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L'écrivain Frédéric Beigbeder publie "Confession d'un hétérosexuel légèrement dépassé" (Albin Michel). Il est l'invité de 9H10.

Retrouvez " L'invité de Sonia Devillers" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10

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Transcription
00:00 Retour de Frédéric Beigbeder dans la matinale de France Inter après sa chronique suicide
00:05 du 15 novembre 2018 et sa charmante satire parue dans la foulée chez Grasset qui faisait
00:10 passer tous les gens de cette radio pour de sacrés abrutis.
00:13 C'est faux.
00:14 Presque.
00:15 Frédéric Beigbeder prétend, je cite, être un connard sensible et comme il aime plus
00:23 que tout la provoque, il publie un livre de super connard, super sensible, confession
00:29 d'un hétérosexuel légèrement dépassé paré chez Albain Michel, histoire d'un
00:33 mec qui se dit victime au même titre que n'importe qui et qui en a marre de s'excuser
00:37 d'être un mâle, blanc, bourgeois et obsédé du cul.
00:41 Bonjour Beigbeder, bonjour Frédéric.
00:43 Bonjour Sonia, merci de cet accueil.
00:46 Ça commence fort.
00:47 Un homme qui entame ce livre par « Moi aussi je suis une victime ».
00:54 Oui, c'est le premier chapitre.
00:56 Oui, c'est le premier chapitre.
00:57 Qui va faire couler tellement d'encre qu'on va voir combien de personnes iront jusqu'au
01:03 deuxième, jusqu'au troisième, jusqu'au quatrième, voire jusqu'au cinquième.
01:07 Écoutez, je ne m'auto-censure pas quand j'écris, ni quand j'écris le roman sur
01:13 la radio, ni quand j'écris ce livre-là.
01:16 J'essaie d'être absolument libre.
01:18 Et donc là, je me suis dit, c'est rigolo, en ce moment j'ai l'impression que pour
01:24 être entendu, il faut être une victime.
01:26 On est dans une sorte de mode de la compétition victimaire.
01:31 Alors je voulais, moi aussi, faire partie de ce club et raconter comment ma maison a
01:36 été taguée, comment j'ai été battu par des prêtres à l'âge de sept ans,
01:41 comment j'ai été…
01:42 Tout ça est rigoureusement vrai.
01:44 Précisons-le parce que justement, il y a l'imagination littéraire, il y a tout
01:50 ce qu'on peut fictionner à partir du réel et vous êtes un champion de la fiction à
01:55 partir du réel et vous vous êtes inventé des doubles littéraires qui ont une vie maintenant
01:59 presque autonome.
02:00 Là, pour le coup, on parle pas du tout de fiction.
02:03 On parle de vos souvenirs.
02:04 C'est une confession au sens rousseauiste du terme.
02:08 J'aime beaucoup l'une des premières phrases des Confessions de Rousseau qui dit "je
02:12 veux montrer à mes semblables un homme dans la vérité de sa nature et cet homme, ce
02:17 sera moi".
02:18 Et donc c'est un contrat qu'on passe avec le lecteur de sincérité totale.
02:22 Oui, c'est aussi un geste religieux presque.
02:27 La confession au sens château du terme, c'est on s'agenouille, on raconte ses
02:31 péchés en espérant sauver son âme.
02:34 Je ne sais pas si j'y parviendrai.
02:35 Mais oui…
02:36 Et on raconte la défaite des vainqueurs.
02:39 Exactement, oui.
02:41 Voilà, vous avez commencé en disant que j'étais un mâle blanc hétéro-bourgeois.
02:44 Parce que vous, vous présentez à peu près à tous les chapitres comme un mâle blanc
02:49 hétéro-bourgeois écrivain catholique de droite, militariste et nostalgique de la colonisation.
02:54 C'est pas moi qui l'importe, je vous ai lu tout simplement.
02:56 Non, je n'ai rien dit de tout ça.
02:57 Je n'ai pas parlé de nostalgie de la colonisation, mais j'ai parlé de mes grands-parents et
03:02 arrière-grands-parents qui l'étaient peut-être.
03:04 Je dirais que ce qui est embêtant dans cette définition, c'est qu'elle est quatre
03:09 fois quelque chose que je n'ai pas choisi.
03:11 Je n'ai pas choisi d'être un homme, je n'ai pas choisi d'être blanc, je n'ai
03:14 pas choisi de désirer les femmes.
03:16 Je n'ai pas non plus décidé de naître dans les années 60 à une période de libération
03:20 sexuelle dont j'ai pu souffrir, comme beaucoup de gens de ma génération.
03:25 Donc c'est ennuyeux quand on est défini et même critiqué pour des choses sur lesquelles
03:30 on n'a pas eu de contrôle.
03:32 Je veux bien être critiqué sur mes livres, mes films, mes articles de journaux, pas sur
03:37 mon être.
03:38 En fait, ce que je me suis dit en vous lisant, Frédéric, c'est qu'individuellement,
03:44 ça tient très bien.
03:45 C'est même très convaincant.
03:47 Et il suffit de lire le livre de Camille Kouchner, par exemple, pour se rendre compte
03:51 qu'un jeune garçon blanc, bourgeois, dans un milieu suréduqué, surdiplômé, surprivilégié,
03:59 a pu vivre une atrocité qui s'appelle l'inceste.
04:03 Et ça s'est probablement passé dans beaucoup de familles.
04:06 La vraie question, c'est, puisque vous essayez de mener une réflexion collective,
04:10 c'est est-ce que collectivement, ça tient ? Et c'est là où on n'est pas très
04:15 sûr que ça tienne.
04:16 Mais on s'en fout, parce que je ne suis pas un intellectuel, pas un philosophe, ni
04:19 un sociologue.
04:20 Je suis simplement un écrivain.
04:22 Donc moi, je ne m'intéresse pas à la grande histoire, mais à la petite histoire subjective,
04:28 individuelle.
04:29 Mon destin, qui je suis ? Je suis né en 1965, dans une famille favorisée, socialement.
04:35 Mais en même temps, comme tout le monde, j'ai eu des traumatismes, j'ai eu des
04:39 difficultés, j'ai eu une souffrance intérieure.
04:43 Comme tout le monde, il y a 100% des gens qui sont des victimes.
04:46 Donc si vous voulez, on peut publier 70 millions de livres, avec chaque fois quelqu'un qui
04:52 aura un truc à raconter.
04:53 C'est là où je respecte évidemment la souffrance de tout le monde, mais je demande
04:58 juste qu'on me respecte autant que les autres, ni plus ni moins.
05:01 Vous l'écrivez, vous dites "c'est pour ça que je ne minimise jamais la souffrance
05:04 des femmes, parce que beaucoup d'hommes connaissent la même.
05:07 Très tôt, on nous a appris à serrer les dents, c'est tout".
05:10 Vous imaginez à quel point ça peut faire sauter au plafond ? Il suffit juste de prendre
05:15 des chiffres, Frédéric Bregbeder, des chiffres de violences conjugales, des chiffres d'agressions
05:21 sexuelles, abus ou viols, même des chiffres des crimes pédophiles, que naïvement, avant
05:31 de vous lire, parce que j'ai voulu vérifier, j'imaginais que les petits garçons, les
05:34 petites filles étaient victimes de la même manière face à des criminels pédophiles.
05:38 En réalité, non, c'est 77% de petites filles.
05:41 Ce que j'ignorais, je l'ai appris en vérifiant ça.
05:44 Donc en fait, est-ce que tout le monde a vécu la même chose ? Est-ce que tout le monde
05:49 a dû apprendre à se taire de la même manière ? Pas tout à fait sûr.
05:52 - Mais est-ce qu'on est là pour faire des concours de douleurs ?
05:56 - Ce ne sont pas des concours de douleurs.
05:58 - Non, mais encore une fois, moi mon livre, c'est simplement un individu, un homme qui
06:03 tente de, comme le dit Rousseau, de se décrire, de se dire dans la vérité de sa nature.
06:09 - En précisant au passage, tout le monde est victime.
06:12 - Oui, tout le monde est victime, peut-être pas au même degré.
06:16 Et je suis le premier à donner les chiffres des violences sexuelles et sexistes, en disant
06:22 à quel point je suis horrifié par elles.
06:24 Évidemment, je suis le père de deux filles.
06:27 Évidemment que je suis le premier.
06:29 D'ailleurs, je précise que tous les hommes sont d'accord avec moi.
06:34 Tous les hommes, je veux dire, à part quelques psychopathes, sont féministes.
06:38 Nous sommes tous pour l'égalité homme-femme, nous sommes tous contre les violences, nous
06:42 sommes tous pour que les hommes violents, les criminels soient enfermés.
06:46 - Mais il se trouve que notre société est ainsi faite, que pendant des siècles, voire
06:51 pendant en tout cas les dernières décennies, qu'on peut documenter de manière très précise
06:56 puisqu'il y a des femmes qui parlent aujourd'hui et qui ne pouvaient pas le faire avant, si
06:59 tous les hommes sont féministes, tous les hommes sont d'accord, il y a beaucoup de femmes
07:04 qui n'ont pas pu parler, il y a beaucoup d'enfants qui n'ont pas pu parler de ce qu'ils ont vécu,
07:08 il y a beaucoup de femmes qui n'ont simplement pas pu le dire.
07:10 Quand t'as pensé qu'elles puissent être écoutées par la police et même que les criminels
07:15 puissent aller en prison quand on voit les chiffres de condamnation pour viol aux assises,
07:19 ils ont encore baissé Frédéric Beigbeder.
07:21 - Mais vous ne me parlez que de choses que je ne dis pas dans mon livre.
07:25 - Je ne sais pas ce que vous imaginez, vous imaginez un autre bouquin que je n'ai pas
07:29 écrit et vous voudriez qu'on en parle ?
07:31 - Non.
07:32 - Moi je raconte ma génération.
07:35 Ma génération, elle a grandi avec souvent des parents divorcés, il n'y avait pas de
07:41 père à la maison.
07:42 - Ah oui !
07:43 - Voilà.
07:44 - Il n'y avait pas de père à la maison, dites-vous Frédéric Beigbeder, et vous dites,
07:49 justement on me fait bien rire avec cette histoire du patriarcat.
07:52 - Je dis chez moi, oui, moi j'ai été élevé par une mère seule qui travaillait pour nourrir
07:56 ses deux fils, donc si vous voulez, quand on me parle de renverser le patriarcat, j'aurais
08:01 bien aimé voir du patriarcat chez moi, il n'y en avait pas.
08:04 Donc je parle encore une fois d'un seul homme.
08:06 - Mais le patriarcat c'est pas ça, on le sait bien, et moi on le sait bien, que le
08:09 patriarcat c'est pas le fait d'avoir les hommes à la maison.
08:11 - Je dis juste…
08:14 - C'est le pouvoir donné aux hommes, aux pères et aux hommes, conféré aux pères
08:19 et aux hommes à tous les étages d'une société.
08:21 Donc ceux dont on a été témoin, vous et moi, non ?
08:24 - Oui, bien sûr, oui, mais moi à ce moment-là je suis d'accord, je suis pour l'égalité
08:28 homme-femme, encore une fois, mais je trouve que aussi, peut-être que moi j'ai quand
08:31 même le droit aussi d'avoir voix au chapitre et qu'on puisse écouter de quoi je parle
08:35 dans ce livre.
08:36 - Bah oui, complètement.
08:37 - Donc, encore je recommence, la première génération de français, sans guerre, c'est
08:44 la mienne.
08:45 Je suis né 20 ans après la deuxième guerre mondiale, dans une période de libération
08:49 absolue dans tous les domaines, y compris sexuel, divorce des parents, une société
08:55 très égoïste ensuite, dans les années 70-80.
08:59 - Que vous avez beaucoup…
09:01 - Que j'ai beaucoup critiqué, que j'ai essayé d'analyser.
09:03 - Critiqué, que vous avez beaucoup caricaturé, brocardé, dont j'ai beaucoup de satire.
09:08 - Ensuite j'ai écrit quoi ? J'ai écrit un livre qui critique la consommation, la
09:12 surconsommation, la destruction de l'environnement par le capitalisme.
09:16 J'ai fait un autre livre qui dénonce les violences sexistes dans le milieu du mannequinat.
09:20 J'ai fait un livre qui parle des oligarques russes qui se font rabattre des filles mineures
09:26 pour les violer.
09:27 Donc tout ça je l'ai fait dans les années 2000, c'est-à-dire 15 ans avant MeToo.
09:32 Pourquoi est-ce que je n'ai pas une médaille de combattant anti-sexiste ? Je devrais être
09:37 au Panthéon le jour, le lendemain de ma mort, je devrais être au Panthéon, comme Annie
09:41 Ernaud.
09:42 - Annie Ernaud, à qui vous réservez plusieurs pages.
09:46 Elle vous agace prodigieusement, vous dites qu'elle vous ressemble, que vous êtes aussi
09:50 exhibitionniste l'un que l'autre.
09:52 - C'est moi que je déteste en elle, probablement.
09:55 Non, en fait, il y a des très beaux livres d'Annie Ernaud, pas tous, il y en a que j'aime
10:00 moins.
10:01 Et puis surtout, je trouve que c'est dommage quand on reçoit le prix Nobel de déclarer
10:06 qu'on veut venger son sexe, venger sa race.
10:09 Ça me paraît pas très pacifique comme discours.
10:13 Moi, je crois qu'il faut faire la paix.
10:16 Je suis plus d'accord avec Virginie Despentes qui, dans "Chers connards", montre qu'elle
10:20 veut vraiment une réconciliation entre les sexes et pas une guerre entre les sexes.
10:24 - Est-ce que je peux lire quelques phrases que vous avez écrites sur Annie Ernaud ?
10:28 "Annie Ernaud a réussi à fabriquer une œuvre à la fois creuse et plate.
10:32 Les physiciens s'interrogent encore sur la possibilité d'un tel artefact.
10:36 Normalement, quand c'est creux, ça ne peut pas être plat.
10:38 Et quand c'est plat, ça ne peut pas être creux.
10:40 Annie Ernaud est une exception unique dans l'histoire de la trigonométrie."
10:44 - Je ne sais pas si c'est très bon en termes mathématiques.
10:47 - C'est drôle.
10:48 - Après, on a la liberté de critiquer d'un point de vue littéraire tous les auteurs,
10:55 surtout quand ils sont unanimement encensés.
10:58 - Unanimement encensés et méchamment déglingués par tout un camp conservateur.
11:05 En fait, c'est ça qui m'étonne dans ce livre, Frédéric Bérubélé, il y a des pages hilarantes,
11:10 il y a des pages brillantes et il y a aussi tout un tas de portes enfoncées avec bonheur.
11:17 J'enfonce les portes du conservatisme et d'un camp même qui flirte avec la réaction,
11:22 avec un petit côté réactionnaire, avec bonheur en disant "C'est des clichés, eh bien j'y
11:26 vais droit de votre".
11:27 - Je crois que malheureusement c'est une question d'âge.
11:31 J'étais d'extrême gauche à 20 ans et puis là, en vieillissant, je m'aperçois que je
11:36 veux sauver certaines choses qui ont l'air très conservatrices et qui sont en réalité
11:40 peut-être tout simplement des repères pour moi.
11:44 Vous savez, quand on parle de l'homme déconstruit, je m'aperçois que moi j'ai été déconstruit
11:49 peut-être trop tôt.
11:50 Encore une fois, les structures familiales ont explosé.
11:55 J'ai été éduqué dans une religion catholique et puis ensuite je m'en suis éloigné.
11:59 J'ai fait mon service militaire et puis j'ai détesté ça.
12:02 Puis là, dans ce livre, j'explore ces zones-là, je m'aperçois qu'en fait la famille, je m'y
12:08 sens plutôt bien, que quand je fais une retraite dans un monastère augustinien, je sens une
12:15 chaleur.
12:16 Même chose quand je fais un stage dans un régiment de marsoins.
12:20 Donc c'est bizarre, je suis presque embarrassé de faire mon outing, de cocher toutes les
12:26 cases.
12:27 Pas de réac, mais ce sont des structures qui sont ancestrales et dont ma génération
12:33 a été privée.
12:34 Vous savez, les...
12:35 - Alors, on va les visiter les unes après les autres, on va les visiter ensemble.
12:38 Mais une fois n'est pas coutume.
12:39 Vous écoutez France Inter.
12:41 C'est l'heure du disque.
12:42 D'accord ? Comme mon invité est aussi DJ, je vais vous laisser le choix.
12:47 Je ne l'ai jamais fait pour aucun invité.
12:48 - Oh, merci Sonia.
12:49 Ce sera du Gainsbourg, ça c'est moi qui ai décidé.
12:51 Ce sera du Gainsbourg.
12:52 - Qui est un poète critiqué de nos jours.
12:55 - Ah oui.
12:56 - Incorrect.
12:57 - On se demande bien pourquoi je l'ai choisi.
12:58 Alors, plutôt C.
12:59 Sexson ou plutôt le claqueur de doigts ? Le claqueur de doigts c'est Jude Box.
13:05 - Le deuxième bien sûr.
13:07 - Et pas C.
13:08 Sexson ?
13:09 - Non, parce que je trouve musicalement moins créatif.
13:12 C'est pas la bonne période.
13:13 - Ah ok.
13:14 - Je suis claqueur de doigts devant le Jukebox.
13:35 Jukebox, Jukebox.
13:37 Je claque des doigts devant le Jukebox.
13:41 Jukebox, Jukebox.
13:44 Je suis claqueur de doigts devant le Jukebox.
13:48 Jukebox, Jukebox.
13:51 Je claque des doigts devant le Jukebox.
13:55 Quand il ne se balade pas sur toi, je ne sais que faire de mes dix doigts.
14:02 Je ne sais que faire de mes dix doigts.
14:05 Alors je les claque, claque, claque, claque devant le Jukebox.
14:11 Jukebox, Jukebox.
14:13 Je suis claqueur de doigts devant le Jukebox.
14:16 Jukebox, Jukebox.
14:19 Je claque des doigts devant le Jukebox.
14:23 Jukebox, Jukebox.
14:26 Je suis claqueur de doigts devant le Jukebox.
14:30 Jukebox, Jukebox.
14:33 Je claque des doigts devant le Jukebox.
14:37 Jukebox, Jukebox.
14:40 Je suis claqueur de doigts devant le Jukebox.
14:44 Jukebox, Jukebox.
14:47 Je claque des doigts devant le Jukebox.
14:51 J'ai encore pour la machine, de la mitraille dans mes blue jeans.
14:58 De la mitraille dans mes blue jeans.
15:01 Faut que je la claque, claque, claque, claque devant le Jukebox.
15:06 Jukebox, Jukebox.
15:08 Je suis claqueur de doigts devant le Jukebox.
15:12 Jukebox, Jukebox.
15:15 Je claque des doigts devant le Jukebox.
15:19 Jukebox, Jukebox.
15:22 Je suis claqueur de doigts devant le Jukebox.
15:26 Jukebox, Jukebox.
15:29 Je claque des doigts devant le Jukebox.
15:33 Jukebox, Jukebox.
15:36 Je suis claqueur de doigts devant le Jukebox.
15:40 Jukebox, Jukebox.
15:43 Je claque des doigts devant le Jukebox.
15:47 Oh Sylvie, regarde-moi.
15:50 Qui est ce type qui te fait du plat ?
15:54 Qui est ce type qui te fait du plat ?
15:57 J'en ai ma claque, claque, claque, claque de ce gars.
16:01 Jukebox, Jukebox.
16:04 Si jamais il s'approche du Jukebox.
16:08 Jukebox, Jukebox.
16:11 Je suis claqueur de doigts devant le Jukebox.
16:16 Serge Gainsbourg, choisi par Bec BD himself, le seul invité qui ait eu ce privilège.
16:22 C'est bien connu.
16:23 Plus on casse les pieds et plus on est gâté.
16:27 France Inter, le 7 9 30, l'interview de Sonia De Villers.
16:31 Et pourquoi il est là Frédéric Bec BD ?
16:33 Il est là pour confession d'un hétérosexuel légèrement dépassé qui paraît chez Albin Michel.
16:39 Qui paraît mercredi chez Albin Michel, puisque nous ne sommes que lundi.
16:45 Avec une photo de lui sur la couverture où il a l'air de s'interroger et on l'a plongé dans l'eau.
16:50 Oui.
16:51 On l'a plongé dans l'eau, ça n'est pas un symbole anodin.
16:53 Je suis tout habillé sur la plage de Zénith.
16:57 Je ne pensais pas du tout à la plage.
17:00 Je pensais au baptême et à la purification.
17:04 Oui, c'est vrai. Bonne idée.
17:07 On ne baptise plus les gens comme ça en France, mais c'est assez beau comme concept.
17:14 J'ai été baptisé, je me suis éloigné de Jésus et puis aujourd'hui je me rapproche de lui de plus en plus.
17:21 Voilà, il me fait du bien, je le trouve cool comme mec.
17:25 Quelques jours à l'Abbaye de la Grâce qui vous font du bien.
17:30 Parce que ce livre, c'est aussi l'histoire de l'arrêt de la cocaïne.
17:35 Oui.
17:36 Dont vous avez parlé, ça a même fait la couv' de l'Obs.
17:38 Une sorte de grande confession déjà.
17:40 Histoire de l'arrêt de la cocaïne où vous dites avec une humilité qui ne vous ressemble pas.
17:46 Qu'on ne peut jamais crier victoire et que vous ne pouvez pas vous présenter à nous ni à quiconque
17:53 comme un ancien cocaïnomane repenti.
17:55 Que vous pourriez être à la place de Pierre Palmade.
17:58 Oui, on n'en guérit jamais.
18:00 Même si ce qui est arrivé à Palmade est plus à mon avis lié à d'autres drogues nouvelles comme la 3-MMC.
18:08 Dont je parle aussi, mais que je n'ai jamais essayé.
18:11 Mais en tout cas, il ne faut jamais croire à un ancien toxicomane qui dit qu'il est guéri.
18:19 Parce qu'on n'est jamais guéri.
18:21 Et que chaque fois qu'on sort de cure de réhab ou de cure de désintox, on tombe toujours sur un bon saint-maritain.
18:28 Un membre de la secte qui vous remet le nez dedans.
18:30 Exactement. Et qui vous tend un produit.
18:33 Oui, c'est comme une confrérie de gens qui se font du mal en groupe.
18:41 C'est quelque chose que j'essaie de décrire.
18:45 Et puis j'essaie aussi de faire que cette mauvaise habitude devienne un exemple.
18:53 J'espère que ce texte là, il fait 20 pages.
18:56 Le texte de Lopes a été augmenté. J'ai voulu un peu m'attarder sur la question.
19:03 Parce que je crois qu'à une époque, j'ai eu des personnages de mes romans qui ont pu donner de mauvaises idées.
19:10 Donc voilà, j'essaie de me faire pardonner. Encore une fois, c'est une confession au sens chrétien.
19:15 D'avoir héroïsé la cocaïne.
19:17 Oui, comme d'autres avant moi.
19:18 Et puisqu'on en est à confesser les péchés, vous avez fait partie de ces bons saints-maritains qui remettent le nez dedans à ceux qui essayent de décrocher ?
19:24 Non, je ne crois pas. Mais en revanche, sur le plan romanesque, je n'ai pas été avec le dos de la cuillère, si je puis dire.
19:30 Non, ça c'est...
19:31 Donc j'essaie de le faire aussi d'une manière humoristique.
19:36 Mais c'est vrai que c'est un sujet très grave et je ne pouvais pas l'éviter.
19:40 Parce qu'encore une fois, je suis de la première génération de Français qui n'ont pas connu la guerre.
19:46 Et nous, nous avions sans doute, les hommes, nous avions un besoin de violence, un besoin de danger.
19:51 Il existe toujours cette pulsion de goût du risque.
19:55 Alors pour Sylvain Tesson, ça va être de faire de l'escalade, pour d'autres, ça a été la drogue.
20:00 Et je pense que la drogue, comme dit J. McKinerney, ça a été notre guerre.
20:04 Ça a été vraiment comme une manière de s'autodétruire.
20:07 Et il y a en l'homme, je ne sais pas si c'est aussi présent chez la femme, une attirance pour l'autodestruction.
20:16 Pendant des centaines et des centaines d'années, c'était le baptême du feu.
20:22 On appelait ça comme ça. Les hommes devaient aller à la guerre, devenir des soldats et risquer leur vie.
20:26 Dieu merci, ce n'est plus le cas, mais on a trouvé d'autres manières de faire cette guerre.
20:32 Une guerre qui vous ramène dans un régiment, qui vous ramène quelques jours dans un régiment.
20:42 Parce qu'on ne va pas se mentir, quand vous arrivez à l'Abbaye de la Grâce, la coca a recommencé.
20:47 Quand vous arrivez au régiment, vous sortez du festival de Cannes.
20:50 Donc comme vous le dites, de toute façon, il faut des méga structures pour organiser un méga chaos.
20:55 En tout cas pour le contenir, ou en tout cas pour essayer de le structurer au sens propre du terme.
21:02 Et vous retrouvez au régiment des choses de votre jeunesse, du service militaire, qui vous ont donné de la force toute votre vie.
21:10 Oui, c'est vrai. C'est quelque chose que je ne voulais pas admettre.
21:14 Parce que justement, je ne voulais pas être un réac.
21:18 Et donc je refusais de regarder ce que m'avait apporté la discipline et le service militaire.
21:25 Et aujourd'hui, c'est vrai qu'à chaque fois que j'ai un effort à faire, que ce soit physique ou un travail à faire,
21:30 je pense souvent à des marches de 18 kilomètres qu'on faisait en hiver dans la forêt de Fontainebleau, quand j'avais 20 ans.
21:37 Et encore une fois, là, quand le lieutenant-colonel me dit de sauter dans l'eau glacée de 5 mètres, j'y vais tout de suite.
21:47 J'y vais en criant "Vive la France". C'est n'importe quoi. C'est n'importe quoi.
21:52 Vous êtes un réac ?
21:54 Non, je ne crois pas. Parce que réac, ça veut dire qu'on veut revenir à un monde précédent.
21:59 Et moi, je n'aimais pas le monde précédent. J'ai juste peur du monde d'après.
22:04 Et j'aimerais bien qu'il y ait un monde pendant, qu'il y ait un monde présent, maintenant, aujourd'hui,
22:10 qui soit un monde organisé de manière plus solidaire.
22:14 J'ai l'impression que chaque fois que je suis allé à l'armée, j'ai vu des gens fraternels et solidaires.
22:19 Et le reste du temps, une société d'individus disparate et esselé.
22:26 Ça aussi, c'est au cœur du catholicisme et vous faites votre retour au catholicisme.
22:31 Là aussi, vous avez peur de passer pour un réac ?
22:34 Là aussi, vous dites, quand il y a des écrivaines françaises qui reviennent à leur identité juive, tout le monde trouve ça touchant.
22:40 Quand moi, je reviens à mon identité catholique, on va me vomir dessus en disant que je suis un réac ?
22:45 Oui, je trouve que c'est pas juste. Je fais mon caliméro, je suis un peu le Édouard Louis de droite.
22:51 Je trouve que c'est pas juste parce que, moi, mon éducation catholique, si j'y retourne aujourd'hui,
22:59 ça n'est pas obscène, ça n'est pas scandaleux, c'est dans la démarche logique.
23:04 C'est vous qui n'êtes pas juste. Il y a plein de grands écrivains français qui ont un succès dingue
23:09 et qui tartinent sur leur foi, qui tartinent sur leur valeur catholique, sur leur éducation catholique
23:14 et qui ne sont jamais roulés dans la boue.
23:16 Regardez Sylvain Tesson, il est acclamé partout où il passe et sur France Inter, on lui déroule des tapis rouges.
23:21 Regardez Christian Bobin, il a des textes très beaux sur la foi catholique.
23:25 Regardez François Ciot, le héros du moment. Regardez Emmanuel Carrère.
23:30 - Bon, alors tant mieux. C'est bien si je suis reçu sur France Inter.
23:37 Après cinq ans d'absence, je suis très heureux. Il fallait passer par un monastère pour arriver chez vous.
23:42 - C'est ça. C'est-à-dire que dans ce livre, vous dites "J'ai l'impression d'être un intellectuel chinois en 1969", c'est ça ?
23:50 - Oui, 66. - 66, voilà.
23:53 - Et donc de risquer la prison. Chaque fois que je dis qui je suis et ce que je pense,
23:59 ce qui me paraît totalement effarant d'écrire ça.
24:02 - Oui. Cela dit, il y a quand même des gens qui sont venus la nuit dans ma maison
24:08 pendant qu'on dormait avec les enfants à l'étage et qui ont recouvert toute la maison d'injures à la peinture fluorescente,
24:14 ainsi que la voiture, la terrasse et tout ça.
24:18 Plusieurs fois, on m'a demandé de m'excuser, de faire mon mea culpa pour des choses qui me paraissaient bons.
24:27 Il y a dans l'air quelque chose de bizarre avec les écrivains qui ont une liberté de parole.
24:33 On leur demande souvent de mettre un bonnet d'âne, un peu comme c'était le cas dans certains pays à certaines époques.
24:42 Et ça ne finit jamais bien. Quand on veut censurer la liberté d'expression,
24:47 parfois pour de bonnes raisons, ça finit souvent par de la violence physique.
24:54 Donc il faut voir ça comme un signe, une alerte et s'en prémunir, c'est tout.
25:02 - Après, vous, vous avez fait souvent votre mea culpa en réalité, dans votre carrière.
25:07 - Justement ça, c'est le truc très catho qui est en moi, de demander pardon pour mes péchés,
25:13 en espérant l'absolution qu'on obtient provisoirement.
25:17 - C'est ça. Alors il y a un péché qui vous travaille au corps, la luxure.
25:23 Ça, de ce côté-là, l'addiction, ça ne va pas beaucoup mieux.
25:27 - Non mais c'est un... - Là, ça ne va pas beaucoup mieux.
25:29 - Les médecins disent que le sexe, c'est très bon pour la santé, contrairement à la cocaïne.
25:34 Je conseille de remplacer la drogue par le sexe.
25:37 - C'est ça, vous aurez une prostate magnifique jusqu'à très très tard, on peut vous le souhaiter.
25:41 Vous intitulez quand même ce chapitre "Le désir est frayant".
25:44 - Oui. - Et vous y trouvez un remède, et là je me dis non mais non.
25:49 - Qu'est-ce que j'ai dit encore ? - Le mariage !
25:53 - Ah bah le mariage, oui. - Le mariage !
25:55 - Bon c'est un peu humoristique. - Oui c'est de la provoque.
25:58 Le mariage ou le porno ? Le mariage.
26:01 - On a dit que la définition d'un homme déconstruit, c'est un mari.
26:08 C'est pour ça que quand Sandrine Rousseau dit "j'ai un compagnon qui est un homme déconstruit, je vis avec un homme déconstruit",
26:13 il est déconstruit déjà du fait de vivre avec une femme.
26:17 Le fait de vivre avec une femme, d'être mariée ou d'être maquée, c'est déjà la déconstruction...
26:22 - Du désir masculin, bestial, primaire, obsessionnel et originel qui est
26:29 "je vois une femme, j'ai envie de lui sauter dessus d'emblée".
26:31 - Et qui ne rend pas heureux, qui ne rend personne heureux.
26:35 Depuis toujours, toute l'humanité a voulu contrôler ce désir, et je crois à juste titre, parce qu'il est effrayant.
26:42 - Que le mariage est une bonne manière de contrôler ce désir.
26:45 - C'est une des façons. Il y a la religion, il y a eu beaucoup de philosophies aussi
26:50 qui tentent de canaliser cet effroyable réflexe.
26:55 - Alors je comprends vraiment que vous ayez peur du monde de demain.
26:58 - Bah oui, parce qu'en même temps...
27:00 - Mais quand même, vous n'êtes pas loin d'avoir envie de revenir au monde d'hier.
27:04 - Non, je dis juste que je reconnais que les hommes ont un désir effrayant.
27:11 Et en même temps, je dis aussi qu'il est beau.
27:14 Je trouve qu'il y a une beauté dans le fait que les hommes, hétéros, aient envie des femmes, rêvent d'elles,
27:21 et leur écrivent des romans, des poèmes, leur offrent des fleurs.
27:25 Et je trouve que ce serait bien si on pouvait maintenir une certaine existence de ce désir entre les deux sexes.
27:32 Vous ne croyez pas ?
27:34 - Merci Frédéric. Si, si, j'y crois.
27:36 Merci Frédéric Beigbeder.
27:38 - Merci Sonia Devilleur.
27:39 - "Confession d'un hétérosexuel légèrement dépassé" parait chez Albin Michel.
27:44 Vous avez menacé, comment dire, de vous éclipser, de disparaître, cette semaine, parce que c'est la semaine de la sortie.
27:52 Vous allez le faire ?
27:53 - Oui, non, je ne serai pas en France.
27:55 - Voilà, sans blague.
27:56 - Je m'en vais, au revoir.
27:57 - Au revoir.

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