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00:00 et la dame me dit "il faut que je te dise quelque chose,
00:02 le jour de l'entretien d'embauche, il faudrait que tu n'aies pas ton cheveu,
00:04 parce que c'est pas professionnel, c'est sauvage, et puis ça fait un peu sale".
00:08 Pour ceux qui ne savent pas, la discrimination capillaire,
00:10 c'est discriminer une personne en fonction de son cheveu.
00:13 Ce qui m'est arrivé, et cette anecdote, elle est horrible,
00:17 il y avait des portes ouvertes dans des écoles privées.
00:19 Et je me souviens qu'on devait faire beaucoup d'exercices,
00:23 des activités sur comment avoir une certaine posture devant son employeur.
00:27 J'étais venue, mes cheveux détachés, un détail important,
00:30 et la dame me dit "il faut que je te dise quelque chose,
00:32 le jour de l'entretien d'embauche, il faudrait que tu n'aies pas ton cheveu,
00:35 parce que ton cheveu, c'est pas professionnel, c'est sauvage, et puis ça fait un peu sale".
00:39 Forcément, j'ai énormément pleuré.
00:41 Je me suis dit "si je ne peux pas travailler avec moi-même, comment je vais faire ?"
00:47 Mon rapport avec mes cheveux quand j'étais jeune était très compliqué,
00:50 puisque je n'avais aucune idée de quelle était ma nature de cheveux.
00:53 Je n'avais pas de représentation.
00:54 Ma maman, elle, a longtemps défrisé, lissé son cheveu,
00:58 et puis en même temps, seule, mère au foyer, avec trois enfants à charge,
01:01 elle se disait "bon ben voilà, c'est plus facile pour nous de nous faire des tresses,
01:05 nous les attacher, ou alors de nous les lisser, puisque c'est la seule chose qu'elle connaissait".
01:09 Et forcément, quand j'ai grandi, j'ai continué jusqu'à collège, lycée, début d'université,
01:15 à lisser mon cheveu, le défriser, et puis en même temps,
01:17 quand j'avais les cheveux lisses, j'avais des super commentaires de mes amis,
01:21 ma famille et mes petits copains, alors que quand j'avais les cheveux "naturels",
01:26 et c'était pas vraiment naturel, ils étaient un peu abîmés,
01:28 et bien là, les commentaires négatifs, ça fusait de tous les coins.
01:31 Mon déclic, ça a été à l'âge de 18 ans.
01:33 J'ai rencontré une fille qui s'appelle Malaika, à l'université,
01:37 et elle avait des cheveux tellement incroyables, bouclés, magnifiques,
01:41 et je me suis dit "mais attends, ça c'est incroyable, moi aussi je veux la même chose".
01:45 Ce processus-là, il était très long, parce que c'est un vrai rapport avec soi-même,
01:48 c'est-à-dire que c'est une vraie remise en question.
01:50 Et même pour que je dise "j'aime qui je suis", ça aussi, ça a été très long.
01:55 Quand j'ai commencé ma transition, ils étaient pas comme ça du tout.
01:57 Aujourd'hui, ils sont incroyables, mais parce que j'ai pris le temps,
02:00 et que j'ai appris à connaître mon cheveu.
02:03 C'est vrai, j'ai appris à connaître mon cheveu.
02:06 Le cheveu, il a retranscrit beaucoup de choses.
02:08 Étant une femme racisée, avec des cheveux texturés,
02:11 forcément c'était difficile de s'incarner en tant que femme et dans la société.
02:17 Alors c'est vrai que ça peut être qu'un aspect esthétique,
02:19 j'en parle, je fais des routines et les gens sont en mode "elle parle que des cheveux en fait".
02:23 Non, pas du tout, ça va au-delà de ça.
02:25 Parce que dans le million professionnel, on nous rappelle constamment que notre cheveu n'est pas professionnel.
02:28 Et rien que ça, waouh, comment je peux moi demain avoir une certaine posture,
02:33 si au final le monde du travail ou même la société, les mœurs,
02:36 me rappellent constamment que c'est pas beau, que c'est pas bien, que c'est sauvage,
02:39 que ça ressemble à un balai à chiottes, que ça, enfin je vais dire les mots,
02:42 que ça ressemble à un buisson à Chewbacca.
02:44 Enfin non, ça y est, je pense qu'aujourd'hui, dès qu'on me regarde, et c'est ça que j'aime,
02:47 c'est que les gens me disent "c'est beau, bah ouais c'est beau, ouais mon cheveu est professionnel".
02:51 Parce que ce qui est important, c'est moi, ma personne, mes compétences,
02:54 ce que je peux amener par exemple à la société.
02:56 Avant, je rigolais en fait à ces blagues-là.
02:58 Aujourd'hui, non. Aujourd'hui, je m'impose.
03:00 Aujourd'hui, je dis "non, excuse-moi, ce que tu viens de me dire, ça m'aide pas du tout".
03:03 Et puis en plus, c'est dénigrant.
03:04 C'est une vraie base en fait de racisme, un racisme complètement banalisé aujourd'hui.
03:07 Ce qui va se passer la majorité du temps, c'est qu'on va toucher mon cheveu.
03:10 Voilà, on va toucher mon cheveu, on va mettre les mains comme ça.
03:13 Ça m'arrive tout le temps dans la rue.
03:14 Tout le temps.
03:15 C'est complètement rentré dans mon intimité et c'est un non-consentement.
03:18 Donc "non, mes cheveux c'est ma propriété, si t'as envie de toucher, tu me demandes.
03:21 Si je dis oui, tu peux toucher. Si je dis non, tu toucheras pas".
03:24 Et ça s'arrête là quoi.
03:25 Dans le côté assez maghrébin, on a un prône du cheveu caucasien,
03:28 qui est tellement haut que, encore aujourd'hui, si on va dans les pays maghrébins,
03:33 on verra rarement des personnes comme moi avec leurs cheveux texturés naturels.
03:37 L'exemple, ma maman qui continue encore à lisser son cheveu,
03:40 à faire des lissages, à faire des défrisants.
03:42 Elle m'a dit clairement "Mais Kenza, c'est pas moi ce cheveu là".
03:46 Je lui ai dit "Maman, non, non, ce cheveu que tu as là actuellement, ce n'est pas toi".
03:51 Et je ne juge pas les gens qui veulent défriser, je ne juge pas les gens qui veulent lisser.
03:54 Si vous aimez ça, c'est très bien pour vous.
03:56 Mais la problématique c'est, est-ce que tu fais ça parce que tu aimes ça
03:59 ou est-ce que tu fais ça parce que tu es persuadée que tu es mieux en fait avec ce cheveu là ?
04:03 La personne, en tout cas cheveux texturés, dépense quatre fois plus que la personne cheveux caucasiens.
04:07 C'est énorme.
04:09 Et je sais qu'il y a un manque d'informations, de connaissances.
04:12 Donc en grande surface, qu'est-ce qu'on va trouver ?
04:15 On va trouver des défrisants, on va se dire "Tiens, c'est la facilité, j'en ai marre".
04:18 Et comme les coiffeurs sont habilités aujourd'hui à défriser plus qu'à couper nos cheveux,
04:22 eh bien ça engendre des problèmes de la santé.
04:25 Il y a des études qui sont sorties très récemment,
04:27 notamment avec un lien entre l'utilisation des produits défrisants
04:31 et de développer un cancer du col de l'utérus.
04:33 Il y a aussi des problématiques justement de brûler son cuir chevelu,
04:36 de l'alloplésie secondaire.
04:37 Donc évidemment que c'est politique, il y a beaucoup de choses encore à mettre en place
04:40 pour enfin se sentir considérée dans la société.
04:43 Pour moi, la nouvelle loi de Olivier Servat, le député,
04:46 qui fait une proposition justement sur la discrimination capillaire,
04:49 elle est primordiale, elle est même indispensable.
04:52 Mettre une loi, c'est mettre un mot sur ce qui nous arrive.
04:56 Et c'est important parce que ça permet de se légitimer
04:59 et en même temps de pouvoir se dire "non, je ne veux pas que vous me parliez comme ça,
05:02 je ne veux plus de ça".
05:04 Pour lutter contre cette discrimination capillaire,
05:06 le premier fondement c'est l'éducation.
05:07 Et ça passe par la famille, ça passe par la représentation,
05:10 que ce soit à la télé, que ce soit justement dans les dessins animés,
05:12 avoir beaucoup plus justement d'inclusivité.
05:15 Et puis ça passe également par les coiffeurs.
05:17 Parce qu'aujourd'hui, le référentiel d'aptitude du coiffeur,
05:19 eh bien il n'inclut pas le cheveu texturé.
05:21 Et c'est vrai que malheureusement, le coiffeur c'est l'une des personnes importantes
05:24 qui va justement nous donner des conseils et nous dire qu'est-ce qu'il faut que j'ai à la maison.
05:27 Et justement, Aude Livori-Jeanpoux, elle s'est battue
05:29 pour justement enfin avoir une représentation de nos cheveux
05:32 aux yeux du ministère de l'Éducation.
05:34 Et elle a réussi à mettre en place un diplôme qui permet de certifier
05:37 "je suis apte à couper les cheveux bouclés, frisés et crépus".
05:40 Ce n'est pas rien parce que ça en dit long sur la représentation de nos cheveux.
05:44 À date, c'était que dans du privé, si on voulait se former sur nos cheveux.
05:47 Aujourd'hui, ça peut devenir public.
05:49 Et ça, c'est à l'initiative des écoles et je crois en vous.
05:51 *rire*
05:52 *Bruit de bouche* *Bruit de coup*
05:54 Merci.