La mode est souvent critiquée pour sa tendance à sexualiser le corps des femmes, en mettant l'accent sur des coupes et des styles qui dissimulent les formes plutôt que de les mettre en valeur.
Avec @ptitesmeufs, Lola utilise l'upcycling comme forme d'expression et d'engagement pour les droits des femmes et contre l'exploitation des êtres humains dans le monde de la mode.
Merci à @lolazcrl pour son énergie et sa générosité lors de cette interview
Avec @ptitesmeufs, Lola utilise l'upcycling comme forme d'expression et d'engagement pour les droits des femmes et contre l'exploitation des êtres humains dans le monde de la mode.
Merci à @lolazcrl pour son énergie et sa générosité lors de cette interview
Category
🦄
Art et designTranscription
00:00 On m'appelle pour faire un shooting Calvin Klein.
00:01 Je vais pas mettre que des hommes avec des muscles énormes
00:04 qui se regardent et qui se mettent de l'huile sur le corps, ça m'intéresse pas.
00:06 Quand je travaille avec des hommes,
00:07 je vais un peu essayer de déconstruire leur masculinité, par exemple.
00:10 C'est déjà ce qui m'intéresse, en fait.
00:11 Je pense que ma démarche de désexualiser les femmes,
00:14 maintenant, elle entre dans plein de choses.
00:16 Je m'appelle Lola, j'ai 23 ans,
00:17 je suis née à Abrives-la-Gaillard, une toute petite ville en Corrèze,
00:21 où j'ai grandi jusqu'à mes 18 ans.
00:22 Ma mère est une femme qui a beaucoup de goût, elle aime beaucoup les couleurs.
00:25 Elle s'habille beaucoup comme ça aujourd'hui,
00:27 et c'est elle qui m'habillait quand j'étais petite, et c'est au collège
00:29 que j'ai pris la décision de moi-même choisir mes vêtements.
00:32 Et c'est vraiment au collège où j'ai compris un petit peu le fonctionnement des tendances,
00:35 ce que j'aimais, ce que j'aimais pas.
00:37 J'achetais beaucoup en fast fashion,
00:38 donc les vêtements qui sont faits de très mauvaise qualité et qui coûtent peu cher.
00:42 Je pouvais en avoir beaucoup, et c'était les tendances.
00:44 Et un jour, ma mère m'a emmenée chez Emmaüs,
00:46 et là, quand elle m'a emmenée là-bas, je me suis rendue compte qu'il y avait plein de vêtements,
00:50 que c'était de la seconde main, qu'on pouvait les réutiliser,
00:52 et que c'était pas cher, donc je me suis dit que je vais en acheter plein,
00:56 et je vais voir après, moi, ce que je peux faire avec ces vêtements-là.
00:58 Et c'était la tendance des jeans Levis vintage à l'époque,
01:01 donc mes premiers jeans Levis, je les ai trouvés là-bas.
01:04 J'ai commencé à en faire des shorts.
01:06 Mes copines, elles aimaient bien, donc je leur vendais les shorts que je faisais
01:09 avec des pantalons trouvés chez Emmaüs.
01:11 Au début, c'était que des jeans.
01:12 La matière, elle était plus simple pour même faire des jeans troués, les couper.
01:16 Et après, plus tard, j'ai essayé de faire plus sur des costumes,
01:19 sur des pantalons de tailleur, etc.
01:22 Les premiers pas que j'ai faits en couture, j'ai toujours cousu à la main,
01:25 donc c'est plus facile.
01:26 Le jean, ça va moins se voir si c'est mal fait, etc.
01:29 Après, il y a eu des T-shirts où je coupais des T-shirts pour les faire en crop top, etc.
01:32 Ça n'a jamais été parfait, même.
01:34 J'aime pas la perfection, forcément.
01:36 C'est cool de commencer comme ça.
01:38 Ma mère, comme je disais, elle aime bien s'habiller,
01:40 mais mon père, il n'en voit pas l'utilité.
01:42 Il pense que bien s'habiller, c'est vouloir prouver quelque chose au monde.
01:45 Donc j'ai toujours grandi en mode, si tu veux t'habiller,
01:48 c'est parce que t'as envie de te montrer aux autres.
01:50 Donc au début, la mode, j'y pensais pas
01:52 parce que j'avais pas forcément ce besoin de me montrer,
01:55 même si au lycée, on essaye tous de se créer une identité.
01:58 Moi, j'ai créé mon identité aussi à travers les vêtements.
02:01 J'ai commencé à acheter en seconde main pour être un petit peu différente,
02:05 me démarquer des autres personnes du lycée
02:08 qui s'habillaient tous en fast fashion, etc.
02:10 Donc j'ai commencé comme ça, mais finalement,
02:13 moi, c'est pas ça que j'avais envie de faire.
02:14 Au début, j'avais plus envie d'exprimer mes idées et d'écrire,
02:18 donc je faisais pas mal de journalisme
02:21 au début dans le journal de mon lycée.
02:23 Et ensuite, je suis partie trois ans à Bordeaux
02:25 pour faire une fac d'information et de communication
02:28 dans l'espoir de devenir journaliste,
02:30 parce que je regardais le petit journal à la télé tous les soirs
02:32 et j'ai vu qu'Yann Barthez avait fait cette licence,
02:34 donc je me suis dit "let's go".
02:36 Vu que je venais d'une toute petite ville,
02:38 j'ai pas eu... Et je sortais très peu le soir, etc.,
02:40 parce que j'avais pas de voiture,
02:42 je rentrais, je dormais chez mes parents, qui étaient en campagne.
02:45 J'ai jamais vécu, avant mes 18 ans,
02:47 de harcèlement de rue fait par les hommes, en fait,
02:49 et quand je suis arrivée pour vivre seule à Bordeaux,
02:52 c'est là où, en fait, moi, j'ai commencé...
02:54 Je vivais seule, donc je me suis dit "je fais ce que je veux,
02:56 je suis plus libre de m'habiller comme je veux,
02:59 de me comporter comme je veux, etc."
03:01 Et directement, en baladant dans la rue,
03:03 j'ai... Dieu merci, j'ai eu de la chance,
03:05 je me suis jamais fait harceler sexuellement, etc.,
03:08 mais j'ai eu des remarques dans la rue, etc.
03:10 Et j'ai vu que si t'es une femme et que t'as une jupe,
03:13 et si t'es un homme et que t'as un short, tu vas pas être traitée pareil,
03:16 tu vas toujours être sexualisée, en fait, c'est ça, le terme.
03:18 J'ai mis longtemps à comprendre, je me suis dit "mais qu'est-ce qui fait
03:20 qu'il y a une différence dans le traitement entre moi et les hommes ?"
03:23 C'est juste parce que moi, j'ai un corps de femme,
03:25 et ça pose problème dans la société, et c'est là où je me suis dit "c'est pas normal".
03:28 J'ai commencé un petit peu à en apprendre plus sur le sujet,
03:31 à comprendre, en fait, même en grandissant, dans ma famille,
03:35 il y avait certaines personnes qui allaient juger plus une femme par rapport à un homme,
03:39 et j'ai compris que c'était lié au corps, en fait.
03:41 Et toutes les remarques où je pensais que c'était quelque chose de normal,
03:44 le système patriarcal dans lequel j'ai grandi en venant d'une petite ville, etc.,
03:49 j'ai compris que c'était pas normal, mais je l'ai compris tard, à 18 ans,
03:52 et là, ça m'a appris, et là, je me suis dit "il faut que je me révolte,
03:54 il faut que je m'exprime",
03:55 et au début, j'ai voulu m'exprimer avec le journalisme.
03:58 Dans mes écrits, je parlais tout le temps du rapport au corps,
04:00 que pour moi, parce que c'est celle que je vivais,
04:03 je vivais pas encore les inégalités salariales, etc.,
04:05 les seules inégalités que je vivais,
04:07 c'était la différence de traitement du corps des hommes et des femmes,
04:11 et vu que mes écrits se ressemblaient tout le temps,
04:12 je trouvais ça pas assez puissant.
04:14 En plus, j'étais republiée dans le journal de l'université,
04:16 il y avait pas vraiment de visibilité.
04:19 J'ai réfléchi un petit peu qu'est-ce que j'aimais,
04:21 j'aimais beaucoup m'habiller de plus en plus en seconde main,
04:23 créer mon propre style,
04:24 et je me suis dit "mais en fait, les vêtements,
04:26 c'est un message publicitaire énorme,
04:29 et un message pour communiquer des choses aussi,
04:32 parce que tous les jours, on s'habille,
04:33 tous les jours, il y a des milliers de personnes qui nous croisent dans la rue,
04:36 les gens se regardent, les gens regardent comment sont habillés les autres,
04:39 c'est une bonne façon de passer des messages,
04:42 déjà parce que c'est une autre forme d'art,
04:44 et moi, j'aime l'art qui se rebelle, l'art qui dénonce des choses,
04:48 donc je me suis dit "je vais écrire mes pensées sur des vêtements
04:50 en passant par le dessin et en passant par les messages".