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L'Invité du 13h (13h - 28 Février 2023 - Jean-Michel Wilmotte)

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00:00 France Inter, le 13-14, Bruno Duvide.
00:07 Les grands marqueurs de notre époque sont autant de questions posées aux architectes.
00:11 Le changement climatique et l'évolution des bâtiments, des villes, qui l'appellent.
00:15 Les nouveaux modes de vie, télétravail et autres conséquences du Covid.
00:19 Quel changement pour nos intérieurs ? La place des transports ?
00:22 Comment faire évoluer les quartiers d'affaires qui commencent à se dépeupler ?
00:25 L'impératif de sobriété en eau, en énergie, en argent à l'heure de l'inflation galopante.
00:31 L'époque, c'est aussi la perspective des Jeux Olympiques à Paris
00:34 et le très vaste aménagement urbain qui va avec.
00:37 Alors aujourd'hui, nous avions envie, sur tous ces sujets,
00:39 d'entendre la parole d'un de nos grands architectes qui s'intéresse à tous les domaines.
00:43 Le bâtiment, bien sûr, mais aussi le design, l'architecture d'intérieur, l'art, l'urbanisme.
00:48 À quoi peut, à quoi doit ressembler la ville de demain ?
00:52 Parmi les dizaines de projets sur lesquels travaille un grand cabinet d'architectes,
00:55 lesquels répondent à ces nouveaux impératifs.
00:57 Bonjour Jean-Michel Villemotte.
00:58 - Oui bonjour.
00:59 - Merci de venir en studio avec nous à France Inter.
01:02 Partons du bâtiment que vous avez construit dans la perspective des JO entre autres,
01:05 le Grand Palais Éphémère sur le Champ de Mars à Paris
01:08 qui abrite en ce moment une partie des expositions du Grand Palais,
01:11 le temps des travaux de l'autre côté de la scène
01:13 et qui accueillera des épreuves des Jeux Olympiques.
01:15 Bâtiment de bois, de béton et de verre.
01:19 On a là des matériaux et un mélange de matériaux d'époque, si j'ose dire.
01:24 - Oui, tout à fait.
01:25 En réalité, le béton dont vous parlez, ce sont simplement des socles qui sont dans le terrain,
01:33 qui reçoivent la structure du Grand Palais Éphémère qui est en épicéa.
01:39 En réalité, c'est une espèce de très grande charpente, un squelette si vous voulez, en épicéa,
01:45 qui fait 145 mètres de long, 140 de large, avec des travées de 30 mètres et 45 mètres
01:52 et qui le tout fait 10 000 mètres carrés.
01:54 C'est-à-dire qu'il fallait trouver un bâtiment provisoire, temporaire,
01:58 pour abriter les événements qui normalement avaient lieu dans le Grand Palais.
02:01 C'est pour ça qu'on l'appelle le Grand Palais Éphémère.
02:03 - Quelle vertu le bois a-t-il, tenant compte du contexte que j'ai rappelé en introduction ?
02:08 - D'abord, le bois a une incidence carbone extraordinaire, c'est-à-dire que de par sa mise en œuvre,
02:18 de par son recyclage, de par son utilisation, sa rapidité d'intervention.
02:22 Là, il faut vous dire, on a construit un bâtiment de 10 000 mètres carrés en 7 mois et demi,
02:26 ce qui est extraordinaire si vous voulez.
02:28 Et on arrive à avoir aussi un confort thermique et acoustique,
02:32 grâce aussi à tous les éléments qu'on a rajoutés à ce bâtiment,
02:35 pour en faire un lieu très très confortable.
02:38 On y a vu des expositions invraisemblables,
02:40 et les Paris Photo, Paris Art Paris, etc. sont des expositions qui ont beaucoup de succès,
02:50 parce qu'il y a une sorte d'écrin qu'on a pu réaliser avec cette structure bois.
02:57 C'est très accueillant, face à la tour Eiffel, sur le champ de Mars,
03:02 entre la tour Eiffel et l'école militaire.
03:04 - Et il n'y a pas quelque chose de frustrant pour un architecte à bâtir un bâtiment éphémère ?
03:09 - Bien sûr, il y a quelque chose de frustrant.
03:10 Puis il y a aussi le fait de se dire, peut-être qu'il ne sera pas éphémère aussi longtemps qu'on ne le pense,
03:15 si vous voulez, je ne sais pas, je suis un grand optimiste.
03:19 Si c'est frustrant, mais quand vous pensez que ce bâtiment pourra peut-être être partiellement reconstruit ailleurs,
03:25 qu'il aura une deuxième vie, ça devient très intéressant.
03:28 Et puis franchement, la chance de pouvoir avoir un bâtiment à cet emplacement extraordinaire, c'est formidable.
03:36 Sachant qu'ici, c'était l'emplacement où il y avait les grandes expositions.
03:39 Malé Stevens avait fait le pavillon électricité.
03:42 Beaucoup de l'exposition 1930-1900 avaient lieu sur le champ de Mars.
03:47 En réalité, c'était un socle qui recevait les expositions, si vous voulez, les grandes expositions.
03:52 - Bâtiment modulable, vous le disiez, puisqu'après les expositions, il accueillera les épreuves de judo et de lutte pour les Jeux Olympiques.
03:59 La faculté d'un bâtiment à évoluer dans ses usages, ça aussi, toujours dans le contexte que j'ai décrit en introduction, c'est important.
04:07 Les bâtiments sont appelés à devoir être modulables comme ça.
04:10 - Modulables et réversibles aussi.
04:13 On construit un espace, si vous voulez.
04:15 Aujourd'hui, c'est du bureau. Demain, le bureau se fera différemment. Il sera peut-être à domicile.
04:18 Donc, ça peut devenir aussi des logements.
04:20 Ça peut devenir des logements étudiants.
04:22 Ça peut devenir un hôtel.
04:24 Donc, il faut bien anticiper sur ce que vont devenir ces bâtiments pour le futur,
04:29 en disant qu'on ne soit pas bloqué en disant que c'est uniquement sur un monoproduit, on fait un hôtel.
04:35 Pas du tout.
04:36 Ce qui est très intéressant.
04:37 Puis après, une mixité.
04:38 Ça peut être partiellement hôtel, partiellement habitation, partiellement bureau.
04:43 C'est tout ça qui est passionnant.
04:44 Et je pense que notre époque ouvre énormément de possibilités.
04:50 Vous parliez tout à l'heure des matériaux.
04:51 Vous parliez de tout ce qui se passe post-Covid, le travail à domicile, etc.
04:55 C'est une époque très intéressante.
04:58 Et puis, la contingence finalement.
05:00 On parle toujours d'énergie.
05:03 Mais avant tout, pour produire de l'énergie, il faut déjà s'isoler pour en dépenser le moins possible.
05:07 C'est ça qui est passionnant, si vous voulez.
05:08 Alors, c'est par les isolations, c'est par les vitrages.
05:11 Surtout dans les bâtiments nouveaux.
05:13 Je pense que ça va déterminer des nouvelles silhouettes dans ces bâtiments.
05:17 Et donc, il y aura certainement, après les années 22, et puis avant,
05:22 ce sera des architectures qui vont évoluer.
05:23 Silhouettes qui ressembleront à quoi ?
05:26 Alors, on est toujours dans des gabarits très dictés par les normes et les lois.
05:32 Mais je pense qu'on va jouer sur la dimension des ouvertures, sur les épaisseurs des parois.
05:38 Et vous parliez de flexibilité.
05:40 Je pense que le plus important, c'est de dire aujourd'hui, il y a quatre personnes qui vivent dans un appartement.
05:44 Demain, il n'y en aura plus que deux ou il y en aura six.
05:47 Et puis, on y travaillera personnellement.
05:48 Il y aura de la sous-location.
05:50 C'est toute cette souplesse qui est une nouvelle vie qui est en train de se réinventer.
05:54 Et je vous assure que pour nous, architecte, c'est passionnant.
05:56 Mais j'imagine bien.
05:57 Et c'est pour ça que vous êtes là.
05:58 À propos des matériaux, question d'Anthony pour vous, Jean-Michel Villemod.
06:01 Bonjour, Anthony.
06:02 Oui, bonjour.
06:04 Nous vous écoutons.
06:05 Je peux fermer un peu, il y a un peu à évoquer, là.
06:09 Je voulais juste en ce moment savoir la position du monde des architectes, dans leur rôle à jouer,
06:16 sur justement le développement des constructions écologiques.
06:20 Alors, je ne parle pas pour les grands projets, parce que tout ce qui est à plus algé-fiché,
06:24 bouge un peu plus, mais pour le monde rural, pour l'adaptable millionnaire classique,
06:29 je trouve qu'aujourd'hui, les problèmes, mais qu'encore existent,
06:32 sont toujours le fait de faire s'imprimer l'esthétique, l'intégration du paysage,
06:36 l'homogénéation des esthétiques, notamment dans les gisements,
06:41 avec la densification de la taffe, à n'obtent pas l'hybridisation esthétique ou architecturale
06:48 pour son matériaux écologiques, mais tout en gardant des facots,
06:52 ou des contraintes architecturales et d'esthétique différentes dans les infrastructures.
06:55 Merci, Anthony, pour cette question.
06:57 Au fond, la France des pavillons, comment la construit-elle à l'heure d'une écologie indispensable ?
07:01 Eh bien, elle évolue, parce que, je vous parlais des nouveaux matériaux qu'on va utiliser,
07:08 les économies d'énergie, la fabrication d'énergie, l'utilisation des pompes à chaleur,
07:16 l'utilisation de ce qu'on appelle... Et quand on parle d'espace habitable,
07:21 justement, ça va déterminer des volumes un petit peu différents.
07:24 Et je pense que c'est ça qui va enrichir. Moi, je suis optimiste en disant que ça va enrichir l'architecture.
07:30 Les gens vont être plus heureux, parce qu'ils vont se sentir dans des habitations plus saines.
07:35 Vous savez, on est mieux à vivre dans un espace dont la structure est en bois
07:39 que dans un espace dont la structure est faite d'acier et de béton.
07:42 On parle de la cage de Faraday, où des mauvaises ondes peuvent se générer.
07:48 Habiter dans un lieu à structure bois, c'est très, très positif au niveau...
07:56 pour notre santé, entre autres, si vous voulez, pour le bien-être, si vous voulez,
08:00 le stress, on respire mieux dans ces espaces.
08:03 Vous parlez de stress, vous insistez beaucoup sur l'acoustique dans la conception des bâtiments.
08:08 C'est très, très, très important l'acoustique. Je crois qu'on ne se rend pas compte.
08:12 Il y a des lieux où on se sent bien et des lieux où on se sent moins bien.
08:15 C'est l'acoustique qui détermine ça. Et si vous voulez, créer l'atmosphère acoustique, c'est essentiel.
08:21 Regardez, je pourrais l'adapter au musée, par exemple.
08:25 Quand on visite un musée, si l'acoustique est soft, si vous voulez, tout de suite,
08:29 on regarde les objets différemment, on les respecte, si vous voulez.
08:33 Quand c'est bruyant, quand il y a des échos partout, on se sent moins bien.
08:37 Et l'acoustique en 2023, on la travaille comment ? Là encore, c'est le bois, c'est la question des matériaux ?
08:41 Les matériaux, vous savez, il y a une métier d'acousticien, c'est un métier très, très sérieux.
08:48 Sinon, on travaille avec des acousticiens, même dans des logements traditionnels.
08:55 Pas uniquement quand on fait un amphithéâtre pour Radio France, on travaille avec des acousticiens.
09:01 On sait, Jean-Michel Widemot, construire aujourd'hui des bâtiments qui peuvent se passer de la clim en été et du chauffage en hiver.
09:06 Et est-ce que c'est généralisable ?
09:08 Je pense que c'est généralisable. C'est préférable que ces logements aient une double orientation, de façon à faire circuler l'air.
09:15 C'est très important qu'on puisse ouvrir une fenêtre au nord, à l'est, à l'ouest, mais qu'on passe l'air, qu'il circule.
09:24 C'est très important. C'est plus difficile quand on est mono-orienté.
09:27 C'est pour ça que quand on conçoit des immeubles dans les pavillons, c'est très possible de faire cette...
09:33 Et puis après, l'isolation fait qu'on s'isole aussi bien du chaud que du froid.
09:39 C'est pour ça que c'est une des règles importantes de l'avenir.
09:43 On voit bien qu'aujourd'hui, il y a des recherches énormes dans ce domaine-là.
09:47 C'est beaucoup venu des pays scandinaves, mais maintenant, c'est vraiment en train d'inonder notre pays, et tant mieux.
09:55 Le télétravail, on en parlait parmi les évolutions de l'époque, ce qui fait que des quartiers d'affaires commencent à perdre des habitants,
10:04 en tout cas des gens qui les fréquentent dans la journée.
10:06 Comment voyez-vous ces quartiers d'affaires dans les années à venir ?
10:10 À quoi doivent-ils ressembler ? Comment on les redessine ?
10:12 - C'est pour ça que je pense beaucoup à la mixité.
10:16 La mixité, c'est-à-dire que... Et aussi la réversibilité d'un programme.
10:21 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, si vous avez une tour, il peut y avoir cinq étages dans la tour, peut-être les étages supérieurs pour des logements.
10:27 Après, on peut avoir des espaces publics, on peut avoir des espaces communs, peut-être pour le travail,
10:33 et puis des bureaux, et peut-être des logements pour les étudiants ou des logements pour les personnes âgées.
10:39 C'est cette mixité qui va rétablir la proximité des gens.
10:46 On en a besoin, si vous voulez. On ne stocke pas les gens dans une tour pour travailler, dans une tour pour vivre, dans une tour pour voyager.
10:52 Et c'est cette mixité qui est certainement un grand espoir pour le futur.
10:59 - D'ailleurs, un des concepts que vous aimez bien manier, et qui, je pense, rejoint cette mixité, c'est l'idée de la ville comme une maison.
11:05 Regarder la ville non pas comme une ville, mais du coup, chaque quartier au fond est une partie de la maison.
11:12 - Oui, en plus, j'appelle ça un peu le traitement des espaces publics, j'appelle ça l'architecture intérieure des villes.
11:18 C'est-à-dire, c'est comme dans une maison, il y a les sols, les murs, l'éclairage, le mobilier urbain et le végétal.
11:23 Donc, on retrouve ça. Il faut traiter justement à l'échelle humaine.
11:27 C'est ça qui peut améliorer la vie, justement. C'est cette qualité qu'on peut apporter par l'éclairage, le végétal, etc.
11:38 - Vous parliez du végétal. La question de l'urbanisation et la question de l'artificialisation des sols est une des questions clés.
11:46 On a devant nous, et déjà en cours, l'immense chantier lié aux Jeux olympiques de Paris, qui concerne le Grand Paris, la Seine-Saint-Denis.
11:54 Est-ce que ça passe par des réhabilitations plus que par de la construction ?
11:59 Est-ce que la réhabilitation est plus économe à tout point de vue, en budget, en énergie ?
12:05 Et est-ce qu'il y a là une piste, réhabiliter des bâtiments plus que reconstruire ?
12:09 - Je ne sais pas, je suis vraiment pour la réhabilitation. Mais malheureusement, elle coûte un tout petit peu plus cher que la construction.
12:15 Mais c'est certainement la vraie démarche écologique, c'est de garder les bâtiments et essayer de leur donner une nouvelle vie, un nouvel usage.
12:24 - Sachant qu'il y a des millions de mètres carrés en France inutilisés.
12:26 - Absolument, j'y crois énormément. C'est pour ça d'ailleurs qu'on a lancé un concours pour les étudiants qui s'appelle "Un toit pour tous" d'ailleurs.
12:34 - Je voulais terminer sur cette exposition au RISK Museum que vous connaissez très bien à Amsterdam.
12:39 Vermeer, vous en avez conçu la muséographie "Exposition exceptionnelle". Il y a 28 des 37 tableaux de Vermeer qui sont rassemblés.
12:46 Comment est-ce qu'on met en valeur comme ça l'œuvre d'un peintre comme Vermeer et pour la première fois quasiment l'intégralité de l'œuvre rassemblée en un même lieu ?
12:55 - Alors ça c'est un phénomène, c'est très basé sur le subjectif. Je ne sais pas comment vous expliquer.
13:01 Lorsque le président du RISK Museum m'a demandé d'occuper de l'exposition Vermeer, j'ai tout de suite imaginé une ambiance, une acoustique encore une fois, je vous expliquerai.
13:12 Et donc c'est pour ça qu'on a traité, il y a 28 tableaux et petits tableaux, des tout petits tableaux dans une grande surface, 600-700 mètres carrés.
13:20 Donc on a redonné de la dignité à ces salles et on a utilisé trois couleurs. Le vert, un vert sombre, un bordeaux sombre et un bleu sombre.
13:33 Et en été, on a plissé des velours sur toutes ces salles, ce qui donne d'ailleurs une très très belle acoustique et en plus une atmosphère.
13:43 Et le clin d'œil, c'est incroyable. Et quand on entre, on a juste un rayon de lumière en diagonale qui perd de la gauche pour montrer la lumière de Vermeer dans ces tableaux.
13:51 Et ce qui est incroyable, c'était inconscient, je vous promets. Et quand on regarde chaque tableau, on voit un morceau de rideau dans chacun des tableaux.
13:59 Et les revues après, si vous voulez, c'était totalement étonnant.
14:03 - Merci Jean-Michel Villemotte d'être passé par les studios du 13-14 et l'exposition, elle est déjà je crois complète mais on va espérer qu'elle soit prolongée.
14:12 - 450 000 visiteurs qui sont déjà à Strasbourg.
14:14 - Voilà, espérons qu'elle soit prolongée.