Connu pour ses talents de musicien et de dénicheur de nouvelles stars, André Manoukian est aussi un entrepreneur. Avec MatchTune, il cible les créateurs de contenus en s'appuyant sur l'intelligence artificielle.
Category
🤖
TechnologieTranscription
00:00 *Musique*
00:04 Bienvenue sur Numérique pour un nouveau numéro de Jeudi Pro.
00:07 Aujourd'hui on a un invité un petit peu spécial,
00:09 puisque vous l'avez sûrement connu en regardant la nouvelle star,
00:13 mais c'est aussi un entrepreneur.
00:15 Cet invité c'est André Manoukian, qui est aussi le cofondateur de MatchTune.
00:18 Bonjour André.
00:19 Bonjour les amis.
00:20 Alors évidemment on connaît bien le musicien,
00:22 mais on connaît beaucoup moins l'entrepreneur.
00:24 Comment justement vous en êtes arrivé à devenir entrepreneur ?
00:27 Comment s'est faite cette petite mutation finalement ?
00:29 En même temps que j'étais musicien en réalité,
00:31 très vite je me suis équipé d'un studio d'enregistrement
00:34 pour être libre de faire la musique comme je l'entendais jusqu'au bout.
00:39 Avant ça je faisais des maquettes, j'envoyais aux maisons de disques,
00:43 et puis il y avait toujours un mec qui arrivait en disant
00:45 "La trompette ça fait trop de jazz Coco, ça ne marchera jamais, viens là".
00:48 Je lui dis "Ok si c'est comme ça".
00:50 Je suis revenu à Lyon, j'ai créé mon studio,
00:52 on faisait de la musique de pub à l'époque pour gagner notre vie,
00:55 et j'ai pu aller jusqu'au bout.
00:57 Et là, mon premier artiste c'était Lian Folli,
01:00 et bim, on a vendu 2 millions d'albums.
01:02 Donc si je n'avais pas eu la mentalité d'entrepreneur,
01:05 je n'y serais pas arrivé dans la musique.
01:06 MatchTune a été créé en 2017 si ma mémoire est bonne,
01:10 et a connu plusieurs vies.
01:11 Au début c'était un service de composition de musique pour des entreprises,
01:15 maintenant vous mettez en relation des compositeurs,
01:19 interprètes avec des créateurs de contenu vidéo.
01:22 Comment est-ce que vous êtes arrivé à cette évolution,
01:25 et c'est quoi finalement le modèle ?
01:27 Alors, c'est vrai qu'on est parti en se disant
01:31 "il y a un problème de musique sur internet".
01:34 Je suis allé me faire incuber à San Francisco,
01:37 ça ne m'a pas trop fait mal, mais un peu quand même,
01:39 parce que du coup les gens me disaient "ils vous aident, vous savez".
01:43 Et nous on avait un système qui multipliait une oeuvre d'un compositeur,
01:48 c'est-à-dire que tu es compositeur, tu fais une oeuvre,
01:52 et les pistes de ton oeuvre,
01:55 tu en fais des matrices qui peuvent générer jusqu'à 100 déclinaisons différentes d'une oeuvre.
02:00 Mais ça t'appartient toujours.
02:02 Du coup, le compositeur vient chez nous,
02:05 il fait une oeuvre,
02:07 on lui donne un mode d'emploi qui est notre recette à nous,
02:11 et tout d'un coup il sort de chez nous avec "il a signé 100 oeuvres".
02:16 Donc c'était une manière de se dire
02:19 non seulement vous avez des droits d'auteur,
02:21 mais vous multipliez vos droits d'auteur par 100,
02:24 c'est l'intelligence artificielle, au service du musicien.
02:27 En 6 mois on s'est fait un catalogue de 10 000 oeuvres,
02:30 et très vite on s'est rendu compte que le problème c'était pas au fond la musique,
02:33 c'est que la musique il y en a beaucoup aujourd'hui.
02:35 C'est comment faire pour que la musique arrive aux destinataires,
02:38 y compris quand c'est des youtubeurs ou des gens comme ça.
02:41 Dans un premier temps, il n'y a pas...
02:42 Donc on s'est mis à se dire
02:46 ça ne sert à rien qu'on se place comme des producteurs de plus,
02:50 parmi les milliers de catalogues qu'il y a et qui cherchent une monétisation.
02:56 Par contre notre techno, on va la mettre au service des éditeurs.
02:59 Et du coup c'est là qu'on a eu l'intérêt d'Universal Publishing,
03:03 dans un premier temps à Los Angeles,
03:05 puis dans un deuxième temps de BMG.
03:07 Bref, au bout d'un moment on s'est mis à agréger tous les auditeurs,
03:11 tous les éditeurs, pardon, tous les gens qui produisent de la musique pour l'image.
03:15 Attention, c'est pas non plus les artistes, c'est pas Biron,
03:19 c'est pour les créateurs de contenu qui font ce qu'on appelait autrefois de la musique industrielle,
03:23 bref de la musique d'illustration sonore.
03:25 Aujourd'hui on dit de la musique à l'image.
03:27 Et du coup, en processant les catalogues de ces éditeurs-là,
03:35 on les rend synchronisables tout de suite.
03:37 C'est pour ça qu'on a changé le nom, qu'on s'est appelé Matchtune,
03:40 parce qu'en réalité vous avez...
03:42 On analyse, quelqu'un vient sur notre site qui s'appelle Studio,
03:46 vous uploadiez votre vidéo,
03:49 on analyse votre vidéo et on vous fait des propositions tout de suite
03:53 parmi je crois que maintenant on a plus d'un million d'œuvres qu'on a pu agréger.
04:01 Et si la musique elle fait 4 minutes et que votre vidéo elle fait 45 secondes,
04:08 en un drag, un drop, tout se synchronise tout de suite.
04:11 Ce qui fait que quand...
04:13 Imaginez qu'une marque ait besoin d'une musique,
04:15 elle branche un supervisor, un music supervisor qui va lui envoyer 10 propositions,
04:20 puis un autre, etc.
04:21 Mais après il faut les monter vous,
04:23 donc il faut faire un boulot de petite main,
04:25 c'est pas forcément un boulot créatif.
04:27 Alors qu'avec notre tech, vous avez votre vidéo et vous switchez les musiques comme ça.
04:32 Donc du coup, comme si vous aviez une poupée,
04:35 puis vous l'habillez d'une manière différente,
04:37 et ah bah c'est ce costume qui lui va le mieux.
04:39 Ça fait jusqu'à dire un temps dingue, ça coupe en même temps,
04:43 et du coup c'est une tech que je dirais que tous les éditeurs recherchent,
04:48 puisque c'est une manière pour eux d'aller plus vite
04:52 vers les créateurs de contenu qui ont besoin de musique.
04:55 - Vous êtes musicien et geek,
04:56 parce que vous êtes à l'origine de cette intelligence artificielle ?
05:00 Ou c'est vos associés qui ont créé cette association ?
05:02 - Non, non, non, je vous rigolais, je suis bien entouré.
05:05 J'ai Philippe Guillot qui lui est un geek,
05:08 enfin voilà, qui est aussi un entrepreneur,
05:10 qui travaillait dans un tout autre secteur.
05:13 C'est lui qui a inventé le principe des trois petits numéros
05:17 sur Vodkap Manquer qui changent toutes les deux heures.
05:20 Donc il faut le faire déjà.
05:21 Et puis donc on a à la fois des geeks et des musiciens,
05:24 et on travaille comme ça ensemble.
05:26 La force de mes associés, c'est quand on va chez des gens
05:29 puis qu'on identifie qu'ils ont un problème,
05:31 pif, parfois Philippe me dit dans la nuit,
05:32 tiens j'ai trouvé la solution, etc.
05:34 Mais l'idée après, je dirais, c'est de faire un contenu
05:38 qui soit accessible à la fois pour tout le monde,
05:41 qui facilite l'usage de la musique sur la vidéo.
05:43 Aujourd'hui par exemple, il y a plein de sujets.
05:45 Il y a plein de vidéos qui sont démonétisées
05:47 parce que les gens, même s'ils ont acheté les droits,
05:49 ils les ont achetés pour un temps...
05:51 Alors du coup, ils se disent mais comment on fait ?
05:53 Donc nous, ce qu'on garantit à nos utilisateurs,
05:56 c'est les musiques, elles sont clirées,
05:58 et surtout les ayants droit vont toucher.
06:02 C'est ça aussi qui est hyper important.
06:03 - Et du coup, quel est votre approche justement
06:04 pour naviguer entre les méandres,
06:06 des problématiques de copyright qui sont une grosse problématique
06:09 pour la création de contenu, notamment sur YouTube,
06:10 où se faire démonétiser, c'est quand même assez rapide pour le coup.
06:12 - Bah justement, la démonétisation sur YouTube,
06:16 elle vient d'où ?
06:17 Elle vient du fait qu'on n'a pas demandé l'utilisation au major.
06:23 Nous, les catalogues qu'on intègre sont clirés.
06:27 On a résolu le problème en amont avec le gars qui nous fournit la musique.
06:32 Au niveau du revenu, c'est 50/50.
06:35 Et on fait ça, y compris avec, j'allais dire,
06:37 des artistes indépendants qui ont envie aujourd'hui de se dire
06:41 pourquoi je ne mettrais pas ma musique sur une plateforme de synchro,
06:46 parce que c'est de ça dont il s'agit.
06:48 Et je ne sais pas, il y a un gars qui vient de faire 10 chansons,
06:51 il ne sait pas quoi en faire, aucun label n'en veut.
06:54 S'il les upload sur notre site,
06:58 il risque demain d'avoir un music supervisor de Los Angeles qui dit
07:01 "Tiens, c'est bien ce morceau, je cherchais un petit truc d'accordéon
07:04 pour une série sur Netflix et bim, voilà."
07:07 Donc, on a, j'allais dire,
07:10 on s'est identifié les musiques qui sont sur des vidéos.
07:14 On a encore une nouvelle fonctionnalité, parce qu'on en a plein comme ça.
07:18 On a celle qui vous découpe automatiquement,
07:20 celle qui vous synchronise et puis celle qui,
07:23 justement, quand il y a des problèmes de clirance, repère, attention,
07:26 ça, ça va être bim, et qui vous le remplace dans l'instant
07:29 par une musique clirée qui est exactement sur le même tempo
07:33 et qui ressemble beaucoup à l'ancienne.
07:36 - Et les questions d'intelligence artificielle,
07:38 on en parle beaucoup actuellement, notamment via ChatGPT.
07:42 Ça ne vous fait pas peur, vous en tant que musicien,
07:43 de voir la place que peut prendre l'IA ?
07:45 Je sais que vous avez parlé à un moment donné de créer un compositeur augmenté.
07:48 C'est quoi l'idée ?
07:51 Et finalement, est-ce que ce n'est pas la mort programmée,
07:53 finalement, de musiciens comme vous ?
07:55 - C'est tout le contraire.
07:56 Quand je dis qu'on a créé un musicien augmenté, non, c'est faux.
08:00 On augmente les compositeurs.
08:03 C'est-à-dire que vous êtes compositeur et tout d'un coup,
08:05 vous aidez l'intelligence artificielle pour aller plus vite.
08:08 C'est comme un grand peintre qui avait 50 assistants.
08:10 C'est ce qui se passait dans les ateliers de Raphaël et tout ça.
08:13 Il y en a un qui faisait les skis, et puis derrière, les gars,
08:15 ils étaient 50 à faire le boulot parce qu'il fallait qu'ils fournissent.
08:18 C'est comme ça que je conçois l'intelligence artificielle.
08:21 Là, on ne parle pas de ChatGPT,
08:23 on parle d'assistants qui vous permettent d'aller plus vite dans votre musique.
08:28 Moi, je me suis rendu compte de l'impact positif
08:31 du digital sur la création musicale.
08:35 Interviewez aujourd'hui n'importe quel musicien,
08:37 il vous dira "moi, j'ai appris avec mes tutos".
08:40 On est dans une génération de virtuoses qui ont appris leurs instruments par des tutos.
08:46 Alors, je ne dis pas qu'un tuto, c'est mieux qu'un prof,
08:48 mais si, je vais le dire pour une seule...
08:50 Quand vous avez votre prof à côté de vous et qu'il vous dit "tu as compris",
08:53 très souvent, on dit "ouais, même si vous n'avez pas compris,
08:56 parce qu'on a un peu honte, le tuto, vous n'avez pas honte,
08:59 vous pouvez le repasser 50 fois, le petit morceau de 5 secondes,
09:03 que vous n'arrivez pas, vous le mettez au ralenti".
09:05 Moi, tous les jours, je me lève et franchement,
09:07 vous voulez que je vous dise un truc ?
09:09 Je continue à bosser le piano, je continue à faire des progrès grâce à ça.
09:14 Il y a des moments où je ne sais plus quoi travailler,
09:15 tout d'un coup, vous regardez un tuto,
09:17 je vais sur Insta et je vois un gars qui est en train de faire un plan en disant
09:20 "regardez ce qu'on peut passer sur tel accord".
09:21 Je dis "putain, c'est génial".
09:23 Je le prends, je l'enregistre, je me le mets
09:25 et je le fais varier en termes de vitesse
09:29 et je le transpose dans tous les tons.
09:31 J'en ai pour un mois de boulot sur un petit tuto de 40 secondes.
09:36 C'est ça aujourd'hui, Internet.
09:37 - Merci beaucoup André. - Merci les amis.
09:39 - Merci beaucoup Marco.
09:40 - Merci à vous de nous avoir suivis
09:42 et on se retrouve la semaine prochaine pour un nouveau numéro de Jeudi Pro.
09:45 ♪ ♪ ♪