• l’année dernière
“Je préférais tout perdre plutôt que perdre mes étoiles.”
C’est l’un des plus grands chefs français. Et pourtant ça n’a pas toujours été facile. Pour Brut, il raconte à Mina Soundiram comment il a surmonté ses échecs.

Pierre Gagnaire est le consultant culinaire de “La Passion de Dodin-Bouffant”. Il y joue aussi un petit rôle. Le film est présenté à #Cannes2023

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Transcription
00:00 Je vais vous raconter l'histoire d'un des plus grands chefs français,
00:02 il s'appelle Pierre Gagnère.
00:03 Aujourd'hui, il a beaucoup de succès, mais en fait, ça n'a pas toujours été facile.
00:06 Je suis allée le voir dans ses cuisines et on a parlé de ses échecs,
00:08 et notamment de ce moment où tout s'est écroulé pour lui,
00:11 quand son restaurant a fait faillite.
00:12 45 ans, se faire piquer ses meubles,
00:14 pleurer de cartes de crédit, perdre sa dignité.
00:17 25 ans de ma vie disparaissent.
00:19 J'ai fait de la cuisine pendant des années,
00:21 en la vivant comme une thérapie,
00:23 en occultant complètement le fait que c'était aussi un commerce.
00:28 La réalité m'a rattrapé parce que,
00:30 évidemment, on produit au quotidien du bel ouvrage,
00:34 mais ce bel ouvrage, il faut un public.
00:36 On ne vend pas des parapluies au Sahara.
00:38 Moi, j'étais un peu dans cette situation.
00:41 Comment exister dans une ville formidablement accueillante,
00:43 mais qui n'était pas du tout à l'époque adaptée
00:45 aux projets que je voulais proposer à nos hôtes.
00:48 L'état d'esprit dans lequel j'étais à l'époque,
00:50 je préférais tout perdre,
00:54 être dans un désarroi financier absolu,
00:58 plutôt que de perdre mes étoiles.
01:00 Parce que perdre des étoiles,
01:02 c'est encore, dans ma tête à l'époque,
01:05 c'est encore plus grave.
01:06 Je perdais ma valeur,
01:09 la valeur de ce que représentait ma cuisine.
01:12 - Comment vous vous êtes relevé alors de cet échec en 93 ?
01:16 - Je me suis relevé en ayant l'immodestie de penser
01:22 que ma cuisine n'est pas un cause.
01:25 À aucun moment, je n'ai douté.
01:28 Et puis après, très vite,
01:30 il fallait que je remonte en selle.
01:34 Et j'ai eu la chance de rencontrer,
01:39 d'abord d'avoir de l'amour autour de moi, une famille.
01:42 Je ne l'ai pas lâché.
01:43 Je rencontre un homme, qui s'appelle Jacques Fournier,
01:46 qui est un des deux fondateurs, avec son frère, de Carrefour,
01:51 qui se prend de sympathie pour moi et qui me prête un peu d'argent.
01:56 - Grâce à cet argent, il a réussi à se relancer
01:58 avec son restaurant Le Balzac à Paris
01:59 et à récupérer en à peine cinq ans les trois étoiles auxquelles il tenait tant.
02:03 - Je pense que toute vie humaine est émaillée d'un échec.
02:08 Cette résilience qu'on porte en soi,
02:10 c'est l'énergie que l'on a,
02:13 c'est la qualité du projet que l'on défend,
02:17 la sincérité du projet.
02:19 Le fait d'avoir tout de suite reconquis ces étoiles,
02:22 j'ai pu avoir la chance d'avoir des opportunités incroyables,
02:28 d'ouvrir un restaurant d'abord à Londres, ensuite à Tokyo,
02:30 ensuite à Hong Kong, ensuite à Séoul, à Moscou, à Berlin.
02:35 J'ai l'impression de remplir une espèce de mission,
02:41 une mission de donner aux gens le meilleur de moi-même
02:47 et puis de former ces gens, ces jeunes gens,
02:50 et de partager avec moi ce que je suis, ce que je défends.
02:54 Et eux-mêmes, ils ont accès aux meilleurs produits,
02:59 ils ont accès à l'excellence
03:01 et je leur donne des clés pour construire leur vie.
03:05 Et ça, c'est formidable.
03:06 [Générique de fin]
03:08 [SILENCE]

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