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Transcription
00:00 Mon premier prénom est mon prénom non libanais,
00:01 parce que moi je suis née à Beyrouth et je suis arrivée en France quand j'avais 5 ans
00:04 parce qu'il y avait la guerre civile au Liban.
00:05 Et donc à l'origine mon prénom c'est Hala.
00:07 Or Hala en français, quand je suis arrivée à l'école à Paris et tout ça,
00:11 on prononce pas le H.
00:12 Et donc c'est traduit Hala.
00:14 Quand j'étais petite à l'école,
00:15 j'étais...
00:17 On se moquait de moi, on se moquait de mon prénom,
00:19 on disait "Ah Hala, Hala Akbar, tes parents t'ont appelée Dieu."
00:22 Et ça me heurtait énormément parce que je voulais leur dire que non, qu'en arabe,
00:25 "Allah" c'est Dieu.
00:27 Et moi mon prénom c'est Hala. On est très très loin.
00:29 Et qui veut dire "bienvenue" en libanais, qui est un prénom très usuel et très fréquent.
00:32 Il se trouve que j'ai changé d'école entre le collège et le lycée.
00:35 Et j'ai dit à ma mère, à ma mère et pas à mon père,
00:38 mais j'ai dit à ma mère "Je vais basculer à Léa.
00:39 Tu vas inscrire à l'école Léa Hala et pas Hala Léa."
00:43 J'ai mis du temps à le dire à mon père, à l'assumer,
00:45 parce que j'avais peur qu'il se dise que j'assumais pas mon origine ou mon arabité.
00:50 J'ai mis du temps à accepter ma différence et à comprendre que ma différence,
00:54 ça allait être ma force.
00:55 Parce que clairement, mes origines libanaises, arméniennes, c'est ça ma force.
00:59 C'est ça qui fait que j'ai été à mon avis repérée après, plus tard,
01:01 et que j'ai fait la carrière que j'ai faite.
01:02 Alors vous l'avez dit, vous êtes née à Bérout, en pleine guerre.
01:08 Oui, en pleine guerre.
01:09 D'ailleurs, une nuit de bombardement particulière,
01:13 c'était une nuit où ça tapait très fort.
01:14 Bérout était divisé en deux, les chrétiens étaient à l'est,
01:17 les musulmans étaient à l'ouest de Bérout.
01:19 Et mon père qui était un universitaire de gauche,
01:22 tenait à ce que, alors que nous étions chrétiens,
01:24 nous vivions à l'ouest, ou en tout cas dans le quartier Hamna,
01:27 qui est un des derniers quartiers mixtes,
01:31 où il y avait des chrétiens et des musulmans.
01:33 Et on avait notre maison qui était dans un immeuble
01:36 qui se trouvait à trois ou quatre immeubles,
01:39 de là où se trouvait Yasser Arafat,
01:40 qui avait fui Israël et qui se réfugiait à Bérout.
01:43 J'ai vraiment vécu les cinq premières années de ma vie
01:45 dans une guerre pile quasiment en ligne de démarcation.
01:49 D'ailleurs, mon père n'a pas pu venir pour mon accouchement,
01:51 pour mon avenir au monde, pour l'accouchement de ma mère,
01:54 c'est la meuf qui pense qu'elle s'auto-accouche,
01:56 parce qu'il ne pouvait pas passer la ligne de démarcation.
01:58 Et donc ma mère a dû monter, par exemple, les quatre étages de la clinique
02:00 le jour où elle accouchait, en perdant les os,
02:02 sans l'ascenseur, parce que ça tapait et il n'y avait pas d'électricité.
02:06 Donc ces choses-là sont des choses qui m'ont marquée,
02:08 je pense, sans le savoir, évidemment, puisque je venais au monde.
02:11 Mais on se cachait dans les abris.
02:13 Enfin, je veux dire, oui, j'ai vécu ces choses-là,
02:15 et j'en ai parfaitement, j'ai parfaitement le souci.
02:17 Pourquoi je déteste les feux d'artifice le 14 juillet,
02:19 que mes gosses adorent et on va voir le feu d'artifice,
02:20 et à chaque fois c'est un enfer pour moi, je me suis fait comme ça.
02:22 "Mais maman, pourquoi tu n'aimes pas ?"
02:23 "Bah, je n'aime pas, parce que c'est exactement le même bruit que les bombes."
02:27 C'est exactement ça.
02:28 C'est une sorte de PTSD, quoi.
02:31 Léger PTSD.
02:32 Votre plus ancien souvenir ?
02:34 Eh bien, c'est la guerre.
02:35 C'est les bruits de la guerre.
02:37 C'est les bruits de la guerre,
02:38 et c'est les nuits où je dormais dans la salle de bain,
02:42 dans la baignoire, avec ma sœur.
02:44 Ils nous installaient les matelas dans la baignoire,
02:46 parce que la salle de bain était le seul endroit qui n'avait pas de vitre,
02:48 qui n'avait pas de fenêtre.
02:49 Et donc, ce qui craignait le plus dans nos chambres et tout ça,
02:52 c'était que la fenêtre pète, parce que le but machin,
02:56 et qu'on se prenne des éclats de verre.
02:58 Donc c'est les nuits dans Beyrouth, voilà.
03:01 Sous-titrage Société Radio-Canada
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03:09 [SILENCE]

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