintenant.
19:57 Donc ça c'est intéressant, vous voyez bien qu'en fin de compte on porte toujours un regard
20:02 sur l'autre, donc cette notion d'altérité est importante à avoir vraiment en tête,
20:08 quand je perçois l'autre, est-ce que je peux l'embellir aussi ? Parce qu'on a tendance
20:11 toujours à dire "mais on peut aussi l'embellir" et c'est ce qui se passe parfois pour certaines
20:16 civilisations et notamment pour la civilisation néandertalienne, certaines la voient peut-être
20:22 avec un regard un peu enamouré en disant "les Sapiens sont arrivés, ils ont tout tué,
20:30 c'est des destructeurs, c'est des violents".
20:32 Donc ce regard en miroir par rapport à Néandertal qui serait plus pacifiste, plus écologique
20:38 et tout ça je pense que c'est intéressant pour en discuter dans un roman justement,
20:42 mais dans la réalité je crois que les choses sont plus complexes et qu'il y a une pression
20:47 aussi à chaque période dans laquelle on vit de l'environnement, de l'extérieur qui
20:51 va faire que vous allez devoir pour vivre, pour survivre, pour que le clan dure et tout,
20:57 ce sont des peuples chasseurs-cueilleurs nomades qui vivent en groupe entre 35 et 50, et bien
21:02 il va falloir avoir des systèmes et des valeurs qui vont permettre que ça tienne.
21:07 Par exemple on a souvent mis en évidence que c'était des populations violentes, même
21:12 nos ancêtres les Sapiens, et bien non parce qu'en fin de compte quand on est à une très
21:16 faible démographie, si on est toujours en train de se bagarrer, on ne serait pas là
21:20 tout simplement, faute d'effectifs.
21:22 En réalité ce qui permet à ces groupes et tout c'est la collaboration, la coopération,
21:28 les échanges, on voit très bien les réseaux d'échanges entre les groupes.
21:31 Donc vous voyez c'est aussi important de voir ce regard par rapport à ces sociétés en
21:40 prenant du recul justement et pas vouloir leur appliquer nos façons de concevoir le
21:44 monde, nos cosmogonies, en plus très occidentales.
21:47 Donc il faut vraiment essayer en tout cas de se détacher des modèles que nous on a
21:52 actuellement.
21:53 - Noël Michel, les personnages principaux de votre roman sont des femmes, ça aussi
21:59 ça vous a surpris quand vous avez travaillé sur cette thématique-là ? Parce qu'on a
22:04 dans l'imaginaire, et on va le voir dans un instant avec Marilène Pato-Mathis, un
22:08 monde préhistorique très masculin, très viril.
22:11 - Alors en fait c'était un petit peu l'inverse, c'est-à-dire qu'avant même d'avoir l'idée
22:16 de ce roman, mon intérêt pour la préhistoire s'est réveillé il y a quelques années,
22:22 justement quand j'ai visité la grotte de Pêche-Merle dans le Lot, parce qu'il y a
22:26 beaucoup de peintures rupestres dans cette grotte et il y a notamment des empreintes
22:29 de mains.
22:30 Et en fait j'ai appris à cette occasion qu'avec les techniques modernes on pouvait
22:34 déterminer de manière assez précise s'il s'agissait d'empreintes de mains d'hommes
22:38 ou de femmes.
22:39 Et en l'occurrence à Pêche-Merle il y a beaucoup d'empreintes de femmes.
22:41 Et ça pour moi, ça m'a complètement fascinée, ça a été une petite révolution intérieure
22:46 parce qu'effectivement j'étais restée sur les clichés que j'avais appris à l'école
22:51 je suppose sur la préhistoire avec cette image un peu désuète de la femme préhistorique.
22:58 - C'est d'ailleurs l'ouverture si je puis me permettre du chapitre 1 de votre livre
23:04 "Marilène Patoumatis".
23:05 Un homme occupe le devant de la scène, une femme est reléguée à l'arrière-plan, l'homme
23:08 arbore des armes, terrasse des bêtes effrayantes, il est fort, courageux, protecteur debout.
23:13 La femme est faible et dépendante, parfois oisive, entourée d'enfants, de vieillards,
23:18 assise devant la grotte.
23:19 Ce sont des images qu'on a pu voir dans des tableaux, des sculptures, des livres, des
23:22 illustrations de magazines et comme l'a dit Noëlle Michanelli à l'instant des magazines
23:26 scolaires, on va s'extraire de "L'homme préhistorique est aussi une femme" et on
23:31 va écouter Alexia qui a lu ce livre et voici ce qu'elle en retient.
23:34 - Je suis tombée par hasard sur le livre "L'homme préhistorique est aussi une femme"
23:40 et le titre m'a vraiment interpellée.
23:42 Et donc je l'ai acheté et j'ai commencé à le lire et l'autrice est franchement très
23:48 douée parce qu'elle fait un peu l'histoire du patriarcat etc.
23:52 Mais le passage que j'ai vraiment préféré, c'est quand elle explique que les squelettes
23:58 qui ont été découvertes avec des armes etc. ont été attribuées à des hommes.
24:02 Évidemment les hommes sont des guerriers et en fait, après analyse ADN, il s'avère
24:06 que ce sont des femmes.
24:07 Et donc non, les femmes ne passaient pas leur temps à balayer la grotte, à juste cueillir
24:12 etc.
24:13 Et oui, elles étaient des chasseuses, oui elles étaient des guerrières comme les hommes.
24:17 - Elle explique aussi la découverte de la propriété, ce qui a donné lieu au patriarcat.
24:22 Donc non, le patriarcat n'est absolument pas du tout inné.
24:26 Et ça fait du bien de savoir qu'effectivement le patriarcat n'est pas inné du tout et qu'on
24:31 nous l'a imposé depuis des millénaires en fait.
24:35 - Marilène Patoumatis, sur cette lecture, ça paraît tellement évident, c'est ce que
24:42 disait Noël Michail il y a quelques instants.
24:44 On nous a appris ça à l'école et en fait on s'est trompé.
24:47 - C'est-à-dire que ce que je pense, là aussi c'était une vision qu'on a, un modèle qu'on
24:54 a voulu appliquer, un modèle de nos sociétés du 19e, du 20e siècle qu'on a voulu absolument
24:58 appliquer sur ces sociétés-là, qui sont des sociétés lointaines, des sociétés
25:02 différentes avec une économie, une cosmogonie, probablement tout ça c'était très différent.
25:08 Et je pense que voilà, une fois de plus, c'est absolument de se mettre nous en avant,
25:14 c'est-à-dire que de ne pas penser que peut-être le système était différent, la façon de
25:18 vivre et que peut-être leur société, en tout cas dans certaines de ces sociétés,
25:22 je rappelle parce que ça me paraît très important, justement la préhistoire n'existe
25:26 pas, ce sont des sociétés préhistoriques.
25:28 Et peut-être que dans des sociétés, je pense à des sociétés qui étaient en Chine,
25:33 Sapiens mais en Chine ou bien en Afrique, etc.
25:36 Pourquoi voulez-vous qu'elles aient un système social qui soit identique au système qu'il
25:40 y avait au 19e ou au 20e siècle ?
25:43 Donc non, c'est très lointain et surtout ce qui est important, c'est que j'ai découvert
25:46 en travaillant sur ce sujet que tout ça reposait sur quasiment rien.
25:50 C'est-à-dire que les faits archéologiques ne peuvent pas montrer dans un sens comme
25:55 dans l'autre, ne peuvent pas montrer, par exemple quand vous avez un outil taillé,
25:58 vous pouvez tout dire sur cet outil mais vous ne pouvez pas savoir qui l'a façonné,
26:03 qui l'a fabriqué.
26:04 Personne ne peut le dire actuellement, aucun scientifique ne peut le dire.
26:08 Mais on partait du présupposé, voire des préjugés pour certains, que c'était forcément
26:13 des hommes.
26:14 La même chose pour l'art préhistorique, la même chose pour les grandes inventions
26:18 comme le feu, etc.
26:19 On voit toujours, on représente toujours des hommes qui font ça.
26:22 Et là, pour moi, ça repose sur rien.
26:25 Alors pourquoi ça a perduré ? Parce qu'on n'est plus au 19e siècle, au début du 20e.
26:29 - Oui parce que ce qu'il faut dire c'est que c'est une science qui est assez jeune,
26:32 qui date du milieu du 19e siècle et qui a été à l'époque réalisée majoritairement
26:36 par des hommes et donc les hommes ont plaqué leurs idées, ce qu'ils vivaient, leur façon
26:41 de vivre, sur ces sociétés-là.
26:43 - Exactement.
26:44 On va dire que la discipline, c'est au milieu du 19e siècle, ça prend corps, la discipline
26:49 de la préhistoire.
26:50 Et à l'époque, de toute façon, il n'y a pas vraiment de préhistorien de métier,
26:53 mais ce sont des hommes uniquement.
26:55 Les premières femmes pour la préhistoire, ce sera 1950.
26:59 Et donc le regard va être masculin.
27:00 Et en plus, c'est en Europe occidentale que ça se passe.
27:03 Donc c'est là aussi, même si on fait des choses en Afrique, là c'est le regard en
27:08 Europe occidentale.
27:09 Donc tout ça va perdurer.
27:11 Et en fin de compte, quand je me suis aperçue que ça ne reposait sur rien, évidemment,
27:16 on ne peut pas dire non plus pour beaucoup de choses si cet outil a été fait par des
27:20 femmes, mais pourquoi voulez-vous absolument ne pas penser que dans certaines sociétés,
27:24 c'était les deux, dans certaines sociétés plutôt les hommes, dans d'autres plutôt
27:27 les femmes, qui faisaient telle et telle activité ? Pourquoi voulez-vous que les activités
27:31 soient dès le départ, dès ces périodes très anciennes, soient déjà genrées ? Ça,
27:35 c'est quand même un terme très moderne, c'est quand même quelque chose de très
27:38 moderne.
27:39 Et moi, c'est tout ça qui m'a interrogée et c'est surtout ça.
27:42 C'est remettre à sa juste place les femmes.
27:45 - Et c'est ce qu'on retrouve dans votre roman Noël Michel, vous vous moquez, cette
27:48 vieille idée selon laquelle ce sont les hommes qui peignaient, qui chassaient pendant que
27:53 les femmes les attendaient gentiment dans la grotte en train de s'occuper des plus
27:57 jeunes.
27:58 - Oui, complètement.
27:59 Évidemment, c'était l'idée d'explorer un peu ces imaginaires sur les femmes de la
28:07 guerre, puisque je trouve qu'on ne l'a pas suffisamment fait jusqu'à présent finalement.
28:10 Donc c'est vrai que c'était intéressant de le faire à travers la fiction, aussi avec
28:14 une chamane.
28:15 Et puis ce que je trouvais intéressant, un petit peu en forme de clin d'œil, c'était
28:21 justement d'avoir ce clan de néandertaliens qui grandit avec une culture qui lui a été
28:28 transmise par des scientifiques, donc des homo sapiens comme vous et moi, et qui à
28:33 un moment donné vont s'en détacher et se réapproprier cette culture finalement.
28:38 Donc moi j'avais imaginé, c'est vrai par exemple, que finalement quelque part le directeur
28:44 du centre, le directeur de ce projet mégalomane, il se serait projeté en quelque sorte comme
28:49 Dieu finalement pour les néandertaliens, parce que c'est un petit peu ce qu'il fait,
28:55 il joue à Dieu puisqu'en créant finalement une espèce humaine, en recréant les hommes.
29:01 Et donc je trouvais ça intéressant qu'à un moment donné la chamane et le clan de
29:07 néandertaliens se réapproprient cette espèce de légende, parce qu'on ne sait pas grand-chose
29:13 évidemment sur la cosmogonie néandertale, mais on peut quand même supposer, enfin il
29:16 n'y a pas lieu d'imaginer une forme de monothéisme, il y a plutôt lieu d'imaginer que leur cosmogonie
29:21 était ancrée dans la nature, peut-être dans la terre-mer ou les animaux.
29:25 Et donc c'était intéressant d'imaginer que cette chamane à un moment donné, déjà
29:32 elle se rend compte que finalement Dieu c'est forcément un principe féminin, puisque ce
29:36 sont les femmes qui mettent les enfants au monde et pas les hommes.
29:38 Et puis de même qu'elle relativise quelque part cette position du Dieu dans quelque chose
29:45 de plus large et de plus ancrée dans la nature.
29:47 - Est-ce qu'on peut s'interroger sur la naissance du patriarcat du coup au fil du temps ? Est-ce
29:54 que dans ces sociétés on a des indices qui montrent à quelle période ça a pu naître
29:59 Marilène Pott-Sommatis ?
30:00 - C'est une grande question et la grande difficulté, parce qu'en fin de compte si vous voulez c'est
30:05 comment mettre en évidence certains comportements qui ne se fossilisent pas, ou n'ont pas de
30:08 reste.
30:09 Donc c'est difficile, mais on a quand même des regards.
30:12 Je prends un exemple, les sépultures.
30:14 Personnellement, en étudiant les travaux de mes collègues sur les sépultures, je n'ai
30:19 pas vu de différence entre les sépultures masculines et féminines, il n'y en a pas
30:24 plus d'hommes et avec le mobilier funéraire non plus.
30:27 Donc tout ça pour la période, je parle de ce qu'on appelle le paléolithique, c'est-à-dire
30:31 les peuples chasseurs-cueilleurs, nomades, quand il y a une économie de prénation.
30:34 On ne voit pas.
30:36 On voit même dans l'art, par exemple, notamment l'art mobilier, les fameuses statuettes, c'est
30:42 du féminin.
30:43 En fin de compte, il y a très peu de représentations masculines dans tout l'art paléolithique.
30:48 C'est essentiellement du féminin.
30:49 Donc ça interroge, parce que là ça veut dire quand même quelque chose.
30:53 Là, on parlait de la naissance, la fécondité, etc.
30:56 Bon, le rôle de la femme, parce que ces groupes humains n'ont pas de bien à transmettre,
31:04 chacun des choses personnelles, mais il n'y a pas ce qu'on va voir après au néolithique.
31:08 Donc la seule chose qu'il y a à transmettre, c'est le savoir, la connaissance du clan,
31:12 la perpétuation de ce clan.
31:14 Et donc là, ce qu'ils voient, eux, surtout, c'est que l'enfant, il sort du corps de la
31:17 femme.
31:18 Et donc probablement, à travers cet enfant, c'est lui le seul à venir.
31:21 Il n'y a pas d'écriture, il n'y a rien d'autre.
31:25 Donc comment perpétuer la mémoire du groupe ?
31:28 C'est par, justement, les enfants, donc la femme, donc l'importance dans ces sociétés
31:35 de cette fécondité pour transmettre ces biens.
31:39 Alors qu'après, quand on va avoir une société qui va arriver petit à petit, qui va transformer
31:44 complètement le modèle, notamment social et sociétal, c'est avec l'arrivée de la
31:50 domestication, d'abord la sédentarisation et en plus, la domestication des plantes et
31:54 des animaux, où là, on va avoir un changement important.
31:57 Il va y avoir des transformations dans les sépultures, dans l'art, on va voir apparaître
32:02 beaucoup d'hommes et puis on va voir apparaître des grandes figures, donc peut-être des dieux.
32:07 Donc tout va, au fur et à mesure, tout va changer à travers cette grande période,
32:13 progressivement.
32:14 Et probablement que l'apparition, en tout cas la domination des hommes sur les femmes
32:20 apparaît probablement dans cette période.
32:22 Pour certains, c'est vraiment ça qui va transformer parce qu'il va y avoir une division
32:28 du travail qui va être plus marquée, peut-être au départ sociale et après plus genrée,
32:34 sexuée.
32:35 - Dans votre roman Noël Michel, il y a aussi ces trois âges qui sont racontés, l'âge
32:39 de pierre, l'âge de plastique et l'âge de souffle.
32:42 C'est évidemment aussi une réflexion autour de notre rapport à la nature et vous vous
32:47 interrogez comment est-ce qu'on est passé de ces Néandertaliens qui vivaient avec la
32:52 nature, qui vivaient de la nature, qui cohabitaient avec la nature, à notre humanité qui tente
33:00 de la domestiquer ?
33:01 - Oui, je crois que c'est un thème important du roman qui est apparu quelque part pendant
33:08 l'écriture.
33:09 C'était un peu intrinsèque, c'est-à-dire qu'en voulant décrire la façon de vivre
33:15 de ce clan de Néandertaliens, sur le mode des chasseurs-cueilleurs, dans un rapport
33:20 étroit avec la nature, il y avait forcément un contraste saisissant qui s'établissait
33:25 avec le mode de ville et sapiens.
33:26 On est dans une dystopie, je parle d'un futur où, c'est vrai que j'imagine, disons qu'on
33:33 continue un peu sur notre lancée et donc il y a de plus gros problèmes de pollution
33:40 liés au réchauffement climatique, etc.
33:42 Et donc, quelque part, encore plus de distance avec la nature qu'aujourd'hui.
33:46 Donc c'est vrai que je trouve que c'est intéressant de…
33:50 Enfin, Néandertal, le personnage fictionnel de Néandertal, c'est intéressant pour
33:55 ça aussi.
33:56 C'est pour son rapport particulier à la nature parce que ça nous permet aussi de
34:01 réfléchir à notre rapport à nous.
34:03 Et ça, c'est par exemple un des apports que j'ai eus de très important de Marie-Len
34:09 quand elle a renu mon manuscrit, c'est qu'elle a réussi à me pointer de quelle façon,
34:15 finalement, cette relation à la nature était peut-être plus forte chez Néandertal que
34:19 chez sapiens.
34:20 Et moi, ça m'a permis de creuser cette réflexion-là.
34:24 J'ai par exemple une scène où Lune Rousse, qui est une Néandertalienne, discute avec
34:30 Adam, qui est un homo sapiens.
34:32 Et en fait, Adam lui parle d'un animal, d'un loup, et Lune Rousse ne sait pas ce
34:38 que c'est puisqu'il n'y en a pas dans la réserve naturelle où elle vit.
34:41 Et donc Adam, à un moment donné, va prendre un bâton pour tracer l'image du loup dans
34:45 le sable.
34:46 Et Lune Rousse est prise de dégoût, en fait, presque d'une sorte de nausée parce que
34:52 pour elle, c'est impensable de dessiner l'image d'un animal.
34:58 C'est déjà commencer à se l'approprier et avoir de l'emprise sur lui.
35:02 Et donc je pense que ce rapport de Néandertal, qui est beaucoup plus… comment dire…
35:10 Chez Sapiens, ce n'est pas forcément d'ailleurs une histoire de domination, c'est une histoire
35:14 aussi de catégorie, de classification.
35:17 Et du coup, le fait de classifier, etc.
35:19 Ça fait que Sapiens a tendance à s'extraire de la nature, de faire un pas de côté finalement.
35:25 - Et ce sont toutes ces questions que vous posez dans votre roman, Demain, les ombres,
35:29 Noël, Michel.
35:30 Merci beaucoup d'avoir été avec nous en direct, en distance, depuis la Belgique où
35:34 vous vivez.
35:35 Demain, les ombres paraît aux éditions Le Bruit du Monde.
35:37 Et merci à vous, Marilène Batoumatis.
35:39 - Merci.
35:40 - Merci d'être venue dans le studio de France Culture.
35:42 L'homme préhistorique est aussi une femme qui reparaît aujourd'hui dans l'édition
35:46 de Poche.
35:47 Et on met toutes vos références sur le site de franceculture.fr.
35:50 * Extrait de l'épilogue de Charles Danzig *
35:56 * Extrait de l'épilogue de Charles Danzig *
36:19 * Extrait de l'épilogue de Charles Danzig *
36:35 * Extrait de l'épilogue de Charles Danzig *
36:45 * Extrait de l'épilogue de Charles Danzig *
37:01 * Extrait de l'épilogue de Charles Danzig *
37:12 * Extrait de l'épilogue de Charles Danzig *
37:26 * Extrait de l'épilogue de Charles Danzig *
37:39 Quant à sa femme, qui le vole et tente de le trahir, elle est une Lady Macbeth boueuse.
37:45 La référence à Shakespeare est si évidente qu'à la fin d'Ubu Roi, Ubu et sa femme
37:50 arrivent près d'un château et quel est-il ? Le château d'Elseneur.
37:54 Une des répliques les plus comiques de la série des Ubus est celle où, après des
37:59 échanges d'injures continuelles, la mère Ubu dit « Il n'y a qu'un parti à prendre,
38:05 père Ubu. » Et Ubu lui répond « Lequel, mon amour ? »
38:08 La pire cruauté se manifeste dans cette réplique.
38:11 Elle pourrait être prononcée par Trump.
38:14 La biographie de ce port a déjà été écrite, n'est-ce pas ? Les répliques d'Ubu participent
38:19 de la même bêtise, de la même brutalité, de la même lâcheté.
38:22 Un des personnages d'Ubu enchaîné a cette réplique que Trump, président, aurait dite
38:28 pour mettre les autres en esclavage et que Trump, en prison, dira pour prouver qu'en
38:34 réalité il est libre.
38:35 La liberté, c'est l'esclavage.
38:37 Chaque jour, le club de lecture de France Culture est préparé par Auriane Delacroix,
38:41 Zora Vignes, Jeanna Grappard, Didier Pinault et Alexandre Labegovitch.
38:43 Un grand merci à toute l'équipe accompagnée à la réalisation ce midi de Thomas Beaud
38:47 et à la prise de son d'Alex Deng.
38:49 On tourne ensemble la dernière page du jour.
38:51 Voici l'épilogue.
38:52 Ce qui m'intéressait aussi, c'était à travers le fait de ressusciter cet autre,
38:56 c'était de faire un pas de côté finalement, de prendre un peu de distance, de réfléchir
39:01 à ce que c'est vraiment que l'humanité.
39:02 Oui, je crois qu'on a tous ce rêve, sauf que…
39:05 Évidemment, c'est aussi l'occasion de réfléchir à notre rapport au divertissement.
39:08 Et là, c'était très important pour nous parce qu'on va véhiculer et transmettre
39:13 là aussi une image.
39:14 Et c'est important parce que c'est des sociétés disparues et donc, pour moi, ça
39:19 repose sur rien.