• l’année dernière
Dans le livre « Mauvaise mère » publié aux éditions Fayard, Ali Leonardi revient sur un choix douloureux : celui d’avoir renoncé à ses droits parentaux, quatre années après son accouchement.

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Transcription
00:00 J'ai plus contact avec ma fille.
00:01 Une fois qu'on signe le papier de renoncement à ses droits parentaux,
00:05 on ne devient plus rien pour l'enfant.
00:08 On sera toujours notifié comme parent biologique.
00:13 On peut laisser un dossier avec des informations sur qui on est,
00:17 sur les deux parents, laisser des doudous, une couverture, une lettre, des photos.
00:25 On peut laisser ce qu'on veut.
00:26 Par contre, on n'aura plus le droit d'être en contact avec l'enfant.
00:29 Donc, ce n'est pas une décision qui se prend à la légère.
00:31 Bonjour 20 minutes, je m'appelle Ali Léonardi.
00:34 J'ai écrit un livre qui s'appelle "Mauvaise mère" avec Mathieu Abasque, mon acolyte.
00:39 Et je vais vous raconter mon histoire.
00:41 J'ai décidé de renoncer à mes droits parentaux il y a à peu près un an et demi.
00:48 Et je n'ai jamais voulu être mère.
00:52 Ma grand-sœur, je l'ai appris après une opération pour endométriose de base.
00:57 On m'avait placée sous ménopause artificielle et pilule en continu.
01:00 Du coup, il y a toujours un pour cent de chance que ça ne se passe pas comme prévu.
01:04 Et je faisais partie de ce 1% de chance.
01:06 Donc, c'est en me réveillant de l'opération pour m'enlever une partie de la vessie de base
01:12 que la spécialiste de l'endométriose m'annonce qu'en fait, je suis enceinte d'un mois et demi.
01:18 Et elle-même n'avait pas compris comment c'était possible.
01:21 Elle s'était réunie avec plusieurs médecins pour un peu comprendre.
01:23 Mais bon, je fais partie de ce 1% de chance.
01:26 La première phrase que je lui ai dit en apprenant ça, c'était "comment on aborte ?"
01:31 Mon cerveau n'a pas réfléchi.
01:33 C'était directement ma première question.
01:37 Et ce jour-là, il y avait ma maman avec moi, mais elle avait dû sortir de la pièce
01:41 vu que j'étais majeure et qu'il fallait qu'on me parle seule.
01:43 Et entre-temps, quand la gynécologue est partie, ma mère est rentrée dans la pièce.
01:49 Et je lui ai dit "bon, faut que je te dise, il s'est passé quelque chose."
01:52 Je lui ai annoncé ma grossesse.
01:54 Et elle a explosé de joie en disant que c'est génial, elle va être grand-mère.
01:59 Et elle a envoyé des messages à toute la famille pour leur annoncer.
02:02 Moi, j'ai reçu des messages de félicitations.
02:04 Et je l'ai dit "mais attends, je ne sais pas ce que je vais faire en fait."
02:08 Et elle m'a dit "mais bien sûr que tu vas garder ce bébé, de toute façon, si tu ne le fais pas maintenant,
02:13 tu le feras plus tard, autant que ce soit maintenant."
02:17 Et puis, venant d'une famille religieuse et elle-même qui est assez pratiquante,
02:21 la question de l'avortement ne se pose pas en fait.
02:24 Le géniteur de Nina, on est resté trois ensemble, on s'est séparé.
02:30 Et je l'ai contacté quelques temps, enfin, deux semaines après qu'on se soit séparé,
02:37 peut-être quelque chose comme ça.
02:38 Et je lui ai annoncé ma grossesse.
02:40 Lui, au départ, il voulait que j'avorte.
02:42 Moi, je ne savais pas encore, puisque j'étais encore sous l'emprise de ma mère.
02:46 Enfin, j'étais un peu entre les deux.
02:48 Je n'arrivais pas à réfléchir par moi-même.
02:49 Donc, je lui ai dit que je ne savais pas encore, mais que ça pencherait plus pour "je vais sûrement la garder."
02:53 Après, j'ai fait des échographies et il m'envoyait des messages.
02:58 Donc, sans qu'on s'écrive, il m'envoyait des SMS pour me dire
03:00 "Tiens-moi au courant quand on aura fait l'échographie.
03:03 Est-ce que tu connais déjà le sexe du bébé ?"
03:06 Enfin, plein de questions un peu comme ça.
03:08 Jusqu'au jour où je lui dis qu'en fait, je ne vais pas avorter.
03:10 Et là, il m'a dit "En fait, je ne vais pas prendre mes responsabilités.
03:14 Je n'en veux pas."
03:16 Et voilà, depuis, silence radio.
03:18 Quand je dis que j'étais sous l'emprise de ma mère,
03:20 c'est par rapport au fait que j'ai été maltraitée pendant toute mon enfance,
03:25 mon adolescence, ainsi que ma soeur, mon petit frère et mon papa,
03:29 qui étaient hommes battus.
03:31 Disant que j'étais un peu comme sa marionnette avec moi,
03:33 elle pouvait faire tout ce qu'elle voulait,
03:35 j'allais toujours dans son sens,
03:36 elle pouvait décider de, même toute petite, de ne plus me parler pendant des semaines,
03:41 de m'ignorer comme si je n'existais plus.
03:43 Et le lendemain, faire comme si de rien n'était.
03:46 Tu es une femme, tu dois être mère.
03:48 En plus, tu dois être dans une relation hétéro.
03:52 Hétéro cis, bien normée.
03:53 En fait, on n'a pas trop le choix.
03:54 Et dès petite, on n'a pas le choix.
03:56 Quand j'ai eu Nina dans les bras, du coup, je n'ai rien ressenti.
04:00 Je ne pourrais même pas expliquer pourquoi,
04:02 mais il y a eu plusieurs facteurs de toute façon.
04:04 Je me suis sentie hyper seule, comme si j'avais accouché pour elle.
04:07 Et qu'au final, je ne m'étais pas écoutée,
04:10 que j'étais juste une mère porteuse, je n'en sais rien.
04:13 Et ensuite, on me l'a ramenée, on me l'a posée sur moi,
04:15 et j'ai caressé le visage d'une manière vraiment mécanique.
04:19 Comme si c'était ça qu'il fallait faire,
04:21 et je ne savais pas quoi faire d'autre.
04:24 Les premières semaines, ça allait.
04:25 Je m'en occupais correctement, je faisais du cododo avec elle,
04:28 je m'étais bien renseignée un peu partout sur plein d'articles différents
04:31 pour voir comment on s'occupe le plus parfaitement possible
04:34 d'un petit bébé, d'un nourrisson.
04:36 C'est au fur et à mesure des mois que ça a commencé à de moins en moins bien aller.
04:40 Mon copain nous a rejoints, aux trois mois de Nina du coup.
04:45 Mon nouveau copain du coup, Alex, qui est cité dans le livre.
04:49 C'est au fur et à mesure que lui, il m'a appris comment faire avec elle aussi.
04:53 Je postais des photos sur les réseaux sociaux pour montrer que ça va, je pense.
04:59 À tous ceux qui m'avaient encouragée, à tous ceux qui m'avaient félicité de garder ce bébé,
05:03 il fallait que je leur montre que "coucou, j'ai réussi, vous aviez raison,
05:06 et tout se passe super".
05:08 Et en fait, ça ne se passait pas super,
05:10 et je ne comprends même pas pourquoi les gens n'ont pas vu ça sur mon visage.
05:13 Je faisais peut-être 40 kilos.
05:15 Quand Nina avait un an à peu près,
05:18 j'ai fait une tentative de suicide parce que ça n'allait pas,
05:21 parce qu'il y a tout qui est retombé.
05:23 J'ai atterri en réanimation à l'hôpital quand j'étais en réa.
05:28 Ma maman est venue à côté de moi et m'a chuchoté dans l'oreille
05:33 qu'elle allait me prendre Nina, qu'il fallait que je me fasse soigner,
05:37 qu'elle allait demander à ce que je reste à l'hôpital,
05:39 parce que tout simplement j'étais malade et que je ne pouvais pas m'occuper d'un enfant.
05:44 Et là, ça m'a juste fait tilt et je me suis dit "mais tu ne peux pas faire ça".
05:50 Je me suis dit "mais elle est où ? Est-ce qu'elle est avec toi ?".
05:52 Je sais juste que j'avais reçu un appel d'Alex pour me rassurer,
05:55 me dire qu'il était avec la petite, qu'il s'en occupait bien.
05:58 Ensuite, entre-temps, je suis rentrée à la maison,
06:00 suivie par des psychiatres, des psychologues,
06:02 et des infirmiers venaient à domicile pour me donner des antidépresseurs.
06:05 Alex s'en occupait, il sortait avec elle pour que je puisse dormir.
06:09 Je restais dans le noir toute la journée, du matin au soir.
06:11 Personne n'était là, je n'avais rien.
06:14 J'étais vraiment seule.
06:15 Juste Alex, mais je ne me rendais pas compte à ce moment-là que je lui faisais vivre tout ça du coup.
06:20 Et que j'abandonnais complètement déjà mon rôle de mère à ce moment-là.
06:24 Et jusqu'au jour où je me suis dit "en fait là, je ne peux pas rester comme ça".
06:27 Je me suis levée, j'ai dit que je ne voulais plus prendre mes médicaments.
06:29 Et j'ai appelé une assistante sociale qui me suivait depuis le début de ma grossesse
06:32 pour lui dire "venez prendre Nina parce que ça ne va pas du tout".
06:35 Elle a pris tout de suite au sérieux, elle n'a pas cherché à comprendre.
06:38 Elle m'a dit que la semaine d'après, elle pourrait nous envoyer quelqu'un
06:41 si on pouvait attendre la semaine d'après pour m'apaiser quelques jours avec Nina.
06:45 Vu qu'à ce moment-là, je n'avais vraiment personne pour la faire garder.
06:48 C'était tabou dans ma famille, je n'osais pas le dire que ça n'allait pas à ce point-là.
06:52 Et une semaine plus tard, elle est arrivée avec la famille d'accueil de Nina pour la récupérer.
06:58 J'ai déjà cherché des informations pour savoir s'il y a des parents
07:02 qui n'aimaient pas leur rôle, qui n'arrivaient pas à s'y prendre,
07:07 qui n'avaient pas de sentiments pour leurs enfants, mais je ne trouvais pas grand-chose.
07:11 En tout cas, pas de représentation de personne de mon âge,
07:15 avec une histoire comme la mienne, ou tout simplement avec le fait de ne pas avoir envie d'enfant.
07:20 Je ne me reconnaissais nulle part.
07:22 C'est pour ça aussi que je pense que j'ai beaucoup culpabilisé longtemps
07:25 et que j'ai eu du mal beaucoup à en parler.
07:29 Parce que tout simplement, c'était tabou.
07:31 Il ne faut pas dire ça, c'est une honte d'abandonner son enfant.
07:36 C'est juste impensable.
07:37 Je me suis dit que je n'avais plus honte.
07:39 C'est un peu compliqué, j'ai dû faire du travail avec une psychologue de l'ASE,
07:45 donc l'Aide sociale à l'enfance.
07:47 J'ai travaillé sur moi avec la travailleuse sociale qui nous suivait avec Nina.
07:52 Alex a eu son rôle à jouer là-dedans aussi, en me rassurant,
07:56 en me disant que de toute façon c'était ce qu'il y avait de mieux à faire pour elle, ça c'est sûr.
08:01 Je l'ai fait placer à ses un an à peu près,
08:03 et j'ai arrêté de la voir à ses un an et demi.
08:07 Parce que je me forçais toujours à vouloir créer ce lien en fait.
08:10 Jusqu'à ce que je me dise "Ok, on arrête,
08:13 il ne faut pas être plus égoïste et lui donner de faux espoirs
08:17 comme moi, je n'ai plus rien à voir avec ma mère déjà."
08:19 J'ai pris le temps de réfléchir avec la psychologue sur l'importance de cette décision,
08:25 surtout sur si j'étais prête à me dire que je ne pourrais plus demander de nouvelles de Nina,
08:31 je ne pourrais plus avoir de photos, je ne pourrais plus rien savoir,
08:36 comment elle grandit, sa première entrée,
08:40 ses poussées de dents,
08:42 tout ce qu'on est censé savoir en tant que parent,
08:45 ça c'est sûr que je ne pourrais plus le savoir et je l'ai accepté, c'est pour ça que j'ai signé,
08:49 pour lui donner une chance de vivre sa propre vie en fait.
08:52 On ne parle jamais de mauvais père mais toujours de mauvaise mère,
08:56 titre approprié.
08:57 Je raconte mon histoire pour aider un grand nombre de personnes.
09:00 Déjà des personnes qui se reconnaissent peut-être dans ma propre histoire,
09:04 dans le fait de s'écouter eux-mêmes,
09:07 parce qu'il y a bien des choses que j'ai comprises et qu'il fallait s'écouter.
09:10 Si on dit qu'on ne veut pas d'enfants, peu importe la raison, on ne veut pas d'enfants.
09:14 Pour aider des enfants qui ont été adoptés,
09:17 peut-être à s'imaginer ce qu'aurait pu leur laisser leurs parents
09:22 une fois qu'ils aient été placés.
09:23 Pour montrer un autre visage, des services de protection de l'enfance aussi,
09:27 qui ont été plus que présents, formidables.
09:31 Des familles d'accueil aussi, qu'il n'y a pas que des mauvaises familles d'accueil.
09:34 Je sais ce que je dis, je connais celle de Nina et c'est la meilleure famille qui soit.
09:39 Et du coup j'ai dédié ce livre à Nina pour lui faire comprendre
09:46 plus en détail déjà sa propre histoire,
09:49 même si, bien sûr, elle n'aura pas qu'un livre,
09:52 elle aura sa lettre, ses albums, photos avec d'autres explications,
09:57 des choses qu'elle aura juste pour elle, que je n'exposerai pas,
10:01 parce qu'elle a le droit aussi d'avoir des petits trucs que pour elle.
10:05 Mais c'était principalement aussi pour qu'elle se dise plus tard
10:10 que j'ai réussi à en parler,
10:11 pour peut-être lever un tabou dont personne ne parle,
10:14 le fait de confier son enfant pour le protéger.
10:18 De ne pas le garder et se dire "non, ça va aller, ça va bien se passer".
10:23 Je ne sais pas, ça commence par une insulte ou une claque,
10:27 et on regrette et au final ça recommence.
10:30 Ça peut aller très vite quand on ne se sent pas bien dans son rôle.
10:34 Et je pense que si elle verrait ça plus tard,
10:36 elle se dirait que sûrement j'ai fait le meilleur choix.

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