Toujours pas de collège Samuel Paty dans sa propre ville: "Tout le monde a peur, même le maire ne se déplace qu’en voiture de peur d’être décapité" - VIDEO
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00:00 qui m'a frappé, parce qu'effectivement, deux ans après,
00:03 deux ans et demi après le drame, l'assassinat, l'attentat islamiste
00:07 qui a abouti à la mort de Samuel Paty,
00:11 dans les conditions horribles qu'on connaît,
00:14 le collège où il enseignait, où il était professeur,
00:17 ne porte toujours pas son nom. Comment ça s'explique ?
00:20 Alors, le collège ne porte pas son nom, mais à Conflans,
00:23 aucun bâtiment, aucun monument, aucune rue, pas même un square
00:26 ne porte le nom de Samuel Paty. Si vous prenez dans les rues
00:28 et que vous ne savez pas ce qui s'est passé il y a deux ans,
00:30 rien n'indique ce qui s'est passé. Ce qui bloque, c'est qu'au niveau local,
00:33 notamment au niveau du collège et de la mairie,
00:36 il y a un vrai sentiment de peur, c'est-à-dire que les collègues
00:39 de Samuel Paty, qui n'ont d'ailleurs pas forcément été très solidaires
00:42 avec lui au moment des menaces et puis de sa mort,
00:45 la principale, ont peur d'être stigmatisés, je les cite,
00:48 c'est ce que m'a rapporté le recteur, que le collège soit stigmatisé,
00:51 soit pris pour cible s'il changeait de nom.
00:54 Au niveau local, on a aussi le maire Laurent Brosse,
00:56 qui dit qu'il ne veut pas forcer la main du collège
00:59 pour rebaptiser l'établissement. J'ai insisté auprès de lui,
01:02 je l'ai rencontré à plusieurs reprises en lui demandant de se positionner,
01:04 en disant que ça faisait deux ans, que c'était vraiment un symbole important,
01:07 que c'était un hommage simple et évident, qui devrait être consensuel.
01:11 Et lui m'a dit "J'ai peur, aujourd'hui je ne me promène plus à Conflans à pied,
01:15 je me promène en voiture et j'ai peur d'être décapité."
01:18 Donc vous voyez là, vous voyez l'empreinte.
01:20 - Le recteur ? - Le maire.
01:22 - Le maire de Conflans. - Le maire de Conflans,
01:24 c'est Saint-Honorin qui vous dit, mais ça je ne l'ai lu nulle part ailleurs.
01:27 - Non, mais je vous le dis moi, j'ai rencontré Laurent Brosse,
01:29 le maire de Conflans, qui m'a dit ça.
01:31 Donc il y a vraiment un effet de peur qui a fonctionné au niveau local.
01:34 - Ça veut dire qu'à ce jour, en clair, le terroriste a gagné.
01:37 - Oui. - L'islamiste, le jeune islamiste tchétchène a gagné.
01:40 Celui qui a assassiné, qui est mort aujourd'hui.
01:43 - Ça a fonctionné exactement. Mais ce qu'on voit, c'est que finalement,
01:45 quand il y a l'hommage dans les jours qui suivent,
01:47 que l'émotion est très forte, qu'il y a beaucoup de couverture médiatique,
01:50 les élus locaux, les responsables, le maire, l'éducation nationale,
01:56 le président de la République disent "Plus jamais ça, ça ne se reproduira plus,
01:59 on va continuer à défendre la liberté d'expression".
02:01 Mais une fois que le souffle médiatique est retombé,
02:04 rien ne se passe et toutes les volontés sont figées.
02:07 Et il y a une vraie peur. Ce que dit apparemment Laurent Tidus-Parisain,
02:11 mais moi je vous le dis pour en discuter avec le rectorat, avec le maire,
02:15 il y a une vraie peur qui s'est installée.
02:17 Il y a une vraie peur que l'établissement, si je change de nom, soit pris pour cible.
02:20 - Ah oui. Pape Ndiaye sur la même longueur de monde.
02:23 - Exactement. Alors j'ai... - Le ministre de l'Éducation.
02:26 - Comme il y a beaucoup de blocages au niveau local, je me suis adressé,
02:29 j'ai écrit à Emmanuel Macron, à Pape Ndiaye, avant lui à Jean-Michel Blanquer,
02:33 en leur disant "C'est un enjeu national, c'est un enjeu qui concerne toute la France.
02:37 Le meurtre de Samuel Paty, ce n'est pas un petit fait d'hiver isolé
02:39 dans une ville des Yvelines. C'est un enjeu pour toute l'éducation nationale,
02:43 c'est un enjeu de laïcité." Et donc on leur demande de se positionner,
02:46 de dire si oui ou non, ce collège devait être rebaptisé.
02:49 Et ce que ni Emmanuel Macron, ni Pape Ndiaye n'ont fait,
02:52 puisqu'ils ont refusé de se positionner, en me disant "La décision revient au collège."
02:56 Donc on voit qu'on a vraiment... - Tout le monde se renvoie la balle.
02:58 - Exactement, tout le monde se renvoie la balle. Et à tous les échelons,
03:01 un peu comme ce qui s'est passé avant la mort de Samuel Paty,
03:04 à tous les échelons, personne ne prend ses responsabilités.
03:07 Tout le monde démissionne à son échelle.
03:09 Et cette somme de petite lâcheté, de petit renoncement,
03:11 qui fait qu'à la fin on aboutit à des drames énormes, mais finalement assez évitables.
03:15 - C'est ce qui s'était passé d'ailleurs avant l'assassinat.
03:18 - Exactement. - Une addition de petite lâcheté.
03:21 On se souvient que le père de l'élève menteuse
03:24 et un militant islamiste avaient été reçus dans le collège.
03:28 - Exactement. L'enjeu, je crois, derrière, parce qu'il y a l'enjeu,
03:31 il y a le devoir de mémoire qu'on doit à Samuel Paty,
03:33 qui est évident, qui est logique.
03:35 Et puis c'est un enjeu qui... C'est vraiment un enjeu de combat contre l'islamisme,
03:38 de défense de la laïcité à l'école.
03:40 C'est-à-dire que l'enjeu derrière, c'est comment l'éducation nationale,
03:43 est-ce que l'éducation nationale, est-ce que l'État défend les profs
03:46 qui font juste leur boulot ? Parce que Samuel Paty, c'est juste un prof
03:49 qui a fait son boulot, qui a appliqué son programme et qui est mort pour ça.
03:52 Et donc l'enjeu, c'est est-ce que les profs, y compris après avoir été violentés,
03:56 après avoir été assassinés, est-ce que l'éducation nationale les défend encore ?
03:59 Aujourd'hui, il faut se constater que pas du tout.
04:02 - Il avait respecté le programme, accessoirement. - Exactement.
04:05 - Même si... - Alors aujourd'hui, ce qu'il faut dire, c'est que...
04:07 - C'est pas le sujet, mais en plus, il avait respecté le programme scolaire.
04:11 - C'est ce que fait Samuel Paty, c'est-à-dire appliquer le programme scolaire
04:13 et enseigner sans concession la laïcité, les questions religieuses.
04:17 C'est devenu un acte de bravoure aujourd'hui dans l'éducation nationale.
04:20 Et donc, le peu de profs qui... Enfin, je sais pas, le peu de profs...
04:23 Les profs qui le font aujourd'hui doivent être soutenus, et ils le sont pas totalement.
04:27 Rappelons juste un chiffre. Il y a 56% des profs d'histoire géographique
04:30 qui s'auto-censurent quand ils doivent aborder les questions de religion et de laïcité.
04:34 - Ah ouais. - Ça donne un peu l'ampleur du phénomène.
04:37 - Où sont aujourd'hui les professeurs qui lui avaient reproché son cours,
04:40 qui lui avaient envoyé des mails à Samuel Paty avant l'assassinat ?
04:44 - Alors, j'ai pas réussi à entrer en contact directement avec ces profs,
04:47 mais il vous soulevait un point intéressant, c'est que je pense que dans l'hostilité
04:51 des professeurs à faire rebaptiser le collège, donc les professeurs qui sont encore au collège,
04:55 il y a une forme d'embarras, c'est-à-dire, je pense que ça leur rappelle,
04:57 il y a le traumatisme, etc., du drame sanglant, et il y a le malaise de se dire, finalement,
05:02 on aurait pu agir, on aurait pu faire les choses différemment,
05:04 et je pense que c'est plus un malaise et un embarras qu'un traumatisme pour eux.
05:08 - C'est la lutte contre l'islamisme qui fait peur à Conflans-Saint-Honorin
05:13 et probablement dans d'autres villes ?
05:15 - Alors, ce qu'il faut dire, c'est que Conflans, c'est pas tellement une ville
05:17 où il y a une pression de réseaux islamistes, etc., c'est vraiment une ville plutôt calme.
05:20 Non, c'est une forme de psychose ambiante qui s'est installée,
05:23 mais typique de ce qui se passe après les attentats, en fait.
05:25 Mais ça raconte aussi le peu de volonté des élus locaux, des responsables locaux,
05:29 qui sont vraiment ceux qui sont en première ligne face à l'islamisme,
05:32 sur ces questions de républicaine et de laïcité.
05:35 Mais aussi, il y a vraiment ce niveau local, et au niveau de l'État,
05:38 alors qu'on a eu beaucoup d'hommages, le nom de Samuel Paty a été beaucoup repris
05:43 par Emmanuel Macron, etc., même au niveau de l'État,
05:45 l'État ne prend pas ses responsabilités quand il faut vraiment agir sur un...
05:50 On parle d'un hommage, c'est quelque chose d'assez évident, d'inoffensif.
05:54 Donc, quand il y a très peu de volonté sur une question aussi inoffensive,
05:57 je vous laisse imaginer le manque de courage qu'il doit y avoir
06:00 quand il faut prendre des vraies décisions plus dures que ça.
06:03 – Paul Marion, président de l'association "Les Amis de Samuel Paty",
06:06 ancien élève de ce collège.
06:07 – Exactement, j'habite encore à Confluence-Saint-Honorin.
06:09 – Et vous habitez encore à Confluence-Saint-Honorin.
06:11 Merci beaucoup d'être venu ce matin sur le plateau de la Cité.