• l’année dernière
Les risques associés au réchauffement climatique sont plus graves que ce qui avait été estimé jusqu'à présent, ont conclu les experts du Giec dans leur nouvelle synthèse publiée mi-mars, neuf ans après la précédente. De même pour les glaciers, notamment dans l'Himalaya, dont l'estimation de la fonte a été sous-évaluée. "Les satellites ne voient pas rien, ils nous rendent tout un tas de service. Mais ce qu'ils ne voient pas, c'est ce qui se passe dessous, dans les glaciers, au contact de ces lacs. Ce qu'on remarque, c'est que plus nos outils s'améliorent et s'affinent, plus les nouvelles sont mauvaises en matière de réchauffement climatique", explique Heidi Sevestre, glaciologue, autrice de "Sentinelle du climat" (Harper Collins). 

Retrouvez les invités de 8h20 sur https://www.franceinter.fr

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Votre invitée ce matin se définit comme une sentinelle du climat.
00:03 C'est d'ailleurs le titre de son dernier livre, "Sentinelle du climat", paru chez HarperCollins.
00:09 Bonjour Heidi Svestre.
00:10 Bonjour.
00:11 Vous êtes glaciologue, vous êtes membre du conseil de l'Arctique et vous travaillez
00:15 dans un programme de surveillance et d'évaluation de l'Arctique.
00:18 Vous y retournez je crois dans quelques jours.
00:20 Oui, dans deux semaines à peine.
00:21 Dans deux semaines.
00:22 L'actualité de la semaine, c'est cette dernière étude qui montre que dans l'Himalaya, la
00:27 fonte des glaciers aurait été largement sous-estimée sur les 20 dernières années,
00:32 jusqu'à 65% d'erreurs pour le cas du glacier Galongka.
00:36 Pourquoi des erreurs aussi grandes, aussi flagrantes ?
00:39 Ce qui est intéressant c'est que ma science, la glaciologie, est une science assez récente.
00:45 Et aujourd'hui cette glaciologie fait face à un des plus grands défis de l'humanité,
00:50 c'est-à-dire de comprendre l'impact du changement climatique sur des écosystèmes.
00:54 Donc nous, à coup d'outils, de technologies, nous essayons de comprendre des phénomènes
00:58 extrêmement complexes dans des paysages très lointains, difficiles d'accès.
01:03 Et dans l'Himalaya particulièrement, je pense qu'on a notre plus beau challenge de
01:08 comprendre la vitesse de fonte des glaciers.
01:10 Ce que l'on remarque aujourd'hui avec des nouveaux outils, des nouvelles technologies,
01:14 c'est que les glaciers dans l'Himalaya sont beaucoup connectés à des lacs.
01:18 Et ces lacs, c'est de l'eau de fonte, des glaciers tout naturellement.
01:21 Ces lacs se réchauffent.
01:22 Donc imaginez, c'est comme si vous aviez en quelque sorte une source de chaleur contre
01:27 le glacier.
01:28 Et le glacier non seulement fond à sa surface par les températures de l'air qui augmentent,
01:33 mais aussi à cause de ces lacs qui se réchauffent.
01:34 - Mais ça veut dire que si on n'a pas repéré pendant 20 ans le véritable constat de la
01:40 fonte des glaces dans l'Himalaya, ça veut dire que les satellites ne voient rien et
01:44 c'est valable ailleurs ?
01:45 - Alors les satellites ne voient pas rien, les satellites voient beaucoup et nous rendent
01:49 tout un tas de services.
01:50 C'est vrai qu'on n'est pas très nombreux nous les glaciologues, on ne peut pas être
01:53 partout et on essaie d'être au maximum sur le terrain, mais on a vraiment besoin de
01:58 ces satellites pour observer de très grandes surfaces.
02:00 Mais ce que les satellites ne voient pas, c'est ce qui se passe dessous, ce qui se
02:03 passe dans les glaciers, ce qui se passe au contact de ces lacs.
02:07 Et ça, c'est vraiment invisible à ces satellites.
02:09 - Et c'est pour ça que ça a été largement sous-estimé, en partie ?
02:11 - Voilà, c'est sous-estimé.
02:12 Ce qu'on remarque aujourd'hui, c'est que plus nos outils s'améliorent, plus nos modèles
02:17 s'affinent, plus les nouvelles sont mauvaises quand il s'agit du dérèglement climatique.
02:21 - Mais donc cette "erreur" qui a été commise, quelle danger immédiat ça nous fait courir ?
02:28 Est-ce qu'on peut présenter les choses comme ça ?
02:29 - Je pense qu'erreur, déjà le terme est un peu fort, la science cherche à s'améliorer
02:33 tout le temps, chaque jour, chaque semaine.
02:36 - On a sous-estimé la gravité de la situation.
02:38 - Voilà, on a sous-estimé, on est très conservateurs nous, en tout cas dans nos résultats, on
02:42 essaie de blinder nos études scientifiques le plus possible, mais parfois, voilà, on
02:46 les améliore et là justement on se rend compte que ces lacs fondent beaucoup plus
02:50 vite que prévu.
02:51 Et donc quelles sont les conséquences ?
02:52 - Le danger.
02:53 - Ça c'est vraiment très important.
02:54 L'Himalaya, c'est directement connecté à quoi ? La Chine et l'Inde.
02:57 Ces glaciers, ce sont les châteaux d'eau de cette région-là de la planète et lorsqu'on
03:02 voit que ces glaciers fondent beaucoup plus rapidement que prévu, il y a deux conséquences
03:06 principales.
03:07 Déjà, un manque d'accès à l'eau potable, l'eau douce dans ces régions-là, mais aussi
03:11 ça veut dire que ces lacs se remplissent encore plus vite que prévu.
03:15 Et ces lacs, dans l'Himalaya, on se rend compte qu'ils créent tout un tas de soucis.
03:18 Il faut savoir que toutes les vallées de l'Himalaya pratiquement sont habitées, il
03:22 y a des activités économiques, de l'agriculture de subsistance.
03:24 Plus ces lacs grossissent, plus ils risquent de se vider, de se vidanger de façon catastrophique.
03:29 On appelle ça des "gulofs", c'est le terme technique.
03:31 Et malheureusement, on se rend compte, plus ces lacs fondent, plus on risque d'avoir
03:35 un impact direct sur les vies humaines dans l'Himalaya.
03:38 - C'est-à-dire engouffrer, enfin je veux dire se répandre sur des villages et les...
03:41 - C'est exactement ça.
03:42 C'est un peu, quand le lac se vidange, c'est un peu comme un tsunami en fait, qui va tout
03:46 dévaster sur son passage.
03:47 J'ai eu la chance de l'étudier dans l'Himalaya il y a quelques années maintenant, au Népal,
03:52 et je le raconte dans le livre, c'est qu'aujourd'hui, on se rend compte que ces populations sont
03:56 extrêmement vulnérables.
03:57 Et ce qui se passe dans l'Himalaya, malheureusement, ça peut aussi arriver chez nous, ça peut
04:02 aussi arriver en Patagonie, en Alaska, etc.
04:04 - La fonte des glaces, pleine page dans Le Parisien ce matin, aujourd'hui en France,
04:08 pour dire que cette fonte accentue l'activité sismique à long terme.
04:11 Vous confirmez qu'il y aura des séismes à cause de la fonte des glaces en Alaska,
04:16 en Scandinavie, peut-être en Finlande ?
04:18 - C'est une étude super intéressante et je la découvre moi aussi ce matin.
04:21 C'est assez fascinant de voir l'importance de ces glaces.
04:24 Ces glaces, c'est aussi un poids monumental qui est posé sur le radeau Terre, en quelque
04:29 sorte.
04:30 Et lorsque ce poids change très rapidement avec le changement climatique, forcément,
04:34 la structure de la croûte terrestre doit se réajuster.
04:37 Et ce qu'on remarque, c'est de plus en plus de séismes, mais aussi de plus en plus de
04:41 volcans qui rentrent en éruption, directement liés au fait que parfois leur chapeau de
04:45 glace est en train de se réduire.
04:46 - En fait, les glaciers sont non seulement un champ de mémoire, vous l'écrivez très
04:50 bien dans le livre, ils nous racontent aussi la vie de demain.
04:53 Les glaciers.
04:54 - Les glaciers, c'est notre passé, c'est notre présent, c'est notre futur.
04:59 C'est vraiment ce qu'on voulait expliquer avec le livre, c'est qu'on est tous en quelque
05:03 sorte les doigts dans la prise des glaciers.
05:05 Notre avenir est directement lié à l'avenir de ces glaces, que ce soit par le fait que
05:10 70% de nos réserves d'eau douce sont dans la neige et la glace aujourd'hui, que ce soit
05:14 par le fait que si ces glaces disparaissent, c'est 65 mètres d'élévation du niveau des
05:19 mers partout sur Terre.
05:21 Donc aujourd'hui, toutes les décisions que l'on prend maintenant, aujourd'hui, ce dimanche,
05:25 elles vont impacter le futur des glaciers et le futur des glaciers va nous impacter
05:29 nous directement.
05:30 - Alors vous, Heidi Sevestre, vous êtes tout le temps fourrée près de l'Arctique ou dans
05:34 l'Arctique, au-delà de la Norvège.
05:38 Alors on est encore en Norvège, mais vous êtes vraiment très, très au nord de la
05:40 Norvège.
05:41 Qu'est-ce que vous y faites très concrètement ? Parce que vous y êtes tout le temps.
05:43 Donc qu'est-ce qu'il y a tout le temps à faire là-bas ?
05:45 - C'est un endroit que j'aime éperdument.
05:48 Je pense que mon cœur est vraiment là-bas.
05:51 Alors quand je dis là-bas, je parle du Svalbard ou du Spitsbergen.
05:54 C'est ce petit archipel qui est entre le nord de la Norvège et le pôle Nord.
05:57 - 1000 kilomètres après le pôle Nord.
05:59 - Voilà, on est là-haut.
06:00 C'est la ville la plus au nord du monde.
06:02 C'est assez fou.
06:03 C'est mon doctorat à l'université.
06:05 C'est là où je continue à donner des cours.
06:07 Mais au-delà de donner des cours à l'université, cet endroit est devenu l'épicentre du dérèglement
06:12 climatique.
06:13 - Alors expliquez-nous.
06:14 - On sait que l'Arctique se réchauffe très vite, 3-4 fois plus vite que le reste de la
06:17 planète.
06:18 Si on zoom sur le Svalbard, sur le Spitsbergen, c'est 6 à 7 fois.
06:21 Ce qui se passe, c'est que là-bas, on est dans un royaume de glace.
06:25 Tout est fait de neige, de glace, de permafrost, de sol gelé en permanence.
06:28 Forcément, lorsqu'on augmente le thermostat de ce paysage-là, tout est en train de changer.
06:34 Et d'être là-bas, c'est vraiment de prendre le pouls du changement climatique.
06:38 Les changements sont cataclysmiques là-bas.
06:41 C'est beaucoup plus rapide qu'on le pensait.
06:43 Et nous, les scientifiques, là-haut, on est vraiment dans une course contre la monde pour
06:46 comprendre ce qui se passe, mais surtout pour avertir le reste de la planète que l'Arctique
06:51 est en train de changer.
06:52 Et si l'Arctique change, ça va tous et toutes nous affecter.
06:54 Justement, on va parler, après le constat, de la façon de réagir à ça.
06:59 On parlait de la Chine tout à l'heure.
07:00 C'est une des informations issues du voyage d'Emmanuel Macron en Chine.
07:03 La Chine a l'intention de participer au sommet sur le climat prévu en juin à Paris.
07:07 Qu'attendez-vous de Pékin pour protéger ce qu'il reste des glaciers ?
07:12 On attend de Pékin ce que l'on attend de tous les pays du monde.
07:15 C'est vraiment un réveil, un sursaut des décisions radicales qui sont prises par rapport
07:21 à l'importance de décarboner leur économie.
07:23 On sait que la Chine investit massivement dans les énergies renouvelables, mais son
07:27 économie repose encore en grande partie notamment sur le charbon.
07:30 Et aujourd'hui, la Chine, et notamment toutes ses cultures du riz et de coton, qui sont
07:35 dans la région tibétaine, directement rattachées à l'Himalaya, a besoin encore aujourd'hui
07:39 de ces glaciers.
07:40 Si ces glaciers disparaissent, ça va avoir des conséquences désastreuses sur la Chine,
07:45 sur son économie, sur l'augmentation du niveau de la mer, mais c'est aussi ce qu'on
07:48 appelle la "global supply chain".
07:50 Finalement, nous sommes tous connectés à ce qui se passe en Chine et en Himalaya.
07:54 Vous avez participé à pas moins de cinq COP pour le climat, la dernière la COP 27
07:59 à Charmelcher, avec ce constat que le temps politique n'est décidément pas celui du
08:04 temps géologique.
08:05 Les politiques ne se projettent pas sur le long terme, c'est ce que vous avez repéré
08:11 dans ces COP ?
08:12 Ces COP sont très importantes, il n'y a aucun doute là-dessus, ça reste le seul
08:16 moment dans l'année où on retrouve tous les pays du monde autour de la même table
08:20 pour parler du changement climatique.
08:21 Évidemment, lorsque l'on voit les résultats de ces COP, on est toujours très frustré
08:25 parce qu'on n'a jamais exactement l'ambition à laquelle on s'attendait.
08:29 Juste avant de répondre à la question, racontez-nous comment ça se passe à l'intérieur d'une
08:32 COP ?
08:33 C'est très intéressant les coulisses d'une COP.
08:35 Vous, vous avez de l'impact quand vous allez dans ces COP ?
08:37 On essaye.
08:38 Moi, quand je vais à une COP, je n'y vais pas toute seule, j'y vais avec une petite
08:41 armée de scientifiques et nous on essaie vraiment d'influencer les négociations.
08:45 Comment on essaie d'influencer des négociations ?
08:48 Ce n'est pas simple.
08:49 On invite les négociateurs du climat, des petites équipes qui vont représenter tous
08:53 les pays du monde.
08:54 Donc on invite la France, la Suisse, l'Allemagne, la Chine, etc.
08:58 Et on leur donne les dernières nouvelles de la glace et les dernières nouvelles du
09:01 froid.
09:02 Et on leur fait bien comprendre que leur économie, que leur population est directement connectée
09:08 à ces glaces.
09:09 Depuis le temps que vous le dites, ils devraient le savoir.
09:10 Alors, au contraire.
09:11 Je pense qu'on se met un peu le doigt dans l'oeil quand on pense que les négociateurs
09:15 du climat connaissent par cœur l'ampleur du changement climatique.
09:18 Ils ne peuvent pas tout savoir.
09:19 Nous, on a un sujet très précis sur la neige et la glace.
09:22 Et pas plus tard que la semaine dernière, j'étais à Stockholm en train de préparer
09:26 ces négociateurs du climat pour la COP.
09:27 Ils tombent des nus quand on leur apprend vraiment ce qu'il se passe.
09:31 Donc on a vraiment besoin de cette ambition-là.
09:33 Et donc on veut vraiment avoir un sursaut monumental de ces pays pour lutter contre
09:37 le changement climatique parce que nos vies en dépendent aujourd'hui.
09:40 Et donc pour répondre à la question d'Eric, le dirigeant politique, c'est le bon vecteur,
09:45 c'est la bonne personne sur laquelle s'appuyer pour faire avancer les choses ?
09:47 Alors je dis souvent qu'il faut faire avec.
09:48 Il faut faire avec le gouvernement qu'on a aujourd'hui.
09:50 Il faut faire avec les entreprises qui sont en place aujourd'hui, avec les solutions
09:53 que l'on a dans nos mains.
09:55 Aujourd'hui, tout est en place pour qu'on puisse y arriver.
09:58 J'insiste là-dessus.
09:59 On a toutes les cartes en main.
10:01 Ce qui nous manque, certes, je suis d'accord, il nous manque un vrai sursaut politique.
10:05 On sait qu'il faut saluer les efforts qui sont faits par la France.
10:09 Ce n'est pas du tout assez.
10:10 Il faut vraiment que l'on double ou triple les efforts qui sont faits dans notre pays
10:13 en ce moment.
10:14 C'est ce que je connais quand même, parce que dans l'équation, il y a les voitures
10:17 qu'on utilise, il y a nos voyages en avion qu'on adore, il y a les entreprises, il y
10:22 a les smartphones qu'on a tous, il y a les nouvelles technologies qui usent énormément
10:27 notre planète.
10:28 Donc, parlons franchement, Aïdi Sevestre, jusqu'à quel point est-ce qu'il va falloir
10:33 qu'on change notre façon de vivre pour s'adapter au climat ? Parce que ça, personne ne nous
10:38 le dit.
10:39 On le dit, on essaye.
10:40 Au moins nous, les scientifiques, les rapports du GEC le disent aussi.
10:42 Il faut s'adapter.
10:43 - Saskia de Ville : Et pour la prochaine société ?
10:44 - Aliette de Laleu Alors, il faut s'adapter, mais il faut essentiellement
10:46 aussi réduire le problème à sa source.
10:48 Et quand je dis réduire le problème à sa source, c'est vraiment tacler les énergies
10:51 fossiles.
10:52 Il faut savoir que chaque tonne de gaz, de charbon, de pétrole que l'on brûle, nous
10:56 met droit dans le mur.
10:57 Et aujourd'hui, ça va dépendre de chacune et chacun d'entre nous d'utiliser nos voix,
11:01 d'utiliser nos actions de tous les jours, de voter pour les bonnes personnes, d'utiliser
11:04 nos entreprises.
11:05 Et je vois au niveau des entreprises, ça se soulève dans tous les coins en ce moment.
11:08 Et donc, essayons de faire en sorte que ces solutions deviennent irrésistibles.
11:12 Je suis très optimiste, je ne lâcherai pas le morceau et c'est comme ça qu'on y arrivera.
11:16 - Saskia de Ville Vous êtes optimiste.
11:17 La prochaine COP, la 28, qui se tiendra aux Émirats Arabes Unis en novembre prochain,
11:22 est-ce que vous y voyez une provocation ou au contraire une belle opportunité ?
11:26 - Aliette de Laleu Ça fait depuis les années 1970 que les industries
11:29 fossiles savent que plus on brûle d'énergie fossile, plus ça va affecter le reste de
11:33 la planète.
11:34 Je pense que c'est essentiel pour moi de maintenir un dialogue avec eux.
11:37 Là, on voit, malgré la COP qui se prépare, que les Émirats investissent encore plus
11:41 dans les énergies fossiles.
11:42 Donc voilà, il est le temps de réveiller tout ça et vraiment de leur expliquer concrètement
11:46 pour eux ce que ça veut dire en termes d'élévation du niveau des mers, par exemple.
11:49 - Saskia de Ville Et vous, du coup, dans les solutions, vous
11:50 êtes d'accord ? Enfin, vous aimeriez que le principe pollueur-payeur s'applique partout,
11:54 c'est-à-dire faire payer les États qui ne sont pas suffisamment dans les clous, c'est
11:58 ça ? - Aliette de Laleu Pour l'instant, il n'y
11:59 a pas de doute que la pollution ne coûte pas assez cher par rapport au changement climatique.
12:02 - Saskia de Ville Mais faire payer seulement les États, faire
12:04 payer aussi les entreprises, faire payer aussi le particulier ?
12:06 - Aliette de Laleu Je pense qu'on est tous dedans.
12:08 On n'a pas tous la même empreinte carbone, on n'a pas tous la même empreinte de la
12:13 pollution sur l'environnement et il faut aussi que les États prennent leurs responsabilités
12:16 par rapport à ça.
12:17 - Saskia de Ville Et donc, chacun d'entre nous devrait
12:18 payer pour son empreinte carbone ? C'est ça que vous dites ? Il faut aller jusque-là
12:21 ou pas ? - Aliette de Laleu Je pense qu'il faut déjà
12:23 éduquer le grand public par rapport à ça, mais c'est très certainement entre les mains
12:27 des gouvernements aujourd'hui.
12:28 Et quand on parle d'une taxe carbone, du taxe sur la pollution, eh bien on n'a pas
12:32 tous à la payer à la même hauteur, ça c'est sûr.
12:34 On n'a pas tous la même empreinte carbone.
12:36 - Aïdi Sevestre, glaciologue, comment devient-on glaciologue ? Vous racontez un petit peu dans
12:40 votre livre que vous avez trouvé votre voie, votre vocation de glaciologue à 17 ans après
12:45 que votre mère vous a inscrite à un casting de la télévision suisse romande pour participer
12:50 à une course entre Chamonix et Zermatt.
12:52 Qu'est-ce qui a été révélateur ? - Aïdi Sevestre C'est un peu cocasse comme
12:56 situation de faire ça quand on avait 16 ou 17 ans.
12:59 En fait pour moi, j'étais déjà amoureuse de la montagne, amoureuse de la nature à
13:03 cette période-là, mais j'ai rencontré quelqu'un qui a été déterminant pour moi,
13:07 Hubert, un guide suisse avec des yeux bleus glaciers, qui était à quelques années de
13:11 sa retraite.
13:12 Il avait tellement d'histoires à raconter, Hubert, et il a vu que les yeux de la petite
13:17 Aïdi à l'époque pétillaient quand elle était sur les glaciers.
13:19 Il m'a dit "écoute Aïdi, ne te tracasse pas, il y a des gens, on les paye pour étudier
13:23 les glaciers, on appelle ça des glaciologues".
13:25 Et je me suis dit "ah ça a l'air plutôt sympa comme métier".
13:26 Et voilà.
13:27 - Est-ce que c'est un métier plus risqué que ce que vous imaginiez ?
13:30 - C'est extrêmement risqué.
13:31 Il n'y a pas de doute là-dessus.
13:33 Malheureusement, on a toutes et tous perdu des collègues dans le monde de la glaciologie.
13:37 Aussi parce que la terre se réchauffe, les glaciers changent et le métier devient encore
13:42 plus dangereux qu'il l'était avant.
13:44 Mais j'aime aussi cet aspect où on sent que la nature est beaucoup plus forte que
13:48 nous.
13:49 On se rend compte de la puissance de la nature dans ces paysages-là et on ne peut que se
13:53 sentir toute petite quand on est dans cette nature aussi puissante.
13:57 - Et donc du coup, il faut avoir un physique hors normes.
13:59 Vous êtes très longiligne, on vous sent très athlétique, très musclée.
14:03 Il faut vous entretenir énormément.
14:05 C'est du sport quotidien aussi.
14:07 - J'essaye d'être toujours prête à partir en expédition.
14:09 Donc je fais du sport vraiment tout le temps, toute l'année.
14:12 Je suis un petit peu cassée aussi d'avoir passé énormément de temps sur le terrain,
14:16 d'avoir fait des expéditions partout dans le monde.
14:18 - Cassée comment ?
14:19 - On y raconte dans le livre.
14:20 Cassée à force.
14:21 Malheureusement, avalanche, tomber dans des crevasses, se faire mal dans les glaciers,
14:27 porter des charges très très lourdes, c'est physique le métier de glaciologue.
14:31 - Et pour finir, quelle est l'expérience peut-être la plus marquante que vous avez
14:35 vécue, qui vous a vous le plus marquée, qui vous a fait peur peut-être ?
14:38 - Ce qui m'a vraiment le plus marquée, je crois, c'était l'Antarctique.
14:41 L'Antarctique, c'est 23 fois la taille de la France.
14:43 Les tempêtes qu'on a en Antarctique sont absolument apocalyptiques.
14:46 Et c'est de marcher sur cette barrière de glace qui fait la moitié de la taille de
14:51 la France, après huit jours de tempêtes très fortes, et de me dire que cette barrière,
14:55 d'ici quelques années, elle risque de disparaître à cause de nous, que son futur est directement
14:59 entre nos mains.
15:00 - Notre avenir dépend des glaciers, nous pouvons encore les sauver, c'est le sous-titre
15:04 et la note d'espoir en une de ce livre que vous signez, Heidi Svestre, avec la collaboration
15:10 d'Isabelle Mariette.
15:11 Sentinelle du climat, le livre parait chez Harper Collins.
15:14 Merci d'être venue en parler ce matin sur France Inter.
15:16 Bonne journée à vous.

Recommandations