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Chaque jour, des invités opposent leur point de vue sur l'actualité politique. Ce jeudi, Charlotte d’Ornellas et Carole Barjon.
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News
Transcription
00:00 Le club de la presse européen, ce ne sont que des sondages mais tout de même, et puis
00:04 si ça comptait pas, les politiques n'en commanderaient pas autant.
00:07 A commencer par l'exécutif.
00:08 D'après deux enquêtes d'opinion, l'une IFOP pour le Figaro Magazine, l'autre Elab.
00:13 Si on votait là, maintenant, pour l'élection présidentielle, Marine Le Pen, c'est simple,
00:18 écraserait complètement la concurrence au premier tour.
00:20 Et puis pour le second, elle l'emporterait de 10 points face à Emmanuel Macron.
00:25 C'est la première fois que ça arrive.
00:27 C'est une bombe politique et on la commande ce matin avec Charlotte Dornelas.
00:31 Bonjour Charlotte.
00:32 Bonjour Dimitri.
00:33 Journaliste à Valeurs Actuelles et Carole Barjon, Grand Reporter à l'Obs.
00:36 Bonjour Carole.
00:37 Bonjour Dimitri.
00:38 Bon, on va commencer par les précautions d'usage.
00:39 Un sondage n'est pas un baromètre fiable mais c'est quand même un thermomètre instructif.
00:43 Je donne les chiffres.
00:45 Premier tour donc, Marine Le Pen.
00:47 Alors selon le casting autour d'elle, entre 29 et 36% des suffrages.
00:51 Bon voilà, c'est Nicolas Sarkozy, premier tour 2007.
00:54 Jamais la patronne du Rassemblement National n'a été testée aussi haut.
00:58 Emmanuel Macron serait à 25 points, donc en baisse de 3 points.
01:01 Jean-Luc Mélenchon 17, donc très très loin, moins 4,5%.
01:05 Vous additionnez les scores de Wauquiez et Mourdupont-Aignan,
01:08 ils n'arrivent même pas à faire celui de Marine Le Pen.
01:10 Qu'est-ce qui se passe Carole Barjon ? C'est quand même stupéfiant ces chiffres-là.
01:13 Ben, pas tant que ça en fait je crois.
01:16 C'est conjoncturel vous pensez ou il y a plus que ça ?
01:18 Non, justement pas.
01:20 Parce qu'on a eu tendance à beaucoup dire que Marine Le Pen profitait de cette séquence ratée,
01:27 il faut bien le dire, des retraites.
01:29 Moi je pense que la progression de Marine Le Pen, elle a beaucoup d'autres facteurs.
01:35 La crise des retraites ou la mauvaise gestion, on va dire,
01:39 de la réforme des retraites par l'exécutif,
01:42 est certainement un révélateur, mais il y a beaucoup beaucoup d'autres raisons
01:49 qui tiennent bien au-delà des retraites,
01:53 à la détérioration des services publics, de l'école, de l'hôpital, des aires médicaux.
02:00 Il y a plein de choses qui sont, si vous voulez, en fond de choses, si j'ose dire,
02:05 depuis longtemps et ça, les Français ne sentent pas d'amélioration.
02:12 Vous voulez dire qu'elle est un peu la candidate des inquiets du déclin, c'est ça ?
02:15 C'est la candidate, comme souvent, des déçus, des protestataires, des mécontents.
02:22 Il y a eu, au-delà de ce que je viens de dire,
02:26 aussi un sentiment de gouvernance insuffisante.
02:32 On a le sentiment aussi que le chef de l'État,
02:35 plutôt par exemple, sort des projets de loi, annonce des projets de loi,
02:42 plutôt que de mettre les moyens sur ce qui ne marche pas,
02:45 on fait des symboles sociétaux, je pense par exemple
02:48 à l'inscription de l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution.
02:54 - Genre à la fin de vie, etc. - Pourquoi pas ?
02:56 Mais il faut commencer par faire en sorte que des femmes
03:01 qui ont un problème puissent trouver des centres d'accueil.
03:04 Pareil pour la fin de vie, il faudrait peut-être commencer par les soins palliatifs
03:09 de manière massive.
03:11 - On s'écarte un peu du sujet. - Non, mais c'est le fond qui explique, à mon avis,
03:18 le fait que Macron ne s'occupe pas des choses essentielles.
03:21 - Mais est-ce que ça ne bat pas en brèche ce ronron républicain qu'on a depuis des années,
03:25 à savoir que quand Marine Le Pen monte, il suffit de brandir la démocratie en danger,
03:32 on a l'impression que ça ne fonctionne plus, Charlotte Dornan.
03:36 C'est aussi ça que, d'après vous, traduit ce sondage ?
03:39 - Non, parce qu'à mon avis, il y a deux choses différentes.
03:43 D'abord, la donnée initiale, c'est quand vous dites, si on votait demain,
03:47 alors déjà, on ne vote pas demain et on vote dans longtemps.
03:49 - Oui, s'il y avait deux mois de campagne.
03:51 - Deuxièmement, il y a évidemment une campagne préalable au vote
03:54 que nous n'avons pas eue ces deux derniers mois,
03:56 ou plutôt aussi une campagne contre Emmanuel Macron,
03:58 de manière assez unanime, ça joue aussi.
04:00 Et la deuxième chose, c'est que ce ne sera pas Emmanuel Macron.
04:02 Donc tout peut changer aussi par rapport à la campagne de celui qui sera là, on ne sait même pas.
04:06 - Vous voulez dire que ça influe évidemment sur les résultats du sondage,
04:09 sachant qu'Emmanuel Macron ne se représentera pas ?
04:11 - Évidemment, et vous le disiez, Marine Le Pen n'a jamais atteint des scores comme ça,
04:14 c'est normal et c'est vrai que ça s'explique par une infinité de choses.
04:18 Simplement, elle a toujours été prévue plus haut que ce qu'elle a fini par faire
04:23 au terme précisément d'une campagne, où malgré tout, la diabolisation,
04:27 et d'ailleurs c'est complètement indépendant d'elle-même et de la politique qu'elle veut mener,
04:31 la diabolisation ne dépend pas d'elle, elle dépend de qui l'active et qui décide de l'activer.
04:35 Et quand on l'active, on l'active en général plus en campagne que hors campagne,
04:39 quand c'est Emmanuel Macron qui est visé dans le cadre d'une réforme des retraites.
04:42 Et par ailleurs, je pense que pour bien comprendre, on va dire, ce qui bloque Marine Le Pen,
04:48 il faut moins s'attarder sur les raisons pour lesquelles des gens votent pour elle,
04:51 ça c'est extrêmement compréhensible, il faut s'attarder sur le nombre de gens
04:55 qui jamais, jamais, jamais ne voteront pour elle, et pire que ça,
04:58 voteront pour qui que ce soit en face d'elle.
05:01 Et eux, il reste un socle qui aujourd'hui l'empêche clairement de gagner une élection,
05:06 c'est ce qu'on a vu d'élection en élection.
05:08 Est-ce que ça pourrait changer ? Ça je préfère pas me prononcer,
05:11 mais c'est ça le problème qu'elle a en permanence au moment des élections,
05:14 c'est que quand le système vous active une diabolisation massive,
05:17 et bien il y a des gens pour qui c'est rédhibitoire systématiquement.
05:20 - Et pour ajouter à ce que vient de dire Charlotte, dans les sondages que vous citez,
05:25 il faut voir que celui... parce qu'on présente le duel Macron-Le Pen,
05:31 mais il y a aussi des cas de figure où elle est face à Edouard Philippe.
05:35 - Alors qui apparaît comme le plus solide ?
05:38 - Et bien là, Edouard Philippe fait 26% et elle fait 29%.
05:41 - C'est l'écart le plus faible, effectivement.
05:44 - C'est effectivement face à quelqu'un qui incarnerait ce qu'on appelle le corps central,
05:48 au fond, là elle fait son score minimal.
05:52 - Alors je voudrais vous faire réagir aussi à cet entretien qu'accorde Patrick Buisson dans Le Point,
05:57 Patrick Buisson, ancien conseiller politique de Nicolas Sarkozy, notamment.
06:01 Alors lui, il pense, comme vous, Charlotte, surtout,
06:05 que Marine Le Pen n'a aucune chance de gagner en 2.
06:08 - Peut-être que je pense comme lui, soyons modestes.
06:10 - Il dit que Marine Le Pen ne peut pas gagner en 2027.
06:13 Voilà l'explication qu'il fournit, je la trouve très intéressante.
06:15 Il dit, Patrick Buisson, je le cite, ouvrez les guillemets,
06:18 il y a désormais plus étanche pour faire barrage à Marine Le Pen que le Front républicain,
06:22 c'est le Front des Retraités.
06:24 17 millions d'électeurs, 45% des votants au second tour de la présidentielle,
06:28 ils sont les actionnaires actifs de la Maison France.
06:31 Or, chez ces gens-là, chez les retraités, le nom Le Pen convoque un imaginaire d'embrasement général,
06:36 de chaos économique et maintenant de guerre sociale, avec sa stratégie classe contre classe.
06:42 Voilà, le Front des Retraités, c'est le vrai barrage à Marine Le Pen.
06:47 - C'est une analyse extrêmement pertinente, ce que fait Patrick Buisson dans le point-là.
06:52 Parce que c'est vrai qu'il y a un Front des Retraités, d'ailleurs on l'a vu à Jean-François.
06:56 - Qui est l'électorat d'Emmanuel Macron, majoritairement.
06:58 - Qui est un peu l'électorat d'Emmanuel Macron aujourd'hui, on l'a bien vu.
07:00 - Enfin, il a dépillé l'électorat d'Emmanuel Macron.
07:02 - Avec les Gilets jaunes, ils ont choisi l'ordre, etc.
07:04 C'est pour ça que Macron a réussi à retrouver un second souffle après la crise des Gilets jaunes.
07:11 Mais ce que dit Patrick Buisson également, c'est qu'il dit en gros,
07:18 Marine Le Pen, pour toutes les raisons qu'on vient de dire, ne peut pas gagner.
07:22 Et donc il y a une voie royale pour la droite républicaine, enfin LR, à condition
07:29 qu'il y ait un peu une alliance avec Éric Zemmour, qui conserve son socle de 6 à 7%.
07:36 Mais il constate quand même que le problème c'est qu'il y a effectivement un espace,
07:42 mais que le problème c'est qu'il n'y a ni d'idées, ni de stratégie, ni de chef.
07:46 - Il dit en bongoliste que le problème c'est pas tant le parti que le candidat, Charlotte Dornelas.
07:51 - Oui bien sûr, et en même temps il n'y en a pas.
07:53 En même temps la question de l'homme providentiel a déserté évidemment la vie politique depuis des années.
07:58 Donc voilà, on est devant un champ politique, là pour le coup on a tous remarqué.
08:02 On ne sait pas par où en sortir, Emmanuel Macron avait à la fois théorisé la fin de ces parties,
08:09 on va dire de cette dualité entre les parties dites de gouvernement,
08:13 et en le professant il a clairement achevé cette dualité.
08:18 Mais résultat aujourd'hui, vous avez des partis qui sont extrêmement affaiblis,
08:21 qui continuent à croire qu'ils sont les seuls raisonnables, et d'autres qui en effet ne parviennent pas.
08:26 - Je voudrais qu'on creuse cette idée d'un front des retraités, fondamentalement hostile à Marine Le Pen.
08:31 Elle qui danse cette débat sur les retraites, se tient un petit peu à aiguille distance de tout le monde,
08:36 essaie de tenir une sorte de voix moyenne.
08:38 Mais c'est vrai que l'électorat de Marine Le Pen aujourd'hui sont plutôt les jeunes actifs,
08:42 elle aurait en fait intérêt plus que n'importe quel autre candidat à pousser la retraite à 64-65 ans,
08:48 en disant "mais les actifs si vous ne soutenez pas la réforme, vous allez vous faire plumer par les retraités".
08:53 Finalement c'est ça, si on tire la logique politique jusqu'à son terme, Charlotte Dornelas.
08:58 - Oui, elle a choisi de toute façon, Marine Le Pen, dans sa dernière campagne, on l'avait bien compris,
09:04 elle a choisi sur cette question très précise de la réforme des retraites,
09:07 de faire les économies ailleurs pour précisément ne pas repousser l'âge de la retraite.
09:10 Donc c'était très difficile d'arriver là maintenant et d'expliquer qu'elle avait complètement changé d'avis,
09:14 pour finir par se rallier à Emmanuel Macron, ça aurait été politiquement aussi très compliqué à expliquer et à vendre.
09:20 Et par ailleurs, il analyse aussi dans cette interview la question de la désertion absolue du temps long dans la réflexion politique,
09:27 c'est vrai aussi sur cette question des retraites.
09:30 - Ce que je voulais dire par là, c'est qu'il y a peut-être un piège pour Marine Le Pen, qui est le suivant,
09:34 c'est-à-dire que si elle dit ce qu'elle devrait dire pour satisfaire son électorat,
09:39 elle va se mettre à dos aussi une part conséquente d'une autre partie de l'électorat.
09:43 - Ce qui explique en partie... - Elle aussi est contrainte de fendre en même temps.
09:48 - Le fait qu'il existe ce que Patrick Busson appelle le "front des retraités", dans une assez jolie formule je dois dire,
09:55 c'est quand même la peur du chaos économique.
09:59 C'est ça, beaucoup qui souvent fait peur à toute une partie de gens installés.
10:07 - Donc elle est perçue comme une candidate du désordre.
10:10 - Du désordre économique en tout cas, et donc oui, du désordre tout court.
10:14 - C'est vrai, tout le monde s'imagine que le lendemain les banlieues vont s'enflammer,
10:16 moi j'aimerais bien qu'on m'explique où est l'ordre économique et l'ordre tout court dans la société aujourd'hui,
10:20 alors que nous n'avons pas Marine Le Pen.
10:22 - Mais c'est vrai que ce discours-là fonctionne bien sûr.
10:24 - Ça fonctionne toujours, et par ailleurs, elle a abandonné les questions identitaires.
10:30 Et je pense que pour cet électorat-là, ça compte aussi.
10:35 - Merci Carole Barjon de L'Obs, merci Charlotte Dornelas-Layoune de L'Obs cette semaine,
10:39 Carole, je vous prends un froid à l'assiette, elle s'en souvient plus, elle a pas réalisé.
10:43 - Si c'est Taïwan. - Oh, bien vu, très bien vu.
10:46 - La guerre qui vient. - Extrême gauche, extrême menace.
10:49 - Merci à toutes les deux.

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