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Manipulation - Au commencement, le troisième homme - Ep 1_6 - Documentaire sur l'affaire Clearstream

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00:40 L'histoire que je vais vous raconter se déroule dans le monde des puissants.
00:44 Un monde peuplé de grands banquiers, de ministres, d'agents secrets, de marchands d'armes,
00:50 d'intermédiaires douteux, de juges aux pignatres et de journalistes trop curieux.
00:55 C'est une histoire qui met à nu les mécanismes secrets inhérents à l'exercice du pouvoir.
01:00 C'est une histoire rare.
01:04 Le monde des puissants ne nous donne à voir que ce qu'il veut bien montrer.
01:07 Les coulisses du pouvoir nous sont interdites. Nous n'y sommes jamais invités.
01:12 Sauf quand un dérèglement du système, une fissure, déchire la forteresse des secrets de la République.
01:20 C'est là que je vais vous conduire.
01:23 Dans une nébuleuse dont vous n'avez vu que les flammes, la Vincennes.
01:27 Un tribunal transformé en arène.
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01:39 Le 21 septembre 2009 aurait dû être un jour ordinaire.
01:45 Mais il s'ouvre sur un barnum qui fait trembler les milieux politiques,
01:49 qui a monté l'adrénaline des chroniqueurs judiciaires et qui, partout,
01:53 alimente rumeurs et discussions de comptoir.
01:56 [Musique]
02:01 C'est le procès de l'année qui va commencer dans tout juste une heure au palais de justice de Paris,
02:05 celui de la ténébreuse affaire Clearstream, avec au rang des prévenus,
02:09 un ancien premier ministre, Dominique de Villepin,
02:11 et quatre suspects accusés de complot contre Nicolas Sarkozy avant l'élection présidentielle.
02:17 Le chef de l'état lui-même est parti civil dans ce procès qui va durer un mois.
02:21 Tout commence en 2004. Le juge, Renaud Van Ruimbeck, reçoit d'un mystérieux corbeau
02:26 la liste des prétendus détenteurs de comptes secrets à la banque luxembourgeoise Clearstream.
02:31 Banque luxembourgeoise où figurent des personnalités suspectées de dissimuler à l'étranger de l'argent de commissions occultes.
02:38 Le nom de Nicolas Sarkozy y figure.
02:41 Dans le plus grand secret, Dominique de Villepin,
02:43 elle est l'intelligente de plusieurs enquêtes sur ces listings.
02:46 En fait, ces listings sont des faux, mais personne ne cherche alors à stopper la manipulation.
02:51 C'est ce qu'on reproche aujourd'hui à Dominique de Villepin.
02:53 L'enquête s'oriente rapidement vers Imad Lahoui,
02:56 un informaticien que l'on suspecte d'avoir forgé le faux document.
03:00 Je ne suis pas le falsificateur, je n'ai pas rajouté les noms.
03:03 Ça c'est l'affaire de Gergorin, Dorondo et des autres.
03:06 C'est tellement loufoque, ça me... Il n'y a rien.
03:09 Je suis ici par la volonté d'un homme.
03:14 Je suis ici par l'acharnement d'un homme.
03:20 Nicolas Sarkozy.
03:23 Qui est aussi président de la République française.
03:27 J'en sortirai libre et blanchi.
03:35 Quelques applaudissements fusent.
03:39 Celui qui est soupçonné de complicité, de dénonciation calomnieuse, a lancé sa défense.
03:43 Elle sera politique.
03:45 Nicolas Sarkozy, lui, est en l'avion, en vol pour New York...
03:48 Loin de cette agitation judiciaire, une jeune journaliste, Vanessa Ratignier,
03:52 a passé des mois à explorer tout ce qui concerne notre histoire.
03:56 Un travail laborieux.
03:58 80 000 pièces d'instructions à examiner,
04:00 des dizaines d'interviews à lancer,
04:02 des millions d'histoires à reconstituer.
04:06 Je vous appelle car je fais une enquête sur l'affaire Clearstream.
04:09 J'ai lu votre livre, j'aurais beaucoup aimé qu'on puisse en parler ensemble.
04:13 Après des mois, son travail croise celui d'un homme
04:16 qui a passé sa vie à enquêter sur les coulisses du pouvoir.
04:20 Pierre Péan a 30 livres enquête derrière lui.
04:24 Des livres qu'il a écrits dans sa cabane, loin de l'effervescence parisienne.
04:30 Son réseau d'informateurs et son expérience
04:33 vont permettre à la journaliste de cheminer dans ce labyrinthe.
04:36 C'est vrai que sur ces listings, on a les plus grands industriels,
04:40 on a des hommes politiques de tous bords,
04:42 on a des grandes personnalités, des avocats, des hommes des médias,
04:45 on a des hommes du renseignement, on a des personnalités internationales,
04:48 des mafias russes ou du moins des supposés, enfin...
04:50 Je crois que s'il n'y avait pas eu d'affrontements
04:53 entre Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin,
04:57 je crois que l'affaire n'aurait pas du tout pris cette ampleur.
05:00 D'ailleurs, c'est intéressant de voir
05:03 qu'est-ce qui fait qu'une affaire devient une affaire d'État.
05:06 Tous les jours, il y a des dysfonctionnements dans l'appareil d'État
05:11 et certains dysfonctionnements attirent les journalistes,
05:16 attirent la classe politique et ça fait les unes et les unes et les unes.
05:21 C'est quand même une alchimie tout à fait mystérieuse.
05:24 Finalement, quand on rentre dans ces listings et qu'on s'intéresse
05:27 aux différents noms qui sont cités, ça nous permet vraiment
05:30 de pénétrer dans tous les lieux de pouvoir.
05:33 Absolument.
05:34 Le procès Clearstream s'est achevé comme il avait commencé
05:37 sur une déclaration de Dominique de Villepin.
05:39 Nicolas Sarkozy avait promis de me pendre à un croc de boucher.
05:48 Je vois que la promesse a été tenue.
05:51 Le procureur réclame 18 mois de prison avec sursis
05:54 contre Dominique de Villepin.
05:56 Que retiendra-t-on de ces cinq semaines d'audience ?
06:00 Des peines de prison ferme ont été requises contre Jean-Louis Gergorin.
06:04 Je ne suis pas le personnage qui est décrit par ce jugement.
06:07 J'ai cru à l'authenticité des listings Clearstream transmis en 2003 et 2004.
06:13 Imad Laoud est lui condamné à 3 ans dont 18 mois fermes.
06:17 Imad Laoud dont l'implication dans la machination ne fait guère de doute.
06:22 C'est souvent comme ça avec les grands procès.
06:25 Ils servent à dire le droit, pas toujours à établir la vérité.
06:29 Là, rien sur la société Clearstream, la finance et les paradis fiscaux.
06:34 Rien sur les contrats d'armement, l'argent noir, les commissions et les rétrocommissions.
06:38 Rien sur les zones grises d'un système au cœur duquel ces hommes se sont entretués.
06:44 Juste cette odeur de haine entre individus d'un même monde.
06:49 Pourtant, cette affaire est passionnante.
06:53 Reprenons toute l'histoire au début.
07:08 7 ans avant le procès, un matin d'octobre 2002, un inconnu sort de prison.
07:14 Cette affaire Clearstream, elle démarre pour moi le 7 octobre 2002.
07:19 C'est une date importante pour moi pour deux raisons.
07:21 D'abord, j'ai 35 ans ce jour-là.
07:23 Et puis surtout, je sors à 13h15 de la maison d'arrêt de la santé
07:28 où j'étais en détention provisoire dans un dossier qui n'est toujours pas jugé.
07:32 Donc ça fait 11 ans maintenant.
07:34 Je sors, je n'ai pas de sous, je suis seul.
07:37 Je suis allé me chercher à la sortie de la maison d'arrêt.
07:39 On est lundi, c'était le lundi 7 octobre 2002.
07:42 À cette époque, personne ne connaît encore le nom d'Imad Laoud.
07:47 Issu d'une famille de militaires chrétiens libanais,
07:50 Imad Laoud se réfugie en France à 14 ans
07:53 pour échapper à la guerre civile qui ravage son pays.
07:56 Accueilli dans les beaux quartiers parisiens,
08:02 Imad Laoud fréquente les meilleurs établissements.
08:05 C'est un élève doué.
08:07 Il obtient deux DEA, l'un en physique des solides,
08:11 l'autre en probabilité et processus aléatoires.
08:15 Ce cursus lui vaut une embauche à la banque Merrill Lynch.
08:18 À Londres, la city affectionne les mathématiciens de l'Hexagone.
08:23 Le premier Imad Laoud se dévoile dans le documentaire d'Éric Rochon, "Traders".
08:31 Un trader, c'est un joueur.
08:34 C'est quelqu'un qui parie sur des scénarios.
08:38 Moi, personnellement, de par l'expérience que j'ai vue à Londres,
08:42 puisque j'ai travaillé dans la city pendant presque quatre ans,
08:46 je crois que les banques emploient des parieurs.
08:51 Dans la vie d'un trader, on peut avoir deux approches.
09:01 La première, c'est rechercher le trade qui va vous rendre célèbre.
09:08 Ça, c'est une approche.
09:10 Il y a une deuxième approche, qui est de dire
09:14 "il faut que j'évite le trade qui va me mettre au tapis".
09:19 Ils sont ainsi les traders.
09:21 Ils jouent des millions, mais ils jouent avant tout.
09:26 Dans cette histoire, il nous faut garder à l'esprit que le plaisir du jeu
09:31 est une caractéristique profondément ancrée dans la personnalité d'Imad Laoud.
09:36 Après quatre années à Londres, Laoud a de l'argent, roule en Ferrari.
09:42 Il rentre à Paris rejoindre sa femme.
09:45 Anne-Gabrielle Heilbronner est énarque, inspectrice générale des finances.
09:51 C'est une fille de bonne famille.
09:54 Son père, François Heilbronner, est l'un des hommes influents de la finance française.
09:59 Ancien chef de cabinet du jeune ministre de l'Agriculture Jacques Chirac en 1972,
10:05 il sera en 1975, puis en 1986, son directeur de cabinet adjoint à Matignon.
10:11 En remerciement pour ses bons et loyaux services au clan chiracien,
10:16 François Heilbronner prendra la présidence du géant des assurances, le groupe GAN.
10:23 En 1996, Imad Laoud, bientôt père de famille, quitte la city pour rentrer à Paris
10:30 et retrouver Léa Heilbronner.
10:32 Je viens de rentrer de Londres.
10:34 C'était un rêve d'enfant.
10:40 J'ai travaillé dur à Londres.
10:42 Et puis ensuite, je l'ai vendue.
10:45 Elle est encore immatriculée anglaise.
10:48 Et je l'ai revendue parce que c'était insupportable.
10:51 Avec un enfant, on ne peut rien faire.
10:54 Et puis ça coûte tellement cher à entretenir.
10:56 Ça fait partie du mythe, ça fait partie de la vie londonienne.
11:00 Bon, c'était des années où on gagnait bien notre vie.
11:03 Au sein de sa belle famille, l'ancien trader prend de l'ampleur,
11:09 change de costume et devient le deuxième Imad Laoud.
11:14 En 1997, il embarque son beau-père dans la création d'un fonds spéculatif à très haut risque,
11:21 le fonds Voltaire.
11:23 40 millions d'euros hébergés dans un paradis fiscal, les îles Vierges britanniques,
11:29 et gérés par HL Gestion.
11:32 H comme Heilbronner, L comme Laoud.
11:36 Le beau-père assure la présidence, Laoud la gestion.
11:42 La stature du haut fonctionnaire rassure les investisseurs.
11:45 Gann, Fortis, comme les AGF y injectent des millions.
11:49 À partir du moment où il va monter effectivement un fonds,
11:55 il ne va avoir aucune difficulté parce qu'il est patronné,
11:58 parce que sur son front, ce n'est pas Laoud qu'on voit, c'est Heilbronner.
12:02 Et Chirac...
12:03 L'ancien directeur de cabinet de Chirac à Matignon,
12:06 l'ancien président du Gann, une personnalité respectée dans le milieu.
12:09 On voit Chirac, on voit le plus haut du pouvoir.
12:14 On fait confiance.
12:16 Voilà, en fait, on lui fait confiance.
12:18 Mais à l'été 2000, après trois ans d'existence,
12:22 le fonds Voltaire accuse des dizaines de millions de pertes.
12:25 Pendant la crise du Nasdaq qui démarre à peu près en février 2000,
12:29 le fonds fait faillite, puisque c'était un fonds à effet de levier.
12:35 Et là, pour le coup, le fonds est fermé.
12:38 Et il ne se passe pas grand-chose jusqu'en juin 2002.
12:42 Donc il y a un magistrat qui s'appelle Isabelle Prévodépré
12:45 qui m'interroge au pôle financier, me met en examen et me jette en prison.
12:50 Donc en juin 2002, vous vous retrouvez en prison
12:53 parce que le fonds d'investissement que vous avez monté...
12:55 Voilà, a fait faillite.
12:57 Et on m'a accusé d'avoir abusé les investisseurs
13:02 parce que je ne leur ai pas dit que les investissements étaient risqués, etc.
13:06 Il y avait cinq investisseurs, c'était tous des grands professionnels.
13:10 Il y en a un qui a disparu depuis, c'est Fortis.
13:13 Il a disparu parce qu'il a fait de mauvais investissements ailleurs.
13:16 Moi, il a perdu 3 millions d'euros chez moi,
13:18 mais il a dû perdre plusieurs milliards en faisant des bêtises sur les...
13:22 Ce qui a provoqué la crise...
13:25 - Sur les subprimes ?
13:26 - Oui, sur les subprimes, absolument. Bref.
13:29 J'ai rencontré des grands pipoteurs, des grands enfumeurs,
13:33 mais je crois qu'à ce niveau-là,
13:37 le journaliste est complètement désarmé face à un mec comme ça.
13:40 Et il faut faire extraordinairement attention
13:42 puisque, par définition, il comprend toujours ce que toi, tu cherches.
13:46 Et donc, il va vite comprendre comment te clouer au sol
13:52 en te balançant des choses qui sont crédibles
13:57 dans ton propre univers.
14:00 La Houte justifie la faillite par la crise du Nasdaq,
14:03 une version contredite par le dossier d'instruction.
14:06 Les différents réquisitoires évoquent des faux et des usages de faux,
14:11 du recel, des abus de confiance aggravés,
14:14 une escroquerie en bande organisée.
14:16 François Heilbronner et Imad La Houte sont mis en examen.
14:21 Le beau-père échappe à la prison,
14:24 Imad, lui, est placé en détention provisoire à la santé.
14:28 108 jours durant lesquels Imad enfilera son troisième costume,
14:32 celui du repris de justice.
14:35 En octobre 2011, l'affaire n'est toujours pas jugée.
14:39 On ne va pas rentrer en détail, mais il y a 43 millions de dollars qui s'envolent.
14:45 42.
14:46 42 millions de dollars qui s'envolent.
14:48 Théoriquement, quelqu'un qui n'est pas patronné comme ça,
14:52 sa vie est cuite complètement.
14:55 Il n'est plus question de rebondir, en tout cas pas avant longtemps,
14:59 et pas dans le même pays.
15:01 Eh bien lui, il fait quelques semaines de prison,
15:04 sa femme ne l'a pas lâché, son milieu ne l'a pas lâché,
15:07 il peut revenir.
15:10 Ce que je veux dire, c'est qu'un type comme ça,
15:12 s'il n'était pas dans cette famille,
15:15 s'il n'avait pas ses patronages, c'est un mec cuit.
15:18 Un mec cuit. Eh bien non, c'est pas un mec cuit.
15:24 L'Imad el-Bronner Chirac est plus fort que l'escroc.
15:28 Avec la mise en examen dans le dossier Voltaire,
15:32 Imad l'Aoud a carbonisé son beau-père.
15:35 François el-Bronner est alors à la retraite.
15:39 Imad l'Aoud, lui, a encore un avenir à construire et des rêves de puissance.
15:44 Il va maintenant utiliser son frère aîné Marouane,
15:48 qui est l'enfant prodige de la famille.
15:50 Un polytechnicien qui n'avait que 23 ans
15:53 quand il a rejoint le cercle très fermé de l'armement.
15:56 Le 7 octobre 2002, je sors à 13h15 de la maison d'arrêt de la santé.
16:03 Et la première chose que je fais, j'appelle mon frère Marouane,
16:05 qui à l'époque était adjoint de Jean-Louis Jacorin,
16:10 lui-même vice-président exécutif de l'ADS.
16:13 Donc j'appelle Marouane en lui disant,
16:14 "Voilà, je viens de sortir, j'aimerais bien te voir,
16:17 j'ai pas d'argent, aide-moi, comment je vais faire pour m'en sortir ?"
16:22 On est lundi, c'était le lundi 7 octobre 2002,
16:25 et je le vois le mardi, le lendemain, il m'invite à déjeuner
16:28 chez l'ADS, donc à La Popote, au 7e étage,
16:32 entre guillemets la cantine de la direction.
16:36 Le 7e étage de l'ADS est un lieu ultra privé
16:41 où déjeunent les grands patrons.
16:43 Ceux d'Airbus, Eurocopter, Daimler, Lagardère.
16:47 [Musique]
16:50 C'est là que se réunissent les stratèges, les décideurs
17:03 et les actionnaires du 2e groupe mondial de défense et d'aéronautique,
17:07 la plus prestigieuse vitrine industrielle de l'Europe,
17:10 qui pèse alors 30 milliards d'euros par an.
17:15 Parmi les dirigeants de l'ADS, Marwan Lahoud,
17:19 le grand frère providentiel d'Imad,
17:22 celui qui va lui permettre de rencontrer
17:24 l'autre personnage principal de notre histoire,
17:27 Jean-Louis Gergord.
17:29 Je ne suis pas le personnage qui est décrit par ce jugement.
17:33 J'ai cru à l'authenticité des listings
17:37 Clairestream transmis en 2003 et 2004.
17:40 L'homme qui est le principal accusé de l'affaire
17:43 avait jusque-là tout réussi.
17:45 Considéré comme un brillant esprit, stratège du groupe ADS,
17:56 Jean-Louis Gergorin est, depuis l'âge de 27 ans,
17:59 au plus haut sommet du pouvoir,
18:02 familier des grands hommes politiques,
18:04 des chefs des services secrets
18:06 et des journalistes les plus en vue.
18:08 Tiens, j'ai des choses pour toi.
18:12 J'avais suivi l'affaire Clairestream
18:14 en ne comprenant rien.
18:16 Par contre, la seule chose dont j'étais à peu près sûr,
18:20 c'est que Gergorin,
18:23 le rôle qu'on lui attribuait n'était pas le bon.
18:26 J'avais l'image, moi, d'un quelqu'un
18:28 qui était vraiment très service public,
18:30 genre de moine-soldat,
18:32 avec le drapeau, avec tout ça,
18:35 et ce qu'on lui faisait jouer,
18:37 puis avec une grande morale,
18:39 une éthique républicaine,
18:41 et donc le rôle qu'on lui attribuait
18:44 dans le procès ne m'allait pas du tout.
18:47 Qu'est-ce qu'il avait à faire, lui,
18:49 à faire tomber Sarko ou faire tomber je ne sais pas qui ?
18:51 Donc ça ne collait pas.
18:53 Et donc j'ai cherché, à partir de ce moment-là,
18:55 à le rencontrer,
18:57 mais sans savoir où j'allais.
18:59 Au début, je l'écoute,
19:01 je l'ai écouté plusieurs heures,
19:03 sans savoir.
19:05 [Musique]
19:11 - Quand avez-vous entendu parler,
19:13 pour la première fois, d'Imad Laoud ?
19:15 - La première fois que j'ai entendu parler
19:17 d'un frère de Marouane,
19:19 ça se place peu après le 11 septembre 2001.
19:24 On parle du 11 septembre,
19:26 qui est évidemment quelque chose
19:28 qui est extrêmement important pour nous,
19:30 à la fois en tant que citoyen,
19:32 mais aussi en tant que responsable de l'ADS,
19:34 qui a des conséquences dramatiques sur le trafic aérien,
19:36 sur la société.
19:38 Il m'a dit "tu sais que j'ai un frère qui est financier,
19:40 et selon lui, il y a eu des délits d'initié,
19:43 qui ont précédé le 11 septembre".
19:47 Ça m'a frappé,
19:49 je trouvais ça intéressant,
19:51 et puis j'avais quand même 10 000 autres soucis en tête.
19:53 Il ne m'en parle plus, de ce frère,
19:55 il n'a même pas dit son prénom.
19:57 Et juin 2002, Marouane,
19:59 qui est donc mon principal adjoint,
20:01 que je vois tous les jours,
20:03 il arrive complètement défait dans mon bureau,
20:05 complètement défait,
20:07 et il me dit
20:09 "mon frère est en prison".
20:11 Je lui dis "attends, ton frère qui ?"
20:13 et il me raconte,
20:15 il ne me dit pas que son frère est malhonnête,
20:17 ni qu'il est honnête,
20:19 mais il donne le sentiment
20:21 que son frère est un type très brillant,
20:23 un petit peu imprudent,
20:25 il est avant tout dévasté.
20:27 Et donc j'essaie de le conforter,
20:29 et puis début octobre,
20:31 une très bonne nouvelle, mon frère a été libéré hier.
20:33 Et il me dit "il vient déjeuner tout à l'heure,
20:37 ça serait pas mal si tu pouvais
20:39 passer éventuellement".
20:41 Il souhaite se réhabiliter,
20:43 il sait des choses
20:45 sur les financements d'Al-Qaïda,
20:47 je me suis souvenu après coup,
20:49 pas sur le moment de l'histoire du délit d'initié,
20:51 j'ai demandé à Marouane, qui me dit "oui, c'était bien à lui
20:53 que je faisais allusion".
20:55 Pour moi c'est un geste d'amitié, normal,
20:57 qu'il me demande de passer et de faire la connaissance de son frère,
20:59 de sa famille.
21:01 On a d'excellentes relations avec Marouane,
21:05 Marouane était à l'époque
21:07 responsable des fusions-acquisitions
21:09 chez EADS,
21:11 travaillait dans le département
21:13 stratégie et coordination que dirigeait
21:15 Jean-Louis Gergorin,
21:17 et donc c'était un adjoint de Jean-Louis Gergorin
21:19 depuis 4 ou 5 ans.
21:21 24 heures après sa sortie de prison,
21:27 le groupe de la ROUDE est donc introduit auprès de Jean-Louis Gergorin,
21:29 l'un des hommes les plus influents
21:31 de l'industrie de la défense
21:33 et de l'aéronautique européenne.
21:35 Je les trouve tous les deux, ils me présentent.
21:49 Imad, je trouve
21:51 un garçon évidemment assez...
21:53 qui paraît quand même fatigué,
21:55 je trouve ça intéressant,
21:57 il ne venait pas de passer 3 mois dans la rivière.
21:59 Mais vif,
22:03 extraordinairement sympathique,
22:05 un peu timide.
22:07 Avant de l'interroger sur ses affaires
22:09 d'Al-Qaïda,
22:11 ou de ce qui pouvait
22:13 aider sur le financement islamique,
22:15 je lui dis "expliquez-moi votre affaire".
22:17 Son histoire était très convaincante,
22:19 qu'il n'avait évidemment pas piqué un sou,
22:21 mais qu'en revanche il avait été intrudent
22:23 en mettant tous ses oeufs
22:25 dans le même panier, le panier des valeurs internet.
22:27 D'où le fait que les investisseurs
22:29 avaient tout perdu.
22:31 En gros,
22:33 c'était une explication qui tournait autour de cela,
22:35 mais ce n'est pas tellement
22:37 le détail technique de son explication,
22:39 en plus je n'étais pas compétent,
22:41 mais c'est le personnage, je l'ai trouvé
22:43 touchant
22:45 et convaincant.
22:47 Il m'a tout de suite dit "Passez-moi votre CV,
22:49 je vais vous aider".
22:51 A l'époque,
22:53 je ne savais absolument pas
22:55 ce qu'avait fait Jean-Louis Gergorin dans sa vie,
22:57 je ne savais pas ce que c'était que le CAP,
22:59 je ne savais pas qu'il connaissait Dominique de Villepin,
23:01 qu'il connaissait Philippe Rondeau,
23:03 que c'était quelqu'un qui est sorti totalement esquinté
23:05 de la guerre froide, etc.
23:07 Jean-Louis Gergorin est ce qu'on appelle
23:09 un grand commis de l'État.
23:11 L'un de ceux qui conseille présidents et ministres.
23:13 Énarque, major de polytechnique,
23:15 l'homme est fiable,
23:17 parfaitement efficace,
23:19 totalement dévoué.
23:21 Du personnel d'entretien
23:23 au grand commis de l'État,
23:25 auto-conditionnement ou attitude naturelle,
23:27 on a l'impression que tout ici est fait
23:29 avec calme, réflexion et pondération.
23:31 En 1973,
23:33 il participe
23:35 à la création d'une structure de prospective
23:37 au sein du ministère des Affaires étrangères,
23:39 réunissant l'élite
23:41 des diplomates, des universitaires
23:43 mais aussi des services spéciaux.
23:47 On l'appelle le CAP,
23:49 Centre d'Analyse et de Prévision.
23:51 Son objectif ?
23:55 Étudier les grands enjeux géopolitiques mondiaux
23:57 pour mieux anticiper
23:59 les positions de la France.
24:01 Nous contribuons à la réflexion
24:03 et à l'élaboration de la politique étrangère.
24:05 Je crois qu'il est important, pour ne pas mélanger
24:07 les genres et pour justement nous donner
24:09 une certaine indépendance par rapport aux politiques
24:11 passées ou en cours,
24:13 de ne pas nous charger en même temps d'une tâche
24:15 de négociation. Nous n'avons aucun intérêt
24:17 de prestige
24:19 ou d'institution
24:21 à défendre une politique, et c'est la même
24:23 que nous sommes chargés de mettre en œuvre.
24:25 Je crois que ça nous donne une beaucoup plus grande indépendance
24:27 et aussi je pense qu'il est important que nous soyons en quelque sorte
24:29 redondants par rapport au reste du ministère
24:31 justement pour fournir un éclairage
24:33 indépendant au ministère.
24:35 Les présidents changent,
24:37 et Jean-Louis Gergorin prend la tête du CAP.
24:39 Sous Pompidou,
24:41 Giscard, puis Mitterrand,
24:43 ils renforcent ses pouvoirs et son influence.
24:45 Au fil des ans,
24:47 ils s'entourent
24:49 d'une élite en devenir,
24:51 dont deux hommes qui sont eux aussi
24:53 au cœur de notre histoire.
24:55 Un jeune énarque,
24:57 Dominique de Villepin,
24:59 un officier du renseignement,
25:01 Philippe Rondeau.
25:03 Ils ont 30 ans, ils sortent à peine de l'école,
25:07 et puis c'est un moment
25:09 qui est très important dans une carrière,
25:11 les liens qu'utilisent à ce moment-là sont fondamentaux.
25:13 C'est un truc très révolutionnaire
25:15 qui a été fait par rapport à la diplomatie classique.
25:17 Ces petits jeunes de 30 ans
25:19 sont plus connus
25:21 que des vieux barbos
25:23 de diplomates qui ont 50 ans.
25:25 Il y a une tradition
25:27 au Quai d'Orsay,
25:29 c'est de se méfier toujours des services secrets.
25:31 Les ambassadeurs classiques faisaient
25:33 semblant de ne pas lire les dépêches
25:35 parce que
25:37 un diplomate ne s'abaisse pas.
25:39 Alors que des types
25:41 comme Jean-Louis Gergorin
25:43 vont utiliser
25:45 toutes les possibilités,
25:47 vont nouer des liens
25:49 avec les services secrets.
25:51 Donc le CAP est quelque chose
25:53 de totalement original
25:55 dans l'appareil d'État français.
25:57 En 1984,
25:59 Jean-Louis Gergorin décide
26:01 de quitter le CAP.
26:03 Il sait que le futur se construit
26:05 à l'échelle de l'Europe,
26:07 dans cette zone grise
26:09 qu'est l'industrie de la défense.
26:11 Il trouve sa place dans le groupe
26:13 de Jean-Luc Lagardère,
26:15 Matras, le fabricant de missiles.
26:17 L'arrivée des missiles
26:19 a incontestablement tout révolutionné
26:21 parce que
26:23 les missiles sont de plus en plus
26:25 concentrés, condensés.
26:27 Ils sont petits, vous voulez dire.
26:29 Ils sont petits et ils permettent
26:31 à l'avion d'abord
26:33 d'assurer ce qu'on appelle
26:35 la supériorité aérienne.
26:37 Aucune guerre, je crois,
26:41 moderne n'a été ou ne peut être
26:43 gagnée sans que l'on détienne
26:45 la supériorité aérienne.
26:47 Sur un stand français, on propose
26:49 des missiles en jaune, rouge ou bleu
26:51 au même prix.
26:53 Ça a été vraiment un changement de vie.
26:55 Le centre d'Asie de prévision avait,
26:57 Pierre le savait bien, un certain succès
26:59 médiatique. Donc, effectivement,
27:01 quand je suis parti chez Matras,
27:03 j'ai vu que Jacques Amalric a fait un petit entrefilé,
27:05 un petit article dans Le Monde sur le rôle que j'avais joué,
27:07 etc. J'étais un petit peu dans l'environnement
27:09 des gens qui comptaient en politique étrangère,
27:11 en doctrine de défense,
27:13 etc. Et là, je suis vraiment complètement
27:15 replongé pendant
27:17 pas mal d'années, si vous voulez,
27:19 je me suis immergé dans l'industrie.
27:21 Lorsqu'Emmanuel Laoud rencontre l'ancien
27:25 diplomate devenu le stratège
27:27 du groupe EADS, il sait
27:29 parfaitement qu'il est face à un homme
27:31 au fait de sa puissance.
27:33 L'ancien trader joue
27:35 ce jour-là son destin.
27:37 Alors, il m'a fait un grand numéro, "Je veux me réhabiliter,
27:39 j'ai fait
27:41 des erreurs, mais des erreurs, pas
27:43 de malhonnêteté, mais je veux servir mon pays." Je me souviens
27:45 toujours. "La France est mon pays, je veux
27:47 servir mon pays." Il a dit ça avec beaucoup de force.
27:49 "Je veux servir mon pays."
27:51 Je me souviens encore de cette phrase.
27:53 Et donc, de façon assez
27:55 elliptique, enfin, il m'a dit qu'il a
27:57 géré dans les années 90
27:59 des comptes de la femme Ben Laden, mais qui ne sait
28:01 pas très bien
28:03 à qui s'adresser dans les services.
28:05 Est-ce que c'est la DST, est-ce que c'est la DGSE,
28:07 me dit-il, et
28:09 qui peut l'introduire.
28:11 Et ma roine redit, "Mais c'est pour ça
28:13 qu'on voulait un peu te demander ton avis, parce que tu connais
28:15 un peu ces gens-là, etc."
28:17 Un des plus gros clients de la banque pour laquelle
28:21 je travaillais, qui était la banque américaine Mary Lynch,
28:23 était
28:25 la famille de
28:27 Ben Laden, qui est
28:29 une famille extrêmement honorable.
28:31 Quand on sort l'élément singulier
28:33 qu'est Oussama Ben Laden de la famille,
28:35 c'est une famille extrêmement honorable en
28:37 Arabie Saoudite. C'est des entrepreneurs,
28:39 ils ont plusieurs
28:41 types d'activités, dont une activité
28:43 financière, qui gère
28:45 le fonds de pension de la famille.
28:47 Et ce fonds de pension, en fait,
28:49 était un de mes clients.
28:51 Et donc,
28:53 l'idée de Jean-Louis Gergorin, c'était de
28:55 travailler entre la DST
28:57 et la DGSE pour
28:59 les éclairer sur les
29:01 mécanismes financiers de cette famille.
29:03 Et
29:05 donc, c'est Jean-Louis Gergorin qui
29:07 m'entraîne et qui me prend rendez-vous
29:09 avec le général Rondeau pour la première fois.
29:11 Dans cette période post-11 septembre,
29:17 alors que les services
29:19 du monde entier traquent le plus grand
29:21 terroriste de l'Histoire,
29:23 la promesse de la houte fait de lui
29:25 un homme important.
29:27 Après avoir utilisé son
29:29 frère Marouane, séduit
29:31 Jean-Louis Gergorin,
29:33 il va rencontrer le général Rondeau,
29:35 celui que l'on surnomme
29:37 le maître espion français.
29:39 En près de 40
29:41 années dans les services de renseignement,
29:43 le général Rondeau a construit
29:45 sa légende dans les carnets secrets de la République,
29:47 de Bucarest à Washington,
29:49 de Khartoum à Kaboul,
29:51 de Paris à Beyrouth,
29:53 de Bagdad à Moscou.
29:55 Avec l'explosion de l'affaire Clearstream,
29:59 on découvre le visage émacié
30:01 du général de division,
30:03 âgé de 70 ans, saint-syrien,
30:05 ancien commando-parachutiste
30:07 et docteur en sociologie.
30:09 Il a un profil extraordinaire,
30:11 Rondeau. Il est d'abord
30:13 un intellectuel
30:15 qui rentre après
30:17 dans un service secret,
30:19 dans le service action.
30:21 Donc un intellectuel, action déjà.
30:23 Action, c'est les opérations...
30:25 Les opérations spéciales.
30:27 Le service action, c'est le bras armé
30:29 de la DGSE qui, elle-même,
30:31 c'est grosso modo le bras armé
30:33 de la France. Quand il le faut,
30:35 il y a des opérations spéciales
30:37 qui sortent de la légalité
30:39 apparente pour aller,
30:41 y compris,
30:43 déstabiliser un pays,
30:45 tuer un chef d'Etat, piquer des documents.
30:47 Disons, le service action,
30:49 c'est l'illégal légitimé
30:51 par la raison d'Etat.
30:53 Le général Rondeau entre en 1965
30:55 dans les services spéciaux.
30:57 Il est officier au service action
30:59 du SDEC, l'ancêtre des services
31:01 de renseignement extérieur français.
31:03 Chef de poste
31:05 en Roumanie,
31:07 en 1975, les services le perdent
31:09 de vue trois jours durant,
31:11 alors qu'il doit rendre compte de son emploi
31:13 du temps, heure par heure.
31:15 On le soupçonne d'avoir été retourné
31:17 par la Sécuritate, on l'interroge.
31:19 Il n'a rien pour se justifier,
31:21 il est débarqué des services spéciaux.
31:23 Depuis,
31:25 il consigne
31:27 tout ce qu'il fait dans des carnets secrets.
31:29 Carnets qui deviendront
31:31 la pièce maîtresse du procès Clearstream.
31:33 Il est soupçonné,
31:35 soupçonné
31:37 de trahison.
31:39 Et vidé,
31:41 vidé du SDEC. Et donc,
31:43 il va être récupéré,
31:45 c'est très important pour comprendre l'amitié
31:47 entre Gergorin
31:49 et Rondeau.
31:51 Il va être récupéré par le CAP,
31:53 par Jean-Louis Gergorin.
31:55 Gergorin va participer
31:57 à une nouvelle
31:59 enquête pour dire que
32:01 tout ce qui avait été,
32:03 toutes les accusations portées
32:05 contre Rondeau étaient fausses.
32:07 D'où le lien fort
32:09 entre Gergorin
32:11 et Rondeau.
32:13 Il se trouve qu'en février 1979,
32:15 je suis devenu le patron du SDEC,
32:17 et je me suis dit
32:19 que Rondeau
32:21 pourrait être
32:23 une recrue intéressante sur le monde
32:25 arabo-islamique où il avait visiblement
32:27 une compétence considérable. Et donc, je l'avais recruté.
32:29 Nous sommes
32:31 tout à fait proches, il fait partie de mon équipe,
32:33 nous faisons partie au même moment
32:35 de différentes autres personnes, non Dominique de Villepin d'ailleurs.
32:37 La mayonnaise, très bien.
32:39 Et in fine,
32:41 Philippe Rondeau
32:43 rencontre
32:45 Yves Bonnet, directeur de la DST
32:47 que je connaissais également,
32:49 qui lui demande
32:51 s'il peut
32:53 travailler à temps partiel pour la DST.
32:55 Donc il va faire après une carrière
32:57 aux côtés de la DST, ça ne s'est jamais vu.
32:59 Quelqu'un en plus qui a été considéré
33:01 à un moment comme un traître,
33:03 blanchi, et qui devient
33:05 le principal conseiller
33:07 ou un des principaux
33:09 conseillers de la DST.
33:11 Il y a pas mal d'attentats
33:13 qui ensanglantent
33:15 Paris au début des années 80, et c'est vrai que Rondeau
33:17 lui est presque sur ces problématiques-là.
33:19 Je pense que c'est le personnage
33:21 qui, à l'intérieur de l'appareil d'État,
33:23 connaît le mieux
33:25 les véritables menaces secrètes
33:27 contre la France, qui, à partir
33:29 du milieu des années 80,
33:31 les menaces terroristes contre la France.
33:33 C'est celui sans doute qui est capable de le plus analyser,
33:35 que ce soit les menaces iraniennes,
33:37 que ce soit les menaces
33:39 du Hezbollah, les groupes
33:41 pro-palestiniens,
33:43 les abounidals, les Carlos,
33:45 c'est sans doute le meilleur connaisseur
33:47 de tout ça.
33:49 La longue carrière de Philippe Rondeau est faite de coups d'éclat.
33:51 La libération
33:53 d'otages en Libye et au Liban,
33:55 le démantèlement de réseaux terroristes
33:57 à Paris,
33:59 l'arrestation de Carlos en 1994.
34:01 Mais Philippe Rondeau a aussi ses regrets.
34:03 L'échec de la libération des moines de Tiberine,
34:05 la traque ratée des criminels de guerre serbe.
34:07 Après cette longue carrière,
34:09 le gouvernement Jospin lui crée un poste sur mesure,
34:11 conseillé pour le renseignement
34:13 et les opérations spéciales auprès du ministre de la Défense.
34:15 Après avoir servi sous Alain Richard,
34:17 il conseille Michel Alliomé
34:19 pour le travail de secrétaire
34:21 de l'État.
34:23 Il a aussi été conseillé par
34:25 le ministre de la Défense,
34:27 Jean-Michel Blanquer,
34:29 et le ministre de l'Intérieur,
34:31 Michel Alliomé.
34:33 Donc pour moi,
34:35 Rondeau était l'expert par essence
34:37 qui allait pouvoir savoir où fallait orienter
34:39 l'Imad Ahoud, ce qu'il fallait en faire.
34:41 Je lui dis, c'est le frère de Marwane,
34:43 ça me dit quelque chose, j'ai dû rencontrer
34:45 le père, ça me dit quelque chose,
34:47 faites-moi passer un CV.
34:49 Je vais le cribler, je me souviens,
34:51 il me dit ça quelque part en novembre.
34:53 Et vous faites quoi, vous, du coup ?
34:55 J'attends, vous savez, je retrouve
34:57 un peu goût à la vie,
34:59 je renoue avec ma famille,
35:01 je renoue avec mon fils qui avait 4 mois
35:03 quand j'ai été incarcéré, je vais chercher
35:05 les enfants à l'école, je réfléchis, j'essaye,
35:07 et puis j'attends, j'attends.
35:09 Le vice-président exécutif de l'ADS me propose
35:11 de m'aider, je me dis, bon, c'est pas gratuit.
35:13 S'il l'a fait, c'est qu'il a un job à me proposer,
35:15 donc j'espère.
35:17 En décembre, je pense, Marwane m'en reparle.
35:19 Alors je crois qu'Imad a dû chercher
35:21 à me joindre, mais sans succès.
35:23 Mais Marwane m'en reparle en me disant,
35:25 tu sais, il est vraiment convaincu que ces renseignements
35:27 ne sont pas bons. Je lui dis, écoute, j'en ai reparlé
35:29 à Rondo, je vais lui en reparler.
35:31 Et effectivement, je revois Rondo début janvier,
35:33 et Philippe Rondo dira après,
35:35 notamment lors du procès Clearstream,
35:37 qu'il avait demandé conseil à un de ses amis libanais
35:39 très, très introduit dans le milieu du renseignement
35:41 moyen-oriental, qu'il avait recommandé
35:43 Imad Laout.
35:45 Bien entendu, il s'est renseigné sur moi,
35:47 il avait quelques personnes
35:49 auprès de qui me connaissaient,
35:51 des personnes qui ont travaillé
35:53 dans le renseignement au Liban,
35:55 des camarades de promotion de mon père
35:57 à l'école militaire.
35:59 Il s'est renseigné auprès d'eux,
36:01 donc il me l'a dit plus tard,
36:03 et donc il m'a bien, comme on dit dans le jargon
36:05 des services, il m'a criblé à l'époque.
36:07 Oui, bien sûr, oui. - Vous savez auprès de qui
36:09 il s'est adressé ? - Je sais, mais
36:11 je ne vous le dirai pas.
36:13 - Bon, c'est Johnny Abdo, je suppose,
36:15 c'est son parrain. - C'est ce qui est le plus probable, oui.
36:17 - C'est ce qui est le plus probable.
36:19 C'est un ancien
36:21 patron des services secrets libanais,
36:23 c'est un ancien ambassadeur du Liban
36:25 en France, un personnage très, très important.
36:27 Rondo, sa spécialité,
36:29 c'est le Proche-Orient,
36:31 mais surtout à partir du Liban.
36:33 Donc, au fond,
36:35 il a été, il a criblé
36:37 le personnage
36:39 par rapport à des gens
36:41 qui le connaissaient, ces gens qui le connaissaient,
36:43 c'est grosso modo de la famille, de tout ça.
36:45 Donc on voit bien aussi,
36:47 ça montre encore
36:49 la fragilité de
36:51 ce système, même avec des gens
36:53 qui l'ont fait de bonne foi, qui sont des spécialistes.
36:55 Mais on s'aperçoit aussi
36:57 que même les spécialistes
36:59 peuvent
37:01 se tromper. - On a quand même un phénomène qui est très particulier
37:03 avec Imane là, où à chaque fois
37:05 qu'il pénètre un nouveau cercle de pouvoir,
37:07 il bénéficie finalement d'une caution.
37:09 - Il me fait penser
37:11 à des grands espions, qu'ils soient
37:13 du KGB ou de la CIA,
37:15 alors qu'il est tout seul. D'habitude,
37:17 les grands espions,
37:19 ils ont derrière
37:21 des grosses machines.
37:23 Lui, il est tout seul.
37:25 - Mais l'une des questions quand même
37:27 d'Imane Lahoud, c'est
37:29 est-il vraiment tout seul tout le temps ?
37:31 - Mais le problème... - Même au moment de la prise ?
37:33 - Le jour où une affaire...
37:35 Il n'y a plus de point d'interrogation, c'est un
37:37 de ceux que tu poses, il n'y a plus d'affaire.
37:39 Et donc ce qu'il y a de bien dans cette histoire-là,
37:41 c'est qu'il y a un personnage
37:43 qui est finalement très romanesque,
37:45 dont on ne comprend
37:47 rien de ce personnage. Et ça, c'est un des
37:49 éléments intéressants de cette affaire aussi.
37:51 - C'est un mystère.
37:53 Quand justement vous allez voir
37:55 pour la première fois le général Philippe Rondeau,
37:57 vous savez qui vous allez voir ? - Non, mais pas du tout.
37:59 Je ne savais pas que c'était
38:01 soi-disant le maître espion
38:03 qui, pour moi, plus tard, allait s'avérer
38:07 être quelqu'un de très décevant.
38:09 Moi, je m'attendais à voir un militaire en uniforme,
38:11 etc.
38:13 Et bien pas du tout. Je vois un homme en civil
38:15 d'un certain âge,
38:17 très gentil,
38:19 qui ressemble à...
38:21 en vieux à Mr Bean.
38:23 - Les grands manipulateurs ont un point faible.
38:25 Le mépris
38:27 pour ce qu'ils trompent leur fait sous-estimer
38:29 le danger de leur position.
38:31 La manipulation, la belle, la vraie,
38:33 a quelque chose de l'œuvre.
38:35 Mais elle peut être fatale.
38:37 - J'ai voulu jouer avec eux.
38:39 Je ne dis pas
38:41 j'ai accepté de jouer avec eux, je dis
38:43 j'ai voulu jouer avec eux, parce que je suis joueur.
38:45 Et on m'a pas forcé.
38:47 Enfin, on m'a pas menacé
38:49 en me disant "si tu ne joues pas avec nous,
38:51 tu vas retourner en prison".
38:53 Non.
38:55 On me l'a naturellement proposé.
38:57 Alors peut-être qu'ils avaient,
38:59 dans le fameux criblage qui a été fait,
39:01 peut-être qu'ils se sont dit "tiens, il est un peu fragile
39:03 à ce moment-là, il est joueur,
39:05 il est un peu peur-gardant, si je peux dire.
39:07 Et donc, voilà.
39:09 C'est la bonne recrue
39:11 pour telle opération.
39:13 Mais en tout cas, j'ai volontiers
39:15 voulu jouer avec eux.
39:17 Et alors, parfois,
39:21 ils ont été plus forts, parfois j'ai été plus fort,
39:23 et finalement, on a tous perdu.
39:25 - Pour l'heure,
39:27 quatre mois après sa sortie de prison,
39:29 tout fonctionne parfaitement
39:31 pour Emma de La Houde.
39:33 - Je ne sais pas qui, au final, a manipulé l'autre.
39:35 Est-ce que Philippe Rondeau m'a manipulé
39:37 ou est-ce que c'est moi qui ai fini par le manipuler
39:39 dans cette affaire ? Je ne sais pas.
39:41 Pour l'instant, c'est encore partagé.
39:43 Mais en tout cas, si Philippe Rondeau a cherché
39:45 à me manipuler pour me faire faire des choses,
39:47 il a réussi, puisque j'étais complètement séduit
39:49 à l'époque.
39:51 Formidable tour de passe-passe.
40:01 En joueur averti,
40:03 La Houde manie l'art
40:05 de brouiller les pistes.
40:07 La vérité, il faut la chercher ailleurs,
40:09 dans un document officiel.
40:11 Dès ses premiers contacts avec La Houde,
40:13 le général Rondeau rend compte
40:15 à sa ministre, Michel Alliou-Marie.
40:17 Objet,
40:21 Opération Oussama Ben Laden.
40:23 Sur la recommandation
40:25 d'une de mes sources arabes,
40:27 activée dans le cadre de la lutte antiterroriste,
40:29 j'ai eu un contact,
40:31 le 15 janvier dernier,
40:33 avec une personne qui souhaitait me donner
40:35 des informations très sensibles sur les structures financières
40:37 d'Oussama Ben Laden.
40:39 La personne en question
40:41 avait été l'un des conseillers financiers
40:43 d'Oussama Ben Laden.
40:45 Et il connaissait, jusqu'à une date récente,
40:47 les montages que celui-ci avait réalisés
40:49 pour faire fructifier sa richesse.
40:51 Elle avait été en contact direct avec Oussama Ben Laden
40:55 plusieurs fois,
40:57 la première remontant à février 2001.
40:59 Elle était disposée, sans aucune contrepartie,
41:03 mais ses motivations sont assez complexes,
41:05 à nous dévoiler la partie des structures financières
41:07 dont elle avait connaissance,
41:09 documents à l'appui.
41:11 Considérant que
41:13 j'étais incapable techniquement de recueillir
41:15 et d'évaluer ses renseignements,
41:17 j'ai organisé une rencontre
41:19 avec le général Dominique Champsiau
41:21 et Alain Juillet, le 17 janvier,
41:23 à l'occasion d'un dîner où avait été convié mon informateur.
41:25 Donc, il y a ce dîner
41:29 chez Tante Marguerite.
41:31 C'est un dîner assez impressionnant
41:33 dans la mesure où j'y allais
41:35 sans savoir à qui j'allais avoir affaire.
41:37 Je savais que le général Rondeau était là.
41:41 Ils avaient loué un salon privé.
41:43 Et donc, il y avait trois personnes.
41:45 Il y avait Philippe Rondeau,
41:47 à sa gauche,
41:49 le général Dominique Champsiau
41:51 qui était directeur de cabinet de Pierre Brouchant,
41:53 le directeur général de la DGSE,
41:55 et en face de Philippe Rondeau,
41:57 il y avait Alain Juillet,
41:59 qui était à l'époque à la DGSE.
42:01 Il était patron du renseignement.
42:03 Donc, on peut quand même estimer
42:07 que je n'ai pas affaire à des bras cassés.
42:09 Donc, ces trois grands ponts du renseignement.
42:11 Et donc là, il me questionne,
42:13 il me pose plein de questions,
42:15 des questions qui, à l'époque,
42:17 me paraissaient totalement anodines,
42:19 certaines farfelues même à l'époque,
42:21 où je me disais "mais je ne comprends pas,
42:23 pourquoi on pose ça ?"
42:25 - Quoi comme questions farfelues
42:27 de la part de trois ponts du renseignement ?
42:29 - Bah, du style, est-ce que...
42:31 est-ce que vous avez une idée
42:33 où se trouve Oussama Ben Laden ?
42:35 Dans sa note du 20 janvier 2003
42:39 à Michel Alliomary,
42:41 le général Rondeau poursuit ainsi.
42:43 "Les données livrées par ce dernier
42:47 ont facilement convaincu les représentants
42:49 de la DGSE que nous avions devant nous
42:51 non seulement une source d'une qualité exceptionnelle,
42:53 mais également un expert
42:55 de très haut niveau,
42:57 susceptible d'analyser,
42:59 voire de pénétrer ce monde trouble
43:01 de la haute finance.
43:03 Naturellement,
43:05 la DGSE et moi-même, bien conscients
43:07 que l'on ne doit pas s'engager dans une opération
43:09 dont les tenants et les aboutissants
43:11 peuvent, en partie, nous échapper,
43:13 en entraînant des conséquences politiques
43:15 dommageables, ne serait-ce que dans les
43:17 complexes relations franco-libanaises,
43:19 nous prenons toutes les précautions
43:21 pour exploiter le filon Mahdi,
43:23 sans donner prise à une possibilité
43:25 d'instrumentalisation ou de manipulation
43:27 de sa part."
43:29 "C'est quoi l'enjeu pour vous, ce dîner-là ?
43:31 Qu'est-ce qui se joue pour vous ?"
43:33 "L'enjeu pour moi, il est
43:35 retrouver du travail.
43:37 Ni plus, ni moins.
43:39 À ce moment-là."
43:41 "Quand on entend une réponse comme ça,
43:43 c'est assez déstabilisant,
43:45 mais du coup, soit effectivement il sort de prison,
43:47 il cherche juste du boulot et il a une opportunité
43:49 de travailler dans les services de renseignement
43:51 comme il aurait travaillé finalement
43:53 dans n'importe quelle boîte.
43:55 Est-ce qu'il fait ça pour se réhabiliter auprès de sa famille ?
43:57 Est-ce qu'il fait ça juste pour continuer à jouer,
43:59 s'inventer une nouvelle vie, une vie d'espion après ça ?"
44:01 "Mais attendez, pourquoi tu mets
44:03 soit, soit, soit
44:05 au fond,
44:07 notamment les personnes intelligentes,
44:09 tu ne peux pas les réduire ?
44:11 Tu ne peux pas,
44:13 on n'a pas une motivation.
44:15 On voit bien que c'est multiple.
44:17 Il a plein de choses dans la tête."
44:19 "C'est particulier, ça veut dire qu'à ce moment-là,
44:21 on retrouve chez lui la volonté de se refaire,
44:23 la reconnaissance sociale,
44:25 le besoin de vengeance, l'amour du jeu."
44:27 "Il faut que ce soit un personnage compliqué
44:29 pour être au centre d'une telle affaire
44:31 et je pense que c'est quelqu'un qu'on ne peut pas réduire,
44:33 qu'on ne peut pas analyser de façon rationnelle.
44:35 Et donc, il faut le prendre dans son ensemble
44:37 et surtout pas de chercher
44:39 à le disséquer."
44:41 "Donc finalement,
44:43 le dîner touche à sa fin,
44:45 avec Général Rondeau,
44:47 le champion à l'an juillet."
44:49 "Je suis recruté
44:51 et je suis clandestin."
44:53 Dans les semaines qui suivent,
44:57 Imad Laoud est adressé à un agent secret
44:59 de la DGSE, un homme
45:01 qui a pour nom de code Antoine.
45:03 Celui-ci devient, selon le terme
45:05 consacré dans les services,
45:07 l'officier traitant d'Imad Laoud.
45:09 L'homme verra Laoud
45:11 clandestinement et régulièrement
45:13 afin que celui-ci
45:15 délivre les informations dont il dispose.
45:17 À chaque entrevue avec Laoud,
45:19 Antoine rédige
45:21 des comptes rendus.
45:23 Le 24 février 2003,
45:25 Imad Laoud déclare
45:27 avoir rencontré à trois reprises
45:29 Oussama Ben Laden,
45:31 qu'il décrit comme un individu un peu simple
45:33 d'esprit, mais très méthodique,
45:35 ne pouvant rivaliser sur le plan financier
45:37 avec ses demi-frères,
45:39 notamment Yésslam.
45:41 Imad Laoud déclare avoir mis
45:43 à l'abri au Liban chez sa mère
45:45 et deux de ses amis d'enfance
45:47 des documents relatifs
45:49 à des opérations financières réalisées pour le compte
45:51 des réseaux Ben Laden.
45:53 Il propose,
45:55 sans contrepartie, de les remettre
45:57 au service.
45:59 Antoine précise que cette entrevue a lieu
46:03 le 3 février 2003
46:05 dans le bureau du général Rondeau
46:07 au ministère de la Défense de 15h
46:09 à 16h45.
46:11 [bruit de pas]
46:13 [bruit de pas]
46:15 Si Imad Laoud
46:17 réussit à convaincre
46:19 Rondeau,
46:21 c'est que Rondeau, il a beau être une extraordinaire
46:23 mécanique,
46:25 intellectuelle et un des meilleurs
46:27 connaisseurs, il a
46:29 aussi un ego,
46:31 quelque chose à trembler
46:33 d'excitation
46:35 à l'idée qu'il serait peut-être
46:37 dans le monde celui qui capturerait
46:39 Ben Laden ou en tout cas
46:41 qui aurait participé à la capture
46:43 de Ben Laden. Et ce que fait
46:45 Imad Laoud, c'est de vendre
46:47 ça à la France et de vendre ça
46:49 à son représentant qui est Rondeau.
46:51 Un chef n'est jamais en rapport
46:53 avec une source, jamais, parce qu'il faut
46:55 toujours prendre de la distance,
46:57 il faut toujours croiser. Eh bien il prend le risque.
46:59 Pourquoi Rondeau prend le risque ?
47:01 - Mais voilà, c'est pas n'importe quelle source aussi.
47:03 Elle est présentée par Jean-Louis Gergorin,
47:05 cette source c'est le frère
47:07 de Marlon Laoud. - Elle est crédibilisée
47:09 par beaucoup de monde, mais c'est
47:11 plus encore que c'est crédibilisation
47:13 par des personnages
47:15 importants, c'est aussi
47:17 qu'on lui propose
47:19 Osama Ben Laden. - C'est facile
47:21 finalement d'intégrer l'espionnage français ?
47:23 - Écoutez, à l'époque,
47:25 voilà, j'en sais rien,
47:27 moi ça s'est fait comme ça.
47:29 J'en sais rien, je ne sais pas.
47:31 - Même la ministre de la Défense,
47:33 Michel Alliomarie, pense peut-être
47:35 déjà au bénéfice à retirer d'une telle promesse.
47:37 Une piste solide
47:39 sur Ben Laden scellerait
47:41 la réconciliation avec l'Amérique de Bush,
47:43 alors engagée en Irak,
47:45 et à qui la France a dit non.
47:47 - L'usage de la force
47:49 ne se justifie pas
47:51 aujourd'hui.
47:53 Il y a une alternative
47:55 à la guerre,
47:57 désarmer l'Irak par les inspections.
47:59 (Applaudissements)
48:01 Trader à Londres,
48:11 gestionnaire de fonds de pension à Paris,
48:13 détenu à la santé et désormais
48:15 agent secret pour les services,
48:17 Imad Laoud patine son art.
48:19 L'amour du jeu,
48:21 le goût du risque et l'adrénaline
48:23 le portent toujours plus haut.
48:25 Et le mensonge prend si bien
48:27 le temps de se réveiller.
48:29 - Le général Rondeau demande à Gergorin
48:31 de fournir à Laoud un travail
48:33 et un salaire chez EADS,
48:35 autrement dit, une couverture.
48:37 - C'est quand même pas illégitime,
48:39 c'est un sujet majeur,
48:41 l'antiterrorisme, etc.
48:43 Donc je reçois Imad Laoud
48:45 qui me parle beaucoup,
48:47 qui me dit tout de suite,
48:49 qui me remercie,
48:51 qui me dit tout de suite qu'il a vu la DGSE,
48:53 qui se met à me parler énormément.
48:55 Il est déjà totalement à l'aise à la DGSE.
48:57 - Je petit déjeune avec Jean-Louis,
48:59 hystérique, 15 minutes, mon train en main,
49:01 il bouge dans tous les sens, etc.
49:03 Et là il me dit "bon, combien il vous faut ?"
49:05 Pardon ?
49:07 "Combien il vous faut ?"
49:09 Je lui dis "écoutez, vous me voilà,
49:11 bon, peut-être 3000 euros par mois,
49:13 bon, ok, très bien, je vous en donne 5000 hors-taxe.
49:15 Merci. Et voilà, j'ai un contrat de 5000 euros hors-taxe.
49:17 Donc me voilà,
49:19 pour résumer la situation,
49:21 clandestin à la DGSE,
49:23 sous contrat de consultant
49:25 avec EADS,
49:27 qui en fait me paye
49:29 pour pouvoir subvenir à mes besoins
49:31 et donc travailler
49:33 pour le bien de l'État français.
49:35 Voilà.
49:37 - Le traitement opérationnel d'Imad Laoud
49:39 par la DGSE peut maintenant commencer.
49:41 Nous sommes le 26 février 2003.
49:43 L'officier Antoine
49:45 rédige son premier compte-rendu de terrain.
49:47 - Déroulement chronologique.
49:49 15h. Arrivée de l'officier traitant
49:51 au point de rendez-vous place de la Madeleine.
49:53 15h05.
49:55 Imad Laoud se présente au point de rendez-vous
49:57 au volant de son véhicule personnel.
49:59 15h08.
50:01 Arrivé au parking souterrain des Galeries Lafayette.
50:03 15h10.
50:05 Début des entretiens.
50:07 Ambiance détendue.
50:09 Imad Laoud était de bonne humeur,
50:11 en bonne santé.
50:13 La DGSE a fait son premier tour
50:15 de la ville de Lafayette.
50:17 Imad Laoud était de bonne humeur
50:19 en raison des perspectives professionnelles
50:21 qui se dessinent et s'est excusé
50:23 du ton professoral lorsqu'il explique
50:25 les montages financiers.
50:27 Sujet traité.
50:29 Récupération des documents à Beyrouth.
50:31 16h10.
50:33 Rupture du contact.
50:35 Départ d'Imad Laoud.
50:37 16h15. Départ de l'officier traitant.
50:39 - Dans la cartographie
50:41 que je devais réaliser
50:43 pour la DGSE,
50:45 il y avait
50:47 on va dire deux
50:49 deux parties.
50:51 Il y avait
50:53 la description
50:55 des
50:57 opérations financières
50:59 dont j'ai eu à connaître
51:01 pour la famille Ben Laden,
51:03 ça a le fonds de pension
51:05 qui s'appelait Globe Investment Limited
51:07 qui gérait en fait
51:09 la fortune familiale.
51:11 Et puis l'autre partie,
51:13 c'est de récupérer
51:15 des intitulés de comptes bancaires
51:17 de Mary Lynch
51:19 par lesquels Mary Lynch
51:21 a compensé des opérations financières.
51:23 - Pour pouvoir exploiter les documents
51:25 qu'il dit posséder au Liban,
51:27 Laoud doit suivre la circulation
51:29 de l'argent des Ben Laden
51:31 de banque à banque et de pays à pays
51:33 avant le 11 septembre 2001.
51:35 Or,
51:37 un organisme interbancaire
51:39 avec lequel Laoud a travaillé
51:41 lorsqu'il était trader
51:43 conserve la trace
51:45 de toutes les transactions effectuées
51:47 par les banques entre elles
51:49 dans le monde entier.
51:51 C'est ce qu'on appelle une chambre de compensation.
51:53 Elle est basée au Luxembourg.
51:55 Elle s'appelle
51:57 Clearstream.
51:59 (musique douce)
52:01 (musique douce)
52:03 (musique douce)
52:05 (musique douce)
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52:25 (musique douce)
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53:09 Sous-titrage Société Radio-Canada

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