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Chaque jour, Bruno Donnet regarde la télévision, écoute la radio et scrute les journaux ainsi que les réseaux sociaux pour livrer ses téléscopages. Ce jeudi, il s'intéresse à la communication du gouvernement et d'Emmanuel Macron concernant les violences en marge des manifestations.

Retrouvez "Télescopages, Bruno Donnet décrypte l'actualité vue par les médias" sur : http://www.europe1.fr/emissions/telescopages

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Transcription
00:00 c'est l'heure des télescopages de Bruno Donnet. Bonjour Bruno. Bonjour Philippe.
00:03 Tous les jours Bruno, vous questionnez ici la fabrique médiatique et ce matin
00:06 vous avez choisi de vous arrêter sur l'utilisation qui est faite ces jours-ci
00:09 des images de violences policières dans les manifestations.
00:13 Oui, tous les soirs en marge des rassemblements et des feux de poubelles qui mettent les forces de l'ordre sur les dents,
00:17 de courtes séquences vidéo capturées par les smartphones des manifestants inondent les réseaux sociaux.
00:23 "Allez, met toi debout, laisse-toi ! Met toi debout !"
00:25 "Allez, relève-toi, putain !"
00:26 "C'est de la merde !"
00:27 Sur celle-ci, un policier frappe un homme qui gît au sol et le traite de sac à merde
00:31 et sur celle-là, un fonctionnaire tire avec un LBD, c'est un lanceur de balles de défense,
00:36 sur un protestataire en lui disant ceci.
00:38 "Putain, ramasse tes couilles, enculé !"
00:41 "Ramasse tes couilles."
00:42 Alors ces images-là, Philippe, si les médias traditionnels ne les ont pas enregistrées par eux-mêmes,
00:47 ils les diffusent néanmoins à grande longueur d'antenne.
00:50 Avant-hier par exemple, France 2 avait choisi de consacrer un long reportage dans son journal de 20h
00:55 à ces séquences problématiques.
00:57 "Ici, un policier frappe un homme au visage.
01:00 Là, des forces de l'ordre qui matraquent des personnes massées devant la terrasse d'un restaurant
01:06 et qui n'ont aucun geste menaçant."
01:08 Devant le nombre colossal de ces vidéos de brutalité et face à l'indignation qu'elles suscitent,
01:13 avant-hier toujours, le préfet de police de Paris, Laurent Nunez, s'est même rendu sur le plateau de BFM TV
01:18 pour reconnaître que oui, des débordements avaient été commis.
01:21 "Très honnêtement, quand on voit cette séquence, oui, le geste paraît inadapté."
01:25 Et pour dire, dans une formule très intéressante, qu'il était extrêmement attentif à ces débordements.
01:29 "Tout ce que nous voyons, toutes les vidéos, on les analyse évidemment.
01:32 Moi, c'est mon devoir de veiller à la déontologie des policiers."
01:34 Voilà, alors la formule intéressante, c'est celle-ci, déontologie policière.
01:38 Car juste après le préfet de police, c'est le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin,
01:42 qui, face aux caméras, a employé exactement la même.
01:46 "Évidemment, si les policiers ont commis des actes contraires à la déontologie,
01:49 ils seront sanctionnés comme je le fais depuis que je suis ministre de l'Intérieur."
01:51 Bref, vous l'avez compris avant-hier, l'exécutif reconnaissait donc que des dérapages
01:57 avaient effectivement pu se produire et tenait à nous faire savoir qu'il ne les tolérerait pas.
02:02 Et pourtant, depuis hier, Bruno, vous avez perçu un changement dans la communication du gouvernement.
02:06 Oui, un glissement tout à fait spectaculaire, Philippe, qui s'est produit à 13h,
02:10 en pleine interview présidentielle.
02:12 Car figurez-vous qu'Emmanuel Macron, lui aussi, a rebondi sur ces images.
02:15 Seulement voilà, il a choisi de les utiliser un peu, comme l'aurait fait un judoka.
02:19 C'est-à-dire en essayant d'utiliser la force de ses adversaires pour les retourner contre eux.
02:25 "On ne peut accepter ni les factions, ni les factions."
02:29 Car les images qui circulent sur les réseaux sociaux montrent aussi des incendies volontaires,
02:33 des dégradations ou des manifestants qui provoquent les forces de l'ordre et qui les insultent.
02:37 Alors, le président de la République a choisi de parier sur celle-ci.
02:41 Et il a opté pour un nouvel élément de langage.
02:44 "Quand des groupes utilisent l'extrême violence..."
02:47 Il a condamné l'extrême violence et comparé ceux qui manifestent nuitamment
02:51 aux émeutiers, partisans de Donald Trump ou J.R. Bolsonaro.
02:54 "Quand les États-Unis d'Amérique ont vécu ce qu'ils ont vécu au Capitole,
02:57 quand le Brésil a vécu ce qu'il a vécu,
02:59 quand vous avez eu l'extrême violence en Allemagne, aux Pays-Bas,
03:02 on parfois parle de passé chez nous."
03:04 Alors c'est habile, car ça permet à Emmanuel Macron de désigner un adversaire,
03:07 les factieux, bien plus facile à disqualifier
03:10 que s'il s'en prenait à l'immense majorité des Français qui sont hostiles à sa réforme.
03:15 Et puis, ça lui permet aussi de s'afficher en garant de l'ordre,
03:19 de l'ordre républicain, c'est-à-dire de se placer du côté de la démocratie politique
03:23 au moment où les syndicats et l'opposition l'accusent
03:26 de passer par-dessus la démocratie sociale.
03:29 "Quand ils utilisent la violence sans règles absolues,
03:34 parce qu'ils ne sont pas contents de quelque chose, alors là, ça n'est plus la République."
03:38 Il n'en demeure pas moins, Philippe, que mettre en scène la menace
03:41 que les manifestants feraient peser sur la République
03:44 est un pari politique audacieux, car si le pouvoir joue image contre image,
03:48 il est aujourd'hui sur un fil tendu, en position très incertaine,
03:52 car personne ne peut dire de quel côté l'opinion finira par basculer.
03:56 Le judo est un art au moins aussi martial que périlleux.
04:00 Merci beaucoup, Bruno Donnet, notre ceinture noire. À demain !

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