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Dans Historiquement Vôtre, Clémentine Portier-Kaltenbach vous raconte un temps où les églises ressemblaient à des cabinets de curiosité. Pour attirer les fidèles, outre les reliques, on a longtemps exposé de curieux objets entre les murs des lieux saints. Certaines églises renfermaient ainsi des côtes de baleine, des ongles de griffon et même, une corne de licorne…
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00:00 dans l'intimité de l'histoire.
00:02 - Aujourd'hui Clémentine, vous nous racontez des bizarreries faites pour attirer des curieux dans les lieux sains.
00:07 - Bah oui, parce que en dehors des reliques, ça c'était quand même la base si je puis dire, mais il était jadis courant dans les églises
00:13 et les cathédrales de voir suspendu des objets singuliers
00:16 tels que des œdos truches, des étranges animaux
00:20 empaillés, toutes sortes de bizarreries, parce que oui, par cette pratique on voulait
00:26 attirer les curieux dans les lieux sains. La relique évidemment ça fonctionne très bien, par exemple à Uzès il y avait une
00:32 chaussure de Marie, en fait c'était une babouche marocaine, mais enfin c'est comme ça qu'on attirait le chaland parce que le chaland il vient en
00:38 pèlerinage et puis il claque si vous voulez, comme au Mont-Saint-Michel de nos jours,
00:43 ou même à Montmartre au Sacré-Cœur. Alors à Saint-Denis et à la Sainte-Chapelle, on conservait des côtes de baleines,
00:50 des ongles de griffons et des concrétions mal identifiées
00:54 qui auraient pu être, puisque maintenant nous savons de quoi il s'agit, des coprolithes, c'est-à-dire des fossiles de grottes
01:00 préhistoriques, pourquoi pas ? Au petit Saint-Antoine, une chapelle qui se trouve non loin de l'actuelle église Saint-Paul, on pouvait admirer le cuir d'un
01:10 crocodile
01:11 rapporté de Venise sous le règne de François 1er et ça, ça passionnait les foules, un cuir de
01:17 crocodile, vous vous rendez compte ? Autre légende de la même eau, on disait que l'on pouvait voir dans Paris une peau de dragon
01:24 et une corne de licorne.
01:26 Ah, la corne de licorne, elle est toujours parisienne la corne de licorne, si vous voulez aller la voir,
01:30 parce qu'en fait, de quoi s'agit-il ? C'est un rostre de narval, il est exposé au musée du Moyen-Âge et évidemment ça ressemble
01:38 furieusement à une corne de licorne. Quant à la peau de dragon, eh bien les guides
01:42 prétendaient que c'était là tout ce qu'il restait d'un dragon monstrueux
01:47 vaincu par Godefroy de Bouillon. Voilà, ça faisait travailler l'imagination. Le chroniqueur Jean de Jeandin
01:53 raconte qu'il s'agissait en fait d'une grande peau de serpent et qui était
01:57 suspendue à la voûte dans la grande salle du Parlement de Paris.
02:01 Mais ça, il y a des générations de Parisiens qui se sont dit "tu te rends compte, la peau du dragon
02:06 battue par Godefroy de Bouillon". Bon alors, on va pas épingler la naïveté de nos aïeux
02:11 qui ont cru dur comme fer avoir contemplé des oripos de dragon parce que de façon beaucoup plus récente, il y en a eu des
02:18 gogos. Par exemple, le grand Dominique Vivant de Nons, premier directeur du musée du Louvre, que Gueux surnommait "l'œil de Napoléon"
02:25 parce qu'il raffolait des objets historiques. Alors lui, il a fait envoyer à Paris le harnais de Godefroy de Bouillon
02:31 confisqué au musée de l'artillerie de Vienne, mais aussi le bouclier et le poignard d'Attila. Bon, alors on les a
02:39 expertisés il y a quelques années et on a établi que ces objets dataient du 14e siècle. Bon, comme Attila est mort en
02:46 1553, c'est un peu fâcheux, mais Dominique Vivant de Nons, il a été convaincu, lui, qu'il avait en main le poignard
02:52 d'Attila. C'est génial. Dans sa collection, il avait aussi un pied de momie, un portrait de Sœur Siamoise par Dürer.
02:59 Et oui, ça c'est l'esprit, voyez, c'est l'esprit cabinet de curiosité.
03:03 C'est typiquement le cabinet de curiosité, un objet
03:07 18e. On peut en voir encore d'ailleurs à Paris
03:11 le cabinet de curiosité dit "des animaux desséchés", parce que ces cabinets de curiosité fonctionnaient par catégorie.
03:17 Et on peut le voir, il est dans les bibliothèques du muséum d'histoire naturelle, rue Geoffroy-Centilère, si vous voulez voir un joli
03:23 cabinet de curiosité. Enfin, à tout seigneur, tout honneur, moi, je dois dire que oui,
03:28 là pour le coup, c'est une histoire dont moi seule j'ai le secret, parce que moi aussi j'ai fait partie des gogos
03:33 qui t'aient, Saint Louis,
03:35 acheté n'importe quelle relique, et comme Vivant de Nons, qui croyait avoir le
03:39 harnais de Godefroy de Bouillon, bon, moi j'ai aussi pris mes rêves pour des réalités, parce que un jour j'ai feuilleté un vieil
03:45 exemplaire du Monde illustré, c'est un journal publié à la fin du 19e siècle, et je tombe sur un article de la série
03:52 consacrée par Gosselin-Le Nôtre au musée parisien oublié. Et Gosselin-Le Nôtre écrit que l'on avait
03:59 conservé un psautier de Saint Louis, donc
04:03 l'objet dans lequel il remisait
04:06 son livre de psaumes pour lire des psaumes tous les jours, et qu'on avait conservé dans ce psautier
04:11 le légendaire manteau de Soamau, fleur de lysée d'or, avec lequel il allait rendre la justice sous son chêne dans le bois de Vincennes.
04:20 Extraordinaire, il faut que je vois cet objet tout de suite, comme l'article datait de
04:25 1890, il m'a semblé évident que ça devait encore exister, donc j'appelle plein de musées parisiens en disant "est-ce que vous avez
04:32 la robe de Saint Louis, fleur de lysée d'or et tout ?" et alors oui, et tout d'un coup, tout à fait
04:37 complètement par hasard, je tombe un jour sur une des conservatrices de l'Arsenal qui me dit "mais bien sûr ce psautier est dans mon dos,
04:44 je travaille avec
04:46 quotidiennement". Alors je me prépare et il m'y rendra au plus vite pour voir cette merveille.
04:50 Et puis le conservateur me dit "écoutez, inutile de vous déplacer, oui c'est bien le psautier de Saint Louis, mais le tissu de soie qu'il agrémente
04:57 n'a strictement rien à voir avec la tunique de Saint Louis, elle lui est bien postérieure."
05:02 Oh, quelle déception ! Enfin, heureusement, tout n'était pas perdu, parce que là, et tout n'est pas perdu d'ailleurs, car je viens d'apprendre
05:09 de sources sûres que l'un des barreaux de la grille du jardin de Luxembourg
05:13 serait en or.
05:16 - Lequel ? - Rendez-vous ! - Tout est là ! Faut tous les gratter pour savoir !
05:22 - Alors on va avoir des boules à cause de vous, à les gratter les barreaux,
05:27 ils vont se faire repérer par la police. Merci beaucoup Clémentine,
05:32 n'importe quoi, vous êtes gogo vous aussi. - Oui, oui, oui, oui, j'ai vraiment cru ça.
05:38 Mais alors vous pouvez toujours voir, on ne peut plus maintenant, mais dans le trésor de Notre-Dame, il y a une tunique de linon blanc
05:44 qui appartenait à Saint Louis en effet. Alors là c'est d'une très grande émotion, n'est-ce pas Stéphane ? - Je le vénère.

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