Christine Kelly et Marc Menant reviennent sur les personnages célèbres qui ont fait l’histoire dans #LesGrandsDestins. Cette semaine, le duo s'intéresse à Marguerite de France, ou Marguerite de Valois (1553-1615), qui fut l’épouse d’Henri IV et qui doit son surnom de «Reine Margot» au roman éponyme d’Alexandre Dumas.
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00:00 -Bonjour à tous, ravie de vous accueillir
00:03 dans "Les grands destins", cette émission
00:05 qui revient sur les personnages qui ont fait l'histoire.
00:09 Aujourd'hui, nous allons revenir avec Marc Menand
00:11 sur le destin de l'une des plus illustres femmes
00:14 de tous les temps, Marguerite de France,
00:17 Marguerite de Valois, la reine Margot.
00:20 Bonjour, mon cher Marc.
00:22 Quel est l'héritage de la reine Margot pour la France ?
00:27 -Un symbole,
00:28 une référence, une légende.
00:31 Et quelle légende !
00:33 Elle incarne la beauté, la grâce,
00:36 l'incandescence de l'esprit...
00:38 Pardon, l'incandescence des sens, aussi.
00:41 Cette femme, c'est la libertine dans toute sa splendeur,
00:45 mais quand le terme "libertin" existe dans son amplitude,
00:48 c'est pas uniquement les petites coquetteries d'Alcove,
00:52 non, non, non, c'est l'être dans toute son expression.
00:56 Alors, il nous faut nous référer au grand poète.
00:59 Brantôme fut un de ses intimes.
01:01 Qu'écrivait-il ?
01:03 "Déesse et impératrice
01:05 "n'étaient que chambrières par rapport à elle."
01:09 Il disait aussi "déesse du ciel
01:14 "et non pas déesse de la terre."
01:17 Voilà ce que l'on doit garder
01:19 et ce qui doit nous animer au moment d'évoquer notre reine Margot.
01:25 -La puissance des mots, aussi, avec cette femme, on le verra,
01:29 puisque c'est une femme, déjà, de toutes les légendes.
01:32 Musique de tension
01:35 ...
01:41 Pour bien définir le personnage de la reine Margot des nounous,
01:45 une anecdote qui permet de la cerner.
01:47 Pour commencer.
01:48 -Il aurait fallu le cri des corbeaux,
01:52 la nuit, place de grève.
01:56 C'est la pénombre.
01:58 Elle est là, en train d'engloutir l'ensemble du paysage, cette nuit.
02:04 Mais en revanche, sur deux pics,
02:06 il y a des têtes encore sanguinolentes.
02:10 Celles de Joseph de Boniface de la Môle
02:16 et celles de Coconas, son complice, ami.
02:22 Ces deux-là sont des proches de Marguerite de Valois.
02:29 Ca fait 18 mois qu'elle est mariée
02:31 et elle a rencontré Joseph de Boniface de la Môle
02:36 lors d'une conspiration menée par son frère.
02:40 Par son frère, le duc d'Alençon
02:45 et par son mari de Navarre.
02:47 Et il était l'homme de main.
02:50 C'est un barbon, il a 44 ans, mais quelle élégance,
02:53 quand on le voit danser.
02:55 Ce garçon attire les femmes.
02:57 En cette époque, on est encore sous l'élan de la cour de François Ier.
03:02 Les dames aiment conquérir.
03:05 Pour la première fois, elle trompe son époux.
03:08 Celui-ci, d'ailleurs, n'y prête guère attention.
03:10 Il n'est pas jaloux, Henri.
03:13 En revanche, le complot est déjoué.
03:17 Le roi Charles IX, son autre frère,
03:21 a décidé de sévir.
03:23 Son courroux doit manifester
03:25 qu'il est impensable d'avoir de telles attitudes.
03:29 Il faut que demain, plus personne n'ose aller contre le trône.
03:34 Alors, Navarre en réchappe
03:37 grâce à une très belle plaidoirie de Marguerite, son épouse.
03:40 En revanche, elle ne peut rien pour de la Môle.
03:44 Et de la Môle est exécutée sur la place de grève.
03:49 Et là, donc, retrouvons ces têtes qui gisent avec les corbeaux autour.
03:55 Maintenant, la nuit est totalement tombée.
03:57 On entend le trou de chevaux qui traîne un carrosse.
04:01 À l'intérieur, Marguerite de Navarre,
04:06 avec son amie, la duchesse de Nevers,
04:09 qui était la maîtresse de Canevas.
04:13 Le carrosse s'arrête, les laquais descendent,
04:18 attrapent les reliques, ces têtes,
04:22 s'engouffrent dans leur carrosse,
04:25 qui repart, prend la direction du Louvre.
04:27 Et là, dans l'appartement de Marguerite de Navarre,
04:34 on sort les têtes des chiffons
04:38 et on fait la toilette de ses souvenirs sacrés.
04:42 Et ensuite, on ira les enterrer sans se faire remarquer
04:47 par la domesticité.
04:50 Voilà ce qui est écrit dans le divorce satirique
04:56 d'Agrippa Dobigné. Ah, Dobigné !
04:59 -C'était pas son copain.
05:01 -Il aurait bien aimé être la membre,
05:03 mais malheureusement, elle l'a dédaignée.
05:06 Des années plus tard, avec le divorce satirique,
05:09 et c'est comme ça que la légende naît d'une reine nymphomane,
05:14 d'une reine que l'on appellera Margot.
05:17 Et elle, pour combattre en pensant à l'avenir,
05:21 aux siècles qui se dérouleront,
05:24 pour avoir la chance que son image ne soit point souillée,
05:29 elle écrira ses mémoires,
05:31 qui sont sa bataille contre ce divorce satirique.
05:36 -Voilà pour planter un peu le décor.
05:39 -N'oublions pas qu'il va plus loin dans la provocation.
05:43 Elle, qui était toujours étincelante,
05:46 dès le lendemain,
05:47 elle apparaît à la cour en noir, comme une ombre,
05:51 et sur ses colliers, il y a des têtes de mort.
05:55 A tout jamais, sa mère, qui l'aimait plein beaucoup,
05:58 la condamne à être la pestiférée de la famille.
06:03 -On verra, comme vous le dites, un camp d'essence d'essence,
06:07 un camp d'essence de l'esprit,
06:09 une femme qui vit avec un destin marqué de malheur.
06:13 C'est ce qu'on va voir.
06:15 D'abord, mon Marc,
06:20 pourquoi l'appelle-t-on Reine Margot,
06:22 alors qu'à son vivant, personne ne l'appelait comme ça ?
06:25 -Alors déjà, on est toujours avec ce divorce...
06:29 ...
06:31 Ce divorce satirique.
06:33 Et c'est à son frère que l'on doit ça, Charleneuf,
06:36 celui qui a fait condamner son amant.
06:39 Quand ils étaient gamins, c'était un garçon très malicieux,
06:42 un garçon très intelligent, comme elle.
06:43 Dans la famille, il y a souvent cette vivacité d'esprit,
06:47 mais parfois aussi les turpitudes,
06:49 le côté sanguinaire, pratiquement,
06:52 des colères invraisemblables,
06:54 et pour la taquiner, il l'avait surnommée la Grosse Margot.
06:59 C'est quoi, la Grosse Margot ?
07:01 Ce sont les ribaudes de ce temps, on les appelle ces filles de rien,
07:05 celles qui se laissent aller
07:07 à quelques petites extravagances d'alcove.
07:12 Voilà comment Margot est arrivée dans sa vie.
07:15 Mais tout le monde l'avait oubliée, c'était une sorte de secret
07:18 entre les deux.
07:19 Alors, quelle est cette famille ? N'oublions pas,
07:22 il y a le père, Henri II, fils de François Ier,
07:26 marié à Catherine de Médicis.
07:28 Ensemble, ils ont dix enfants.
07:31 Quatre seront rois.
07:35 Il y a François II,
07:37 il y a Charles IX,
07:40 Henri III et elle qui sera reine de Navarre.
07:43 Et puis le petit duc d'Alençon, qui ne rêvera que d'une chose,
07:47 c'est de prendre la place de ses frères au fil du temps.
07:51 Les drames marquent son existence.
07:54 Dès l'âge de six ans, on l'a placée à Amboise,
07:56 dans le château d'Amboise.
07:57 La reine Catherine de Médicis s'intéresse pas trop à sa fille.
08:02 Elle, ce qui l'intéresse, c'est Henri d'Anjou,
08:05 qui sera un jour...
08:06 -Les filles d'Anjou. -Oui, mais surtout...
08:08 Henri III, le futur Henri III,
08:11 elle ne pense qu'à lui.
08:12 La petite, elle peut mener sa vie.
08:15 Et il y a les chamins y,
08:17 tels que je vous les ai décrits il y a quelques secondes.
08:20 À six ans,
08:21 Henri II a ce fameux duel.
08:24 Vous savez, cette joute est embrochée par Montgomery.
08:29 Et il trépasse, voilà,
08:32 l'une des premières grandes misères
08:36 qui lui brise le coeur.
08:37 -Elle dira que ce fut le plus grand malheur
08:40 qui arriva à notre famille dans ses mémoires.
08:43 -Oui, parce qu'Henri II,
08:45 contrairement à Catherine de Médicis,
08:47 venait de temps en temps visiter ses enfants.
08:50 Et il était là, il chaperonnait sa petite Catherine.
08:54 Alors là, on a une image idyllique.
08:56 Et voilà, il lui est retiré à six ans.
08:59 C'est François II qui se trouve sur le trône.
09:02 Il a 15 ans et un an plus tard,
09:04 des mots de tête terribles,
09:06 l'autopsie révélera du pu dans le cerveau.
09:09 Il meurt à 16 ans. Deuxième drame.
09:12 Plus fou encore.
09:13 Dans cette France de tous les excès,
09:17 dans cette France de toutes les...
09:20 Je dirais... -Barbaries, précisément.
09:23 -Il y a un matin,
09:25 sur les grilles du château d'Amboise,
09:28 des têtes, des têtes de protestants.
09:31 C'est là le saccage, si je puis dire,
09:34 des juguenots, donc, à des protestants.
09:38 C'est ça qu'elle vit.
09:40 Et qui succède à François II,
09:42 puisqu'il nous faut être dans cette succession ?
09:44 Eh bien, son deuxième frère,
09:47 Charles IX, mais il est trop jeune
09:49 pour être à la tête du royaume.
09:51 C'est donc Catherine,
09:53 qui, elle, est non pas la régente en titre,
09:56 mais qui est la gouvernante.
09:58 -Catherine de Médicis. -Catherine de Médicis.
10:00 Et elle a une obsession.
10:02 Comment pacifier ce pays ?
10:04 Comment faire en sorte que demain, on ne se trucite plus ?
10:07 C'est pas possible, il faut en sortir.
10:09 Alors, elle envisage un grand tour de France,
10:13 en allant de ville en ville,
10:14 en présentant le jeune roi Charles IX,
10:18 et avec toute la cour, 16 000 chevaux,
10:21 les tambours, les trompettes,
10:24 les gentils hommes, les princes,
10:26 les curés, ce monde est lava.
10:29 Vous imaginez ces kilomètres et kilomètres
10:33 de chevaux traînant des chariots, des charrettes,
10:36 pour avoir tout ce qui constitue la cour,
10:39 les meubles, les vaisselles, etc.
10:41 On arrive dans les villes, on a dressé les arcs de triomphe.
10:44 Il y a les petits pages aussi, et parmi ceux-ci,
10:47 un petit bonhomme qui ne paye pas de mine,
10:49 il est malingre, il s'appelle Henri,
10:51 c'est Henri de Navarre, du royaume de Navarre.
10:54 Vous voyez ?
10:55 Et elle, on la remarque parce qu'elle est étincelante.
10:58 Elle est digne de ces jeunes filles
11:01 que la reine Catherine a formées.
11:04 Le bataillon volant.
11:07 Ce sont des jeunes femmes,
11:09 elles sont sélectionnées de par cette beauté, cette grâce,
11:13 et elles leur donnent la meilleure instruction. Pourquoi ?
11:16 Eh bien, ça leur permet
11:18 de pouvoir aborder les hommes importants,
11:21 de les chatoyer,
11:23 et d'obtenir ainsi, grâce à cette intimité,
11:25 qui n'est pas spécialement une intimité de la chaire,
11:28 mais une intimité de l'esprit,
11:30 les informations qui lui permettent de démêler ses intrigues.
11:33 Dans ce monde, on ne pense qu'à trucider son voisin.
11:37 C'était presque la seule arme pour une femme
11:40 d'arriver à s'en sortir.
11:41 Voilà. Alors, ce voyage dure pendant deux ans.
11:44 Pour la petite, c'est extraordinaire,
11:46 parce qu'on va de fête en fête.
11:48 Les grandes bonbances, les balles,
11:50 elle est là, elle se laisse aller, elle émerveille son monde.
11:53 Et à ses côtés, on a le petit duc d'Anjou,
11:56 qui, lui aussi, adore se laisser aller à ses voltes.
12:01 Il lui donne des conseils,
12:03 et ça leur donne à tous les deux une allure
12:06 d'une flamboyance incroyable.
12:08 Quand on s'arrête à Aix-en-Provence,
12:11 il y a un personnage qui est,
12:14 je dirais, détonnant de par son allure.
12:18 Il s'appelle Nostradamus.
12:20 Et que dit-il, Nostradamus ?
12:22 Il dit, en voyant le petit Henri de Navarre,
12:24 celui-là bénéficiera de tout l'héritage.
12:28 Alors, ça, c'est la catastrophe, Catherine de Médicis,
12:31 car déjà, elle avait eu un autre hommage,
12:33 qui lui avait fait une séance en pleine nuit
12:36 et qui avait vu disparaître ses garçons les uns derrière les autres.
12:40 Elle se dit, mais là, en plus, il y a cette finalité,
12:42 mais c'est pas possible.
12:44 Donc, elle est, je dirais, terrorisée par l'avenir
12:47 tel qu'il peut se présenter.
12:49 Et ce souci de pacifier la France l'obsède d'autant plus.
12:54 Et alors, comment pacifier la France ?
12:56 Ah.
12:57 Restons juste dans une évocation rapide.
13:01 C'est le Tour de France terminé, les enfants regagnent en Boise,
13:05 Margot, qui ne s'appelle pas Margot,
13:08 mais peut-être que pour la simplification des uns et des autres,
13:11 restons sur ce surnom que l'histoire a retenu.
13:14 Margot, 13 ans, elle est là,
13:16 on lui donne des cours de la Grèce, des cours de latin.
13:19 Elle prend le français comme étant une science
13:24 qui doit tournebouler les uns et les autres.
13:27 Elle a compris qu'avec les mots, tout était permis.
13:30 Les vers.
13:32 Elle sera le deuxième écrivain-femme de l'histoire.
13:36 Le premier, c'est Christine de Misan.
13:39 Et elle aura ses mémoires,
13:41 mais surtout les lettres qui époustouflent les uns et les autres,
13:45 sa capacité aussi à apparaître en public avec cette éloquence.
13:50 Et puis, il y a l'astronomie, il y a l'étude du corps.
13:55 On commence à tout connaître des secrets de la physiologie.
13:59 Elle s'en tiche de tout ça.
14:01 Elle est un monde d'émerveillement,
14:04 non seulement pour elle-même, mais pour les autres.
14:07 -Vous m'expliquez qu'elle avait toutes les compétences intellectuelles
14:11 pour être une reine. -Complètement.
14:13 Au-delà de ça, au-delà de la reine.
14:16 On se dit qu'il faut en profiter pour avoir les meilleures alliances.
14:20 Elle a une sœur, Elisabeth, qui était mariée au roi d'Espagne,
14:24 Philippe II.
14:26 Malheureusement, cette jeune femme disparaît.
14:29 Catherine de Médicis dit que pour pouvoir maintenir la prêthe,
14:33 l'Espagne, c'est le catholicisme,
14:36 il faut marier Marguerite avec lui.
14:39 Vous vous rendez compte ? Devenir la successrice de sa propre sœur.
14:44 Mais non. Les intérêts tournent.
14:47 Et il faut la marier à qui ?
14:49 Au jeune Henri de Navarre.
14:53 -Le protestant. -Le protestant.
14:55 -Et elle, la catholique. -Elle, la catholique.
14:58 Et il a sa mère, Jeanne d'Albray,
15:01 en négociation avec Catherine.
15:04 Et quand, enfin, elles se mettent d'accord pour l'hénos,
15:08 Catherine, deux mois auparavant, voit disparaître
15:12 celle avec laquelle elle était devenue une amie,
15:15 à savoir Jeanne d'Albray et notre jeune garçon,
15:19 à 17 ans, est maintenant roi de Navarre.
15:22 Et ils vont se marier
15:25 avec cette difficulté du protestant
15:28 face à la jeune catholique.
15:31 -Atouts et faiblesses. -Voilà.
15:32 -Mariage politique. -Mariage politique.
15:35 -Des fiançales, quand on lui annonce ça,
15:37 apparemment, elle n'est pas spécialement heureuse.
15:40 Je ne vais pas vous refaire son portrait,
15:43 mais véritablement, il n'y a pas une seule critique,
15:46 pas une seule ombre, pas une seule tâche d'encre
15:49 quand on l'évoque.
15:50 En revanche, le portrait de notre Henri de Navarre.
15:55 On dit que non seulement il est touchétif,
15:59 il n'a aucune allure, l'élégance, il l'ignore,
16:02 et en plus, quand il se présente, on tourne les têtes,
16:06 non pas parce qu'il est laid à ce point,
16:09 mais simplement parce qu'il est pestilentiel,
16:13 des effluves d'ail, c'est insoutenable,
16:16 et c'est avec lui qu'il faudrait convoler,
16:19 et c'est avec lui qu'effectivement, il va falloir s'unir.
16:23 En revanche, c'est un garçon que d'une gaieté,
16:26 il est bavard, il est là, il est tout guiré,
16:29 et ça, ça pourrait presque estomper
16:32 tous les défauts que je viens d'énumérer.
16:34 Les fiançailles, et quelques jours plus tard,
16:38 le mariage.
16:40 Elle passe sa nuit à l'évêché, elle pleure,
16:43 elle pleure, la pauvre,
16:45 peut-être aussi parce qu'elle quitte sa jeunesse,
16:48 elle entre dans l'âge adulte,
16:50 elle entre dans l'inconnu,
16:52 et le matin, le frère, Charles IX, roi,
16:59 vient avec la reine Catherine de Médicis,
17:02 on l'accueille, elle est dans une robe en or,
17:05 elle a un manteau,
17:08 une traîne de plus de cinq mètres,
17:10 de jeunes princesses de chaque côté,
17:13 et de l'évêché, on gagne Notre-Dame.
17:17 Il y a deux escaliers,
17:19 il y en a un qui va vers la cathédrale,
17:22 et l'autre, vers l'extérieur, une estrade,
17:26 et vers cette estrade, il y a Henri de Navarre,
17:30 car lui n'entrera pas dans Notre-Dame.
17:33 Dans Notre-Dame, il y a en revanche l'oncle d'Henri de Navarre,
17:37 qui est le cardinal
17:39 qui prononce le mariage
17:44 avec un représentant d'Henri,
17:47 et lui, qui est à l'extérieur,
17:49 et qui est là, qui attend que sa jeune reine
17:53 vienne se présenter à lui.
17:56 Il faut le serment.
17:59 Le cardinal est à côté de Marguerite,
18:04 ils se placent l'un à côté de l'autre,
18:07 Henri et la jeune fille,
18:10 et voilà le moment où on lui demande l'approbation solennelle.
18:15 Elle reste toute figée.
18:18 Alors le roi, Charles IX, qui est derrière,
18:22 lui donne un coup sur la nuque, elle baisse la tête,
18:25 et on estime qu'elle a donné son accord.
18:27 Voilà comment les épousailles se font
18:30 entre Marguerite et notre Henri de Navarre.
18:34 Après, c'est quatre jours de tournoiement
18:38 où elle oublie ce sacrifice d'elle-même
18:41 au nom de la paix, cette nécessité.
18:45 Et là, il n'y a pas que les grands repas,
18:48 il y a ces balles,
18:49 il y a les joutes de poèmes où elle brille tellement,
18:53 et notre Henri qui la regarde est merveillé.
18:57 Ce qu'il faut savoir, c'est qu'au moment où ils se retrouvent tous les deux
19:01 pour enfin connaître la consommation, comme on dit,
19:05 la grande étreinte,
19:07 lui qui a une telle réputation dans l'histoire
19:10 d'un personnage étant le complice
19:14 de toutes les extravagances sensuelles,
19:18 cet homme-là n'est pas capable
19:21 d'honorer cette femme d'une beauté inouïe,
19:24 ce qui ne les empêchera pas de s'aider une sorte d'amitié.
19:29 Il fait tout pour la retenir en lui offrant des cadeaux.
19:32 C'est intéressant, cette petite partie,
19:34 parce que ça en dit long sur la suite,
19:37 et on verra certainement pourquoi.
19:39 Nous sommes le 18 août 1572,
19:42 elle se marie, elle a 19 ans,
19:45 4 jours passent et la suite, elle vivra un traumatisme.
19:49 1572, l'un des plus grands drames de l'histoire de France,
20:01 qui la saisit, la reine Margot,
20:03 4 jours plus tard après son mariage,
20:05 et tout commence donc le 22 août.
20:07 Ce jour-là, il y a un personnage qui est très important,
20:11 qui est l'un des chefs des protestants,
20:14 vous avez condé comme chef des protestants,
20:16 Navarre, qui l'a été,
20:18 et qui l'est encore,
20:21 et il y a l'amiral de Colligny.
20:26 L'amiral de Colligny...
20:28 -Principal conseiller du roi.
20:30 -Il a réussi à gagner l'amitié de Charleneuve,
20:32 qui se sent plutôt catholique,
20:34 et il n'arrête pas de lui suscirer à l'oreille,
20:36 il faut faire la guerre, il faut faire la guerre aux Pays-Bas.
20:38 Les Pays-Bas, c'est l'Espagne,
20:40 et c'est donc faire en sorte que catholiques et protestants
20:46 repartent dans ces abominations
20:51 où l'homme ne compte plus.
20:53 Au nom de Dieu, tout est permis,
20:55 et le sang coule, le sang coule, le sang coule.
20:57 Et elle sent, Catherine de Médicis,
21:00 que son fils va fléchir, qu'il va finir par déclarer la guerre.
21:03 Alors là, elle prend une décision terrible.
21:06 Elle, qui ne pense qu'à une chose, la paix,
21:09 c'est supprimer Colligny.
21:11 Si Colligny disparaît,
21:13 il n'y aura plus de mauvais conseil pour le roi Charleneuve,
21:17 et donc on restera dans la sérénité.
21:20 Elle mandate un tueur,
21:24 et voilà Colligny, qui est abattu en plein jour,
21:31 avant d'entrer dans son hôtel.
21:34 Malheureusement ou heureusement,
21:37 il n'est que gravement blessé.
21:39 On l'allonge dans sa chambre.
21:41 Au matin, la famille Rouenéal se présente,
21:45 vient lui présenter son soutien en lui disant qu'on est contris.
21:49 Même Catherine est là.
21:50 Elle fait mine d'être désespérée par la situation.
21:54 Et l'après-midi, c'est au tour de Notre-Marguerite
21:59 de se présenter toute seule avec son carrosse
22:01 pour encourager Colligny.
22:05 Et le soir, elle a du mal à dormir, elle se dit "c'est pas possible".
22:08 "Il va se passer quelque chose, c'est pas possible."
22:12 Et puis, au matin, miracle !
22:15 Il n'y a rien eu.
22:16 Elle est toute guirette. "Ca y est, on a évité le pire."
22:20 Mais le soir, quand elle s'endort,
22:25 au petit matin, à 3h,
22:28 alors qu'elle est là, tranquillement,
22:32 dans les nimbes, elle entend...
22:34 ...
22:40 Ce tocsin à 3h du matin !
22:42 Et puis les premiers cris qui arrivent,
22:45 et soudain, derrière sa porte, on crie "Navarre, Navarre, Navarre !"
22:49 Et la domestique qui ouvre la porte, elle croit que c'est Henri de Navarre
22:54 qui cherche à entrer, qu'on annonce sa venue,
22:57 et là, jaillit un homme en sang !
22:59 C'est le seigneur de l'Hérens, il est blessé au coude,
23:02 il est blessé au bras, il saute sur Marguerite,
23:06 qui était allongée sur son lit, il s'enroule à elle,
23:09 choix par terre, et quatre archers qui viennent
23:13 et qui essaient de le transpercer.
23:15 C'est le capitaine de Nancy,
23:19 le capitaine des gardes, qui arrête ces hommes
23:22 et qui leur demande de partir.
23:24 On se précipite sur l'Hérens,
23:29 et là, elle lui fait les premiers soins,
23:34 à ce qu'il soit pensé,
23:36 et puis, lorsque l'Hérens dit "Il faut me sauver, il faut me sauver",
23:42 elle obtient de Nancy, alors que le roi a donné l'ordre,
23:45 "Tuez-les tous, tuez-les tous !"
23:47 Il est protestant, il devrait y passer,
23:49 et Nancy devrait être complice de ce meurtre,
23:52 et elle obtient qu'il soit gracieux.
23:56 Et là, on traverse les couloirs du Louvre
23:59 pour la mettre à l'abri avec l'Hérens,
24:02 et elle découvre...
24:03 Ce ne sont même pas des scènes de barbarie,
24:08 tel le mot que vous avez utilisé tout à l'heure,
24:11 c'est l'enfer,
24:13 avec des corps qui sont transpercés,
24:16 des têtes qui pendouillent,
24:18 et à l'entrée de la chambre de sa sœur,
24:20 il y a un embroché avec une lance,
24:24 et elle vacille.
24:25 Voilà, la Sainte Barthélemie,
24:28 elle ne voit qu'une toute petite partie
24:31 de cette épouvante qui va durer huit jours.
24:35 Il y a une aubépine qui a fleuri au cimetière.
24:40 Et pour ces gens qui sont à la fois dans l'horreur
24:43 et dans la foi,
24:45 ils estiment que c'est Dieu qui se manifeste,
24:47 qu'il y a un miracle.
24:49 Et c'est une grande procession qui est organisée,
24:52 qui s'envoie de point en point.
24:55 Et Marguerite appartient
24:58 à ce moment de communion,
25:00 derrière son frère, derrière sa mère,
25:03 qui sont quand même les auteurs
25:05 de ce meurtre généralisé.
25:08 Voilà ce qui se passe.
25:10 Et ensuite, Henri de Navarre,
25:13 qui a échappé avec Condé,
25:15 car au moment où les uns et les autres
25:18 sont transpercés, on les a exfiltrés,
25:20 si je puis utiliser cette expression.
25:22 On les a conduits à la chambre du roi,
25:24 qui a dit "il faut vous convertir,
25:27 "ou sinon, vous trépasser aussi."
25:29 Et ils ont accepté de renoncer à leur foi.
25:33 Maintenant, il est prisonnier,
25:34 et elle est prisonnière aussi,
25:36 c'est-à-dire qu'ils sont en liberté conditionnelle.
25:39 -3 000 morts, la Saint-Barthélemy à Paris,
25:42 10 000 dans le reste de la France
25:44 pendant plusieurs jours,
25:46 moment dramatique.
25:47 On va continuer dans un instant
25:49 sur ce grand destin de la reine Margot.
25:52 On verra l'exil, le retour à Paris.
25:55 Nous allons retourner dans cette 2e partie
25:57 sur la vie complexe de Marguerite de Valois.
26:00 A tout à l'heure.
26:02 ...
26:03 Retour dans le grand destin de la reine Margot.
26:07 Nous avons vu des points très importants,
26:10 la Saint-Barthélemy,
26:11 et comment elle est en train d'arriver
26:14 à une certaine liberté conditionnelle.
26:17 On va voir dans quelles circonstances.
26:19 ...
26:23 Qu'est-ce qui se passe juste avant l'exil ?
26:26 -Vous voyez, c'est bien, cette ambiance.
26:29 Heureusement, il y a les balles,
26:31 les instants de distraction,
26:33 là où elle émerveille son monde, déjà quand elle paraît,
26:36 et puis, lorsque elle s'offre
26:39 les instants de joute avec les poèmes.
26:43 Et là, ils sont tous en train de l'écouter,
26:46 ils sont ensorcelés.
26:48 Et son Henri, que fait-il ?
26:50 Lui, oui, ça le taquine, ça lui fait plaisir,
26:53 mais il attend plus les instants de la chasse.
26:56 Ils ne peuvent pas quitter la cour
26:58 et il n'a juste le droit
27:00 que de pouvoir courir jusqu'à Vincennes,
27:03 dans les grands espaces autour de la capitale.
27:07 Et puis, au bout de 2 ans,
27:08 un matin, il est parti courir le cerf.
27:11 Et il ne revient pas.
27:13 Il s'est échappé, il a pris la poudre des scampettes.
27:17 Il veut rejoindre les protestants.
27:20 Lui, qui avait donc abjuré la foi,
27:23 retourne vers ceux qui attendent un véritable chef.
27:29 Ils en ont besoin.
27:31 Elle est déconcertée.
27:33 Que se passe-t-il quelques jours plus tard ?
27:36 Une missive lui arrive.
27:38 Et là, elle lit.
27:40 "Pardon, je ne pouvais rien vous dire,
27:43 "mais sachez que je pense à vous."
27:46 Des négociations vont s'entamer
27:50 entre Catherine de Médicis et son gendre.
27:54 Comment arriver à le regagner à la cause ?
27:56 Comment faire en sorte qu'à nouveau,
27:58 il n'y ait pas tous ces drames qui déchirent le pays,
28:02 tous ces drames qui brisent les uns et les autres ?
28:07 Ils trouvent presque un terrain d'entente
28:10 et elle reconduit sa fille dans un grand cortège,
28:13 là où il s'est installé, dans sa région,
28:16 à Néracmoulien, un très grand château.
28:20 Imaginez, toujours comme au moment du Tour de France,
28:24 c'est-à-dire les tambours, les trompettes,
28:27 les hommes en livret, les gardes suisses,
28:30 les gentilhommes, et elle sur son acné.
28:34 Qu'est-ce qu'une acné ?
28:35 Ce sont ces chevaux sur lesquels les femmes vont au pas ample.
28:39 C'est-à-dire un pas déroulé sans le galop.
28:42 C'est un peu chaloupé, mais c'est d'une élégance inouïe.
28:46 Et là, toujours les festivités, Catherine se retire
28:50 et elle crée une cour, une cour de dissidence
28:54 qui, encore aujourd'hui, anime tous les esprits savants.
28:58 -C'est là où je trouve qu'elle prend toute son ampleur,
29:01 qu'elle commence à se développer dans l'adversité.
29:04 -Oui. Elle a des complices ronçards, montagnes,
29:09 quand ils ne sont pas là, ils s'écrivent.
29:11 Et cette femme démontre que l'être humain...
29:16 N'oubliez pas ce contexte,
29:17 cette guerre civile qui ne cesse de rabaisser l'homme,
29:21 moins que l'animal,
29:23 dans une férocité, dans une atrocité
29:26 qui est inadmissible, intolérable, au nom de Dieu.
29:30 Et elle, elle pacifie, de par la beauté,
29:33 de par les apparences,
29:35 tant et si bien que son Henri,
29:38 cet homme qui, depuis l'âge de 13 ans, est là, galope,
29:41 avec ses guerriers, qui n'a aucune tenue.
29:44 Oui, il a ce bon caractère, cette joie de vivre,
29:47 mais en revanche, il ne sait pas se tenir.
29:50 Eh bien, soudain, on le voit arriver en habit de soie.
29:54 Il est enfin un prince digne de ce nom.
29:58 Il se laisse entourlouper par Marguerite, comme tous les autres.
30:02 Ca devient un lieu qui fascine l'Europe.
30:05 C'est à qui se précipitera à la cour de Nérac.
30:09 Et on passe d'une fête à l'autre,
30:11 mais là encore, il ne faut pas voir la fête
30:14 dans ses bonbances inouïes.
30:16 Non, ce n'est que raffinement.
30:18 C'est l'esprit, dans toute sa splendeur,
30:21 qui peut ainsi se décliner dans toutes les différentes manières.
30:26 Il y a les sciences, l'astronomie,
30:28 et puis toujours, forcément, les vers, les poèmes.
30:31 Ca, c'est l'instant.
30:32 D'ailleurs, on a Brantôme qui écrit
30:35 "Quand on entend et qu'on lit Marguerite de Navarre,
30:42 "ce sont les épîtres de Cicéron qui nous viennent à l'esprit."
30:47 Cicéron !
30:48 Vous rendez compte la référence ?
30:51 Et aujourd'hui encore, il suffit de lire ses mémoires
30:54 pour s'apercevoir que cette femme est une grande littéraire.
30:58 Mais...
31:00 -Elle ne reste que deux ans sur Nérac, dans le Lot-et-Garonne.
31:03 -Voilà, son mari est reparti.
31:05 Son mari repart, la guerre, etc.
31:07 Il tombera amoureux de Cory Sandro.
31:10 Les amours du roi Henri.
31:11 Ca en demanderait, des émissions.
31:15 Et la voilà perdue.
31:16 Et à un instant, elle adhère à la Ligue.
31:18 La Ligue, ce sont les catholiques.
31:20 Elle se trouve dans le camp opposé de son mari,
31:23 avec son frère, le duc d'Alençon, contre le roi.
31:27 Vous imaginez ?
31:28 Le roi qui a changé, ce n'est plus Charles IX,
31:31 c'est Henri III.
31:32 Charles IX est mort, le duc d'Anjou a pris sa place.
31:35 Et à un moment donné, lorsque les ambassadeurs...
31:39 Parce que ce Henri III s'est retrouvé un instant
31:43 roi élu, roi de Pologne.
31:45 Il a eu le temps d'aller en Pologne, il revient,
31:48 les ambassadeurs le précèdent.
31:49 Et qui les reçoit avec un discours en latin ?
31:52 Eh bien, c'est Marguerite.
31:55 Et puis, elle se ligue
31:58 avec les confédérés.
32:02 Enfin, ceux qui ne veulent surtout pas
32:04 que la paix s'instaure.
32:06 Et la voilà qui quitte Néraque
32:09 et qui se retrouve à Agen.
32:12 La ville est protestante
32:14 et elle demande à ce qu'on lui donne les clés.
32:18 Malheureusement, elle arrive à imposer,
32:21 là encore, cette capacité.
32:24 Vous vous rendez compte, quand une femme
32:27 est capable d'anéantir toutes les rivalités entre les hommes,
32:31 qu'elle peut, à force de mots, de poésie et d'élégance,
32:35 faire rayonner les esprits. C'est étonnant.
32:38 -Le consensus.
32:39 -Mais la famine est là.
32:42 Elle est obligée de décaniller.
32:46 Je prends un mot vulgaire, volontairement,
32:48 car elle descend au plus bas.
32:51 Elle a un amant qui s'appelle Aubrac.
32:53 Quand elle comprend qu'elle ne peut pas rester à Agen,
32:56 ils partent tous les deux.
32:57 Elle est là, sur son cheval, vous vous rendez compte,
33:00 accrochée à sa taille,
33:02 comme une locteuse.
33:04 Ils vont vivre pendant des semaines de cette manière,
33:09 ayant la crainte d'être arrêtés.
33:12 Et effectivement, ils finissent...
33:15 Il y a Matignon, qui est l'homme de la répression,
33:19 si je puis dire, qui est à ses trousses.
33:21 Ils finissent par être arrêtés, Aubrac, qui perdra la tête,
33:24 et elle est enfermée dans une citadelle.
33:28 Lugubre !
33:30 Au sommet d'un pic,
33:32 c'est la citadelle de Husson.
33:35 -Dans le puits de Dôme. -Dans le puits de Dôme.
33:37 -Lugubre. -Lugubre.
33:39 On dit que le soleil n'y pénètre jamais.
33:42 Il n'y pénètre pas.
33:44 Eh bien, elle va le créer, le soleil,
33:46 comme un hérac.
33:47 Mais là, ce ne sera pas deux ans.
33:50 19 ans !
33:51 19 ans d'exil !
33:53 Eh bien, derrière cette forteresse,
33:56 un lieu sordide,
33:58 elle en fait un véritable paradis.
34:01 Là encore, les lettres qui s'échangent
34:04 avec tous les poètes du temps,
34:06 Montaigne qui l'attise
34:08 avec ses mots ronçards,
34:11 et puis les visites qui se font,
34:14 et cette femme qui, un jour,
34:17 suit quand même ce qui se passe.
34:19 À Paris, elle est toujours
34:21 Madame la Reine de Navarre.
34:25 Mais notre Henri de Navarre, lui,
34:28 il est foie meureux, maintenant,
34:30 de Gabrielle d'Estrée.
34:33 Gabrielle d'Estrée, la petite Gabrielle.
34:36 Oh ! Il ne pense qu'à elle,
34:39 il dépense des fortunes pour elle.
34:42 Et cette Gabrielle d'Estrée,
34:46 il la voudrait reine.
34:49 Or, il est marié.
34:51 Et qui, également, est victime du sort ?
34:54 C'est Henri III.
34:56 Henri III, qui était connu
34:59 pour ses extravagances festimentaires,
35:02 pour ses mignons autour de lui,
35:04 puis ses archi-mignons,
35:05 ses gens tout en dentelle,
35:07 ses gens tout en effervescence.
35:09 Oh ! Ce n'était pas spécialement,
35:11 vous voyez, un esprit de luxure
35:13 qui les habitait, non.
35:14 C'était un art décalé,
35:17 un art qui choquait,
35:19 mais un art du raffinement.
35:21 Et puis, soudain, il est touché
35:22 par une crise de mysticisme,
35:24 et là, ce qui est quand même fou,
35:25 c'est que c'est un moine,
35:27 Jacques Clément,
35:28 qui vient lui donner le coup de couteau fatal,
35:31 et notre Henri, qui devient Henri IV,
35:34 et qui est maintenant roi de France,
35:35 mais pour autant, il n'est le roi qu'un
35:37 d'un sixième de la France Ouest.
35:39 Eh bien, ce sont les catholiques.
35:42 Il va mettre des années, des années,
35:44 à pouvoir s'imposer.
35:46 Il est sacré à Chartres.
35:49 Vous voyez, il ne peut même pas aller jusqu'à Reims.
35:52 Et un jour, il finit par offrir à Gabriel d'Estrey,
35:55 à qui il a promis de devenir la reine,
35:57 il lui offre la bague du sacre.
36:00 -Et notre Marguerite ?
36:01 -Elle apprend tout ça. Elle est au courant de tout ça.
36:03 Mais plus fort, c'est que Catherine de Médicis,
36:07 eh bien, elle a décidé de la démarrer.
36:09 Eh oui, il faut... -Elle est alliée.
36:11 -Elle a démarré.
36:12 Sauf qu'elle a un allié inattendu.
36:15 Elle ne fait rien pour cela.
36:16 C'est le pape.
36:17 Le pape ne veut pas entendre
36:20 qu'Henri IV puisse convoler avec Gabriel d'Estrey.
36:25 Et d'autant qu'il a, lui,
36:27 dans son entourage,
36:30 la petite Marie de Médicis.
36:32 C'est vrai qu'elle est la Marie de Médicis.
36:34 Rien ne plaît pour elle.
36:35 Mais en revanche, elle est catholique.
36:37 Et ça serait la femme idéale.
36:40 Les tractations se font pendant des mois et des mois.
36:45 Et comme notre Henri de Navarre
36:49 est fauché par le sort, là, c'est son tour,
36:52 car Gabriel, au moment de donner un petit au roi,
36:58 un autre, parce qu'il y a déjà eu d'autres bâtards,
37:01 eh bien, elle est emportée, rappelée au paradis.
37:05 Et voilà notre roi,
37:07 qui est disponible pour épouser, eh bien, l'intrigue papale
37:13 et convoler avec Marie de Médicis.
37:17 Voilà comment la reine de Navarre
37:21 apprend qu'elle n'est plus reine,
37:23 parce que le pape a enfin accepté
37:27 de casser son mariage,
37:29 et elle a donné son consentement,
37:31 en obtenant, bien évidemment, quelques compensations.
37:34 -Le pape bénit le divorce.
37:36 Et qu'est-ce qu'elle devient, elle, Marguerite ?
37:38 -Eh bien, elle est là, a eu son...
37:40 Et puis, un jour, elle se dit "je ne vais pas rester là".
37:44 Donc, elle décide de s'affranchir
37:48 de ce monde de la clôture, si je puis dire, de la prison,
37:53 et elle regagne Paris, elle s'impose à Paris.
37:56 -Juste avant, parce qu'on va parler de Paris dans un instant,
37:59 est-ce qu'elle a des petits amoureux ?
38:01 Non, faites pas trop, mais juste pour savoir,
38:04 comme elle a divorcé, qu'est-ce qui se passe ?
38:06 -Deux cent... Forcément,
38:07 parce qu'il ne faut jamais l'oublier,
38:09 cette femme est la séduction, séduction de l'esprit,
38:13 mais à force d'être dans cette effervescence,
38:17 le corps épouse l'esprit, il y a des nécessités.
38:20 Et il y a un garçon, qui est un jeune,
38:23 un jeune, tout jeune chaudronnier,
38:26 il s'appelle Claude François.
38:28 -Oh !
38:29 -Et Claude François a quelques dons musicaux,
38:32 elle écrit des vers, c'est lui qui les met en musique,
38:35 et ils se pâment l'un l'autre, elle le fait baron !
38:39 Et la voilà, donc, malgré ce Claude François,
38:43 en désir de quitter Husson et de gagner la capitale.
38:48 -On va voir ce qui se passe à Paris,
38:50 puisque ça fait près de 22 ans
38:52 qu'elle n'a pas regagné la capitale.
38:55 Ce qui est incroyable, c'est qu'après 22 ans,
39:05 elle regagne la capitale et elle arrive comme une reine.
39:08 -C'est incroyable. -Comment ça s'explique ?
39:11 -Bien parce que je pense que le peuple
39:15 ne peut pas avoir tous les éléments, je dirais,
39:19 de connaissance de ses poèmes,
39:23 mais il y a la réputation qui est là.
39:26 Et bien qu'aujourd'hui,
39:28 à l'instant où elle gagne la capitale,
39:31 elle n'ait plus la flamboyance,
39:34 cette attraction, je dirais, physique,
39:36 il lui reste la grâce.
39:38 Elle est lumineuse.
39:40 Et quand on la voit, on est ébahi.
39:43 Et puis, elle a la piété,
39:46 et également le sens de la générosité.
39:52 Elle a toujours fait attention aux plus démunis.
39:54 Bientôt, elle va créer sa propre cour à Paris.
39:58 Le roi l'accepte,
40:01 car elle montre énormément de distinction
40:06 quand elle est à côté de la reine Marie de Médicis,
40:10 à qui elle dit "je serai à tout jamais votre amie,
40:14 "je serai, si vous l'acceptez, votre servante".
40:17 Elle devient la confidente
40:20 de celle qui, permettez-moi cette expression vulgaire,
40:24 a pris sa place.
40:25 Et avec le roi,
40:27 elle est aussi dans la connivence la plus étonnante.
40:32 -Juste pour rappeler un peu,
40:34 la reine Aveyron, vers 1605,
40:36 elle a environ 33 ans.
40:38 -Oui, et elle est maintenant
40:41 presque aussi ronde que la reine Marie de Médicis.
40:46 Mais la première chose qu'elle cherche à créer,
40:50 c'est à nouveau une petite cour.
40:52 Et on retrouvera toute l'élite intellectuelle.
40:57 On ne pourra pas détailler toutes les installations qui sont les siennes,
41:01 mais elle créera à un moment donné un énorme palais
41:04 avec une chapelle.
41:05 Et dans cette chapelle, elle fait venir...
41:08 Elle est très pieuse.
41:09 Il n'y a pas un jour où, au moins par deux fois,
41:13 elle n'apparaît aux offices au moins deux messes par jour.
41:16 Et puis, à côté de ça, oui,
41:19 il peut y avoir les élans du corps,
41:21 mais les deux ne sont pas incompatibles.
41:23 Si Dieu a créé la chair,
41:24 pourquoi ne fera-t-il pas en sorte que cette chair s'égaye ?
41:29 Et donc, elle a un jeune, un nouvel amant,
41:32 Villard, mais les Augustins...
41:34 Non, c'est juste un petit point.
41:36 Donc, 20 Augustins,
41:37 mais elle ne les trouve pas assez rigoureux dans leur foi.
41:40 Alors, elle en prend 20 autres qu'elle appelle les grands Augustins.
41:44 Et le quai qui existe aujourd'hui,
41:46 qui est le quai des grands Augustins,
41:48 est en hommage à ces hommes de la chapelle,
41:51 de cet énorme palais qu'elle fait ériger.
41:54 Et en ce palais,
41:57 il y a un jeune garçon qui viendra,
41:59 qui est Louis XIII.
42:01 Le petit Louis XIII, sa maman,
42:04 Marie de Médicis,
42:06 un peu comme Catherine avait boudé sa fille,
42:10 elle ne s'intéresse pas du tout à lui.
42:13 En revanche, quand le petit voit Marguerite,
42:17 la première fois, il la déteste.
42:19 "Je n'ai qu'une maman, je n'ai qu'une maman !"
42:20 Il ne parle pas tout à fait comme ça,
42:22 parce qu'il a un défaut de prononciation,
42:23 une langue trop longue,
42:24 donc il bassouille comme ça.
42:26 Mais il n'en reste pas moins
42:28 qu'elle va le charmer, le gagner.
42:30 Elle ne sait quoi faire.
42:32 Lui offrir les plus beaux cadeaux,
42:34 les plus resplendissants,
42:35 et surtout, elle est la confidente.
42:37 Et puis surtout, cette force des mots.
42:40 Et le gamin ne pense qu'à elle.
42:43 À chaque fois qu'il la voit, il court vers elle,
42:46 même si elle sera la marraine de son petit frère.
42:50 Et derrière ça...
42:51 -Et rappelons, si vous permettez,
42:52 qu'elle n'a pas d'enfant.
42:54 -Voilà.
42:55 -Qu'elle n'a jamais eu d'enfant.
42:56 -Jamais eu d'enfant,
42:57 donc il y a une sorte de compensation.
42:59 Il y a un transfert.
43:00 Elle s'émerveille de ce petit,
43:03 qui est extrêmement malicieux
43:04 et qui, jusqu'à l'attentat de son père,
43:09 on a l'impression qu'il est porté par une joie de vivre.
43:12 Mais décidément, ce temps est celui de toutes les épouvantes.
43:17 Et malheureusement, il y a ce ravaillac
43:20 qui va faire passer de vie à trépas le roi Henri IV.
43:25 Ca se passe quelques jours après le mariage,
43:28 qu'il a enfin concédé à Marie,
43:31 le sacre qu'il a enfin concédé à Marie de Médicis.
43:34 Des années qu'ils étaient mariés,
43:36 mais en revanche, elle n'était toujours pas reine.
43:39 Elle le supplie, elle le supplie,
43:40 et il dit à Sulis, son premier ministre,
43:44 il lui dit...
43:45 "Ce sacre,
43:47 "c'est ma mort que je signe."
43:51 Et trois jours après...
43:53 Oui ?
43:55 Il est frappé par ravaillac.
43:58 Qui avait-il dans le carrosse à ses côtés ?
44:02 Des Pernons.
44:04 Des Pernons, un proche de Marie de Médicis.
44:07 Quand on apprend le drame,
44:11 que fait-elle, notre Marguerite ?
44:14 Elle se précipite aux pieds de la reine.
44:18 Elle est en pleurs.
44:19 Et elle restera sa confidente.
44:23 Elle restera l'amie.
44:25 A-t-elle la suspicion qu'elle ait pu jouer un rôle sordide
44:29 dans ce coup du sort, Marie de Médicis ?
44:32 On ne le sait, mais toujours est-il
44:34 qu'elle s'inscrit dans la fidélité,
44:37 tout en étant maintenant de plus en plus attentive aux pauvres.
44:41 Vous savez qui y a là, dans son entourage ?
44:44 Un jeune curé qui s'appelle Vincent.
44:47 Monsieur Vincent,
44:50 qui deviendra Saint Vincent de Paul.
44:53 Voilà comment on peut avoir l'image
44:56 de la vraie Marguerite de Valois,
45:00 Marguerite de Navarre.
45:02 En dix secondes,
45:04 comment elle s'éteint ?
45:06 Elle s'éteint, portée, je dirais, malheureusement,
45:09 par les tourments.
45:11 Elle est sans doute prématurément usée.
45:14 Et elle disparaît,
45:15 alors qu'elle n'est encore pas en pleine jeunesse.
45:18 -Mais elle n'a que 61 ans. -61 ans.
45:21 Et elle aurait pu sans doute rester plus longtemps.
45:24 Reste que voilà,
45:26 on lui accorde des funérailles
45:28 qui sont des funérailles de reines.
45:30 En revanche, de nouveau, la guerre éclate.
45:33 La tradition fait que vous restez exposé,
45:36 votre corps est là.
45:38 On l'oublie.
45:40 Et un an plus tard,
45:41 lorsqu'il y a un apaisement,
45:44 on se souvient que la pauvre est restée là comme un gisant.
45:48 Et c'est nuitamment que De Vallée la conduise à Saint-Denis
45:52 pour rejoindre la demeure des défunts royaux.
45:56 -Elle est morte le 27 mars 1615,
45:59 à 61 ans.
46:01 Merci pour ce portrait.
46:02 Ce qu'il faut retenir de cette histoire
46:06 de la reine Margot, une vie de malheur,
46:08 l'incarnation de la beauté et de l'intelligence,
46:11 première femme d'Henri IV,
46:13 marquée à jamais par ce traumatisme,
46:16 la Saint-Barthélemy,
46:17 condamnée à 22 ans d'exil.
46:19 Elle crée une cour de l'art de vivre et de l'intelligence.
46:23 Et puis, elle termine sa vie complice
46:25 de la seconde épouse d'Henri IV,
46:27 Marie de Médicis.
46:29 Un livre, et pas n'importe lequel.
46:31 Pas celui d'Alexandre Nument.
46:33 -Pas celui d'Alexandre Nument.
46:35 Elle a sa plume, eh bien, découvrez-la.
46:39 Et vous verrez que, oui,
46:41 on est dans une grande voltige
46:43 et on comprend la force de notre langue
46:45 avant même que l'académie soit née,
46:47 puisqu'elle naîtra,
46:49 que par la force de Richelieu, sous 813.
46:52 Et dans toute sa flamboyance, ce sont les mémoires.
46:56 -Marguerite de Valois, mémoire,
46:58 et effectivement, le livre d'Alexandre Nument,
47:01 qui a créé un peu le personnage reine Margot.
47:04 Mais là, on va aux sources.
47:05 Merci infiniment, Marc Menand,
47:07 pour ce portrait de la reine Margot,
47:10 cette femme des mots,
47:11 cette femme des lettres,
47:13 cette femme de l'histoire de France.
47:15 ♪ ♪ ♪