Écoutez l'interview du ministre des Armées.
Regardez L'invité de RTL du 04 avril 2023 avec Amandine Bégot.
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00:02 RTL Matin
00:06 Il est 7h42, excellente journée à vous tous qui nous écoutez. Amandine Bégaud, vous recevez donc ce matin le ministre des armées Sébastien Cornu.
00:13 Sébastien Lecornu, je le disais, vous vous présentez ce matin au conseil des ministres le détail de la loi de programmation
00:18 militaire, le budget de l'armée pour les sept ans à venir 2024-2030, un budget qui est en nette hausse
00:24 113 milliards d'euros, pour donner une idée à nos auditeurs on était à 295 milliards d'euros sur la période précédente.
00:31 C'est quoi l'objectif ? Rattraper le retard pris au cours de ces dernières années, reconstituer les stocks ?
00:36 Je pense qu'il y a plusieurs objectifs pour retenir
00:38 quelques chiffres tout simples. Quand le président de la république a été élu en 2017, le budget
00:42 annuel des armées était de 32 milliards d'euros. En 2030, il sera par année de 69 milliards d'euros.
00:48 Donc ça donne la marge de progression et c'est évidemment
00:51 quelque chose d'historique, assez comparable au fond à ce que les gaullistes ont fait dans les années 60. Au fond, il y a plusieurs objectifs avec
00:57 cette enveloppe budgétaire inédite.
00:59 Un, c'est de continuer à réparer. Alors pourquoi réparer ? Ça veut donc dire que ça a été abîmé. Oui,
01:02 il y a eu un certain nombre de décisions, de baisses de budget dans le passé, qui ont affecté notre modèle d'armée. Alors ces décisions d'ailleurs
01:09 n'étaient pas forcément sans sens, parce qu'on a un modèle qui s'est aussi construit adossé à la guerre froide.
01:14 Dissolution du pacte de Varsovie au début des années 90. Plein de décisions d'ailleurs ont été prises assez logiquement.
01:20 Vous n'avez plus la guerre, pour être très clair. Et vous n'avez plus besoin de dissuader. Donc
01:24 disparition du service, suspension du service national,
01:27 disparition du plateau d'Albion, pour donner des exemples un peu grand public et un peu connus. Et puis d'ailleurs, un OTAN,
01:33 une Europe qui s'est évidemment tournée vers d'autres défis. Et c'est évidemment le 11 septembre
01:37 2002 avec les États-Unis et c'est la lutte contre le terrorisme. Et là, on est dans un moment qui est
01:40 tout à fait invraisemblable, d'ailleurs à certains égards, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, dans lequel on a une succession de menaces qui
01:46 s'additionnent entre elles. Le terrorisme n'a pas disparu, on en parle malheureusement trop peu. Il suffit de regarder l'actualité en Afrique pour voir qu'il galope
01:53 de nouveau. On le voit bien, la guerre en Ukraine est quelque chose qui réhabilite des enjeux de sécurité,
01:58 y compris en matière de dissuasion nucléaire, puisque Vladimir Poutine mène cette agression
02:03 sous voûte nucléaire. Des besoins évidemment de se défendre et de protéger et dissuader l'Europe. Et puis enfin, et c'est peut-être aussi ce qui explique ce
02:09 pourquoi j'en termine par là, ça coûte cher, parce qu'il y a des sceaux technologiques
02:13 importants et des espaces nouveaux qui se militarisent. L'espace, il y a 20 ans, n'était pas militarisé. Dans 20 ans, ça sera un espace complètement
02:20 militarisé. Pareil pour les fonds sous-marins et peut-être encore de manière plus évidente pour nos éditeurs, à la question du cyber.
02:25 On a bien vu récemment des attaques importantes sur nos hôpitaux, c'est un des exemples
02:29 parmi d'autres. Et ce sont autant de champs sur lesquels au fond il y a une question un peu historique, c'est
02:33 est-ce que la France saisit cette opportunité et qu'on reste parmi les quelques nations en capacité de se protéger
02:40 seul, de manière autonome, ou est-ce qu'au contraire on décroche et on se met dans la main d'autres capitales ? C'est un peu comme si
02:46 Légoly dans les années 60 avait dit "l'atome pour la dissuasion nucléaire, c'est pas pour la France". Et là, le choix que le président de la
02:51 République a fait, c'est de nous dire à la hauteur de nos moyens, par définition il faut faire attention à l'argent public,
02:55 comment rester dans le club des nations capables de se protéger. - Et on va reparler dans un instant des moyens et de la guerre en
03:00 Ukraine, mais vous évoquiez ces différentes menaces, il y a aussi la question de l'état de nos armées. On entend beaucoup de choses
03:09 depuis plusieurs mois, je vous cite juste un exemple, le sénateur LR
03:12 Christian Cambon, qui préside la commission sénatoriale des affaires étrangères et la défense, il assure qu'en cas de conflit de haute
03:17 intensité, la France n'aurait que quelques jours de munitions, deux semaines au mieux, dit-il. Ça c'est vrai ou c'est faux Sébastien Lecornu ?
03:23 - Quand Christian Cambon dit ça, il précise dans un format expéditionnaire. Ça veut dire quoi ? C'est dans un format dans lequel
03:28 il y aurait une guerre de haute intensité ailleurs que sur le territoire national
03:31 et que les armées françaises seraient engagées. Et là, il a raison, nous avons trop peu de stocks de munitions.
03:36 D'ailleurs, c'est pour ça que j'ai annoncé il y a quelques jours que j'ai demandé au président de la République qu'il a accepté à la
03:41 première ministre une somme d'1,5 milliard d'euros, un peu en urgence en quelque sorte, pour procéder
03:46 au re-complètement de nos stocks. Mais là aussi, je me suis souvent insurgé, je vais le refaire une nouvelle fois à votre micro ce matin,
03:53 c'est les essuies qui comparent la France à l'Ukraine. En clair, si nous arrivait la même chose qu'en Ukraine,
03:58 on pourrait tenir seulement 15 jours. Mais ça c'est une hérésie, c'est faire comme si
04:03 nous sommes une puissance dotée avec une dissuasion nucléaire qui... - Il ne peut pas nous arriver ce qu'il arrive à l'Ukraine.
04:08 - Pardon, mais nous sommes membres de l'OTAN, l'OTAN qui a fait couler beaucoup d'angles pendant la campagne présidentielle, dont on voit bien quand même que
04:13 cette alliance crée une sécurité collective.
04:15 Ça ne sera d'ailleurs pas consensuel au Parlement sur ce point, ça sera intéressant d'y revenir. - Et ça, ça vous inquiète ?
04:18 - Pardon aussi de cette annonce incroyable, mais nous sommes à l'ouest de l'Europe et pas à l'est. Donc par définition,
04:23 on voit mal nos voisins immédiats vouloir nous envahir. Parlons de rappeler ces vérités,
04:26 le sujet aussi du format des armées pour réparer, c'est aussi notre capacité à protéger des intérêts qui sont parfois loin de l'hexagone,
04:33 soit parce que ce sont nos outre-mer, et là il y a un rattrapage et une réparation importante à faire,
04:37 soit parce qu'en coalition on a besoin de nous protéger. - On parlait de ces chiffres, 413 milliards d'euros sont des sommes
04:42 colossales, vous le disiez, c'est du jamais vu. Quand certains français entendent ces chiffres, ils peuvent peut-être
04:48 s'étonner. On parle de restrictions budgétaires, de rigueur, vous leur répondez quoi ? On n'a pas le choix ?
04:54 - Je pense que déjà, le fait de s'étonner est sain, et que c'est après le boulot des ministres,
04:59 des politiques, de venir faire cela, comme d'ailleurs dans les années 60, les gaullistes ont expliqué aussi ce que ça coûterait.
05:05 Je pense qu'il y a plusieurs choses. On oppose un peu en ce moment, de manière assez étonnante, notre modèle social et notre modèle de sécurité.
05:11 - Mais on parle de 13 milliards d'euros pour les retraites et on a 413 milliards pour les armées.
05:14 Bien sûr, rien n'est comparable. - Je crois que la guerre en Ukraine rappelle quand même que la paix n'est jamais complètement acquis, même si une
05:20 fois de plus notre modèle de sécurité est très différent.
05:22 Et je ne vois pas bien comment on aurait un modèle social qui fonctionnerait, qui serait généreux et vertueux, dans un univers sécuritaire
05:27 complètement dégradé. Donc je pense qu'au bout d'un moment, il faut arrêter avec cette démagogie que certains
05:31 manipulent en quelque sorte. En plus, les chiffres ne sont pas là pour dire cela, parce que notre modèle social, globalement, c'est 30% de notre PIB,
05:38 notre Défense Nationale, c'est 1,9% du PIB. - L'objectif c'est d'arriver à 2%. Ceux qui disent "il faudrait 3, 4",
05:44 on n'a pas les moyens de ça ? - Mais de toute façon, ça sera toujours plus si on en va là, et je peux l'entendre.
05:48 L'enjeu, c'est que ce soit soutenable aussi pour les finances publiques. Vous savez, par le passé, il y a eu des lois de programmation militaire avec des chiffres
05:53 alléchants, et derrière,
05:55 l'exécution, comme on dit si bien, c'est-à-dire en clair, l'argent réellement voté par le Parlement pour les armées n'était pas au rendez-vous.
06:00 Ce que le président de l'Armée publique m'a demandé, c'est de faire une programmation qui soit soutenable et réaliste,
06:05 à l'euro près, comme Florence Parly l'avait fait d'ailleurs avant moi, entre 2017 et ce jour. - On parlait, Sébastien Lecornu, de l'Ukraine.
06:13 L'aide, justement, à l'Ukraine, on entend combien de chars promis sont arrivés sur place ? Ils y sont d'ailleurs ? - Les AMX ICRC sont arrivés,
06:20 sont même sur la ligne de front. - Les avions ? - Ce sont des chars sur roues, pour rappeler pour nos auditeurs. - Les chars Leclerc, il n'en est toujours pas question ?
06:25 - Non, parce qu'on en a trop peu, et que ça ne ferait pas levier à l'export, et que l'entretien de ces chars est
06:30 relativement complexe. - Pas de question non plus pour les avions ?
06:33 Emmanuel Macron avait dit il y a quelques semaines "Rien n'est exclu", c'est toujours le cas ? - Oui, rien n'est exclu, pas de tabou, mais au moment où
06:38 nous parlons, ça ne fait pas l'objet des discussions avec les Ukrainiens. Les Ukrainiens nous attendent sur deux segments, pour être très clair.
06:43 Le premier, c'est le segment terrestre, en clair, la capacité à les aider à mener les contre-offensives efficaces
06:48 dans les semaines qui viendront. L'artillerie, le canon César, est désormais connu, mais il n'y a pas que ça, il y a aussi les VAB, les AMX ICRC
06:54 dont je viens de vous parler. Et puis, bien sûr, la défense solaire, qui est un point important, parce qu'il est autant militaire que civil.
06:59 Protéger le champ de bataille, protéger les grandes agglomérations
07:02 civiles ukrainiennes, sur toutes les couches, petites couches, le tantidrome, jusqu'aux couches les plus importantes, le fameux "santé" que nous allons livrer avec nos amis
07:09 italiens. Ce sont les deux segments sur lesquels on a choisi de se spécialiser, avec le troisième qui est la formation. - Sur l'OT1, on en est où ?
07:15 Vraiment, on entend beaucoup de choses, c'est aussi, bien sûr, une guerre de communication de part et d'autre.
07:21 La situation est figée, le président
07:24 Zelensky parle de contre-offensive, mais elle semble pas arriver. Qu'est-ce qu'il attend ? Il attend justement
07:29 tous ces moyens qui ont été promis par les occidentaux. - Les commentaires sont toujours difficiles.
07:32 Je note que ceux qui s'y sont risqués trop rapidement, il y a plus d'un an, se sont globalement tous trompés.
07:36 Et donc, on voit bien que l'Ukraine donne une leçon à tout le monde.
07:39 Qu'est-ce que l'on voit dans cet hiver, dont le climat, je rappelle, est un des paramètres
07:42 importants aussi de l'analyse de la situation sur le terrain, c'est que, de fait, le front est relativement figé. Ça veut dire quoi ? C'est que les
07:48 Russes avancent, mais ils avancent de manière modérée, au prix de pertes humaines absolument invraisemblable. C'est-à-dire, en clair, pour avancer,
07:56 Vladimir Poutine et ses chefs d'état-major ont accepté une forte létalité sur le terrain.
08:01 Bakhmouth, par exemple, là où en plus la ministre paramilitaire Wagner est employée, on parle de plusieurs
08:06 centaines de morts par jour du côté russe. Les chiffres sont difficiles. - Bakhmouth, c'est aux mains des Russes aujourd'hui ?
08:12 - La situation est très difficile. - C'est compliqué, on ne sait pas bien quoi. - On sent que les Ukrainiens, je ne veux pas faire trop de commentaires
08:18 publics, vous le comprendrez, mais on sent que les Ukrainiens
08:22 tiennent et régulent justement la ligne à Bakhmouth, ce qui leur permet aussi de régénérer leur force en arrière. - Vous croyez toujours à une victoire de
08:28 l'Ukraine ? - Il le faut. - Ça sera long ?
08:30 Combien de temps ? - Ça peut durer, c'est pour ça que moi je prépare aussi notre...
08:34 - Des années donc ? - Ah ça je ne sais pas, mais une fois de plus, personne...
08:38 ayons l'humidité de considérer qu'on ne sait pas répondre à cette question. En tout cas, moi je prépare nos industriels de défense, je prépare
08:43 notre système, y compris sur le terrain budgétaire, en revient à la soutenabilité,
08:47 à tenir dans la durée, parce que c'est le nord de la France que d'être fiable.
08:50 - Sébastien Lecornu, je reviens à cette loi de programmation militaire, vous avez annoncé la construction d'un nouveau
08:54 porte-avions nucléaire, confirmé, celui qui succédera au Charles de Gaulle, là encore c'est une nécessité, on n'a pas le choix ?
09:01 - En tout cas oui, parce que nous faisons partie de ce club des nations très fermées qui peuvent en disposer, on le voit bien aujourd'hui,
09:07 les routes qui permettent de faire circuler les hydrocarbures à Hormuz, à Bab-el-Mandel,
09:12 à Suez, sont des routes qu'il va falloir sécuriser à l'avenir et le porte-avions va nous y aider. - Il va s'appeler comment ce porte-avions ?
09:18 Je sais que c'est Emmanuel Macron qui doit choisir, mais j'imagine que vous avez une petite idée, c'est pas rien de succéder au Charles de Gaulle quand même.
09:23 - J'ai des idées mais dont je n'ai même pas encore parlé au président de la République.
09:25 - Bon, et vous ne pouvez pas nous en donner au moins une ? - Non, je crois que... - Non mais il faut un nom...
09:28 un nom de quelqu'un, enfin un nom de personnalité de... - Il faut que ça corresponde à notre histoire je crois.
09:33 On n'est pas une armée comme les autres, on a des racines profondes et je pense que c'est bien de les célébrer aussi dans ce
09:38 genre d'exercice. - Deux petites questions encore, dans cette loi de programmation il y a le recrutement de nouveaux réservistes, ça c'est un objectif pour vous ?
09:44 - Pour moi c'est clé, c'est la vraie transformation aussi de notre modèle d'armée.
09:47 300 000 militaires à terme, dont 100 000 réservistes. Quand on va présenter les choses comme ça, ça sera différent.
09:52 Donc on va te donner des moyens financiers pour le faire. - Mais ça veut dire quoi ? Que vous dites aux auditeurs il faut...
09:57 - Oui prochainement j'aurai l'occasion de revenir devant la nation en disant qu'on a trouvé, enfin on a mis en place
10:02 des capacités de s'engager comme réservistes, d'ailleurs on va rehausser les limites d'âge, je vous l'annonce ce matin,
10:08 puisque désormais on pourra être réserviste dans les armées françaises jusqu'à l'âge de 70 ans et pour certaines fonctions spécialistes 72 ans.
10:13 - Jusqu'ici c'était ? - On a beaucoup de gens, justement il y avait 10 âges différents.
10:17 - C'était trop compliqué, on simplifie. - Et beaucoup de gens de qualité qui voulaient continuer leur parcours dans la réserve se retrouvaient
10:23 éjectés par la limite d'âge qui était un non-sens. - Toute dernière question, il n'y a pas de traces du SNU, le Service National Universel Obligatoire,
10:30 pourquoi c'est trop certs ou c'était pas le moment dans le contexte ?
10:32 - Non on a décidé de le sortir de la programmation. - C'est une promesse d'Emmanuel Macron.
10:36 - Mais il est toujours d'actualité et la secrétaire d'État en charge, Sarah Alléry, a reçu l'instruction de la première ministre
10:41 de continuer à étudier les voiles de la généralisation. - On ne peut pas faire n'importe quoi dans le contexte actuel, politiquement ?
10:46 - Non mais de toute façon c'est une question sensible, on parle à la jeunesse et donc on parle à la jeunesse si à l'avenir de la France.
10:53 Donc je pense que le SNU est un formidable projet mais qu'il faut effectivement bâtir avec beaucoup de solidité, c'est ce que fait la secrétaire d'État.
11:00 - Merci beaucoup.
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