La collection de disques d'un artiste correspond-t-elle forcément à la musique qu'il ou elle joue ?
Evidemment pas. La preuve avec cette virée de Juliette Armanet chez le disquaire où celle à qui on a trop rapidement collé l'étiquette "héritière de Véronique Sanson" démontre qu'on peut être fan de Pink Floyd, Hendrix, Katerine ou encore Kate Bush et, malgré tout, jouer du piano debout.
Evidemment pas. La preuve avec cette virée de Juliette Armanet chez le disquaire où celle à qui on a trop rapidement collé l'étiquette "héritière de Véronique Sanson" démontre qu'on peut être fan de Pink Floyd, Hendrix, Katerine ou encore Kate Bush et, malgré tout, jouer du piano debout.
Category
🎵
MusiqueTranscription
00:00 J'ai grandi avec Jimi Hendrix, j'ai écouté ça le dimanche avec mon père.
00:05 Ce bandeau rouge, là, alors je sais plus, il y avait la légende.
00:08 Je me souviens, au collège, on disait "ouais, attends,
00:10 il paraît qu'il cachait du LSD sous son bandeau,
00:12 que ça allait directement dans sa peau, dans sa tête".
00:15 C'est les 70's, c'est la folie.
00:17 C'est comme le monde a changé aussi, grâce à des mecs comme Jimi Hendrix.
00:21 Salut, je vais terminer, je vais vous parler des disques qui m'ont façonnée.
00:33 Le début, c'est forcément avec les Floyds, The Wall.
00:49 Déjà, la pochette est ouf, trop belle.
00:52 Et puis, je sais pas, j'ai l'impression que moi,
00:55 c'est une des premières fois de ma vie où j'ai découvert que la musique
00:59 pouvait être à ce point-là un paysage, un espace, un lieu.
01:03 Un truc aussi ample, aussi sauvage, aussi mélodique.
01:17 Je sais pas, j'ai dû découvrir ça à l'adolescence.
01:21 Je me souviens que je voulais à cette époque-là faire du théâtre
01:25 et j'allais au conservatoire, enfin, je voulais passer le conservatoire.
01:29 Et j'écoutais The Great Gig in the Sky, mais en boucle,
01:34 comme si ça allait me donner une espèce de force mystique
01:38 pour aller passer les concours de théâtre, que je n'ai jamais eus d'ailleurs.
01:43 C'est à la fois de la musique bruitiste, c'est à la fois de la musique,
01:46 il y a un sens mélodique hallucinant.
01:48 Et puis, je sais pas, on sent qu'il y a une telle liberté.
01:51 C'est surtout ça, on s'enroule un souffle de liberté, de folie.
01:56 J'ai pris Kate Bush pour un million de raisons,
02:09 parce que c'est une artiste complètement totale.
02:13 C'est elle qui a commencé à inventer la notion du sample.
02:16 Donc déjà, c'est une productrice de musique.
02:18 Au-delà d'être une musicienne, une chanteuse, une artiste totale,
02:21 il y a les légendes qui racontent que Kate Bush,
02:24 c'est la première qui a enregistré,
02:26 demandé à quelqu'un de taper sur un bout de verre.
02:30 C'est assez révolutionnaire, quoi.
02:32 Ce qu'elle a recherché en matière musicale, c'est complètement dingue.
02:36 Et il y a une chanson qui s'appelle "A Dream of Sheep"
02:39 que j'ai découvert il y a 4-5 ans.
02:41 C'était au tout début, quand j'ai commencé à composer mon deuxième album.
02:45 Et parfois, il y a des vrais après-midi,
02:48 quand on compose un disque, on s'ennuie, on ne trouve rien.
02:52 Et j'ai découvert ce morceau et ça m'a donné un coup de fouet de folie.
02:58 "A Dream of Sheep", je ne connaissais pas du tout.
03:01 Tout est sublime, l'orchestration,
03:03 le son du piano, le placement de la voix.
03:07 Waouh, c'est complètement intemporel.
03:10 "My face is on the top"
03:13 "My face is on the top"
03:17 Elle a inventé le micro.
03:19 Le micro qu'on accroche comme ça
03:21 et qui devient juste une sorte de petit micro qui est collé à la bouche
03:24 pour avoir les mains lises, pour pouvoir danser,
03:27 pour pouvoir faire les chorégraphies en même temps
03:29 et incarner complètement physiquement sa musique.
03:31 Elle a inventé plein de trucs
03:33 qui sont devenus des gros piliers de la pop mondiale.
03:37 C'est pas rien, quand même.
03:39 "Touch me, hold me"
03:43 "Hold my hand and I'll sing"
03:47 C'est vraiment une pionnière de ce qu'ont été les pop stars femmes.
03:52 Et on lui doit beaucoup, toutes les musiciennes qu'on est,
03:56 on lui doit beaucoup à Kéglouch.
03:58 "On a tous dans le cœur une petite fille oubliée"
04:01 "Au-dessus de lui c'est que de cheval"
04:03 Je vais prendre Laurent Vouzy
04:05 parce que j'ai l'impression que c'est un peu la bébo de ma life.
04:09 J'ai écouté ça en boucle.
04:11 Je connais tout par cœur, chaque parole, chaque respiration.
04:15 C'est un très, très grand disque.
04:17 Bizarre que Laurent Vouzy ait pas du tout sa place
04:21 au rang des piliers comme ça.
04:24 Enfin, il l'a, mais plus du côté variété que du côté pionnier,
04:28 alors que pour moi, c'est un peu le Sébastien Tellier des années 80.
04:31 Avec ce truc très féminin, cet humour, cette science du son,
04:36 parce que c'est un architecte du son, un vrai taré de musique californienne.
04:42 Qu'est-ce que c'est que le riff de guitare ?
04:44 C'est tel son, c'est pas un autre.
04:46 C'est une musique assez savante, hyper pointue.
04:49 Cette voix comme ça...
04:51 C'est drôle et en même temps, c'est pudique
05:05 et en même temps, c'est complètement désabusé
05:08 et en même temps, c'est totalement premier degré.
05:10 Donc, je trouve que c'est un très, très grand musicien.
05:13 Il n'y a rien de plus dur que de faire une bonne chanson de variété.
05:15 Je trouve que c'est...
05:16 Il y a Adam dans La Femme d'à côté qui dit ça,
05:18 les chansons d'amour, elles disent quoi ?
05:21 Elles disent "Ne me quitte pas", "Je t'aimerai toujours"
05:24 et elles parlent de nos vies à tous.
05:25 Autre français, autre maître dans un autre genre.
05:30 Mais je pense à Christophe.
05:32 Je crois que cette image m'a tellement inspirée.
05:37 J'ai carrément l'émotion qui vient quand je la regarde,
05:40 parce que c'est un rêve, cette pochette.
05:44 Et puis, celle-là aussi, c'est un rêve, "Paradis perdu".
05:49 Tout est là, tout lui est là.
05:53 Mais j'avais envie qu'on parle de "Paradis retrouvé".
05:56 C'est un disque très bizarre
05:58 parce qu'il fait pas mal de yaourts anglais.
06:01 Et je me demande même s'il y a plein de moments
06:03 où il dit littéralement n'importe quoi.
06:05 "Baby's a babe", "Night welcome".
06:08 J'adore cette chanson, complètement extraordinaire.
06:10 "Night welcome".
06:12 Et je sais pas, il y a une espèce de liberté dans ce disque.
06:24 On a presque l'impression d'être dans le studio de Christophe
06:28 et de le voir en train d'écrire une chanson dans le laboratoire.
06:32 Il est un peu en roue libre.
06:33 Et je trouve ça assez beau
06:37 parce que c'est presque un disque d'expérimentation en train de se faire.
06:41 Et c'est presque un de mes préférés.
06:43 Et je sais pas, quand j'écoute cet album,
06:44 j'ai l'impression d'être chez Christophe, dans son appartement la nuit,
06:48 en train de manger les petites olives,
06:49 parce qu'il aimait bien manger les petites olives,
06:51 et moi aussi j'adore ça, les petites olives.
06:52 C'est mon dieu.
06:53 C'est mon dieu parce que j'ai l'impression que son parcours,
06:57 ça a été de faire un parcours anti-variété,
07:00 justement au sens du divertissement.
07:03 Il a complètement jamais été un vieux chanteur
07:07 et toujours été un vieux chanteur.
07:09 Il y a une perpétuelle expérimentation,
07:11 une perpétuelle posture de jeune homme.
07:13 Quand il s'est mis à faire du vocodeur, l'autotune,
07:16 tout le monde a fait "Christophe fait de l'autotune, c'est un cauchemar" et tout.
07:19 Alors que ouais, c'était génial.
07:21 Et presque, c'est un des meilleurs de chansons françaises
07:23 qui ait réussi à le faire.
07:25 C'est le seul, pratiquement.
07:26 Définitivement,
07:28 je suis vivant.
07:34 Philippe Catherine, c'est, je crois, un des plus grands musiciens français
07:41 pour un million de raisons,
07:43 parce que je pense que c'est aussi un très grand philosophe.
07:45 "Confessions", "Tout me plaît", cette immense pochette sublime.
07:49 Et ce titre, "La Saint-Augustin",
07:53 qui remet au bout du jour la question de qu'est-ce que c'est l'autobiographie.
07:56 C'est quelqu'un que personne n'aime pas.
07:58 Alors, ça peut être très problématique, les gens comme ça,
08:01 où on se dit "on ne peut pas ne pas l'aimer".
08:04 Mais je ne sais pas, il arrive à parler de l'existence,
08:08 mais autant du pipi, du caca, de l'enfance, de la vieillesse,
08:12 de la condition humaine dans tous ses états,
08:14 à la fois la philosophie de qu'est-ce que c'est qu'une vie,
08:18 qu'est-ce que c'est qu'une mort, et du corps.
08:19 Il a un truc de vrai philosophe qui parle autant du corps physique que de l'âme.
08:26 Et il arrive à parler de lui sans parler de lui,
08:29 ce qui est un tour de force totalement génial,
08:32 et à être extrêmement fédérateur,
08:34 alors qu'il casse complètement les codes de ce que c'est qu'une chanson de variété.
08:39 Il peut faire du rap en parlant de Francis Poulenc,
08:43 il peut faire rêver une vieille mémé en lui disant qu'elle va mourir.
08:49 Il a l'humour qui est une sorte de politesse du désespoir, finalement.
08:54 Imagine un monde où les animaux nous mangeraient,
08:59 ils feraient des ragoûts de nous, des soupes de nous, des burgers de nous.
09:06 Et je trouve qu'il n'a jamais fait de confession, mais de concession,
09:10 parce qu'il est toujours resté insolent, d'une insolence folle,
09:16 mais sans jamais renoncer à son visage punk,
09:24 et sans jamais se conformer non plus à ce qu'on attendait de lui.
09:27 Donc c'est un vrai tour de force.
09:28 Et puis il plaît vraiment aux enfants aussi, c'est très drôle.
09:32 J'ai fait beaucoup de premières parties de Philippe Catherine,
09:35 et le public est incompréhensible.
09:37 On ne comprend pas du tout, parce que c'est vraiment tout le monde.
09:39 Il n'y a pas du tout de... Rien n'est fectaire.
09:42 Il y a une espèce d'échantillon génial, général de l'humanité.
09:48 C'est bon signe quand même.
09:49 On est fait de toutes nos idoles.
09:51 Il y a un petit puzzle, où tu as un bout de Laurent Gouzy,
09:57 tu as un bout de Pink Floyd, tu as un bout de Jimi Hendrix.
09:59 Tu es fait de ce grand repas, de tout ce que tu as mangé,
10:04 de tout ce dont ton corps a rêvé,
10:06 de tous les paysages où les chansons t'ont emmené, on est fait de ça.
10:12 Et même parfois, on est fait de trucs qu'on déteste.
10:14 C'est aussi ça.
10:16 Par exemple, là, je n'ai pas sorti de disques qu'on déteste ou qu'on croit.
10:19 J'aurais pu te dire, il y a peut-être un peu de Chantal Goyer en moi,
10:22 il y a peut-être un truc que je n'ose pas dire,
10:24 mais je suis peut-être aussi faite de plein de trucs que je n'ose pas m'avouer.
10:29 Sous-titrage ST' 501
10:31 ...