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Frédéric Taddeï et ses invités débattent des grandes questions du XXIe siècle dans les #VisiteursDuSoir

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00:00:00 Les visiteurs du soir sont 8 ce soir.
00:00:05 Il y a même une lobbyiste qui reconnaît qu'elle est lobbyiste.
00:00:08 Elle n'utilise pas un autre mot comme souvent.
00:00:13 Je vous la présenterai juste après le rappel des titres.
00:00:16 Isabelle Piboulot.
00:00:17 Au Danemark, la petite Eya a retrouvé sa maman.
00:00:23 La fillette de 10 ans est en bonne santé.
00:00:25 La date de leur retour en France n'a pas été indiquée.
00:00:29 L'ambassade a déjà engagé des démarches.
00:00:32 Eya avait été brutalement enlevée jeudi en Isère par son père.
00:00:36 L'homme a été interpellé avec un complice.
00:00:39 La remise des deux suspects aux autorités françaises pourrait prendre quelques jours,
00:00:43 voire plusieurs semaines.
00:00:45 Gérald Darmanin répond au LR sur le dossier de l'immigration.
00:00:49 « Chiche, travaillons ensemble », clame le ministre de l'Intérieur dans les colonnes
00:00:53 du Parisien.
00:00:54 Une semaine plus tôt, les Républicains avaient dévoilé deux propositions de loi offensive
00:00:59 afin de « reprendre le contrôle en la matière ».
00:01:02 Le ministre exclut de mettre des quotas sur le droit d'asile, mais pourrait l'envisager
00:01:07 pour l'immigration de travail.
00:01:09 Et puis après la bataille autour de la réforme des retraites, la cote de popularité d'Emmanuel
00:01:14 Macron rebondit.
00:01:15 Selon les résultats d'un sondage BVA pour nos confrères de RTL, le chef de l'Etat
00:01:20 regagne 6 points, 32% des Français ont une bonne opinion du président.
00:01:25 La première ministre Elisabeth Borne gagne quant à elle 5 points et remonte à 32%.
00:01:30 (Générique)
00:01:44 Bonsoir, bienvenue sur le plateau des visiteurs du soir.
00:01:47 On est samedi, les 22h, l'heure où l'on peut tout se dire sur la guerre en Ukraine,
00:01:52 sur la levée des brevets, sur les vaccins et les médicaments que beaucoup réclament
00:01:56 à corps et à cri depuis la crise du Covid ou sur le lobbyisme à Bruxelles.
00:02:00 C'est le métier.
00:02:01 Danyes Dubois-Colinaud, la patronne d'Arcturus, groupe un cabinet basé à Bruxelles et j'en
00:02:08 compte.
00:02:09 Lui est journaliste à Bruxelles pour le média en ligne Context.
00:02:11 Il publie au cœur du lobbyisme européen à propos de la guerre en Ukraine.
00:02:17 En revanche, on va se poser les questions que l'on préfère généralement éviter.
00:02:22 Que se paissera-t-il par exemple si l'Ukraine l'emporte et qu'elle veut reconquérir
00:02:26 la Crimée ? Ses alliés occidentaux ont juré de l'aider jusqu'au bout, mais iront-ils
00:02:30 jusque là ? Et si c'est la Russie qui l'emporte, que ferons-nous ? Resterons-nous larmes au
00:02:34 pied ? On va voir ça à 22h20 avec Renaud Girard, grand reporter et chroniqueur international
00:02:41 au Figaro, qui a écrit « Quelle diplomatie pour la France ! Prendre les réalités telles
00:02:44 qu'elles sont ». Il y aura également Jean-François Colosimo, l'auteur de « La crucifixion
00:02:49 de l'Ukraine » et en duplex le général Bruno Clermont, consultant pour CNews sur
00:02:54 les questions de défense.
00:02:55 Et puisque l'on va parler de la guerre, finançons-en une bonne fois avec un mythe.
00:03:00 On croit que la guerre est l'apanage des hommes.
00:03:02 Eh bien pas du tout.
00:03:03 Les animaux s'y adonnent eux aussi.
00:03:05 Loïc Bollach, bonsoir.
00:03:07 Vous êtes professeur d'écologie à l'université Bourgogne-Franche-Comté.
00:03:11 Vous venez de publier « Quand les animaux font la guerre ». La première qui a pu l'observer,
00:03:16 c'est la célèbre éthologue Jan Goodall en 1974 en Tanzanie.
00:03:21 Elle a été témoin de la guerre des chimpanzés de Gombe qui a duré quatre ans.
00:03:26 Oui, c'est ça.
00:03:27 Bonsoir à tous.
00:03:29 C'était cette première vision, cette première image de la guerre dans le monde animal qui
00:03:34 a révolutionné la vision des chercheurs en écologie, en comportement, des anthropologues,
00:03:40 en fait de tout le monde qui travaille et qui touche de près ou de loin au monde des animaux.
00:03:45 Et c'est découverte ou cette révélation de Jan Goodall a modifié à jamais notre
00:03:51 vision du monde animal.
00:03:52 Alors, il y a eu d'autres guerres de territoire que vous racontez dans votre livre.
00:03:56 Chez les suricates, par exemple, on va voir ce que c'est qu'un suricate parce qu'on
00:03:59 n'est pas forcément très familier avec cet animal.
00:04:01 Mais eux, il y a vraiment des batailles rangées.
00:04:03 Oui, oui, les suricates sont des petits mammifères sociaux.
00:04:09 La guerre, c'est une caractéristique des mammifères sociaux.
00:04:12 Pour faire la guerre, il faut être plusieurs.
00:04:13 Quand on est seul, on ne fait pas la guerre.
00:04:15 Il y a des actes violents, mais ce n'est pas la guerre.
00:04:17 Et chez les suricates qui sont organisées dans des groupes sociaux très complexes,
00:04:21 eh bien, il y a des rencontres quasiment quotidiennes entre les clans et avec un certain nombre
00:04:27 de principes et d'attitudes.
00:04:31 Ils se font la guerre avec des batailles rangées quasiment quotidiennement.
00:04:34 Les mangoustes à bandes, elles se combattent comment ?
00:04:37 Les mangoustes à bandes, c'est un peu la même catégorie, petits mammifères sociaux
00:04:43 africains.
00:04:44 Avec une particularité chez les mangoustes, c'est que la guerre peut être extrêmement
00:04:48 violente.
00:04:49 Il peut y avoir naturellement de la mortalité d'individus.
00:04:51 Et puis, des choses que les scientifiques ont découvert récemment, c'est-à-dire
00:04:56 par exemple que ce sont plutôt les femelles qui ont tendance à initier les conflits
00:05:00 et que certaines femelles dominantes dans ces groupes de mangoustes en profitent des
00:05:05 conflits et des batailles rangées pour s'accoupler avec les mâles dominants d'en face.
00:05:11 Donc, une manière d'augmenter la diversité génétique en profitant de la covue pour
00:05:16 copuler au milieu de la mêlée.
00:05:18 Puisque vous parlez de femelles, il y a aussi la guerre des sexes.
00:05:21 Ça aussi, ça existe chez les animaux.
00:05:23 Les salamandres cendrées femelles par exemple, punissent les mâles infidèles.
00:05:30 Mais ça, à la limite, ce n'est pas la guerre.
00:05:32 Alors, c'est peut-être la petite entorse dans cet ouvrage où je parle de la guerre
00:05:39 des animaux.
00:05:40 Lorsque je parle de la guerre des sexes, parce que naturellement, il y a quelques moments
00:05:44 où je montre et je mets en exergue des phénomènes de conflits entre les sexes, entre les mâles
00:05:51 et les femelles, qui ne sont pas vraiment de la guerre parce que ce ne sont pas des
00:05:55 phénomènes de groupe.
00:05:56 Sauf peut-être quelques nuances, par exemple chez les anatidés, chez les canards, chez
00:06:00 les oies, où on a des phénomènes de viols collectifs par exemple.
00:06:04 Vous en parlez pour les canards colvaires.
00:06:06 Vous dites qu'il y a une véritable culture du viol chez les canards colvaires.
00:06:09 Oui, oui, ce n'est pas moi qui le dis.
00:06:12 Je ne suis pas le seul à le dire.
00:06:14 Il y a plusieurs chercheurs qui l'ont étudié.
00:06:15 C'était étudié depuis très très longtemps.
00:06:16 Ça fait presque une centaine d'années que l'on connaît ces phénomènes, qu'on
00:06:21 les observe, qui peuvent être extrêmement violents, qui peuvent même être amplifiés
00:06:25 par l'utilisation des canards d'agrémence, quand on va à des parcs zoologiques où des
00:06:31 fois on a des grandes densités de canards.
00:06:33 Et on observe des phénomènes de viols collectifs, mais on les observe aussi dans la nature.
00:06:38 Une canne qui s'envole peut être pourchassée par plusieurs mâles qui vont essayer de la
00:06:43 faire atterrir, enfin plutôt la faire tomber dans l'eau.
00:06:46 Et puis là, ils vont chacun à son tour, copulent avec elle, forcer des copulations.
00:06:51 Ce sont des copulations forcées.
00:06:53 Alors les scientifiques souvent appellent ça des copulations forcées pour ne pas appeler
00:06:56 ça des viols.
00:06:57 Ce n'est pas automatiquement logique.
00:07:01 Avec mon éditeur, on a choisi d'utiliser le terme de viol, qui peut peut-être choquer
00:07:05 certaines personnes, certains scientifiques, mais ça ressemble effectivement à des phénomènes
00:07:11 que l'on observe aussi chez l'humain.
00:07:12 Votre éditeur, si je ne me trompe pas, c'est Etienne Klein, que j'ai reçu il n'y a pas
00:07:15 très longtemps.
00:07:16 Je crois qu'il a été beaucoup peiné, en tout cas il écrit en postface de votre livre,
00:07:20 quand il a découvert que les dauphins, qu'on aime tous, les dauphins aussi étaient ultra-violents,
00:07:25 et particulièrement avec leurs femelles.
00:07:27 Oui, les dauphins, ça fait partie de ces mammifères qui sont capables d'infanticides.
00:07:32 C'est-à-dire les mâles sont capables de tuer des jeunes individus pour rendre les
00:07:36 femelles fécondes plus rapidement.
00:07:38 Et les femelles qui ont des jeunes vivent généralement dans des groupes de femelles, avec des jeunes
00:07:42 qu'elles vont élever.
00:07:43 Et elles peuvent être pourchassées, harcelées par des bandes de mâles, pour là aussi avoir
00:07:47 des copulations forcées.
00:07:48 Alors effectivement, je crois comprendre pourquoi on utilise le terme copulation forcée,
00:07:53 c'est que chez les animaux, la volonté c'est quand même de se reproduire, non ? Alors
00:07:58 qu'évidemment le viol chez les humains, c'est pour en tirer du plaisir.
00:08:02 Alors c'est pour se reproduire, oui et non, parce que je parle aussi par exemple de phénomènes
00:08:08 de viols entre espèces différentes.
00:08:12 Par exemple, les loutres, en Amérique du Nord, sont connues pour violer des jeunes
00:08:17 phoques.
00:08:18 Et là, on ne parle pas d'individus qui cherchent à se reproduire, on parle d'individus qui
00:08:22 cherchent à calmer des pulsions sexuelles plutôt.
00:08:24 Donc un manque de femelles, un manque de partenaires dans une population va créer un stress chez
00:08:31 des individus qui peuvent avoir des comportements anormaux, dans le sens où ils sortent de
00:08:36 la norme.
00:08:37 Et on a des phénomènes, on a des anecdotes très bien documentées de jeunes phoques
00:08:43 qui sont pourchassés sur la plage, qui vont chercher donc refuge dans l'océan.
00:08:47 Et là, dans l'océan, ils vont être attaqués, violentés et violés par des loutres.
00:08:52 Alors Loïc Bollach, revenons à la guerre telle que la pratiquent les animaux.
00:08:58 Et au fond, là on voit à quel point ça peut ressembler aux êtres humains.
00:09:02 Dans certaines espèces, dites-vous, il y a de véritables armées composées de soldats
00:09:07 de métier.
00:09:08 Chez les abeilles, les fourmis par exemple, on sait tous qu'il y a la reine, qu'il y
00:09:11 a les ouvrières, mais il y a aussi des individus qui sont là uniquement pour préparer la
00:09:18 guerre.
00:09:19 Oui, quand on parle des insectes sociaux, là c'est la catégorie des immunoptères
00:09:25 sociaux, on arrive à un niveau de socialité qui est extrêmement poussé, avec des castes,
00:09:32 trois stratégies en réalité dans ce type d'espèces, les reproducteurs, les ouvriers
00:09:37 et les soldats, enfin les guerriers, qui sont la plupart du temps là pour protéger,
00:09:43 c'est plutôt des armées défensives que des armées d'attaque, la plupart du temps
00:09:45 ce sont des armées qui sont là pour défendre la fourmilière ou défendre le couvain.
00:09:49 Mais chaque individu ne sait faire qu'une chose, les reproducteurs ne savent faire que
00:09:54 se reproduire, les ouvriers que travailler et les soldats que faire la guerre la plupart
00:09:58 du temps.
00:09:59 Alors on a des espèces où on peut avoir un peu de souplesse et de plasticité, mais
00:10:04 c'est un phénomène qui est assez remarquable avec un nombre et une proportion de soldats
00:10:09 que l'on retrouve dans nos sociétés humaines, avec des phénomènes assez proches.
00:10:14 Et il y a même des fourmis kamikazes dites-vous ?
00:10:17 Oui, il n'y a pas que des fourmis, mais les fourmis kamikazes c'est très connu avec
00:10:22 un certain nombre de stratégies, par exemple peut-être les plus surprenantes sont celles
00:10:28 qui font des petites fourmilières en haut de la canopée dans les arbres et lorsqu'elles
00:10:33 sont attaquées, les soldats se jettent dans le vide avec les assaillants et s'ils survivent,
00:10:39 ils vont remonter en haut de la fourmilière pour refaire leurs moyens de défense.
00:10:44 Et puis on a des soldats qui vont exploser, qui sont des véritables bombes vivantes et
00:10:48 donc qui vont exploser avec les assaillants.
00:10:50 Et donc on a appelé ça des kamikazes parce que ça nous rappelle tellement des comportements
00:10:56 humains, que l'on utilise un vocabulaire volontairement humain pour décrire ces comportements
00:11:02 animaux.
00:11:03 Alors il y a aussi des guerres entre espèces différentes, entre les hyènes et les lions
00:11:08 par exemple, mais ça tous ceux qui ont vu le roi lion s'en doutaient.
00:11:11 Oui c'est ça, on pourrait faire des cours à l'université uniquement sur la description
00:11:17 de la nature dans les animés ou les dessins animés, alors dans le roi lion on est quand
00:11:23 même loin de la réalité.
00:11:24 Ce qui se passe c'est que dans le monde des carnivores, que ce soit des gros ou des petits,
00:11:29 le lion c'est un des plus gros carnivores, la hyène est déjà plus petite, les lycaons
00:11:33 sont encore plus petits, et bien il y a une compétition pour les ressources qui se crée,
00:11:38 qui est importante et tout est bon en réalité pour réduire la pression de la compétition,
00:11:44 donc pour réduire les forces de l'ennemi.
00:11:46 Et donc 50% des hyènes, des jeunes hyènes qui meurent, sont généralement par les lions
00:11:52 et ça peut conduire par moments à des combats assez importants.
00:11:57 Et entre les chimpanzés et les gorilles, qu'est-ce qui les motive ?
00:12:01 Alors les chimpanzés et les gorilles, c'est une anecdote, j'en parle dans mon livre parce
00:12:06 que c'est très récent, c'est vraiment des découvertes tout à fait récentes.
00:12:09 La plupart des personnes qui travaillent sur les grands singes n'ont jamais vu de violences
00:12:14 entre ces deux grands primates qui peuvent se croiser dans certaines forêts africaines,
00:12:18 mais très très récemment, à l'occasion encore une fois de pénuries de ressources
00:12:23 alimentaires, certainement causées par le réchauffement climatique, il y a deux phénomènes
00:12:28 qui ont été observés sur deux années différentes où des groupes de chimpanzés ont attaqué
00:12:32 un groupe de gorilles.
00:12:35 Généralement le mâle alpha, le dos argenté s'en sort, les femelles aussi, mais dans
00:12:41 les deux situations, un jeune gorille a été en fait tué sans être consommé.
00:12:46 Les chimpanzés peuvent consommer de la nourriture carnée, ils peuvent être des chasseurs,
00:12:51 chasser des petits primates dans les arbres.
00:12:53 Mais là il n'y a pas eu de consommation, donc on a du mal à comprendre ce qui se passe
00:12:57 si ce n'est qu'un stress de l'environnement provoqué par un manque de ressources a engendré
00:13:02 ce type de conflit.
00:13:03 Vous abordez aussi les guerres de succession qui dégénèrent en guerre civile, notamment
00:13:09 chez les fourmis noires ou chez les fourmis méditerranéennes.
00:13:13 Oui parce que quand on parle de guerre, on a l'image des batailles rangées, des guerres
00:13:17 assez classiques, mais dans le monde animal on retrouve tout.
00:13:21 On retrouve des guerrières, on retrouve des raids, des embuscades et on retrouve des
00:13:24 guerres civiles.
00:13:25 Donc à l'intérieur d'une fourmilière, lorsque des jeunes rennes vont quitter la
00:13:34 fourmilière pour fonder un nouveau couvain, elles peuvent décider de s'associer à plusieurs
00:13:41 jeunes rennes au départ pour pondre en même temps et puis s'occuper des premières larves.
00:13:45 Mais dès que les premières larves vont naître, là c'est chacun pour soi et donc ce sont
00:13:49 des conflits entre l'ensemble des rennes, entre les jeunes ouvrières qui viennent de
00:13:53 naître et qui vont s'acharner sur la renne voisine.
00:13:57 Il faut qu'il n'y en reste qu'une à la fin.
00:13:59 Et c'est des choses que l'on observe chez des immunotaires comme les fourmis mais aussi
00:14:04 chez d'autres insectes sociaux.
00:14:05 On se sent tout à coup moins seul en tant qu'être humain.
00:14:09 On croyait qu'on avait le monopole de ce genre de choses.
00:14:12 Pas du tout.
00:14:13 Alors je ne sais pas si c'est rassurant ou inquiétant d'apprendre que les fourmis,
00:14:17 les chimpanzés aussi, il y a des guerres de succession qui dégénèrent en guerre
00:14:21 civile chez les chimpanzés.
00:14:22 Oui, il y a surtout des alliances.
00:14:25 Ce qui est intéressant c'est que la position la plus enviable chez les chimpanzés c'est
00:14:28 parce que le numéro 2 c'est pas le numéro 1 parce que le numéro 1 va pas automatiquement
00:14:31 le rester très longtemps.
00:14:32 Alors que le numéro 2, s'il fait alliance avec le numéro 1, et bien naturellement il
00:14:35 crée un duo au sommet qui va se maintenir.
00:14:39 Mais si le numéro 2 décide de s'allier au numéro 3, ils peuvent renverser le numéro
00:14:42 1.
00:14:43 Et le numéro 2 c'est intéressant pour lui parce qu'il est sûr de garder sa place
00:14:46 de 2.
00:14:47 Le numéro 2 il sera peut-être jamais numéro 1 mais il sera jamais numéro 3 ou numéro
00:14:49 4.
00:14:50 Donc il y a des stratégies d'alliance assez bien définies et qui fonctionnent plutôt
00:14:53 très bien.
00:14:54 Je ne sais pas si l'objectif de l'ouvrage n'était pas d'être rassurant ou pas.
00:15:00 J'avais écrit un premier ouvrage montrant que les animaux pouvaient être aussi intelligents,
00:15:05 on va dire les animaux non humains aussi intelligents que les humains.
00:15:09 Là j'ai voulu montrer l'autre face, c'est-à-dire que les animaux non humains comme les animaux
00:15:14 humains comme nous, on a aussi des comportements violents collectifs.
00:15:17 Chez les crevettes pistolets, ça se traduit comment ?
00:15:22 On a des phénomènes toujours identiques chez les crevettes pistolets.
00:15:27 Ce sont des guerres d'alliance avec des soldats qui vont être là pour défendre les petits
00:15:37 logis de ces crevettes alors qu'ils sont remarquables parce qu'elles ont une pince
00:15:41 hyper trophiée qui va leur servir, on appelle ça des crevettes pistolets, elles n'ont pas
00:15:45 de pistolet mais elles émettent un son hyper puissant dans l'eau qui est capable d'étourdir
00:15:49 ou de tuer un adversaire.
00:15:51 On retrouve des phénomènes qui sont semblables à ce que l'on a décrit très bien dans
00:15:58 nos espèces.
00:15:59 Si on parlait des hyènes tout à l'heure, chez les hyènes il y a des phénomènes de
00:16:02 dynastie.
00:16:03 Ce qui est important chez les hyènes c'est d'être dans la bonne dynastie.
00:16:05 Ce sont des lignées matriarches, ce sont les femelles qui sont plus grandes que les
00:16:10 mâles.
00:16:11 Ce sont les femelles qui dominent le groupe.
00:16:13 Pour qu'une fille soit dominante, il faut qu'elle naisse dans la bonne lignée.
00:16:17 On a des lignées tout doucement maternelles qui vont s'éteindre parce qu'elles sont
00:16:21 moins fortes, moins puissantes.
00:16:22 Des lignées qui vont prendre le dessus sur l'ensemble du groupe.
00:16:26 Dans quelques instants on parlera de ce qui va se passer à la fin de la guerre en Ukraine.
00:16:32 Est-ce que les animaux font la paix après avoir fait la guerre ?
00:16:35 En réalité, ce qui est intéressant à comprendre c'est que les animaux comme chez les humains
00:16:44 sont tout le temps en train de préparer la guerre.
00:16:45 La guerre, comme on la constate, c'est-à-dire la guerre physique, l'affrontement physique,
00:16:49 c'est quasiment le stade ultime de la guerre.
00:16:51 C'est lorsqu'on n'a pas d'autre solution que de se taper dessus.
00:16:53 Mais les animaux sont dans un état de guerre permanent.
00:16:56 Ils préparent en permanence la guerre ou en tout cas ils préparent leur défense.
00:16:59 Mais c'est exactement ce que nous on fait.
00:17:02 Moi j'ai du mal à considérer que la France, pour parler du pays dans lequel on vit, n'est plus en guerre.
00:17:09 Souvent on dit que la France n'est pas en guerre, mais en fait la France est dans un état de guerre permanent.
00:17:12 La preuve c'est qu'on a une armée et on est en permanence en train de réfléchir
00:17:17 à comment se défendre sur des agressions possibles, à prévoir, à essayer d'anticiper les futures agressions.
00:17:21 Et donc on vit comme chez les animaux dans un état de guerre permanent.
00:17:24 Il y a très peu d'espèces qui sont capables d'être dans un état de stress beaucoup plus faible.
00:17:30 Ça peut exister, alors on connaît tous la fameuse histoire des bonobos,
00:17:34 où on estime qu'ils font l'amour et pas la guerre.
00:17:36 Mais peut-être que chez les bonobos, l'astuce c'est qu'ils sont dans des moins grandes densités que sur certaines autres espèces,
00:17:44 ou qu'ils vivent dans des environnements plus riches en ressources,
00:17:46 et donc il y a moins de conflits pour les ressources.
00:17:49 Et peut-être aussi parce que le rôle des mâles est moins important que chez d'autres espèces,
00:17:54 et que ce sont surtout des lignées femelles.
00:17:56 - Notre façon de préparer la guerre, généralement, c'est de s'armer.
00:18:00 Est-ce que les animaux ont des armes spécifiques pour faire la guerre ?
00:18:05 Est-ce qu'on commence à voir l'ombre de quelque chose qui ressemblerait à un outil guerrier ?
00:18:11 - Eh bien oui, on va l'observer, en fait, chez les hyménoptères,
00:18:15 quand on parlait des fourmis tout à l'heure et des kamikazes,
00:18:17 eh bien il faut bien imaginer qu'un soldat de fourmis n'est qu'une arme, en fait.
00:18:21 Il ne sert à rien d'autre qu'à défendre la fourmilière ou le groupe.
00:18:26 Et donc il est en lui-même une arme.
00:18:28 Alors il y a des soldats qui ont des mandibules pour couper, pour broyer leurs adversaires,
00:18:34 d'autres des soldats qui ont des systèmes pour exploser avec des poisons de contact,
00:18:39 ou de l'acide formique ou autre.
00:18:41 Et de très belles expériences ont été faites par des chercheurs suisses
00:18:45 qui ont pu montrer qu'en fonction du niveau de stress, en fonction du risque de la guerre,
00:18:49 on va augmenter la proportion de soldats.
00:18:52 Donc la proportion, en fait, on va d'autant plus s'armer dans ces fourmilières
00:18:56 que l'on estime que le risque d'être attaqué est grand.
00:19:00 Merci Loïc Bollach.
00:19:02 Je revois la lecture de votre livre.
00:19:04 Il est tout à fait passionnant.
00:19:07 On fait une pause et on va s'intéresser à la guerre entre humains, cette fois,
00:19:11 à la guerre en Ukraine.
00:19:18 Que se passera-t-il si les Ukrainiens parviennent à repousser les Russes
00:19:21 hors de leur territoire et commencent à reconquérir la Crimée,
00:19:25 comme Vladimir Zelensky leur a promis ?
00:19:28 Les Américains et les Européens vont-ils les laisser faire ?
00:19:31 Et si c'est la Russie qui l'emporte, va-t-on l'accepter sans riposter,
00:19:35 alors qu'on a livré pour des milliards d'armements à l'Ukraine
00:19:38 et que l'on voyait déjà Vladimir Poutine livré pied et poing lié
00:19:42 à la Cour pénale internationale à la haie ?
00:19:45 Autant de questions que l'on préfère ne pas trop poser
00:19:47 sur la place publique, mais auxquelles les dirigeants occidentaux
00:19:50 sont bien obligés de réfléchir.
00:19:52 Alors, pour y réfléchir, nous aussi, j'ai invité Jean-François Colosimo,
00:19:55 l'auteur de « La crucifixion de l'Ukraine »,
00:19:58 et Renaud Girard, grand reporter et chroniqueur international au Figaro,
00:20:02 à qui l'on doit notamment « Quelle diplomatie pour la France ?
00:20:05 Prendre les réalités telles qu'elles sont ».
00:20:07 Le général Bruno Clermont doit nous avoir rejoint également.
00:20:12 Il est consultant pour CNews sur les questions de défense.
00:20:16 Est-ce que vous êtes là, général ?
00:20:17 Oui, bonsoir.
00:20:18 Alors, premier cas de figure, si l'Ukraine finit par l'emporter,
00:20:23 par exemple à l'issue d'une contre-offensive que tout le monde attend d'une heure à l'autre,
00:20:27 et si elle met les Russes en déroute, elle va vouloir déplacer
00:20:30 le terrain des hostilités en Crimée, comme l'a dit le commandant en chef
00:20:34 de l'armée ukrainienne.
00:20:35 C'est un de leurs buts de guerre affichés.
00:20:37 Or, la Crimée, même annexée illégalement en 2012,
00:20:40 pour les Russes, c'est la Russie, et pour une partie des habitants de la Crimée aussi.
00:20:44 Alors, qu'est-ce qu'on doit faire à ce moment-là, Jean-François Colosimo ?
00:20:48 D'abord, la contre-offensive ukrainienne, elle ne peut véritablement réussir,
00:20:55 ou plutôt, elle ne peut prendre de l'ampleur.
00:20:57 On rappelle que c'est un fusil à un coup,
00:20:59 que l'Ukraine aussi est épuisée militairement, humainement.
00:21:03 Elle doit avoir la Crimée pour axe, de manière à avoir une chance
00:21:08 de bousculer ce front de 1 500 km.
00:21:12 Si l'Ukraine n'inclut pas la Crimée dans ses buts,
00:21:15 la contre-offensive n'a pas de sens.
00:21:18 Maintenant, la vérité quand même de cette guerre,
00:21:21 c'est que la fin de la guerre, ça signifie la fin de Poutine à Moscou.
00:21:27 Tant que Poutine sera au pouvoir à Moscou, il n'y aura pas de paix véritable,
00:21:32 même si les Ukrainiens peuvent reprendre du terrain ce qu'on leur souhaite.
00:21:38 De ce point de vue-là, qui plus est, la Russie, avec Poutine,
00:21:43 n'abandonnera jamais la Crimée, mais il n'est pas sûr du tout
00:21:47 que la Russie sans Poutine veuille l'abandonner non plus.
00:21:50 Voilà, donc on voit bien qu'on est face à…
00:21:52 – Pour prendre juste le cas de Navalny, il était pour l'addiction de la Crimée.
00:21:56 – Oui, mais Navalny est un ennemi de Poutine, il est contre la corruption,
00:22:01 mais c'est un patriot russe, d'ailleurs sa jeunesse,
00:22:05 je dirais, très ultra-droitière, le montre, enfin,
00:22:08 même si aujourd'hui il est loin de ces bases-là.
00:22:11 Donc par rapport à ça, ce qu'il faut bien comprendre aussi,
00:22:13 c'est que ni Joe Biden, ni Emmanuel Macron, ni Cholmes,
00:22:19 le chancelier allemand, n'ont jamais en fait affirmé
00:22:24 qu'il fallait que l'Ukraine reprenne la Crimée.
00:22:27 – Ils disent même le contraire en réalité.
00:22:28 – En fait, ils disent, c'est aux Ukrainiens de décider.
00:22:32 – On voit bien que cette question de Crimée, elle angoisse même
00:22:36 les alliés occidentaux de l'Ukraine, pourquoi ?
00:22:42 Parce qu'en fait, si la Russie perd la Crimée,
00:22:45 la Russie se retrouve en fait dans une situation de blocus maritime,
00:22:49 doit passer par le pôle Nord ou par la Baltique pour gagner les Merchants.
00:22:53 La Crimée, c'est le but de toute la politique des Tsars
00:22:57 et ensuite de l'Union Soviétique, n'est-ce pas ?
00:22:59 C'est cette descente vers le Sud et de ce point de vue-là.
00:23:03 Donc on voit mal Poutine, véritablement la lâcher,
00:23:07 et ce qu'on peut redouter, c'est qu'au contraire,
00:23:09 la Crimée devienne ce point de bascule d'une escalade.
00:23:13 C'est ça, je crois, ce qu'on redoute finalement,
00:23:16 ce qu'on redoute à Washington, à Paris et à Berlin,
00:23:19 c'est très précisément ça, mais Renaud Gérard…
00:23:20 – Renaud Gérard !
00:23:22 – Oui, je pense que c'est ça effectivement le danger, c'est l'escalade,
00:23:28 je pense effectivement que les capitales européennes,
00:23:32 les capitales otaniennes sont un peu moins ardentes sur la Crimée,
00:23:37 d'abord parce qu'elles se souviennent qu'elles-mêmes, en 1999,
00:23:44 ces pays otaniens ont fait la guerre pour aider des sécessionnistes,
00:23:49 alors ce n'étaient pas les sécessionnistes russophones du Donbass,
00:23:52 c'étaient les sécessionnistes albanophones du Kosovo,
00:23:57 mais ils se souviennent que cette guerre n'avait pas été autorisée
00:24:01 par le conseil de sécurité de l'ONU.
00:24:03 – Et Poutine s'en souvient aussi, puisqu'il a très souvent fait allusion
00:24:07 à l'avasion de l'Irak évidemment.
00:24:08 – Ils se souviennent que cette guerre de l'OTAN contre la Serbie
00:24:12 était aussi une violation de la charte de l'OTAN
00:24:15 puisque l'OTAN ne prévoit que des guerres défensives,
00:24:19 or la Serbie n'avait agressé aucun des membres de l'OTAN,
00:24:24 donc ils se souviennent de tout cela, ils se souviennent qu'effectivement
00:24:28 il y a eu un référendum au Kosovo pour dire que le Kosovo
00:24:33 voulait devenir indépendant et ça correspond d'ailleurs tout à fait
00:24:37 à ce que veut la grande majorité de la population au Kosovo
00:24:41 puisque les serbes ne sont qu'une minorité, une très petite minorité,
00:24:46 mais ce référendum n'est pas en droit international légal
00:24:51 parce qu'il aurait fallu qu'il y ait un référendum en Serbie
00:24:56 pour accorder cette indépendance.
00:24:58 Quand nous avons accordé l'indépendance à l'Algérie,
00:25:01 il y a eu un référendum en Algérie et un référendum en France,
00:25:05 c'est comme ça que ça se fait.
00:25:06 Et donc on dit que le référendum en Crimée est illégal
00:25:11 parce qu'effectivement il n'a pas eu le soutien d'un référendum
00:25:15 en Ukraine, sur la population en Ukraine,
00:25:18 mais la réalité, on dit que c'est un référendum
00:25:21 où les électeurs avaient le pistolet sur la tempe.
00:25:25 J'étais là-bas, j'ai assisté à ce référendum,
00:25:29 il n'y avait aucun soldat devant les bureaux de vote.
00:25:32 La réalité est qu'il y avait surtout la liesse dans les rues
00:25:36 qui était impressionnante après le résultat du référendum
00:25:40 de rattachement à la Russie.
00:25:42 Et donc la vérité est que la Crimée a toujours été pro-russe en fait.
00:25:47 Et après la dissolution, ou pendant la dissolution
00:25:49 et après la dissolution de l'Union soviétique,
00:25:51 il y a eu deux référendums, en 1991 et en 1994,
00:25:55 et ces référendums ont toujours marqué une volonté d'autonomie
00:25:59 par rapport à l'Ukraine des habitants de la Crimée.
00:26:03 Alors on pourrait très bien, dans une solution plus tard,
00:26:07 peut-être refaire sous contrôle de l'ONU,
00:26:10 un autre référendum qui inclurait évidemment tous les habitants
00:26:14 qui habitaient en Crimée en 2014 lors de son annexion,
00:26:20 pour qu'évidemment tout le monde s'exprime sous le contrôle de l'ONU.
00:26:25 Je vous interromps Renaud, c'est le rappel un des titres Isabelle Piboulot,
00:26:29 et puis je donnerai la parole ensuite au général Bruno Clermont.
00:26:32 La ministre des Sports a qualifié d'inacceptable les faits reprochés
00:26:39 à Mohamed Aoua s'ils sont établis.
00:26:42 L'international de rugby, âgé de 29 ans, a été placé en garde à vue hier.
00:26:47 Il est poursuivi pour violence conjugale.
00:26:49 Le pilier du 15 de France sera jugé mardi en comparution immédiate.
00:26:53 Il sera entendu à 13h30 devant le tribunal correctionnel de Montpellier.
00:26:58 La Fédération française du sauvetage et du secourisme
00:27:01 alerte, 5 000 postes de maîtres nageurs sont à pourvoir,
00:27:05 dont 1 500 dans les piscines municipales et plages,
00:27:08 en cause un salaire jugé peu attractif
00:27:11 et une amplitude horaire importante, sans compter les conséquences
00:27:14 du Covid-19 sur la profession.
00:27:17 Et puis, clap de fin pour le 76e Festival de Cannes.
00:27:21 La Palme d'or a été décernée par Jane Fonda à Justine Trier
00:27:25 pour Anatomie d'une chute.
00:27:26 La cinéaste française de 44 ans devient la troisième réalisatrice sacrée
00:27:31 de l'histoire du festival.
00:27:33 En recevant son prix, la réalisatrice a pointé du doigt
00:27:35 le mouvement contre la réforme des retraites,
00:27:37 qui selon elle a été niée de façon choquante.
00:27:40 La ministre de la Culture s'est dite estomaquée par son discours.
00:27:44 Alors, que se passera-t-il si l'Ukraine,
00:27:49 à point avoir repoussé hypothèquement,
00:27:52 c'est une hypothèse évidemment, les Russes hors de son territoire,
00:27:55 veut reconquérir la Crimée, comme ça vient d'être dit,
00:27:59 c'est un de ses buts de guerre.
00:28:01 Il y a des nationalistes aussi en Ukraine
00:28:03 et ils tiennent beaucoup à récupérer la Crimée.
00:28:05 Et puis, c'est une promesse et c'est un but de guerre affiché,
00:28:08 on l'a dit depuis le début du conflit.
00:28:10 Et ça pose aussi un problème parce qu'en Crimée,
00:28:13 il y a beaucoup de pro-russes qui n'ont peut-être pas envie
00:28:17 d'être reconquis par les Ukrainiens.
00:28:19 Et puis surtout, les Russes considèrent que la Crimée,
00:28:22 c'est la Russie et donc ils s'y opposent d'autant plus fort.
00:28:25 À partir de là, est-ce que nous, occidentaux,
00:28:28 Américains, Européens, on va aider l'Ukraine à reconquérir la Crimée
00:28:34 comme on l'aide à reconquérir son territoire ?
00:28:38 Qu'en pensez-vous, Général Bruno Clermont ?
00:28:41 C'est une bonne question.
00:28:43 Mais c'est surtout une question à laquelle les occidentaux
00:28:44 ne sont pas prêts à répondre.
00:28:46 On s'est rendu compte ces derniers jours,
00:28:48 à l'occasion des offensives,
00:28:50 de la première offensive terrestre de force ukrainienne
00:28:53 ou de force russo-ukrainienne,
00:28:55 de la raison de Belgorod,
00:28:56 de la condamnation unanime de trois pays,
00:28:59 les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne,
00:29:02 sur le fait qu'on a rappelé aux Ukrainiens
00:29:04 que les armements qui étaient livrés à l'Ukraine
00:29:07 ne devaient pas être utilisés sur le territoire de la Russie.
00:29:09 Vous savez, c'est le fameux débat armes défensives-offensives.
00:29:13 Il se trouve qu'en ce qui concerne la Crimée,
00:29:15 il y a eu des attaques sur la Crimée menées par les Ukrainiens.
00:29:18 Ils les ont menées tardivement à partir du mois de mai 2022.
00:29:22 Ils les ont reconnues encore plus tardivement.
00:29:24 Il a fallu plusieurs semaines avant que les Ukrainiens
00:29:26 reconnaissent les attaques de drones sur la Crimée.
00:29:28 Mais jusqu'à présent, aucun armement occidental
00:29:32 n'a été utilisé dans aucune attaque sur la Crimée.
00:29:35 Or, de la Crimée partent, depuis le début de la guerre,
00:29:39 des attaques, des chasseurs, des missiles.
00:29:42 Donc la Crimée, dans l'esprit des Occidentaux,
00:29:46 dès aujourd'hui, dans la façon dont l'armement est géré
00:29:49 et mis à disposition des Ukrainiens,
00:29:51 bénéficie d'un statut particulier.
00:29:53 Mais ce statut est ambigu parce que personne n'a jamais
00:29:56 précisé ouvertement, alors qu'on le fait
00:29:58 vis-à-vis du territoire de la Russie.
00:29:59 Personne n'a jamais dit ouvertement
00:30:01 "Vous ne devez pas utiliser les armements occidentaux en Crimée".
00:30:03 Mais il se trouve que les Ukrainiens ne les utilisent pas.
00:30:06 Donc on peut imaginer que ça ne se dit pas,
00:30:08 en tout cas de manière ouverte,
00:30:10 mais que ça se dit de manière un peu moins ouverte.
00:30:12 Mais on sait très bien que si demain, par exemple,
00:30:15 il y avait des négociations de paix,
00:30:16 en tout cas si demain la guerre cessait
00:30:20 telle qu'elle se déroule depuis plus d'un an maintenant,
00:30:23 forcément la question se posera.
00:30:25 Les Ukrainiens, le peuple ukrainien,
00:30:27 veut récupérer la Crimée.
00:30:29 Ils auront subi une guerre longue et très douloureuse
00:30:33 pour eux, ils ne voudront pas que ce soit pour rien.
00:30:36 Ce sera très difficile de les convaincre
00:30:38 de ne pas y aller, Jean-François Colosimo.
00:30:40 Oui, bien sûr, mais d'une part, l'Ukraine,
00:30:45 il faut voir tout de même un peu la capacité de cynisme
00:30:49 au sens philosophique et de réalisme au sens géopolitique
00:30:54 des Occidentaux.
00:30:55 L'Ukraine aura d'immenses besoins de se reconstruire.
00:31:00 Elle aura aussi besoin de stabilité politique
00:31:03 parce qu'aujourd'hui elle connaît l'Union sacrée,
00:31:06 mais on sait qu'il y avait tout de même
00:31:07 des tensions politiques fortes, idéologiques fortes
00:31:10 au sein même de l'Ukraine avant la guerre.
00:31:13 Les Occidentaux auront beaucoup de levier en fait
00:31:16 pour imposer leur vue.
00:31:18 Il me semble que, comme le disait Renaud Girard,
00:31:20 que la question de la Crimée sera envoyée à plus tard.
00:31:24 N'est-ce pas ?
00:31:25 Plus tard, c'est-à-dire, dire finalement
00:31:28 on va essayer d'abord de temporiser,
00:31:31 on va essayer d'abord d'en finir avec la guerre.
00:31:34 Voilà, la guerre est finie, la question de la Crimée,
00:31:36 dans 5 ans, dans 10 ans, un référendum
00:31:39 sous l'égide de l'ONU, etc.
00:31:41 Je crois que ça, ça peut être une manière pour les Occidentaux.
00:31:44 Oui, c'est sans doute ce que les Occidentaux proposeront,
00:31:47 mais je doute que les Ukrainiens acceptent.
00:31:49 Imaginez qu'on ait dit aux Français en 1944,
00:31:51 bon allez, on s'arrête là,
00:31:53 on ne va pas aller envahir l'Allemagne,
00:31:55 restez chez vous, c'est ce qu'on dit.
00:31:56 On voulait aller envahir l'Allemagne.
00:31:58 Mais vous remarquerez que toutes les guerres
00:32:00 que nous connaissons à peu près depuis l'an 2000,
00:32:03 Afghanistan, Iraq, etc.
00:32:06 où l'Amérique d'ailleurs a été très mêlée,
00:32:09 ce sont des guerres qui sont sans résolution claire.
00:32:12 On ne gagne plus les guerres.
00:32:13 Voilà, c'est-à-dire un jour, on dit on s'en va,
00:32:16 on dit un jour ça s'arrête,
00:32:18 il n'y a pas véritablement de traité de paix, etc.
00:32:21 Les choses sont laissées quasiment en l'état.
00:32:24 En fait, on connaît des cessez-le-feu,
00:32:27 mais on ne connaît plus de paix au sens organique,
00:32:31 d'autant plus qu'on n'arrête pas de dire "nous les occidentaux".
00:32:34 Mais les amis de M. Poutine, Xi Jinping en Chine,
00:32:39 M. Erdogan, vous savez,
00:32:41 lorsque les Russes ont annexé la Crimée en 2014,
00:32:45 le pays qui a protesté, c'était la Turquie,
00:32:48 en disant en raison de la présence des Tatars de Crimée,
00:32:50 "cette terre est la nôtre, elle n'est ni russe ni ukrainienne,
00:32:53 elle est turque parce qu'il y a eu des mongols qui sont passés par là".
00:32:58 Vous voyez, je crois que ce règlement-là,
00:33:01 tout le monde sera plutôt satisfait au fond de voir la guerre finir.
00:33:05 Et malheureusement, et c'est quelque chose d'assez grave au fond,
00:33:10 parce que cet Occident un peu imaginaire,
00:33:13 formé par l'Europe et les États-Unis,
00:33:15 se disqualifiera certainement une fois de plus
00:33:19 pour une parole non tenue.
00:33:21 – Général Bodo Clermont.
00:33:24 – Il est évident que les Ukrainiens ne peuvent pas conquérir la Crimée
00:33:27 sans utiliser les armements occidentaux.
00:33:29 Donc en quelque sorte, l'instant de vérité va arriver.
00:33:32 Si la contre-offensive annoncée perce les lignes russes
00:33:36 et s'approche de la Crimée,
00:33:38 et si les Ukrainiens utilisent les armements occidentaux,
00:33:41 on va voir la réaction des Occidentaux.
00:33:42 On verra si les Ukrainiens ont le droit, ou pas officiellement,
00:33:47 d'essayer de récupérer la Crimée.
00:33:49 Pour l'instant, la question ne se pose pas,
00:33:51 puisqu'ils ne sont pas en situation de reprendre la Crimée.
00:33:54 Ils n'ont jamais utilisé de l'armement occidental
00:33:56 pour reprendre la Crimée,
00:33:57 ce qui est quand même, même pour eux,
00:33:58 pour frapper l'Opposition crimée.
00:33:59 Or, ils ont besoin de frapper l'Opposition crimée.
00:34:02 Il y a des logistiques en Crimée,
00:34:03 il y a des forces russes qui ne l'ont pas fait.
00:34:05 Donc on a une espèce d'ambiguïté stratégique,
00:34:07 et sans doute la contre-offensive en fonction de son évolution.
00:34:11 Et ça, c'est le grand point d'interrogation.
00:34:13 Et de cette contre-offensive,
00:34:14 il est évident que le discours officiel, c'est de dire
00:34:16 qu'elle sera déterminante pour aller vers une solution politique,
00:34:20 un règlement politique, sous-entendu,
00:34:23 dans le contexte du rapport de force,
00:34:25 de puissance entre les deux États.
00:34:27 Il paraît très difficile aujourd'hui que les Ukrainiens
00:34:29 soient en mesure de récupérer la totalité du territoire
00:34:32 conquis par la Russe, sous-entendu la Crimée comprise.
00:34:35 – Oui, évidemment, je formule une hypothèse.
00:34:39 Mais cette hypothèse, on est obligé de l'étudier,
00:34:43 parce qu'elle est dans la tête des Ukrainiens,
00:34:45 et on peut le comprendre, René Girard.
00:34:48 – Oui, en fait, on est dans un cas très intéressant de guerre,
00:34:50 parce qu'en fait, je pense que ni les Ukrainiens,
00:34:55 ni les Russes ne peuvent perdre la guerre.
00:34:58 Les Ukrainiens ne peuvent perdre la guerre,
00:35:00 parce que ça serait une gifle.
00:35:02 Perdre la guerre pour les Ukrainiens,
00:35:03 c'est-à-dire que les Russes prennent Kharkov et Kiev, par exemple.
00:35:08 Ou même, arrive, prennent seulement Kharkov, si vous voulez.
00:35:12 Et obligent les Ukrainiens à demander un cessez-le-feu, un armistice.
00:35:19 Ça, ça serait une victoire russe.
00:35:21 – On va l'étudier, on va l'étudier, la hypothèse aussi.
00:35:24 – Je crois qu'elle est impossible, parce que les Occidentaux,
00:35:30 l'OTAN est en train de faire, avec des livraisons d'armement de l'Ukraine,
00:35:34 et l'entraînement des soldats et des forces spéciales,
00:35:36 une sorte d'Israël de bastion inexpugnable, si vous voulez.
00:35:40 Moi, je pense qu'aujourd'hui, l'armée russe n'est pas en capacité de prendre Kiev.
00:35:46 Il fallait la prendre tout de suite, ils ont raté leur opération.
00:35:49 Les Ukrainiens se sont battus avec beaucoup de bravoure et d'intelligence,
00:35:54 c'est fini, et les Russes se sont très mal battus.
00:35:56 De l'autre côté, les Russes qui ont cette immense étendue,
00:36:00 qui n'ont pas été battus ni par les Polonais, ni par les Suédois,
00:36:05 ni par les Français, ni par les Allemands,
00:36:08 les Russes ne vont pas connaître la défaite.
00:36:12 Et sur la Crimée, qu'ils considèrent tous comme russe,
00:36:14 y compris Navalny, vous l'avez dit, alors là, ils vont se battre.
00:36:18 Ce n'est pas facile à prendre la Crimée, parce que c'est assez…
00:36:21 d'abord, il y a des collines, et ensuite, c'est très montagneux.
00:36:23 – Et ils sont en train de fortifier.
00:36:24 – Voilà, du côté de Simferopol, la capitale de ça, c'est très montagneux,
00:36:28 du côté d'Ialta, et ensuite, pour aller jusqu'à…
00:36:31 Ils vont sûrement garder aussi le détroit de Kerch, si vous voulez.
00:36:35 Donc là, ils vont vraiment se battre, et les Occidentaux,
00:36:38 puisque c'était votre question, qu'est-ce que les Occidentaux veulent,
00:36:42 à tout prix, c'est d'éviter l'escalade.
00:36:45 Et les Américains l'ont dit, ils ne veulent pas d'escalade,
00:36:48 ils ne veulent pas qu'on prenne le moindre risque d'une guerre nucléaire,
00:36:54 si vous voulez, le moindre risque, parce que ça,
00:36:56 leur population ne leur pardonnerait pas.
00:36:59 Vous avez une capitale occidentale qui a été rasée,
00:37:02 et d'autres capitales russes, villes russes, etc.
00:37:06 pour une guerre entre des frères slaves,
00:37:09 qui ne se sont pas entendus après l'effondrement de l'Union soviétique,
00:37:13 mais où on va quoi ?
00:37:14 Et ça, les populations, si vous voulez,
00:37:17 parce que c'est vrai qu'il y a une lassitude de la guerre au sein des Russes,
00:37:20 les Russes n'ont jamais été très motivés pour cette guerre,
00:37:23 n'ont jamais vraiment suivi Poutine avec enthousiasme,
00:37:26 on ne peut pas parler d'un enthousiasme de l'armée d'agression russe,
00:37:31 les Ukrainiens se sont battus avec beaucoup de valeur,
00:37:35 mais ils sont fatigués, et c'est tout à fait vrai,
00:37:37 et beaucoup de jeunes Ukrainiens aujourd'hui se demandent
00:37:40 est-ce que ça vaut vraiment le coup des pères de famille
00:37:42 de mourir pour un Donbass russophile, russophone,
00:37:46 et qui est entièrement détruit ?
00:37:47 Il y a des gens qui se posent cette question quand même.
00:37:50 Et alors que l'avenir, et Jean-François l'a dit,
00:37:52 est plutôt radieux, parce qu'il y aura un afflux massif de capitaux occidentaux
00:37:58 pour reconstruire l'Ukraine,
00:38:01 l'argent occidental a fait merveille en Pologne,
00:38:04 il faut voir le développement de la Pologne avec l'argent européen,
00:38:07 c'était extraordinaire,
00:38:08 je pense qu'on peut avoir le même phénomène en Ukraine,
00:38:12 et que donc beaucoup de gens ont compris que cette guerre ne devait pas durer trop longtemps,
00:38:17 parce qu'en fait personne vraiment ne peut la gagner.
00:38:22 Si par extraordinaire l'armée russe s'effondrait,
00:38:27 alors là ce serait la fin non seulement de Poutine,
00:38:29 et Jean-François a raison de le dire,
00:38:31 mais peut-être même de la Russie,
00:38:32 peut-être que vous auriez des provinces de la Russie,
00:38:35 on pourrait avoir une dislocation de la Russie.
00:38:38 Comme à chaque fois qu'il y a un désastre militaire en Russie en général.
00:38:42 Mais aujourd'hui, il faut reconnaître qu'elle n'est pas envisageable,
00:38:46 on nous a promis cette offensive ukrainienne depuis très longtemps,
00:38:51 on voit qu'elle ne vient pas,
00:38:53 les Russes ont réussi à colmater les brèches,
00:38:57 ils ont l'air de tenir, on va voir.
00:39:00 Et de toute façon la négociation c'est comme au moment du congrès de Vienne,
00:39:03 c'est ce que disait Talleyrand,
00:39:05 les accords de paix et les concessions seront toujours un miroir de la situation sur le terrain.
00:39:13 La négociation ne peut pas vous donner comme ça des avantages magiques.
00:39:18 C'est toujours les accords de cessez-le-feu, d'armistice, de paix,
00:39:23 comme entre la Corée du Nord et la Corée du Sud,
00:39:25 reflètent toujours la situation militaire sur le terrain.
00:39:30 Et c'est pour ça qu'on a eu la cessation de la guerre en Corée,
00:39:36 c'est quand les Américains ont remonté,
00:39:39 les Coréens du Sud ont remonté vers le 38e parallèle,
00:39:43 et bien là, la guerre, Staline était mort, on a décidé d'arrêter la guerre,
00:39:47 et le 38e parallèle est devenu l'accord de cessez-le-feu,
00:39:51 qui dure toujours, la frontière en quelque sorte entre Corée du Nord et Corée du Sud,
00:39:55 qui dure toujours.
00:39:57 – Alors est-ce que la… et si c'est la Russie qui l'emporte ?
00:40:00 Alors félicitablement Renaud Gérard évacue cette possibilité totalement,
00:40:05 mais j'ai envie de vous poser quand même la question à vous,
00:40:08 Général Bruno Clermont,
00:40:09 ce ne serait pas la première fois que la Russie étonnerait les Occidentaux
00:40:14 en gagnant une guerre qu'on croyait perdue ?
00:40:17 – Si ce n'est que cette fois-ci, dans le contexte des performances de l'armée russe,
00:40:22 de la taille de l'Ukraine et des performances de l'armée ukrainienne,
00:40:25 là le scénario est quasiment impossible,
00:40:27 les Russes ne prendront jamais Kiev, je pense que ça c'est une affaire entendue,
00:40:31 la question est de savoir, est-ce que les Russes seront capables
00:40:33 de prendre la totalité des 4 oblastes qu'ils ont annexés par référendum ?
00:40:39 Pour l'instant ils n'en ont qu'un seul, c'est Lugansk,
00:40:41 ils n'ont pas la totalité de Donetsk, ils n'ont pas la totalité de Kersenne,
00:40:44 ils n'ont pas la totalité de Zaporizhia et je pose la question de la Crimée,
00:40:47 je reviens sur la question de la Crimée,
00:40:49 la question de la Crimée ce n'est pas tout à fait comme les autres,
00:40:51 donc si Poutine arrive à conserver la Crimée et à récupérer les 4 oblastes en totalité,
00:40:55 je pense qu'il serait bien content de signer un accord de paix,
00:40:58 ce qui évidemment n'est pas du tout, ne plaît absolument pas aux Ukrainiens,
00:41:02 parce que ça voudrait dire que même si Poutine a perdu la guerre
00:41:05 puisqu'il n'a pas pris Kiev, il contrôle quand même 20% les territoires de l'Ukraine.
00:41:09 – Mais moi c'est ça que j'appelle pour la Russie, en l'état actuel des choses,
00:41:14 gagner la guerre, c'est-à-dire obliger les Ukrainiens à reconnaître
00:41:18 que les territoires du sud de l'Ukraine désormais sont russes,
00:41:21 ce serait une sérieuse défaite pour les Ukrainiens
00:41:25 et ce n'est pas du tout ce qui se prépare a priori,
00:41:28 c'est la raison pour laquelle ils ne veulent certainement pas négocier une paix quelconque.
00:41:32 – Mais même l'intérêt des Occidentaux…
00:41:34 – Mais évidemment que les Occidentaux ne voudraient pas non plus.
00:41:36 – Non mais l'intérêt des Occidentaux, même dans un cas de figure pareil,
00:41:39 ça serait de ne pas laisser tout le rivage de la mer Noire à la Russie,
00:41:44 parce que c'est là où est la clé du problème,
00:41:46 parce que le Donbass c'est une région russe d'abord,
00:41:49 originellement Staline l'avait mise dans l'Ukraine pour plomber l'Ukraine,
00:41:53 en quelque sorte, pour la contrebalancer.
00:41:56 C'est une région économiquement vouée au désastre quasiment immédiate,
00:42:01 c'est une région de sidérurgie, etc.
00:42:03 Mais ce qui compte désormais c'est la mer Noire.
00:42:06 Alors je crois qu'il y a quand même aussi autre chose,
00:42:08 Renaud Girard le disait, mais il y a quand même quelque chose aussi,
00:42:14 il y a deux facteurs qui font que la Russie ne peut pas perdre,
00:42:18 d'abord d'un côté la Russie ne peut pas perdre
00:42:20 parce qu'on n'arrête pas de dire la Russie,
00:42:21 Vladimir Poutine ne peut pas perdre,
00:42:23 parce qu'une défaite c'est la fin de son régime,
00:42:25 c'est la fin de son oligarchie mafieuse,
00:42:27 c'est la fin de son système kleptomane,
00:42:30 et on sait très bien qu'un de ses cauchemars
00:42:33 c'est de finir comme Saddam Hussein ou Kadhafi, n'est-ce pas ?
00:42:36 Donc lui il ne peut pas parce que tout le système,
00:42:39 il est l'incarnation d'un système véritablement prédateur
00:42:44 qui tient la Russie,
00:42:45 et c'est pour ça d'ailleurs que les Russes ne suivent pas tant que ça.
00:42:49 Et puis le deuxième point sur lequel finalement aussi
00:42:54 nous nous sommes peut-être occidentaux,
00:42:56 malgré tout pressés d'obtenir un règlement quel qu'il soit,
00:43:01 et c'est là où finalement la Russie peut s'en tirer mieux qu'elle ne pourrait,
00:43:06 c'est ce que disait Bismarck,
00:43:08 vous savez que dans une relation à trois,
00:43:13 ce qui importe c'est d'être l'un des deux,
00:43:15 et il y a la Chine derrière tout ça.
00:43:20 Et en fait le scandale finalement pour ce monde européen,
00:43:24 si on l'élargit jusqu'à l'Oural,
00:43:26 de l'Atlantique à l'Oural, c'est qu'avec sa guerre,
00:43:31 Poutine est en train en fait de nous offrir demain à la domination de la Chine.
00:43:38 Et là les Américains sont très sensibles à ça,
00:43:40 il ne faut pas non plus que cette guerre dure éternellement
00:43:43 du point de vue des Américains,
00:43:45 elle capte véritablement trop de forces américaines
00:43:48 qui doivent être déportées vers le Pacifique.
00:43:51 Et ça aussi c'est un avantage au fond dans le règlement
00:43:55 pour que Poutine garde la crise.
00:43:57 – Et je crois que les Américains d'ailleurs ne se souhaitent pas,
00:44:00 ils sont prudents, il y a eu quelques déclarations du général Millet
00:44:04 chez l'état-major qui va bientôt partir à la retraite des États-Unis,
00:44:11 ils ne veulent pas une dislocation, ils ne veulent pas le chaos en Russie,
00:44:15 ils ne veulent pas l'immense Russie avec des armes nucléaires
00:44:18 qui commence à se balader, ils ne veulent pas le chaos les Américains.
00:44:21 – Ils ne veulent pas ce qu'ils ont connu au temps de Yeltsin.
00:44:23 – Voilà, ils ne veulent pas du tout de chaos,
00:44:25 et puis quant aux Russes, je crois que par exemple,
00:44:30 reprendre Kersaune, la capitale dont ils sont partis
00:44:35 parce qu'ils avaient peur d'être encerclés, c'était la fin septembre 2022,
00:44:41 je pense que pour reprendre Kersaune, il faudrait retraverser le Dniepr,
00:44:46 le Dniepr c'est un fleuve très large,
00:44:48 je pense qu'ils n'ont pas la capacité opérationnelle et logistique
00:44:52 de traverser le fleuve Dniepr,
00:44:56 cette capacité logistique et de manœuvre de l'armée,
00:45:00 ils ne l'ont pas montrée, donc je pense que ça c'est vraiment à exclure,
00:45:04 c'est-à-dire bien sûr que Poutine aimerait et s'arrêterait sans doute
00:45:08 à la conquête des quatre oblastes,
00:45:10 parce que ce qui compte pour sauver son régime,
00:45:12 Jean-François Collodji, moi, a raison,
00:45:14 ce qui compte pour sauver son régime, c'est de pouvoir proclamer victoire.
00:45:17 – Il suffit que les Ukrainiens, demain, demandent des négociations de paix
00:45:23 et acceptent de s'aider ces quatre oblastes.
00:45:26 – La réalité c'est que Poutine a perdu la guerre,
00:45:29 parce que jamais personne, même les Américains,
00:45:31 ont proposé à Zelensky de fuir au début de la guerre,
00:45:34 parce qu'ils pensaient, personne n'imaginerait,
00:45:36 n'imaginait que l'armée ukrainienne allait résister à l'armée russe.
00:45:42 – Moi, je crois que c'est un point très important,
00:45:44 et c'est là où le règlement de cette guerre va être très compliqué,
00:45:47 d'un point de vue rationnel,
00:45:49 c'est que les armes de l'OTAN ont fini par arriver,
00:45:52 et vous l'avez dit,
00:45:54 parce que les Ukrainiens ont quand même héroïquement résisté.
00:45:59 – Voilà.
00:46:00 – Et donc, là aussi, vous avez raison,
00:46:02 c'est qu'on est sur une construction nationale.
00:46:06 Vous savez, on dit, on voit aujourd'hui le retour du religieux,
00:46:09 les autres empires, mais les nations sont toujours là.
00:46:11 On voit une nation en train de se bâtir devant nous,
00:46:14 non pas qu'elle ait jamais existé, elle a existé l'Ukraine,
00:46:16 mais on la voit se bâtir comme elle n'a jamais été,
00:46:19 dans une unité, dans une force, avec une église.
00:46:22 Vous voyez, une nation, une église, une foi, c'est véritablement une nation.
00:46:26 Regardez le président Zelensky, il était russophone,
00:46:30 vous ne lui ferez plus jamais dire un mot de russe.
00:46:32 D'ailleurs, comme toute construction, c'est une construction qui se fait
00:46:35 contre un ennemi extérieur très démonisé, la Russie, n'est-ce pas ?
00:46:40 – C'est l'erreur stratégique de Poutine,
00:46:42 c'est qu'il y avait une influence russe considérable en Ukraine.
00:46:47 Le président, par exemple, qui ne parlait pas ukrainien,
00:46:49 qui parlait plus russe.
00:46:50 – Il parlait…
00:46:51 – Voilà, enfin, il avait, en tout cas, il avait reconnu qu'il ne parlait pas.
00:46:54 Et moi, Yatseniouk, l'ancien Premier ministre très anti-Russie,
00:46:58 m'avait dit, dans une interview, quand je reviens chez moi le soir,
00:47:02 je parle en russe à ma femme, voilà.
00:47:04 Mais ça, c'est fini.
00:47:07 Alors que c'étaient les principaux partenaires commerciaux,
00:47:11 et donc, en fait, Poutine a tout gâché.
00:47:15 – Vous voudriez donner la parole à le général Clermont, qui va intervenir ?
00:47:19 – Trois points rapides, le premier, la Chine, évidemment,
00:47:23 c'est la priorité des Américains, cette guerre,
00:47:25 les Américains la font un peu par devoir, malgré tout, elle n'était pas au programme.
00:47:29 Souvenez-vous qu'ils sortent d'une défaite puissante en Afghanistan,
00:47:31 ils se retrouvent projetés dans une guerre par procuration,
00:47:34 qui épuise les forces américaines,
00:47:35 et qui les détourne de leur priorité qui est la Chine.
00:47:38 Maintenant, ils ont des obligations dans l'OTAN,
00:47:40 et là, effectivement, il y a des pays très inquiets,
00:47:42 on peut le comprendre, les Polonais, les pays baltes,
00:47:44 qui demandent des garanties de sécurité pour l'avenir,
00:47:46 la plus forte des garanties, c'est d'affluer la Russie au maximum.
00:47:50 Et puis, la question du cessez-le-feu, vous l'avez évoquée,
00:47:52 mais revenons à la visite de l'émissaire chinois,
00:47:56 qui est allé voir les Ukrainiens et qui est allé voir les Russes.
00:47:59 Qu'est-ce qu'il a dit l'émissaire chinois ?
00:48:01 Il a dit que ce n'est pas possible de négocier,
00:48:03 parce que les Ukrainiens refusent une négociation
00:48:06 sur la base de la ligne de front actuelle.
00:48:10 Donc, je pense, mais là, c'est un avis vraiment personnel,
00:48:13 si aujourd'hui, il y avait un cessez-le-feu,
00:48:15 Poutine serait ravi, on signerait un accord de paix,
00:48:19 on gènerait le conflit, et la question se poserait de savoir
00:48:23 quand et comment le conflit reprendrait,
00:48:26 et quelles seraient les garanties de sécurité
00:48:27 qui seraient données à l'Ukraine pour qu'il ne le reprenne pas.
00:48:29 Je rappelle que dans pas très longtemps,
00:48:32 le 11 et 12 juillet, ça ne fait pas deux mois,
00:48:34 dans moins de deux mois, il y aura un sommet de l'OTAN très important,
00:48:37 dans lequel deux sujets seront abordés.
00:48:39 Le problème, c'est le statut de l'Ukraine
00:48:42 à la suite du conflit, à la fin de ce conflit,
00:48:44 et le deuxième, c'est la position de l'OTAN vis-à-vis de la Chine.
00:48:47 Et là, on revient à un sujet qui est vraiment la priorité des Etats-Unis.
00:48:51 - Donc, si j'ai bien compris, les Ukrainiens, évidemment,
00:48:55 et en plus, ils espèrent encore gagner cette guerre,
00:48:58 donc il n'est pas question pour eux de négocier un partage de l'Ukraine
00:49:03 comme l'aimerait les Russes, pour qui ce serait une victoire ?
00:49:06 Pour Vladimir Poutine, s'il arrivait à garder
00:49:08 les provinces du sud, même pas toutes, deux sur quatre déjà,
00:49:12 ce serait déjà une victoire.
00:49:14 - Mais Prigojine l'a dit, ça.
00:49:16 - Voilà. - Prigojine l'a dit.
00:49:18 Prigojine parle de la voix de Poutine.
00:49:20 Prigojine a dit "maintenant, on peut arrêter cette guerre".
00:49:24 - Exactement, on pourrait l'arrêter là.
00:49:26 Donc, pour les Ukrainiens, il n'en est pas question,
00:49:28 ce serait une défaite, parce qu'ils auraient vraiment tout perdu.
00:49:31 Et pour que les Ukrainiens, pour que ce soit une victoire,
00:49:34 il faut qu'ils aient plus que leur territoire début 2022,
00:49:43 il faut qu'ils aient la Crimée.
00:49:45 Et là, ils peuvent parler de victoire.
00:49:46 Donc, c'est là où, à mon avis, on n'est pas sortis de l'auberge.
00:49:49 - Non, et puisque vous nous proposez un exercice
00:49:51 qui est un peu de la géopolitique fiction,
00:49:54 il est évident que si d'un coup, ce qu'on ne souhaite pas,
00:49:57 les Ukrainiens venaient à s'effondrer et que les Russes avancent sur Kiev,
00:50:01 la Pologne pourrait tout à fait se dispenser de l'avis
00:50:04 des capitales européennes et de Washington
00:50:06 pour aller au front contre les Russes.
00:50:09 - Vous croyez, donc, que les Polonais iront...
00:50:12 - Pour eux, l'Ukraine de l'Ouest, c'est la Pologne.
00:50:15 Et je pense que là, on ne se rend pas compte qu'en fait,
00:50:17 véritablement, Poutine a ouvert une boîte de Pandore
00:50:19 où véritablement tout l'inconscient du vieux continent
00:50:22 et les conflits accumulés sont rejetés sur la table
00:50:26 et avec véritablement un pyromane qui s'appelle Poutine.
00:50:29 - Et en plus, avec des frontières de l'OTAN
00:50:31 qui sont encore plus longues aujourd'hui,
00:50:32 puisque la Finlande, c'est une partie de l'OTAN.
00:50:35 Donc, les risques de guerre se sont multipliés.
00:50:38 Le général Clermont, vous voulez...
00:50:41 - Peut-être un point, mais là, à nouveau, c'est personnel.
00:50:44 Je pense qu'il y a une forme de cynisme de la part des Occidentaux
00:50:46 dans la mesure où la stratégie, c'est de donner le maximum
00:50:51 de soutien militaire à l'Ukraine avant la contre-offensive,
00:50:55 sachant que la plupart des pays estiment
00:50:57 que les Ukrainiens ne sont pas en mesure de reconquérir
00:50:59 la totalité des zones conquises par la Russe,
00:51:02 ce qui les amènera à demander une négociation.
00:51:05 Voilà, c'est un peu la situation actuelle.
00:51:07 Ça ne veut pas dire que le scénario d'écroulement de l'armée russe
00:51:09 n'est pas impossible, mais dans le calcul des Occidentaux
00:51:12 et des Américains en particulier,
00:51:14 c'est un peu cette direction que l'on est en train de prendre.
00:51:17 Et souvenez-vous du déplacement du président Macron
00:51:19 à Washington au mois de décembre dernier,
00:51:21 dans lequel, dans sa conférence de presse,
00:51:24 il avait déclaré qu'il était à l'escort donné avec les Américains.
00:51:27 C'est à ce moment-là qu'il a parlé aussi
00:51:29 de garantie de sécurité pour la Russie.
00:51:31 - Et effectivement, là, on se pose enfin les vraies questions.
00:51:34 Et il y en a une que j'aimerais vous poser encore, une de plus.
00:51:37 Le CPI, enfin la Cour pénale internationale,
00:51:39 a émis un mandat d'arrêt international
00:51:42 contre Vladimir Poutine pour crime de guerre.
00:51:46 Ça concerne la déportation des enfants ukrainiens vers la Russie.
00:51:52 Comment on peut négocier avec quelqu'un ?
00:51:54 Je rappelle qu'il y a 123 pays qui ont adhéré au traité créant la CPI.
00:52:02 Il y a donc 123 pays qui ne peuvent pas négocier avec Vladimir Poutine
00:52:06 si c'était nécessaire de demain.
00:52:07 On ne peut pas négocier avec quelqu'un qui...
00:52:08 - Les États-Unis pourraient négocier puisque les États-Unis
00:52:11 n'ont pas reconnu la CPI,
00:52:13 puisqu'ils ne veulent pas que des officiers américains
00:52:17 aillent se juger pour les crimes commis en Irak ou en Afghanistan.
00:52:22 Donc les Américains, effectivement, et la négociation
00:52:25 pourraient se faire directement entre des hommes qui se connaissent,
00:52:28 qui est le patron de la CIA qui parle russe,
00:52:32 qui était ambassadeur en Russie, et Poutine,
00:52:34 qui se connaissent très bien, qui s'apprécient d'ailleurs,
00:52:36 qui sont évidemment aujourd'hui des quasi-ennemis,
00:52:38 mais qui se connaissent personnellement.
00:52:40 Donc là, la discussion pourrait avoir lieu.
00:52:43 - C'est vrai que ça conforte le moral de dire que justice va être rétablie,
00:52:51 mais les rapports internationaux, ça ne marche pas
00:52:55 comme à l'intérieur d'un pays, si vous voulez.
00:53:00 - Vous voulez dire que c'est pour faire un joli plan État-droit.
00:53:02 - Non, c'est les rapports de force qui comptent.
00:53:05 Et si vous voulez arrêter la guerre,
00:53:07 il ne faut évidemment pas pousser l'homme
00:53:10 avec qui vous voulez négocier dans ses retranchements.
00:53:13 Pas lui donner une situation, si vous voulez,
00:53:16 où il n'a aucun intérêt à faire la paix.
00:53:20 Il faut lui donner une situation où il a intérêt à faire la paix.
00:53:24 Alors ensuite, est-ce qu'il pourra aller voyager partout, etc.?
00:53:30 Je n'en sais rien.
00:53:31 Mais si, dans un scénario, effectivement,
00:53:35 où on a envie d'avoir la Russie, si vous voulez,
00:53:39 un jour avec nous, sans doute sans Poutine,
00:53:42 mais Poutine n'est pas éternel, d'avoir la Russie avec nous,
00:53:46 que la Russie réintègre la famille européenne.
00:53:49 Et moi, je le souhaite personnellement que la Russie,
00:53:51 les Russes, réintègrent la famille européenne
00:53:54 dans ce grand affrontement qui s'annonce avec la Chine.
00:53:58 C'est évidemment notre intérêt à très long terme.
00:54:00 Et à cet égard, je ne trouve pas que les histoires
00:54:05 de justice internationale favorisent la paix.
00:54:09 Et moi, je trouve que dans le monde actuel,
00:54:12 la paix, c'est plus important que la justice.
00:54:16 – Est-ce que Poutine est un criminel ?
00:54:19 C'est indiscutable.
00:54:21 Criminel de guerre, certainement,
00:54:23 où il est à la source de crimes contre l'humanité, tout ça.
00:54:27 Mais rappelez-vous, Milosevic, qui était le patron de la Serbie,
00:54:31 l'OTAN a bombardé parce qu'ils ont redouté que Milosevic
00:54:36 ne commette une sorte de génocide au Kosovo,
00:54:39 en tout cas, c'est comme ça qu'on nous l'a expliqué.
00:54:42 Et Milosevic a fini à la haie.
00:54:45 Au même moment, quasiment au même moment,
00:54:48 Vladimir Poutine faisait ses armes en rayant Grosnits de la ville
00:54:53 avec des bombardements sur une ville, de la carte,
00:54:56 avec des bombardements comme une ville détruite
00:54:59 qu'on n'avait pas vue depuis la Deuxième Guerre mondiale.
00:55:03 Il n'y a rien arrivé à Vladimir Poutine.
00:55:04 La différence entre Milosevic et Poutine, déjà,
00:55:07 c'était que Poutine avait la bombe et que Milosevic ne l'avait pas.
00:55:11 Et là aussi, malheureusement, la justice internationale
00:55:14 n'a pas les moyens de ses inculpations.
00:55:18 Et puis ça, on peut, et ça n'arrêtera jamais,
00:55:21 parce que la guerre déclenchée pour de fausses raisons,
00:55:24 on sait qu'elles étaient fausses, par George W. Bush en Irak.
00:55:28 Les think tanks américains nous disent qu'il y a eu quand même
00:55:30 300 000 morts dans les civils.
00:55:32 C'est-à-dire que ça a provoqué 300 000 morts,
00:55:34 ça a détruit un pays qui fonctionnait plutôt pas mal,
00:55:37 qui était l'Irak.
00:55:39 Eh bien, on ne voit pas l'Amérique livrer George W. Bush
00:55:44 ou Dick Cheney à la justice internationale.
00:55:50 Un dernier mot, Général Clermont, avant le rappel des titres.
00:55:53 Non, le caractère absolument déterminant de la contre-offensive,
00:55:58 effectivement, c'est un one-shot, il n'y en aura qu'une.
00:56:00 Maintenant, elle peut durer un mois, elle peut durer deux mois,
00:56:02 elle peut durer six mois.
00:56:03 C'est de la contre-offensive que va dépendre le sort de l'Ukraine,
00:56:07 y compris le règlement politique.
00:56:09 Merci Général, merci Jean-François Colosimo qui nous quitte.
00:56:15 On laisse Isabelle Piboulot faire le rappel des titres
00:56:18 et on va s'intéresser au lobbying à Bruxelles.
00:56:21 Débat ouvert à l'UNESCO avant la signature d'un traité mondial
00:56:28 des ministres et des représentants d'une soixantaine de pays
00:56:31 ont échangé pour trouver des solutions à la crise du plastique.
00:56:35 Un sommet organisé par la France pour donner de l'élan aux négociations
00:56:39 qui reprendront lundi à Paris.
00:56:41 La production annuelle de plastique a plus que doublé en 20 ans
00:56:45 et pourrait encore tripler d'ici 2060.
00:56:48 Scrutin décisif pour la Turquie,
00:56:50 la population va élire son président demain.
00:56:53 Après avoir obtenu 49,5% des voix le 14 mai,
00:56:58 Recep Tayyip Erdogan est donné favori pour le second tour.
00:57:01 Son rival, le sociodémocrate Kemal Kileç Darulu,
00:57:04 a quant à lui réuni une alliance historique depuis 2007
00:57:08 et la mise en place du suffrage universel,
00:57:11 c'est la première fois qu'un second tour est organisé dans le pays.
00:57:15 Et puis 37e et avant-dernière journée de Ligue 1,
00:57:18 nouveau record, le Paris Saint-Germain remporte son 11e titre de champion de France
00:57:23 à l'issue de sa rencontre avec Strasbourg.
00:57:26 Score final un partout, Lionel Messi a offert le titre au PSG
00:57:30 sur une passe de Kylian Mbappé à la 59e minute.
00:57:33 Les Parisiens ne pourront plus être rejoints par le deuxième lance
00:57:36 malgré l'égalisation de Kevin Camero côté strasbourgeois.
00:57:40 Bienvenue, si vous nous rejoignez maintenant,
00:57:45 les visiteurs du soir, c'est jusqu'à minuit.
00:57:47 Renaud Girard est avec nous depuis le début de l'émission.
00:57:50 À 23h30, il sera question de la levée des brevets pharmaceutiques
00:57:54 et de l'accès aux médicaments avec Maurice Cassier,
00:57:58 qui vient de publier la semaine dernière "Il y a des alternatives".
00:58:02 Vous vous souvenez qu'en 2020, les dirigeants européens
00:58:04 voulaient faire des vaccins contre le Covid-19 un bien public mondial.
00:58:08 Cela n'a pas vraiment été le cas, mais certains y pensent encore.
00:58:12 Mathieu Den sera face à Maurice Cassier.
00:58:14 Il est avocat spécialisé en propriété intellectuelle
00:58:17 et l'auteur de "Techniques et droits des brevets".
00:58:20 Mais d'abord, en guise de hors-d'œuvre, on va parler des lobbys,
00:58:23 les groupes d'intérêt, comme on les appelle ici.
00:58:25 Ils font partie intégrante du fonctionnement de l'Union européenne.
00:58:28 Plus de 12 000 d'entre eux sont inscrits au registre officiel
00:58:31 des lobbyistes à Bruxelles.
00:58:33 Pourquoi autant ? À quoi servent-ils ?
00:58:35 Quelle est leur véritable influence ?
00:58:37 Est-ce que c'est un mécanisme essentiel de la vie démocratique
00:58:40 ou bien la preuve de la corruption des institutions européennes ?
00:58:44 Autant de questions qu'elles vous répondent,
00:58:46 j'en compte, dans un petit livre intitulé "Au cœur du lobbyisme européen".
00:58:50 Vous êtes journaliste au Média en ligne Contexte,
00:58:52 vous êtes spécialisée dans les affaires européennes
00:58:54 et donc basée à Bruxelles, tout comme Agnès Dubois-Colinaud.
00:58:59 Le lobbyisme, c'est votre métier.
00:59:01 Vous êtes à la tête d'Acturus Group, un cabinet basé à Bruxelles.
00:59:05 Alors, première question, et elle est pour vous.
00:59:07 Les cabinets de lobbying existent dans tous les pays démocratiques.
00:59:10 Il n'y a pas de problème. Enfin, si, il y en a, mais il n'y a pas...
00:59:14 C'est légal, mais pourquoi il y en a-t-il autant à Bruxelles ?
00:59:17 La décision communautaire pèse quand même énormément
00:59:20 dans le droit national des 27 États membres de l'Union.
00:59:23 Donc, effectivement, les parties prenantes sont multiples,
00:59:26 comme au niveau national, parce qu'il y a énormément de secteurs à réglementer.
00:59:30 Mais quand vous arrivez à Bruxelles, forcément, l'équation se complexifie,
00:59:35 puisque finalement, vous avez 27 réalités différentes
00:59:38 qui viennent toquer à la porte des institutions communautaires
00:59:41 en disant, alors, sur la problématique de la taille des cages à poules
00:59:45 ou sur la problématique, je ne sais pas moi, du Digital Act, par exemple.
00:59:51 Nous, chez nous, on fait plutôt comme ça,
00:59:53 ou on voudrait que ça évolue dans ce sens-là.
00:59:54 Donc, forcément, les forces en présence à Bruxelles sont beaucoup plus importantes,
00:59:58 ont besoin aussi de se structurer en regroupement au niveau européen
01:00:02 pour être légitimes et pertinentes vis-à-vis des décideurs européens
01:00:07 qui ne peuvent pas forcément en permanence consulter
01:00:11 les parties prenantes des 27 États membres, qui sont par ailleurs multiples.
01:00:15 Et donc, forcément, le microcosme, la bulle bruxelloise, comme on l'appelle,
01:00:21 mêle autour des institutions communautaires un très grand nombre de parties prenantes,
01:00:26 que ce soit des entreprises, que ce soit des ONG,
01:00:29 que ce soit des fédérations d'entreprises ou des regroupements européens
01:00:33 d'ONG ou d'associations de consommateurs, par exemple, comme le BEC,
01:00:36 et des cabinets de conseil qui, effectivement, aussi participent
01:00:41 à ces travaux aux côtés de donneurs d'ordre que sont les parties prenantes.
01:00:46 - Jean Comte, dans votre livre, vous expliquez que les institutions communautaires
01:00:51 sont faibles en effectifs, de toute façon,
01:00:54 et encore plus faiblement dotées en personnel et en compétences techniques.
01:00:58 Et au fond, ils se servent des cabinets de lobbying pour parer à cette déficience.
01:01:06 - Tout à fait, c'est exactement ça.
01:01:07 En gros, ce que j'essaie d'expliquer dans mon livre, c'est qu'au moins à Bruxelles,
01:01:11 les lobbies sont très importants parce qu'ils ont un rôle d'apporteur d'informations
01:01:14 et d'expertise aux régulateurs.
01:01:16 Ça veut dire que les députés européens, les fonctionnaires, les commissariats européens
01:01:18 doivent réguler, en effet, un marché intérieur qui est très grand, 27 États membres,
01:01:22 quasiment 500 000 consommateurs sur plein de sujets très techniques,
01:01:25 qui vont des pesticides à la régulation financière, en passant par le commerce,
01:01:28 et la qualité des cages à poules, que c'est un nombre d'informations très techniques
01:01:30 à comprendre, à connaître, et qu'il faut avoir tout ce savoir en interne.
01:01:34 Et donc, ils passent beaucoup par les lobbies.
01:01:36 J'essaie de montrer un peu comment cela se structure.
01:01:39 En gros, pour résumer, on pense souvent que le lobby, c'est des gens très puissants
01:01:43 qui, le soir, à des heures pas possibles, vont parler secrètement à des gens très haut placés,
01:01:47 faire des deals compliqués.
01:01:49 Et j'essaie de montrer qu'en fait, pas du tout.
01:01:50 C'est transparent déjà à Bruxelles, à Paris aussi, je pense.
01:01:53 Et c'est souvent un dialogue très technique, en fait.
01:01:54 C'est des gens pas du tout très haut placés qui ont un dialogue extrêmement technique
01:01:58 sur réguler la finance, comment ça marche, de quels produits on parle,
01:02:02 quels sont les données du marché, comment on peut faire, etc.
01:02:05 Mais quand ils viennent en rapporteurs d'infos, en fait,
01:02:08 puisque on peut se dire que les institutions ne savent pas du tout comment ça se passe ici ou là,
01:02:13 elles ont envie de faire une loi, donc elles vont demander à vous, Madame,
01:02:17 expliquez-nous comment ça se passe dans votre pays,
01:02:19 qu'est-ce qui vous ferait plaisir ou qu'est-ce qui vous déplairait, etc.
01:02:23 Mais d'après ce que vous dites, ils interviennent directement
01:02:25 et à tous les niveaux dans l'élaboration de la loi.
01:02:28 Vu que ça manque d'effectifs et qu'ils n'ont pas les compétences techniques,
01:02:31 résultat, à la fin, c'est vous qui écrivez la loi.
01:02:34 - Pas à ce point-là non plus.
01:02:35 Il y a un risque, en effet, qui est toujours le risque de la capture réglementaire.
01:02:38 On en parle un peu à la fin du livre.
01:02:41 - La capture réglementaire, on y reviendra, mais effectivement, c'est...
01:02:44 - Alors en gros, selon l'OCDE, la capture réglementaire,
01:02:46 c'est le moment où, en effet, les régulateurs attendent un peu d'expertise
01:02:50 par rapport à réguler, que le régulier prend un peu la main sur le fond du dossier.
01:02:55 La Commission européenne, en particulier, a quand même l'habitude de faire ça.
01:02:58 La Commission européenne sait très bien que les lobbyistes ont aussi un intérêt,
01:03:00 mais aussi de l'expertise.
01:03:02 Et donc, la Commission européenne a de toute une doctrine pour pouvoir à la fois
01:03:05 récupérer l'information, s'appuyer sur eux, mais sans non plus être stupide
01:03:08 et sans non plus tout prendre sans aucune perspective.
01:03:11 Donc, il y a des méthodes qu'elle utilise.
01:03:12 Elle parle à différents acteurs, elle va chercher des acteurs quand il y a besoin.
01:03:15 Elle finance beaucoup d'ONG.
01:03:16 Elle finance elle-même des ONG, la Commission européenne,
01:03:18 ONG qui font quelquefois les contrepoids des entreprises privées ou des confédérations.
01:03:23 Et donc, elle a quand même beaucoup de méthodes pour essayer de reprendre en perspective
01:03:25 et d'être pas dans le plus grand nombre prisonnière de ce que lui offrent les lobbies.
01:03:28 - Agnès Dubois-Colineau, vous avez déjà participé à l'élaboration d'une loi ?
01:03:33 - Ah, c'est mon métier.
01:03:34 Donc, je ne fais pas la loi en aucun cas.
01:03:38 Par contre, effectivement, je rencontre des décideurs politiques ou des décideurs publics.
01:03:42 Jamais seule, toujours avec mon client.
01:03:44 C'est-à-dire, je ne parle jamais un jour...
01:03:46 - Votre client étant une entreprise ?
01:03:48 - Une entreprise, une association, une ONG, une fédération d'entreprises.
01:03:52 Ça peut être extrêmement varié.
01:03:55 Moi, mon métier, en fait, c'est très exactement de véritablement comprendre
01:04:01 comment se prend la décision publique,
01:04:03 quel va être le process de cette prise de décision
01:04:07 et à quel moment et vers qui aller porter certains arguments
01:04:12 pour faire entendre un intérêt qui est un intérêt particulier.
01:04:16 Le décideur public, qu'il soit politique ou qu'il soit fonctionnaire,
01:04:22 lui est le garant de l'intérêt général.
01:04:25 C'est son travail, en fait, de prendre en compte ces différents intérêts particuliers
01:04:30 et de définir, lui, en toute connaissance de cause,
01:04:33 quelle est, selon lui, la décision équilibrée qui doit être prise dans l'intérêt général.
01:04:38 - Mais justement, est-ce que des décisions d'intérêt général
01:04:43 qui sont réorientées en faveur des intérêts d'un groupe spécifique,
01:04:49 est-ce que ça va à ça ?
01:04:52 - Vous voulez dire réorientées ?
01:04:53 - Si, a priori, ils doivent prendre des décisions d'intérêt général.
01:04:58 Ils peuvent se tromper, ça arrive, mais c'est le but.
01:05:02 À partir du moment où Madame intervient, ou n'importe qui d'autre,
01:05:05 évidemment, tout lobbyiste travaillant pour des intérêts d'un groupe spécifique,
01:05:12 intervient dans la loi, on se dit que la loi n'obéit plus à l'intérêt général,
01:05:16 mais aux intérêts particuliers.
01:05:19 Et c'est le but. Vous êtes là pour ça, vous avez payé pour ça.
01:05:22 - C'est là, je pense, que la Commission européenne est vraiment très intéressante
01:05:27 dans sa doctrine et dans sa façon de fonctionner.
01:05:29 C'est qu'elle part du principe au départ qu'elle a besoin de consulter pour comprendre.
01:05:34 Ça ne veut pas dire qu'elle est sous influence.
01:05:37 Parfois, peut-être, il y a des dérapages, ça arrive.
01:05:40 On a plein d'exemples en tête de moments où, effectivement,
01:05:44 le balancier est allé plus dans un sens que dans l'autre.
01:05:47 Mais néanmoins, la Commission européenne,
01:05:50 et c'est véritablement notable par rapport, par exemple, à nos institutions nationales.
01:05:54 Moi, j'ai fait mes classes à Bruxelles avant de travailler à Paris.
01:05:58 Et les premières fois que vous appelez Bercy pour avoir le cabinet du ministre de l'Économie,
01:06:02 vous prenez un peu une douche froide quand vous avez l'habitude de Bruxelles,
01:06:05 qui est très ouverte et où vous pouvez très rapidement être en contact
01:06:08 avec un policier officier à la Commission européenne.
01:06:10 - Mais votre métier est reconnu, d'ailleurs, alors qu'en France, il l'est à peine.
01:06:13 - En France, alors, le balancier a bougé véritablement en France.
01:06:16 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on a une réglementation,
01:06:18 c'est pas le sujet de ce soir, mais on a une réglementation en France depuis 2016,
01:06:22 depuis la loi Sapin 2, qui va bien plus loin que la réglementation européenne
01:06:26 en matière de transparence, qui a encore sans doute des points d'amélioration.
01:06:31 J'en suis convaincue, mais qui va plus loin que ce que fait Bruxelles.
01:06:35 Mais Bruxelles est en fait ouverte vers les parties prenantes
01:06:39 pour saisir ses différents intérêts, ses intérêts particuliers.
01:06:42 Ça ne veut pas dire qu'elle est sous influence en permanence.
01:06:45 - Vous expliquez dans votre livre, d'ailleurs, pourquoi Bruxelles est ouverte.
01:06:47 Vous dites que c'est pour contendonner les antagonismes nationaux
01:06:51 et les blocages politiques partisans que la communauté européenne,
01:06:55 dès le début, dès la communauté du charbon,
01:06:59 a privilégié le dialogue avec les groupes d'intérêt.
01:07:03 - Notamment, oui, parce que la Commission européenne n'est pas la plus loin du marché.
01:07:06 Quand vous êtes une administration nationale, vous faites la loi,
01:07:08 mais vous appliquez la loi aussi directement.
01:07:09 Donc très rapidement, vous avez des remontées sur comment se passe l'application de la loi
01:07:13 et les problèmes que les opérateurs économiques peuvent rencontrer.
01:07:16 À Bruxelles, vous n'appliquez pas directement la loi.
01:07:19 Vous êtes plutôt en sous-effectif, vous êtes un peu en apesanteur à Bruxelles.
01:07:22 Et donc, vous avez plus de mal à faire ça.
01:07:24 Si je peux juste revenir rapidement sur le point avant.
01:07:27 Ce que dit Mme de Bois-Coligno est vrai, c'est qu'à la fin, les lobbyistes ne font pas la loi.
01:07:31 Dans les faits, les seuls qui peuvent adopter un abonnement, adopter une loi,
01:07:35 proposer une loi, ce sont des fonctionnaires, des ministres, des commissariats européens, des députés.
01:07:39 Après, en effet, ils parlent beaucoup aux lobbyistes et ils se trouvent beaucoup des lobbyistes.
01:07:43 Et donc, on ne nie pas non plus que les lobbyistes le font pour leur intérêt spécifique.
01:07:48 Tout le monde le sait quand même.
01:07:49 Mais après, il peut y avoir des risques, en effet.
01:07:51 Le risque de la capture réglementaire que j'évoquais avant, il faut en effet faire attention à ça.
01:07:55 Mais ça reste quand même utile à des moments de parler à des partis prenants qui connaissent le sujet
01:08:00 et qui sont dessus, surtout pour une administration en apesanteur à Bruxelles.
01:08:03 Bruno Girard ?
01:08:04 Oui, dans ce système qui est très original, le système européen bruxellois,
01:08:09 c'est que vous avez une institution qui ne décide pas, mais qui a le monopole de l'initiative réglementaire,
01:08:16 c'est la Commission européenne, avec quand même beaucoup de fonctionnaires de la Commission européenne
01:08:22 qui sont recrutés par des concours difficiles.
01:08:25 Alors, évidemment, avant de proposer une initiative, il est tout à fait normal que la Commission puisse s'adresser
01:08:34 et puisse enquêter auprès des différents partis prenants.
01:08:38 Si ces partis prenants viennent directement à elle, la Commission, par l'intermédiaire des lobbies,
01:08:45 tant mieux si vous voulez, parce qu'effectivement, ça serait très cher d'envoyer des inspecteurs un peu partout
01:08:49 dans les 27 pays pour voir comment ça marche.
01:08:53 Mais ça n'empêche pas, ensuite, là, nous sommes là dans l'initiative et la Commission, elle va proposer,
01:09:01 donc à deux instances qui vont ensuite décider, qui sont le Parlement européen et le Conseil européen.
01:09:09 Le Conseil européen, il y a les représentants des États, donc vous avez toutes les administrations des États
01:09:14 qui peuvent enquêter, et les députés aussi, ils représentent les différents pays,
01:09:18 et peuvent évidemment amender ce qu'il leur est proposé.
01:09:22 Donc, si vous voulez, il ne faut pas avoir le lobbyiste comme quelqu'un qui va,
01:09:28 effectivement, influencer une décision dans un cabinet noir, un richelieu, le soir,
01:09:36 c'est juste institutionnellement impossible.
01:09:40 Et le mot important pour le lobbying, d'ailleurs, à Washington comme à Bruxelles,
01:09:47 c'est celui que vous avez prononcé, c'est la transparence,
01:09:50 c'est que tout se sache, tout est publié, c'est le cas,
01:09:55 et je ne crois pas qu'on ait à se plaindre, on n'a pas eu de grand scandale.
01:10:01 – On a eu des scandales de corruption, mais pas forcément.
01:10:04 – Ah oui, il y a eu des scandales de corruption avec des pays…
01:10:07 – Il y a une vice-présidente qui a quand même passé quelque temps en prison,
01:10:10 – Voilà, mais c'était deux députés sur 700.
01:10:17 – Mais il y a en France, parce qu'on n'a pas la culture comme les Américains,
01:10:22 ou comme Bruxelles, des lobbies, on se demande toujours si c'est très démocratique.
01:10:28 Est-ce que c'est un système qui est démocratique,
01:10:31 de travailler dans l'intérêt de groupes spécifiques,
01:10:35 et d'essayer de réorienter une loi dite d'intérêt général, est-ce que c'est démocratique ?
01:10:42 Les Français se posent cette question-là, surtout quand ils imaginent les lobbies
01:10:45 en fait disposant de beaucoup d'argent, de très gros moyens,
01:10:49 et donc pouvant peser de tout leur poids sur de pauvres députés,
01:10:53 démunis et perdus dans une ville étrangère.
01:10:57 – Je pense que ce n'est pas incompatible avec la démocratie, à deux conditions,
01:11:01 déjà la question d'éviter la capture réglementaire dont on a déjà parlé,
01:11:04 et deuxièmement, il faut en effet une vraie régulation et une vraie transparence.
01:11:08 Sur ce point, je pense que Bruxelles a encore des progrès à faire.
01:11:11 – Pourquoi ?
01:11:12 – Parce que la transparence, enfin la régulation,
01:11:14 il n'y a pas de régulation en tant que lobbying à Bruxelles,
01:11:17 il y a un encadrement qui est uniquement incitatif,
01:11:20 qui ne fonctionne pas toujours très très bien,
01:11:23 il y a la transparence qui n'est pas, à mon sens, pas assez complète.
01:11:27 Ça veut dire qu'en gros, les commissaires européens à leur cabinet
01:11:30 publient la liste des rendez-vous des lobbyistes qu'ils rencontrent,
01:11:32 certains députés le font, mais seulement certains députés,
01:11:35 et c'est tout, et ce n'est pas beaucoup.
01:11:37 – De même, tous les lobbyistes ne sont pas inscrits au registre.
01:11:41 – Ce n'est pas obligatoire.
01:11:41 – Ça n'est pas obligatoire.
01:11:43 Alors qu'à Washington, tout est transparent et tout est publié, je crois.
01:11:46 – Je crois que c'est mieux en tout cas.
01:11:48 – Voilà, mais si vous voulez…
01:11:49 – Il y a une financement des partis.
01:11:51 – Mais on a vu quand même que sur Bruxelles, il y a eu un grand lobbying,
01:11:56 qui peut se comprendre, d'une société qui par ailleurs est respectable,
01:12:01 qui est Huawei, grande société de télécommunication…
01:12:06 – Chinoise.
01:12:07 – Chinoise, et ils auraient bien aimé gagner le marché européen à la 5G,
01:12:14 ils ont fait beaucoup, une grosse campagne,
01:12:16 mais comme il y avait un doute de l'indépendance de Huawei
01:12:21 par rapport au gouvernement chinois, eh bien ça n'a pas marché,
01:12:26 et aujourd'hui le système qui s'impose, qui marche,
01:12:32 qui fonctionne aujourd'hui en Europe,
01:12:34 c'est ce qu'on appelle la boîte à outils du commissaire Thierry Breton,
01:12:38 et les Chinois ne peuvent pas effectivement détenir
01:12:43 les réseaux de télécommunication sensibles dans l'Union Européenne,
01:12:48 donc vous voyez, même… et la Chine ne manque pas d'argent.
01:12:51 – Vous savez bien, c'est les Chinois, les Chinois, ça se voit tout de suite,
01:12:54 c'est les Chinois.
01:12:55 Est-ce que c'est efficace le lobbying à Bruxelles ?
01:13:00 Est-ce qu'ils obtiennent des résultats ?
01:13:03 – J'espère.
01:13:05 – Est-ce que leur influence est aussi étendue qu'on l'imagine ?
01:13:11 – Oui, je pense qu'elle l'est, mais qu'elle est quand même limitée.
01:13:13 Un lobbyiste ne peut pas avoir pouvoir sur tout absolument.
01:13:16 Premièrement parce que, bon, on parle un petit peu de la lorgnette,
01:13:20 il n'est pas le seul lobbyiste, il y a toujours d'autres lobbyistes en jeu,
01:13:22 dont des lobbyistes ennemis, il y a des ONG qui sont contre vous,
01:13:25 des entreprises qui ont d'autres intérêts que les vôtres,
01:13:27 et s'ils sont également bons,
01:13:29 vous ne pourrez pas avoir entièrement un gain de cause.
01:13:31 Deuxièmement, les lobbyistes, au sens le plus, à Bruxelles,
01:13:34 sont très bons sur des débats qui sont assez techniques,
01:13:37 dans lesquels en effet il faut une expertise technique,
01:13:39 que la Commission n'a pas, que les députés n'ont pas non plus,
01:13:41 et dans lesquels on a besoin de parler à quelqu'un.
01:13:44 Quand vous avez une direction politique qui doit être donnée,
01:13:46 ça peut être plus dur d'influencer ça.
01:13:49 Quand après la crise financière, Michel Barnier a dit
01:13:50 "il faut réguler la finance", c'était très dur pour un lobbyiste de dire "non".
01:13:54 Parce que l'impératif politique, la situation économique était telle
01:13:57 qu'on ne pouvait pas empêcher ça.
01:13:58 Après, les bons lobbyistes ont travaillé avec la Commission européenne
01:14:00 pour essayer d'atténuer la loi comme ils le pouvaient.
01:14:02 Mais on ne peut pas juste contrer ça.
01:14:05 - Michel Barnier a gagné contre tout le lobby bancaire, il faut le dire.
01:14:08 Il a appliqué...
01:14:09 - Je ne sais pas s'il a gagné contre,
01:14:11 ou si le lobby bancaire ne pouvait pas frontalement s'y opposer.
01:14:13 Parce que l'impératif politique de réduction des finances était tel,
01:14:16 que ce n'était pas possible.
01:14:17 - Le lobby bancaire a dû se rendre à l'évidence en fait.
01:14:20 - C'est un peu ça.
01:14:21 - Pas sous le pouvoir d'un commissaire comme Michel Barnier.
01:14:23 - Tout à fait. Le droit d'auteur qui a été réformé récemment,
01:14:26 pareil, je crois que Google, YouTube étaient enthousiastes,
01:14:29 mais il y avait un impératif politique assez fort.
01:14:30 Ursula von der Leyen, donc l'actuelle première de la Commission européenne,
01:14:32 quand elle est arrivée, a promis un pacte vert et une traité carbone en 2050, je crois.
01:14:38 Tout le monde n'était pas enthousiaste, mais pareil, c'est une direction politique.
01:14:41 Et c'est très dur de s'y opposer.
01:14:43 - Alors quand est-ce que c'est très dur de s'y opposer ?
01:14:46 - Alors moi, je pars véritablement du principe que quand on a un intérêt à défendre,
01:14:54 qui est de manière évidente, contraire à l'intérêt général,
01:14:57 ce n'est même pas la peine d'y aller.
01:14:59 Je fais perdre du temps aux gens que je vais rencontrer
01:15:01 si je viens avec un client qui va leur proposer quelque chose
01:15:04 qui, de toute façon, est totalement inaudible en l'état actuel de la situation.
01:15:09 Donc il faut aussi défantasmer cette activité
01:15:16 et se dire aussi que l'intérêt général, c'est quelque chose d'assez mouvant.
01:15:19 Dans les années 80, on nous disait tous d'acheter des voitures diesel
01:15:22 parce que c'était plus propre.
01:15:23 Aujourd'hui, c'est interdit. Demain, à Paris.
01:15:25 C'est aussi quelque chose de mouvant.
01:15:28 Ce n'est pas une science exacte.
01:15:29 Et donc, c'est un exercice d'équilibre qui est assez difficile.
01:15:34 Et chacun doit être à sa place et chacun doit être en responsabilité à sa place.
01:15:38 Je pense qu'aujourd'hui, les médias français ont parfois un peu de mal à s'en souvenir,
01:15:43 mais le lobbying est un secteur qui est de plus en plus encadré,
01:15:48 qui est très encadré en France, puisqu'on a une des réglementations
01:15:50 les plus avancées en Europe sur ce sujet-là.
01:15:54 Alors, il est encadré à Bruxelles,
01:15:56 mais c'est vrai que le livre de Jean est absolument passionnant là-dessus
01:15:59 parce que ça permet de vraiment remettre les pendules à l'heure
01:16:01 sur la façon dont ça s'est construit chronologiquement.
01:16:04 Et en fait, effectivement, Bruxelles était très en avance
01:16:06 sur l'encadrement du lobbying et la transparence faite sur le lobbying
01:16:10 avec cette création d'un registre de transparence.
01:16:13 Vous dites que c'est appelé un peu pompeusement,
01:16:15 mais je suis complètement d'accord, qui voit le jour en 2006.
01:16:18 Mais c'est une réaction en fait au scandale de la commission sans terre en 99.
01:16:24 Et en fait, ce registre, aujourd'hui, on voit très clairement
01:16:28 qu'il y a très, très peu de gens pour le faire tourner derrière.
01:16:31 Je vous donne un exemple idiot, mais moi, j'ai une cliente,
01:16:34 elle se reconnaîtra, il y a quelques semaines,
01:16:37 qui a perdu son mot de passe pour mettre à jour son personne.
01:16:41 En trois semaines, elle a été capable, à la Commission européenne,
01:16:44 de nous aider à débloquer ce compte.
01:16:47 Et heureusement, on a trouvé un ancien...
01:16:49 Les services techniques derrière le registre de transparence
01:16:53 sont quasi inexistants.
01:16:55 Donc du coup, on peut très raisonnablement,
01:16:57 et votre livre pose la question, se poser la question du contrôle, en fait.
01:17:02 Et effectivement, aujourd'hui, c'est quand même quelque chose
01:17:05 qui reste très superficiel.
01:17:06 Et la corruption ?
01:17:08 Parce que la corruption, on n'est pas obligé de passer
01:17:10 par un cabinet de lobbyisme pour corrompre quelqu'un.
01:17:15 Mais on peut aussi déverser de l'argent, offrir des voyages,
01:17:18 enfin, tout ce qu'on nous raconte.
01:17:20 - Si je puis me permettre, je ne propose pas de corrompre les gens.
01:17:23 Il ne faut pas passer par un cabinet de lobbyisme pour corrompre.
01:17:27 - À ma connaissance, c'est assez rare, mais si c'est le cas,
01:17:29 je ne le serais pas, je pense.
01:17:30 - Non, mais je veux dire par là, où est-ce que ça commence ?
01:17:33 C'est-à-dire qu'on sait très bien que vous pouvez inviter les gens.
01:17:37 Ce n'est pas de la corruption, mais en même temps,
01:17:39 quand on est moyen et que les moyens sont disproportionnés,
01:17:42 on peut avoir de l'influence par ce moyen-là.
01:17:45 - Est-ce qu'il y a eu des cas qui ont été dénoncés et punis ?
01:17:52 - Je n'ai pas des cas comme ça, mais en effet...
01:17:55 - Parce que c'est ça qu'on imagine.
01:17:57 - Oui, en effet, les lobbies peuvent aussi...
01:18:01 Les invitations à dîner, ça se fait beaucoup aussi.
01:18:03 Et les portes-vents se font beaucoup aussi.
01:18:05 Ça veut dire qu'il arrive aussi très souvent que des fonctionnaires
01:18:07 à la fin de leur carrière, au milieu de leur carrière,
01:18:08 que des députés européens en fin de mandat vont après travailler
01:18:11 dans des lobbies d'entreprises privées,
01:18:12 notamment certains avec qui ils ont travaillé avant.
01:18:14 - Ça arrive avec des ministres aussi.
01:18:16 - Ça arrive avec des ministres aussi.
01:18:17 - Ça arrive avec surtout le président de la Commission, Barroso.
01:18:22 Et c'est pour ça que quand la BNP a été condamnée
01:18:25 à 9 milliards de dollars d'amende, on aurait tous attendu
01:18:29 que la Commission européenne convoque le président de Goldman Sachs
01:18:33 et lui dire "cher ami, j'ai un tout petit problème avec vous".
01:18:35 - Il faut rappeler que Barroso, qui était le président de la Commission,
01:18:38 a été engagé par Goldman Sachs.
01:18:40 - Et travaillé chez Goldman Sachs juste après.
01:18:42 - Mais lorsque la BNP a été condamnée à 9 milliards de dollars d'amende,
01:18:46 c'est énorme quand même, par les Américains,
01:18:49 je pense qu'effectivement la Commission aurait pu très bien
01:18:52 convoquer le patron de Goldman Sachs, elle ne l'a malheureusement pas fait,
01:18:56 en disant "cher ami, on a un petit problème avec vous,
01:18:59 il est avéré, tout le monde le sait, que vous avez aidé
01:19:03 un État membre de l'Union européenne à falsifier ses comptes publics
01:19:09 pour pouvoir entrer dans la zone euro.
01:19:11 Vous avez travaillé à cette falsification,
01:19:15 c'était le gouvernement grec, et donc nous vous proposons
01:19:20 une petite amende de 15 milliards de dollars,
01:19:22 vous ne voulez pas la payer, ce n'est pas grave,
01:19:25 mais vous serez désormais interdit d'exercice sur le territoire
01:19:29 de l'Union européenne ainsi que les banques correspondantes avec vous.
01:19:33 Choisissez, cher ami".
01:19:34 Ça aurait été, si vous voulez, le réflexe de base
01:19:40 d'un président de la Commission européenne, normal,
01:19:44 mais Goldman Sachs est très puissant sur les Européens.
01:19:49 - Jean-Claude, ce que je peux dire, c'est qu'en effet,
01:19:52 c'est un sujet qui monte pas mal en ce moment,
01:19:54 c'est qu'en effet, il y a tout le sujet de "au-delà des sommes d'arçons,
01:19:56 divertiment" versé en liquide aux députés européens,
01:20:00 le sujet de savoir est-ce qu'à force éventuellement de dîner
01:20:03 et d'être sur des amendements, puis d'embaucher à postériori,
01:20:06 on peut douter de l'intégrité d'un commissaire européen,
01:20:08 d'un fonctionnaire européen, d'un député européen.
01:20:10 C'est un sujet qui n'était pas très couvert pour l'instant.
01:20:12 Ça veut dire que la Commission européenne peut interdire les pontouflages,
01:20:14 mais le faisait très, très peu.
01:20:16 Et le Parlement européen n'a absolument aucune règle là-dessus.
01:20:19 Donc le Parlement européen a mis récemment en place des règles sur le sujet
01:20:22 qui sont assez faibles en fait.
01:20:23 C'est juste que pendant six mois après la fin de leur mandat,
01:20:25 les députés européens ne peuvent plus faire du lobbying
01:20:27 auprès du Parlement européen,
01:20:29 sachant que pendant six mois après la fin du mandat,
01:20:30 ça ne fait pas grand-chose dans tous les cas.
01:20:33 Et sur les fonctionnaires européens,
01:20:35 alors c'est moins visible pour les fonctionnaires européens,
01:20:36 mais ce n'est pas un plus gros problème parce que c'est très courant.
01:20:38 Par exemple, à la Direction générale de la concurrence,
01:20:41 qui s'occupe de valider ou pas les fusions acquisitions,
01:20:45 de partir au bout d'un moment, travailler pour un cabinet de conseil
01:20:47 qui travaille beaucoup sur le sujet,
01:20:48 alors qu'on a beaucoup, avant la Commission européenne,
01:20:50 travaillé sur des cas en question,
01:20:51 vu des données confidentielles très souvent.
01:20:53 Et ça, le problème, c'est que la Commission européenne autorisait peu,
01:20:56 mais surtout qu'elle ne contrôlait pas les quelques conditions qu'elle mettait.
01:20:58 En gros, elle disait, vous pouvez partir dans le lobby,
01:21:00 à un fonctionnaire,
01:21:01 mais dans ce cas-là, ne faites pas de lobby auprès de votre ex-collègue.
01:21:04 Mais il n'y avait absolument aucun moyen de contrôler.
01:21:07 - Basé sur la confiance en fait.
01:21:08 - C'est ça, mais ça, ils l'ont dit, la Commission européenne l'a dit,
01:21:10 à la Ministre européenne, elle a dit, c'est basé sur la confiance.
01:21:13 Et donc, quelques fois, j'avais un confrère d'ex-politique,
01:21:15 qui a par exemple vu un fonctionnaire de la Commission européenne
01:21:18 qui avait pantouflé et qui l'a retrouvé dans une conférence
01:21:20 quelques semaines après avec un collègue au milieu d'eux, par exemple.
01:21:24 Et ça, c'est un sujet qui monte comme en ce moment parce que c'est...
01:21:26 - C'est très dangereux, alors qu'en France,
01:21:28 il y a une période de deux ans, si vous voulez,
01:21:30 les hauts fonctionnaires qui vont pantoufler
01:21:33 doivent d'abord demander l'autorisation d'une commission d'éontologie.
01:21:36 Et puis, de toute façon, ils ne peuvent pas aller pendant deux ans dans le secteur.
01:21:40 On pourrait, pour la Commission de la concurrence,
01:21:42 qui a un pouvoir considérable,
01:21:45 c'est le grand pouvoir de Bruxelles, la concurrence...
01:21:48 - Dirigée par un Français d'ailleurs.
01:21:49 - Dirigée par un Français, c'était avant,
01:21:51 on ne dirigeait pas en anglais, mais c'est dirigé par un Français.
01:21:54 Il serait tout à fait normal que ces fonctionnaires
01:21:59 de la très puissante direction de la concurrence
01:22:01 ne puissent pas rejoindre des cabinets juridiques
01:22:04 ou des cabinets pendant peut-être même cinq ans quand même.
01:22:08 - C'est difficile de convaincre les Français qu'au fond,
01:22:14 de vouloir faire entendre auprès d'institutions
01:22:18 qui peuvent paraître assez lointaines comme les institutions de Bruxelles,
01:22:23 les intérêts, les revendications,
01:22:26 les craintes aussi d'un certain nombre de groupes,
01:22:29 d'entrepreneurs, de commerçants, d'ONG,
01:22:32 qui s'inquiètent qu'on vote des lois hors sol ?
01:22:35 - C'est un vrai sujet.
01:22:37 Je pense qu'on n'a pas en France, toujours pas,
01:22:40 une culture européenne,
01:22:44 en tout cas du fonctionnement des institutions communautaires.
01:22:47 Or, il faut véritablement qu'on se réveille
01:22:50 parce que l'Europe est allemande.
01:22:51 Vraiment, de plus en plus.
01:22:54 En plus, on s'achemine quand même sur un deuxième mandat vanderleyien
01:22:57 de manière quasi...
01:22:59 En tout cas, ça a l'air de partir véritablement dans cette direction-là.
01:23:03 Et les Allemands, contrairement aux Français...
01:23:05 D'ailleurs, ça s'est véritablement renforcé depuis le Brexit
01:23:08 parce que les UK faisaient quand même un contrepoids avec nos amis allemands.
01:23:13 Aujourd'hui, les Allemands sont beaucoup plus disciplinés que nous,
01:23:17 beaucoup mieux organisés que nous, avec des moyens beaucoup plus importants.
01:23:21 Vous avez une représentation permanente de chaque État membre
01:23:24 auprès de la Commission européenne à Bruxelles.
01:23:26 Donc la France a sa représentation permanente.
01:23:28 Les régions françaises ont quelques bureaux.
01:23:30 Les landers allemands ont une représentation permanente
01:23:33 de leurs landers à Bruxelles.
01:23:35 Ils ont une force de frappe en termes d'influence,
01:23:38 tant auprès des institutions en externe,
01:23:41 tant sur les voies diplomatiques que de représentation
01:23:45 de leurs intérêts économiques,
01:23:47 que en termes d'intégration et de ciblage
01:23:51 des fonctions les plus intéressantes, les plus influentes
01:23:55 au Parlement européen ou à la Commission européenne,
01:23:57 ce que nous, Français, ne savons pas véritablement bien faire.
01:24:01 Et là-dessus, je pense véritablement
01:24:03 qu'on peut faire des choses à Bruxelles intelligentes,
01:24:06 assez simples, parce que la Commission est très ouverte,
01:24:09 plus quelque part que nos ministères nationaux.
01:24:12 Mais par contre, ça nécessite qu'on ait aussi un changement de mindset en France
01:24:15 et qu'on comprenne qu'aller interagir avec le décideur public ou politique
01:24:21 et pas juste se limiter à poser son bulletin dans l'urne
01:24:23 une fois tous les cinq ans,
01:24:25 mais se dire que la démocratie, c'est aussi cette interaction
01:24:27 pendant le mandat, c'est quelque chose d'assez sain
01:24:30 et que surtout les Allemands sont en train d'amener le pion.
01:24:33 Mais nous, c'est exactement le contraire.
01:24:35 Nous, on pense qu'à chaque fois que vous allez intervenir,
01:24:37 c'est contre nous que vous le faites.
01:24:39 Mais c'est dommage.
01:24:42 Moi, je travaille essentiellement pour des intérêts français à Bruxelles.
01:24:45 Oui, mais ça ne fait rien.
01:24:45 Ce n'est pas l'intérêt général.
01:24:47 Donc pour nous, c'est...
01:24:48 Oh là là, il faut se méfier.
01:24:50 J'en compte.
01:24:50 Moi, je pense que ce serait encore l'importance de la régulation de la transparence,
01:24:53 parce qu'en effet, c'est légitime, c'est utile,
01:24:55 mais c'est quand même très important.
01:24:56 Si des intérêts privés tentent d'influencer le droit qui s'applique à tout le monde,
01:24:59 c'est quand même légitime qu'on ait de la transparence,
01:25:01 de la visibilité là-dessus et qu'il y ait un vrai encadrement.
01:25:03 Et comme on le disait, à Bruxelles, il n'y a pas une régulation stricte,
01:25:06 il y a un encadrement qui ne se passe pas très bien. Il y a très peu de sanctions.
01:25:18 À Bruxelles, je connais moins en France, mais à Bruxelles aussi,
01:25:20 il y a aussi une sorte de laxisme des députés européens,
01:25:24 des commissaires sur l'application des règles.
01:25:25 Ça veut dire que même les règles qui existent et qui devraient être appliquées,
01:25:28 ce n'est pas forcément la priorité de tous les cabinets des commissaires,
01:25:30 de tous les députés européens.
01:25:32 Et le catargueil, bien sûr, dépasse largement le lobbying,
01:25:35 mais on a vu aussi avec le catargueil apparaître certaines des failles qui existent.
01:25:39 Le catargueil, c'est ce qu'a envoyé en prison la vice-présidente de l'Assemblée européenne.
01:25:44 Mais c'est un bon exemple. L'une des ONG impliquées a été auditionnée au Parlement européen
01:25:48 et n'avait pas le droit d'être auditionnée sans être au registre.
01:25:50 Elle a comme été auditionnée.
01:25:52 Donc, ça veut dire qu'au Parlement européen,
01:25:53 même les règles de base ne sont pas toujours suivies par les commissions parlementaires.
01:25:56 Ce que disait Madame, je trouve ça très intéressant sur la différence entre l'Allemagne et la France.
01:26:02 C'est qu'en Allemagne, nous en France, on a un pouvoir monarchique.
01:26:08 En Allemagne, effectivement, le chancelier doit discuter sans arrêt,
01:26:12 en permanence avec les parlementaires.
01:26:14 Et donc, quand vous allez voir votre parlementaire en Allemagne,
01:26:17 il lui-même va discuter sans arrêt avec le pouvoir et le chancelier.
01:26:20 Et les fédérations professionnelles.
01:26:21 C'est un pouvoir, en fait, l'Allemagne, c'est un pouvoir collégial.
01:26:24 Et l'Union européenne, c'est aussi un pouvoir collégial.
01:26:28 Et donc, c'est pour ça que ceux qui ont...
01:26:29 Ils ont la clé.
01:26:30 Ils sont beaucoup plus habitués depuis la guerre.
01:26:35 Ils sont beaucoup plus habitués à ce pouvoir collégial
01:26:37 et donc à discuter avec le pouvoir collégial bruxellois.
01:26:42 On donne la parole à Isabelle Piboulot pour le rappel des titres.
01:26:46 Et ensuite, on s'intéresse à la levée des brevets sur les médicaments, sur les vaccins.
01:26:52 Il y en a beaucoup qui la réclament.
01:26:57 Gérald Darmanin répond au LR sur le dossier de l'immigration.
01:27:01 "Chiche, travaillons ensemble",
01:27:03 clame le ministre de l'Intérieur dans les colonnes du Parisien.
01:27:07 Une semaine plus tôt, les Républicains avaient dévoilé
01:27:09 deux propositions de loi offensive afin, je cite,
01:27:13 "de reprendre le contrôle en la matière".
01:27:15 Le ministre exclut de mettre des quotas sur le droit d'asile,
01:27:18 mais pourrait l'envisager pour l'immigration de travail.
01:27:22 Direction l'Egypte, à 15 kilomètres au sud du Caire,
01:27:26 deux ateliers dédiés à la momification ont été découverts à Saqqara.
01:27:30 Des momies humaines et des animaux sacrés datant de 2000 à 2400 ans
01:27:34 ont notamment été trouvés.
01:27:36 Selon les archéologues, ces ateliers sont les plus grands
01:27:39 et les plus complets découverts à ce jour.
01:27:42 Enfin, Formule 1 Max Verstappen se lancera en pole position
01:27:46 du Grand Prix de Monaco demain.
01:27:48 Cet après-midi, dans les rues de la Principauté,
01:27:50 le néerlandais a soufflé le meilleur temps des qualifications,
01:27:54 à l'espagnol Fernando Alonso.
01:27:56 Max Verstappen, leader provisoire au championnat,
01:27:59 a réussi sa quatrième pole de la saison sur six possibles.
01:28:02 Le GP de Monaco est à suivre demain à 15h sur Canal+.
01:28:07 Au plus fort de la crise du Covid,
01:28:11 vous vous en souvenez certainement,
01:28:13 les dirigeants européens proclamaient leur volonté de faire des vaccins
01:28:17 contre le Covid-19, un bien public mondial.
01:28:20 L'Inde et l'Afrique du Sud ont de leur côté appelé l'OMC
01:28:23 à prendre une mesure internationale de dérogation générale
01:28:26 pour toutes les technologies Covid-19 afin de mieux contrôler la pandémie.
01:28:31 En mai 2021, après l'élection de Joe Biden,
01:28:33 les États-Unis ont soutenu pour la première fois la proposition
01:28:36 de lever des brevets sur les vaccins contre le Covid.
01:28:39 Mais il ne s'est rien passé.
01:28:41 En 2021, Moderna a fait 12 milliards de dollars de profit.
01:28:44 Pfizer et son associé BioNTech ont réalisé 9 milliards de bénéfices nets chacun.
01:28:49 Et les vaccins ARN messagers ont été réservés aux pays riches
01:28:53 qui pouvaient se les offrir.
01:28:54 Et pourtant, la bataille pour le droit à la santé
01:28:56 et la levée des brevets pharmaceutiques n'est pas terminée.
01:28:59 Des propositions alternatives fleurissent un peu partout.
01:29:01 Maurice Cassier, vous êtes économiste et sociologue.
01:29:05 Vous venez de publier la semaine dernière "Il y a des alternatives".
01:29:10 Vous vous souvenez qu'en 2020...
01:29:12 Mais non, j'allais redire la même chose.
01:29:17 De l'autre côté, il y a Mathieu Denne qui nous a rejoint.
01:29:22 Mathieu Denne, vous êtes là.
01:29:24 Vous êtes avocat, vous êtes spécialisé dans la propriété intellectuelle
01:29:29 et vous êtes l'auteur de "Techniques et droits des brevets".
01:29:33 Alors, la première question que j'ai envie de vous poser,
01:29:36 c'est qu'au fond, les médicaments n'ont pas toujours été brevetables.
01:29:40 C'est ce que j'ai appris en lisant votre livre,
01:29:42 qui est aussi une histoire des médicaments.
01:29:44 Aujourd'hui, on sait, et ça en énerve beaucoup, tout est breveté.
01:29:48 Mais pendant longtemps, en France, par exemple, jusqu'en 1959,
01:29:53 on pouvait copier ce qu'on voulait.
01:29:56 On copiait les Allemands, on copiait tout le monde.
01:30:00 Et au fond, c'est très, très récent, le brevetage des médicaments et des vaccins.
01:30:05 Alors, on copiait les Allemands.
01:30:07 Et je pense que Sanofi et Rohn-Poulenc, avant,
01:30:10 doivent beaucoup à la copie des brevets allemands au début du 20e siècle,
01:30:15 qu'ils faisaient d'ailleurs systématiquement avec l'Institut Pasteur.
01:30:18 Il y avait une équipe de chimistes extrêmement qualifiée à l'Institut Pasteur
01:30:23 qui travaillait de concert avec Rohn-Poulenc.
01:30:25 On détectait les brevets qui sortaient en Allemagne,
01:30:29 on les traduisait et on reproduisait systématiquement les molécules.
01:30:36 Le cas échéant, d'ailleurs, on faisait de la recherche à partir de la copie.
01:30:40 On ne se contentait pas de copier.
01:30:42 On essayait de trouver de nouvelles molécules dérivées.
01:30:45 Et c'est comme ça, d'ailleurs, qu'on a trouvé en France le sulfamide blanc,
01:30:50 qui était plus efficace que le sulfamide qui avait sorti les Allemands deux ans auparavant.
01:30:54 Et donc, on est en partie...
01:30:58 - Pour guérir quoi le sulfamide ?
01:31:01 - Toute une série d'infections.
01:31:04 - Et surtout, la France, enfin, la France et tous ceux qui ne respectaient pas le brevetage des vaccins,
01:31:10 a été mitée par la Turquie, le Brésil, l'Inde, l'Argentine, jusqu'à la fin du 20e siècle.
01:31:15 - Alors, en fait, on a accusé le Brésil, je me rappelle, en 2000,
01:31:21 le président des États-Unis accusait le Brésil de piraterie,
01:31:24 parce que le Brésil copiait les molécules...
01:31:28 - Qu'on avait fait, nous, jusqu'en 1959.
01:31:30 - Ce qu'on avait fait jusqu'en 1959.
01:31:32 - Et ce que les Américains avaient fait bien avant aussi.
01:31:34 - Étant donné que le Brésil n'avait pas eu de brevet de médicament entre 1945 et 1997.
01:31:40 Donc, toutes les molécules qui n'avaient pas été brevetées,
01:31:42 et notamment les premières molécules contre le SIDAC, les trithérapies,
01:31:46 ont pu être copiées licitement, tout à fait licitement par le Brésil,
01:31:50 mais à la grande colère des États-Unis, qui les ont menacés, d'ailleurs, de poursuite.
01:31:56 Mais finalement, tout ça s'est soldé par le retrait de la position américaine.
01:32:04 - Mathieu Denne, le rôle mineur des brevets et l'étendue du domaine public
01:32:10 n'ont pas empêché le développement de l'industrie pharmaceutique et de la recherche.
01:32:17 En tout cas, c'est ce que montre le livre de Maurice Cassier.
01:32:22 Pourtant, est-ce que l'un des arguments, qui est celui de ceux qui ne veulent pas qu'on lève les brevets,
01:32:29 c'est justement de dire « si on lève les brevets, il n'y aura plus de recherche, il n'y aura plus d'industrie ».
01:32:36 - Oui, effectivement, c'est un des arguments.
01:32:38 Mais je pense qu'il faut revenir sur l'entièreté de la thèse, qui consiste à dire que les brevets ne sont pas efficaces.
01:32:46 D'abord, quand on évoque la France et l'absence de protection des médicaments en France,
01:32:52 en vérité, il faudrait d'abord parler en réalité des produits chimiques.
01:32:55 La problématique n'était pas une problématique qui concernait les médicaments, mais les produits chimiques,
01:32:59 ce qui est totalement différent. C'est le premier aspect.
01:33:02 Et on parle uniquement de la France.
01:33:04 On parle uniquement de la France, et on parle de la France à une époque qui date d'il y a maintenant presque un siècle.
01:33:12 Si depuis, la protection par brevet a été généralisée, c'est bien la preuve que c'est une protection qui fonctionne.
01:33:20 Au-delà de ça, aujourd'hui, il y a de nombreux brevets qui sont déposés tous les jours, chaque année,
01:33:27 qui prouvent bien que les brevets sont effectivement une motivation pour la recherche.
01:33:32 Et je pense que là, il y a un aspect qui est très important, puisque j'ai bien lu votre ouvrage, M. Cassier,
01:33:38 que je trouve très intéressant, d'ailleurs, qui est très bien documenté.
01:33:43 Après, il y a une véritable difficulté pour moi à comprendre l'opposition que vous faites entre propriété individuelle,
01:33:51 qui serait la propriété du brevet, et la propriété collective, puisque vous parlez d'inventions collectives qui pourraient servir les médicaments.
01:34:01 Or, il se trouve qu'en réalité, la division devrait plutôt être faite entre la propriété, qui est la propriété du brevet,
01:34:10 donc une propriété individuelle, et le secret.
01:34:13 Parce que le secret, parce que le brevet n'a pas pour objet, justement, d'éviter que des recherches alimentent,
01:34:22 ou plutôt que les découvertes alimentent la recherche, mais en l'occurrence, a pour objet d'alimenter la recherche.
01:34:28 En fait, la divulgation du brevet permet d'alimenter la recherche.
01:34:34 C'est justement l'inverse du secret, parce que sinon, dans la plupart des cas, on garde le secret de ces découvertes ou de ces inventions.
01:34:41 Et justement, je pense que c'est un point très important ici.
01:34:44 J'aurais bien aimé avoir votre opinion sur cette question de l'opposition entre secret et propriété,
01:34:50 parce que c'est un point qui me paraît particulièrement important ici.
01:34:52 - Maurice Cassier ? - Pour moi, je ne suis pas opposé au brevet de manière irréductible.
01:35:04 Je pense qu'il y a une certaine efficacité, effectivement, des brevets.
01:35:08 Je pense que notamment le brevet, il codifie la connaissance.
01:35:12 Donc quand on va dans les instituts de propriété industrielle, c'est une bibliothèque technologique fondamentale.
01:35:20 Ce qui me pose problème dans le cas du médicament, si je parlais du moteur à piston, je n'aurais pas la même...
01:35:28 - C'est le droit à la santé, c'est le droit à la vie. - Voilà, c'est le droit à la santé, c'est le droit à la vie.
01:35:33 Dans le cas du médicament, et je pense que depuis deux siècles, et c'est ce que j'essaie de voir dans ce livre,
01:35:39 on s'est posé la question quel format de propriété il faut pour couvrir les médicaments et quelle type de propriété ?
01:35:45 - Parce que c'est spécial les médicaments. - Exactement.
01:35:48 Donc je ne parlerai pas d'inefficacité du système de brevets.
01:35:53 Le brevet, il a son efficacité.
01:35:55 Simplement, quand on regarde les problèmes de santé publique et là, ce que deux siècles de débats...
01:36:01 Et d'ailleurs, quand on a créé les brevets en France en 1790 avec l'Assemblée constituante,
01:36:08 simultanément, la Société royale de médecine a tout de suite dit "mais on pourrait peut-être faire autrement".
01:36:15 On pourrait peut-être pas seulement récompenser la vente, on pourrait pas seulement attribuer un brevet à l'inventeur
01:36:21 pour qu'il puisse jouir de son invention sur le marché.
01:36:25 On pourrait lui offrir une récompense, l'État pourrait lui offrir une récompense, donc une rente par exemple.
01:36:32 Et l'État s'approprierait son invention et la divulguerait dans le domaine public pour que tous les pharmaciens puissent copier.
01:36:40 Donc déjà, là, on avait une opposition et là, on a une appropriation publique.
01:36:45 Donc pas collective, mais publique, qui signale déjà cette dualité.
01:36:51 Et ça, ça date de 1790.
01:36:54 Donc il faut avoir...
01:36:56 Je pense qu'il y a vraiment...
01:36:58 Si on se pose cette question de 1790 jusqu'au Covid-19,
01:37:05 est-ce qu'il faut faire un bien public ou est-ce qu'il faut faire des biens privés ?
01:37:08 - Un bien mondial, on a même dit, un bien mondial.
01:37:11 Voilà un bien public mondial ou alors des biens privés mondiaux,
01:37:15 comme en fait c'est ce qui s'est passé avec les vaccins ARN.
01:37:18 Donc ils ont été appropriés par brevets et avec une accumulation fantastique de revenus à partir de ces brevets.
01:37:27 C'est qu'il y a vraiment une spécificité au domaine du médicament.
01:37:31 Et ce qui m'intéresse, c'est l'usage et la régulation des brevets.
01:37:35 - Je voudrais poser la question à vous et à Mathieu Denne.
01:37:39 Si on levait les brevets comme le demandaient au moment du Covid,
01:37:44 l'Inde, le Brésil, les États-Unis, je parle des vaccins évidemment,
01:37:50 ça veut dire que Moderna ou Pfizer n'auraient pas gagné les milliards qu'ils ont gagnés rien qu'en une année au cours de l'année 21.
01:37:59 Mais ils auraient quand même investi autant de temps et d'argent dans des vaccins qui n'allaient rien leur rapporter.
01:38:05 - En 2020, Moderna a récolté 1,3 milliard en bourse.
01:38:10 On est au tout début du Covid.
01:38:12 Ils n'ont encore jamais sorti aucun médicament.
01:38:15 Donald Trump leur donne plusieurs centaines de millions pour leurs tests ou leurs essais.
01:38:21 Et ils ramassent en bourse 1,3 milliard.
01:38:24 Il y a des gens qui ont mis 1,3 milliard pour qu'on puisse produire les vaccins de Moderna.
01:38:30 Ça veut dire qu'à la fin, Moderna avait déjà dépensé 7 milliards avant pour en arriver là, sans jamais sortir aucun médicament.
01:38:38 Donc tout ça a payé effectivement de manière considérable en un an.
01:38:42 Mais est-ce que ça veut dire qu'on leur disait non, finalement, vous ne gagnerez rien ?
01:38:45 Et tous ceux qui ont investi et misé sur vous, ils peuvent toujours aller pleurer ?
01:38:49 - Bon, alors je pense... Deux points.
01:38:51 - Et je poserai la même question à Mathieu Denne, bien sûr.
01:38:53 - D'abord, sur le financement de Moderna, le financement des vaccins, c'est beaucoup plus...
01:38:58 C'est vraiment mêlé, c'est vraiment mixte. C'est un financement public-privé.
01:39:02 Et depuis le début de l'histoire de Moderna, quand ils ont été créés,
01:39:05 ils ont eu des subventions du département de la Défense.
01:39:08 Ensuite, ils ont levé des fonds.
01:39:10 Ils ont eu des subventions de l'Agence de recherche biomédicale, donc pour 2,5 milliards en 2020.
01:39:17 - Mais non, parce que je disais, ils ont dépensé 7 milliards.
01:39:20 - Voilà, ils ont dépensé 7 milliards, mais dans ces 7 milliards, donc il y a un mixte public-privé.
01:39:26 Ce que je pense, c'est que si on avait levé les brevets en 2021, quand les États-Unis...
01:39:34 Moderna aurait quand même fait de l'argent. Pourquoi ?
01:39:37 Parce qu'il y a une réalité, ils avaient une avance technologique et une avance industrielle.
01:39:42 Simplement, la levée des brevets et la volonté politique que ça aurait manifesté,
01:39:48 et c'est surtout ça qui est important,
01:39:51 ça aurait permis le développement laissé-mâche de la production dans le monde entier beaucoup plus rapidement.
01:40:00 C'est en train de se faire à petits pas sous l'autorité de l'Organisation mondiale de la santé.
01:40:06 L'Organisation mondiale de la santé a monté un accord avec l'Afrique du Sud en 2021
01:40:12 pour transférer des technologies à ARN. Cela à l'abri de Moderna.
01:40:17 Alors, Moderna avait indiqué qu'elle ne ferait pas valoir ses brevets contre des tiers le temps de la pandémie.
01:40:28 L'Afrique du Sud s'est engouffrée là-dessus avec l'OMS pour transférer la technologie.
01:40:34 Ils ont réussi en moins de six mois à copier le vaccin de Moderna,
01:40:37 ce qui en soi-même est une réalisation remarquable.
01:40:40 Et ils sont en train là de partager avec une quinzaine de laboratoires.
01:40:43 Vous le rappelez dans votre livre, Pasteur a transféré la technologie de son vaccin contre la rage à tout le monde gratuitement.
01:40:50 Il y a des instituts Pasteur qui ont essaimé dans le monde entier à l'époque.
01:40:54 Absolument.
01:40:55 Pour défendre Moderna, je crois qu'ils n'ont pas versé de dividendes encore.
01:40:59 Ils réinvestissent tout ce qu'ils ont gagné, ils le réinvestissent pour le moment, Bancel, dans la recherche.
01:41:08 Ils se sont lancés dans une recherche, je parle sous votre contrôle, sur le cancer.
01:41:13 Bancel, c'est le président qui est français.
01:41:15 Le président qui est français, mais qui a été aux États-Unis parce qu'il pouvait recruire de l'argent là-bas.
01:41:21 Mathieu Denne.
01:41:25 Oui.
01:41:25 Le cas de Moderna, en l'occurrence, est-ce qu'il vous semble que si on avait levé les brevets,
01:41:32 tous les investisseurs auraient perdu leur mise d'une certaine manière ?
01:41:37 Et est-ce que pour la prochaine fois, ce serait dissuasif que d'investir dans les industries pharmaceutiques,
01:41:45 notamment quand elles ont besoin d'argent pour leur recherche ou pour leur production ?
01:41:51 Je pense qu'il faut distinguer deux choses.
01:41:53 Il faut distinguer la fonction qu'aura eu le ou les brevets en amont.
01:41:57 Et en l'occurrence, je pense que vous avez répondu, Frédéric, tout seul à cette question,
01:42:02 qui est que, effectivement, Moderna n'aurait pas autant investi
01:42:08 si elle n'était pas sûre d'obtenir une récupération sur ses investissements,
01:42:13 enfin de récupérer ses investissements.
01:42:15 Ça, je pense que c'est un premier point.
01:42:17 Donc, pour répondre à votre question, oui, si on levait les brevets, elle perd ses investissements.
01:42:21 C'est le premier point qui est important.
01:42:24 Le deuxième point qui est important, il se situe en aval des brevets.
01:42:28 En aval des brevets, vous avez ce qu'on appelle le savoir-faire.
01:42:30 C'est très bien de vouloir donner à l'accès aux brevets,
01:42:33 mais de vouloir lever les brevets, ce qui d'ailleurs, d'un point de vue pratique,
01:42:37 et d'un point de vue juridique, ne veut pas dire grand-chose, malheureusement.
01:42:41 Mais ce qui est important, surtout, c'est qu'il faut mettre en œuvre ces brevets.
01:42:44 Donc, on a des brevets qui vont porter sur différentes fonctions,
01:42:47 sur différentes fonctions des vaccins, en l'occurrence,
01:42:50 sur les techniques de production des vaccins.
01:42:52 Et puis, au-delà de ça, vous avez un savoir-faire à mettre en œuvre.
01:42:54 Et ce savoir-faire, il est secret.
01:42:57 Donc, non seulement il est secret, mais en plus, il est particulièrement compliqué à mettre en œuvre.
01:43:01 Donc, en l'occurrence, même avec un accès aux brevets,
01:43:04 sans une aide, notamment en l'occurrence, une aide des brevetés,
01:43:09 vous ne pourrez pas mettre en œuvre ces brevets, en réalité.
01:43:12 Donc, même si on avait eu accès à ces brevets,
01:43:16 d'abord, il aurait fallu obtenir l'aide des brevetés.
01:43:19 Et même avec l'aide des brevetés, dans certains pays, il n'est pas possible.
01:43:22 En fait, vous n'avez pas les moyens techniques pour mettre en œuvre les brevets.
01:43:27 C'est d'ailleurs ce qu'a répondu le gouvernement français à l'époque.
01:43:31 Donc, il y a des difficultés qui sont quand même assez importantes.
01:43:33 Et dernière difficulté, et je pense qu'il faut quand même le signaler ici,
01:43:36 c'est que le système des brevets n'est non seulement pas un système fermé,
01:43:40 comme je l'expliquais auparavant,
01:43:42 donc un système qui est censé récompenser l'innovation,
01:43:45 mais aussi, finalement, permettre une divulgation.
01:43:48 Mais au-delà de ça, c'est un système qui connaît ses propres limites.
01:43:52 Ça, je pense que c'est important de le signaler.
01:43:54 C'est-à-dire qu'au niveau de l'appropriation,
01:43:56 vous ne pouvez pas vous approprier n'importe quoi.
01:43:57 Il existe des conditions.
01:43:59 Les théories scientifiques sont exclues, les méthodes thérapeutiques sont exclues.
01:44:03 Et au moment de l'usage, puisque, M. Cassier, vous avez bien évoqué l'usage du droit,
01:44:07 qu'il existe des mécanismes pour limiter un usage qui pourrait être abusif.
01:44:13 Et c'est d'ailleurs ce qu'a demandé l'Afrique du Sud à l'époque.
01:44:16 Et ce qui a été obtenu,
01:44:18 c'est une limitation de l'usage avec ce qu'on appelle des licences d'office.
01:44:22 - Maurice Cassier.
01:44:23 - Je dois deux points.
01:44:24 Le premier, c'est sûr,
01:44:28 Moderna ne lève pas ses brevets et il n'est pas possible de reconstituer le savoir.
01:44:33 En fait, l'Afrique du Sud, les chercheurs d'une petite société,
01:44:37 aidés par des universitaires d'ailleurs du monde entier,
01:44:40 y compris des universitaires des NIH aux États-Unis,
01:44:43 qui les ont aidés à reconstituer le vaccin de Moderna,
01:44:47 y sont parvenus en moins de six mois.
01:44:51 Donc, c'est plus difficile effectivement si les ingénieurs de Moderna
01:44:56 aident à transférer la technologie, ça va beaucoup plus rapidement,
01:44:59 mais ce n'est pas infaisable.
01:45:00 Et d'autant qu'il faut qu'on ait quand même l'image de pays en développement,
01:45:04 de pays émergents qui ont des laboratoires de vaccins depuis une vingtaine d'années,
01:45:09 qui se sont équipés, qui se sont mis aux normes
01:45:12 et qui sont tout à fait aptes à recevoir ces technologies.
01:45:15 Donc, si on décide de lever les brevets, si on a la volonté de transférer la technologie,
01:45:19 ça peut être relativement rapide.
01:45:23 Quelques mois pour les vaccins ARN,
01:45:25 ce serait plus compliqué pour d'autres types de vaccins.
01:45:28 Et le deuxième point, je pense que ce n'est pas
01:45:31 si on lève les brevets, est-ce que les investisseurs de Moderna recevront rien ?
01:45:35 Non.
01:45:36 Simplement, on joue, ils continueront à recevoir,
01:45:39 parce que de toute façon, il y a l'avance technologique de Moderna qui est considérable,
01:45:43 il y a son avance industrielle, il y a ses savoir-faire,
01:45:46 donc il y a tout un background scientifique,
01:45:49 il y a une avance qu'ils font, qu'ils vont avoir un retour.
01:45:52 Simplement, c'est le taux de retour qui va être différent
01:45:57 si on permet un essai-mâche plus large.
01:46:00 Et ce taux de retour, il n'est pas à justifier dans toutes circonstances.
01:46:03 Dans un cas de crise pandémique,
01:46:06 on peut lever les brevets pour permettre une dissémination de la production locale,
01:46:10 surtout si on arrive à la répartir sur tous les continents,
01:46:14 pour répondre aux différentes vagues épidémiques,
01:46:16 parce qu'on a vu que les vagues épidémiques variaient selon les continents,
01:46:20 elles arrivaient au Brésil ou en Inde, pas au même moment.
01:46:23 Donc si on arrive à avoir au Brésil et en Inde des technologies de vaccins ARN,
01:46:27 ce sera mieux pour la prochaine pandémie.
01:46:29 Et donc là, effectivement, dans le cadre de la préparation de la prochaine pandémie,
01:46:33 c'est très important que cette constitution de savoirs locaux,
01:46:37 mais simplement, Moderna, le taux de retour ne sera pas le même.
01:46:41 Donc on joue, c'est un régulateur.
01:46:44 Et à mon avis, ils ne sont pas obligés de se rembourser en un an seulement.
01:46:48 Voilà, exactement.
01:46:50 - Maïké Ben ?
01:46:51 - Oui, je tenais à préciser que pour la question du savoir-faire,
01:46:57 au-delà des laboratoires qui ont trouvé trois ans plus tard les vaccins de Moderna,
01:47:03 bon, ce n'est quand même que trois ans plus tard,
01:47:05 cela dit, le véritable problème,
01:47:07 au-delà de savoir si les laboratoires peuvent trouver ce savoir-faire et le copier,
01:47:11 c'est surtout les capacités de production.
01:47:13 Autrement dit, les capacités de production n'existent pas.
01:47:17 Ce ne sont pas des...
01:47:19 Effectivement, vous évoquiez l'ARN messager,
01:47:21 la production de médicaments avec le procédé d'ARN messager
01:47:25 est particulièrement complexe, particulièrement compliquée.
01:47:29 Et ces capacités de production, jusqu'à présent,
01:47:31 aucun pays n'a réussi à les développer tout seul.
01:47:36 Donc ça, c'est effectivement le premier point.
01:47:41 Le deuxième point, c'est qu'effectivement,
01:47:44 vous évoquez le retour sur investissement pour les investisseurs de Moderna
01:47:49 en expliquant que c'est un niveau de retour.
01:47:51 Mais à vous écouter, il faudrait donc lever les brevets sur les médicaments.
01:47:56 Je rappelle quand même que Moderna est quand même une société de biotechnologie,
01:47:59 ils font quand même essentiellement des médicaments
01:48:01 et que sans brevets, ils n'auraient strictement aucun retour.
01:48:06 Ce n'est pas une question de niveau de retour,
01:48:08 ils n'auraient aucun retour.
01:48:13 Il peut poser effectivement un problème.
01:48:16 Non, mais je pense que...
01:48:18 Il ne faut pas...
01:48:19 Enfin, c'est jamais la bombe atomique.
01:48:23 C'est-à-dire que la levée des brevets,
01:48:25 ça se justifie dans un contexte de crise pandémique.
01:48:28 Oui, c'est un peu provisoire.
01:48:30 Voilà, c'est provisoire, c'est des mesures d'urgence
01:48:33 qui permettent de répondre pour contrôler une pandémie.
01:48:38 Je pense d'ailleurs qu'il faut réfléchir pour les futures pandémies,
01:48:42 à la fois en termes d'essai-mâche de la production locale et de lever des brevets.
01:48:46 Mais il ne s'agit pas d'enlever tous les brevets de Moderna.
01:48:52 Réponse de Mathieu Denne.
01:48:56 Oui, alors je m'interrogeais,
01:48:59 parce que vous proposez une mesure qui soit une mesure temporaire.
01:49:04 Je m'interroge par rapport à ce que vous proposez précisément,
01:49:07 parce qu'il existe déjà ce qu'on appelle la licence de fit,
01:49:10 qui est une mesure temporaire et qui permet de...
01:49:13 C'est une licence qui permet de fabriquer beaucoup plus facilement des médicaments,
01:49:18 et qui a d'ailleurs été demandée par l'Afrique du Sud,
01:49:19 que vous évoquiez précédemment.
01:49:21 Quelle serait la différence entre la levée des brevets et la licence d'office ?
01:49:27 Puisque vous évoquiez également un retour sur les médicaments.
01:49:29 Donc j'imagine qu'avec la levée des brevets,
01:49:30 on pourrait également avoir un retour sur l'investissement.
01:49:33 Oui, absolument.
01:49:34 Mais moi, je ne suis, je n'oppose pas la licence d'office.
01:49:40 Ce qu'on a appelé levé des brevets,
01:49:41 c'est la proposition de l'Afrique du Sud et de l'Inde d'une dérogation générale,
01:49:47 pas seulement sur les brevets, mais également sur les savoir-faire,
01:49:49 sur les données confidentielles.
01:49:53 Donc c'est une mesure beaucoup plus générale,
01:49:56 le temps de la pandémie, qu'une mesure de licence d'office,
01:49:59 qui elle est une mesure qui vise un brevet précis,
01:50:03 ou quelques brevets précis, donc sur un médicament.
01:50:06 Donc en quelque sorte, la licence d'office est une mesure individuelle,
01:50:11 tandis que la dérogation générale qui était demandée par l'Inde et l'Afrique du Sud,
01:50:16 était une dérogation qui concernait tout type de savoir pendant une période donnée.
01:50:22 Toute la question est quand même de motiver les chercheurs,
01:50:26 qui travaillent plus que d'autres, et de motiver les investisseurs.
01:50:30 C'est comme ça que la recherche fonctionne.
01:50:33 D'ailleurs, en France, dans le système fiscal français,
01:50:37 les revenus venant d'un brevet jouissent d'une fiscalité très, très avantageuse.
01:50:43 Je crois que, je pars sous votre contrôle,
01:50:44 je crois qu'ils sont taxés qu'à 10% ces revenus.
01:50:47 Mais je pense que dans ces sociétés modernes,
01:50:51 c'est très important de motiver le travail de recherche
01:50:56 et l'investissement sur la recherche.
01:50:58 – Oui, malheureusement, on n'a pas trouvé de vaccin, en dépit des avantages.
01:51:03 – En France, c'est une honte nationale qu'effectivement, la France,
01:51:06 vous l'avez dit, on a eu Pasteur, le premier vaccin,
01:51:11 que la France n'ait pas été capable, alors c'est un français, brancel,
01:51:14 et que la France n'ait pas été capable de développer son propre vaccin ARN du Covid.
01:51:21 – Ce qui est particulièrement…
01:51:22 – Très vite parce qu'on a terminé.
01:51:23 – Oui, mais la France, depuis 15 ans,
01:51:26 le financement public de la recherche médicale a baissé.
01:51:29 – Voilà, et donc ce sera le dernier mot.
01:51:31 Je vous remercie… – C'est dommage, vous avez raison de le dire.
01:51:34 – … d'avoir participé à cette émission.
01:51:36 Merci Mathieu Denne, merci de nous avoir suivis.
01:51:40 Et rendez-vous demain au prochain numéro, demain, 22h.
01:51:45 Je vous souhaite une très bonne nuit.
01:51:46 Merci.
01:51:47 Merci.
01:51:48 [SILENCE]

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