Le 3 avril 2020, la vie de Johana a basculé. Parti travailler comme à son habitude à la lingerie industrielle qui l'emploie, son mari Alexandre, 36 ans, décède d'un accident du travail, enfermé dans un sèche-linge. Maman de deux enfants, elle se retrouve seule face à son deuil, aux questions restées sans réponse et aux démarches à entreprendre. Cette tragédie, Johana n'est pas la seule à l'avoir vécue. Caroline Dilly, Delphine, Aurélie, Margot et tant d'autres ont aussi perdu un proche, compagnon, mari, enfant... décédé sur leur lieu de travail. Car chaque jour, plus de deux personnes décèdent dans ces circonstances. Les familles de ces "morts invisibles", réunies au sein du collectif "Familles : stop à la mort au travail" ont organisé samedi 4 mars une marche blanche à Paris. Pour rendre hommage à leurs proches disparus et interpeller le gouvernement.
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00:00 La raison de notre présence principalement, c'est de rendre nos morts au travail invisible,
00:05 le plus visible possible pour aujourd'hui au moins, et que ça perdure en fait.
00:09 On a besoin de remettre des visages sur tous ces chiffres d'accidents du travail qu'on
00:14 nous annonce.
00:15 Deux morts par jour, c'est juste plus possible.
00:16 Il y a au moins huit accidents sur dix mortels qui pourraient être évités s'il y avait
00:20 un peu plus de prévention et un peu plus de répression.
00:23 J'ai perdu mon fils aîné, Benjamin, il avait 23 ans.
00:27 Il a fait une chute de nacelle de 15 mètres le 28 février 2022, il y a tout juste un
00:31 an.
00:32 J'en suis là aujourd'hui parce qu'on n'a aucune information sur nos enquêtes ni sur
00:38 l'accident lui-même.
00:39 Je suis un an plus tard, je ne sais toujours pas à quelle heure l'accident est arrivé.
00:42 On a un appel un soir, on nous dit que notre enfant est décédé et tout s'arrête là.
00:46 Et notre vie n'est plus jamais la même.
00:48 On a perdu notre fils Ludovic au travail, de 19 ans, apprenti barman.
00:55 Il a été dans la nuit percuté par un mot de charge au niveau de la tête.
01:00 Tout s'est détruit autour de nous, on est détruit et du coup ce collectif va nous rendre
01:06 plus visibles.
01:07 En fait, il y a tellement de choses à faire, tellement de choses à changer pour ne pas
01:12 qu'on soit… parce qu'on est seul.
01:13 On attend le résultat de l'enquête du travail pour déterminer la responsabilité ou non.
01:20 C'est en cours, c'est long, c'est très très très difficile.
01:23 Il faut que les accidents du travail, les morts au travail soient reconnus, que les
01:29 peines soient plus importantes parce que c'est ridicule, qu'il y ait plus de sécurité,
01:36 plus de contrôle dans les entreprises.
01:38 Voilà, beaucoup beaucoup de choses.
01:42 Moi j'ai perdu Alexandre le 3 avril 2020 d'un accident de travail.
01:48 Il s'est retrouvé enfermé dans un sèche-linge, dans une laverie industrielle.
01:52 Il est parti travailler le matin et il n'est jamais revenu parce qu'il est mort sur le
01:55 coup a priori.
01:56 Du moins c'est ce que j'en sais, parce que je ne sais rien.
01:58 Et en fait la raison de l'avenue aujourd'hui, donc avec tout le collectif Stop à la mort
02:02 au travail, c'est cette absence d'information qu'on peut avoir.
02:06 On n'est soutenu par personne, ni par l'État, ni par les entreprises dans lesquelles les
02:11 accidents ont pu avoir lieu.
02:12 On est seul, oui, parce que l'entreprise, bon oui, mais condoléances, voilà, c'est
02:17 tout.
02:18 Après l'échange s'en tient à un échange purement administratif.
02:20 Voilà les papiers, le solde tout compte, ça s'en tient à ça.
02:25 Au niveau de l'État, si on ne passe pas les coups de fil, si on ne s'inquiète pas, on
02:29 n'a aucune information.
02:30 À aucun moment on a un numéro à appeler dans ce cadre-là, où on nous dit, bon ben
02:36 voilà, maintenant vous avez ça à faire, ça à faire.
02:38 Non, il faut chercher.
02:39 Donc il faut se renseigner.
02:41 Et quand vous venez de perdre votre mari, que vous retrouvez comme moi, avec une petite
02:44 fille de 4 mois et un garçon de 4 ans, et bien moralité, vous êtes perdus.
02:48 Il s'est électrocuté sur son lieu de travail.
02:53 Il est le 2 novembre 2021.
02:56 Il est décédé après 18 jours de coma à La Rochelle.
03:00 Il était pisciniste.
03:01 Donc aucune raison de s'électrocuter normalement.
03:04 On a rejoint le collectif parce que le message c'est déjà rendre hommage en premier lieu.
03:08 Il y a toutes les personnes qui sont mortes au travail et en second lieu, surtout que
03:11 ça n'arrive plus.
03:12 Malheureusement il y a des familles qui rejoignent tous les jours, qui vivent la même tragédie
03:16 et qu'on est souvent démunis, on est choqués.
03:18 Je ne sais pas si vous avez prêté attention, mais c'est beaucoup de jeunes, d'hommes
03:24 jeunes.
03:25 Et forcément c'est choquant, il n'y a personne.
03:27 Non, il n'y a personne.
03:28 Aujourd'hui, le message que vous voulez envoyer aux gens qui vont regarder cette vidéo, chacun
03:33 va au travail tous les jours.
03:35 Est-ce qu'on a conscience ?
03:37 Exercez votre droit de retrait.
03:38 On sait très bien que les employeurs, ils ont la force, ils ont le pouvoir.
03:42 Parce que le travail, malheureusement, on ne le trouve pas en traversant la route.
03:46 Donc forcément, ils ont du pouvoir.
03:48 Mais exercez votre droit de retrait.
03:50 Si à un moment donné vous sentez le danger, arrêtez.
03:53 Parce que quand on va au travail le matin, on a le droit de pouvoir revenir vivant.
03:59 On va maintenant faire le plus bel hommage qu'on puisse leur faire et les applaudir
04:06 le plus fort que vous pouvez.
04:07 Merci.
04:10 [BIP]
04:12 Merci.