Category
📺
TVTranscription
00:00 donc clairement on m'a dit, nous on n'est pas prêts à voir une femme dirigée,
00:03 on ne veut pas voir une jeune arabe de banlieue dirigée.
00:07 Quel est votre instrument ?
00:25 L'alto, maître.
00:27 Mais je veux être chef.
00:29 Être chef, ce n'est pas un métier de femme.
00:33 On a eu la chance de pouvoir découvrir la musique classique,
00:37 la musique symphonique dans le cadre de la famille,
00:39 en effet avec des parents qui étaient très ouverts,
00:41 très curieux, très mélomanes aussi.
00:43 On a grandi dans un quartier populaire à Pantin,
00:46 on avait nos repères, nos habitudes,
00:48 avec justement des familles très différentes qui étaient présentes,
00:52 jouer aussi dans la cour de notre immeuble,
00:56 moi souvent jouer aux fautes au tennis.
00:58 Et donc on a quelque part évolué dans cette bulle.
01:01 C'est vrai qu'on était une des rares familles à pratiquer la musique,
01:04 pratiquer la musique classique particulièrement.
01:07 Notre arrivée au lycée Racine, elle a été très bouleversante.
01:12 C'est vrai que nous on a changé d'établissement alors qu'on était en terminale,
01:15 après avoir fait toute notre scolarité aussi dans la ville de Pantin,
01:18 dans laquelle on a grandi.
01:20 On a un petit peu surpris tout le monde en arrivant,
01:22 parce qu'ils ne nous attendaient pas trop là en fait.
01:26 À Paris, il y avait également tous ces jeunes
01:29 qui évoluaient dans leur bulle, dans leur univers,
01:31 et deux bulles qui ne se rencontraient pas en fait.
01:35 L'accueil n'a pas été aussi chaleureux qu'on aurait pu le souhaiter.
01:40 Existe la musique classique en Seine-Saint-Denis ?
01:43 La fille du 9-3 s'est mise sur son 3-1.
01:45 Moi je sais que quand j'ai justement eu l'occasion de diriger l'orchestre du lycée Racine,
01:50 clairement on m'a dit, nous on n'est pas prêts à voir une femme diriger,
01:54 on ne veut pas voir une jeune arabe de banlieue diriger.
01:58 Et puis quand on était aussi dans le cadre de nos cours au lycée,
02:01 des fois il y avait certains de nos professeurs qui étaient surpris aussi de voir
02:05 qu'on pouvait donner des réponses aux questions qu'ils pouvaient poser.
02:10 Ils pensaient qu'on venait d'autres grands lycées parisiens,
02:14 et en fait que c'était pour eux quelque part inapproprié,
02:18 pas normal qu'en effet on fasse partie des meilleurs éléments de notre classe
02:22 alors qu'on venait d'un lycée de banlieue.
02:24 C'est la première fois qu'on se rendait vraiment compte de l'image aussi que parfois
02:29 des personnes de l'extérieur pouvaient avoir de notre milieu social.
02:33 Alors évidemment, nous comme on était aussi toutes les deux, c'était une force aussi,
02:37 donc on s'est encouragées l'une et l'autre.
02:39 Ça a du coup parfois suscité de la colère, de la frustration, un mal-être.
02:44 Rapidement on a essayé justement de transformer en une force
02:48 pour pouvoir justement se dépasser, progresser, prouver justement au monde extérieur,
02:54 parfois se prouver aussi à nous-mêmes qu'on était capables aussi de relever ces grandes ambitions,
02:58 que c'était aussi notre place, même si on nous disait tous les jours parfois le contraire,
03:02 et qu'on voulait prendre cette place-là et à la fois la prendre avec les codes de ces personnes-là,
03:08 mais aussi de quelque part de montrer que nous on avait aussi nos propres envies, nos propres idées.
03:14 J'étais plus jeune, j'avais du mal à me projeter en tant que chef d'orchestre
03:16 parce que je ne voyais pas de femmes chefs d'orchestre, pas de femmes dirigées,
03:19 plutôt des hommes blancs dirigés, donc c'était difficile de se projeter.
03:22 Aujourd'hui, il y a la possibilité de voir une Fetouma qui joue du violoncelle et qui en fait son métier,
03:29 une Zahia qui dirige aussi.
03:41 On a fait en sorte que nos réseaux respectifs à toutes les deux puissent se rencontrer.
03:47 Moi, les musiciens et musiciennes que je rencontrais dans mon parcours de violoncelliste,
03:51 Zahia elle dans son parcours de chef d'orchestre,
03:53 et puis on s'est dit voilà, on veut que cet orchestre soit vivant, bienveillant.
03:59 A défendre le fait que la musique classique soit un art populaire dans le sens beau du terme,
04:05 et justement de rendre ce milieu plus inclusif, plus ouvert,
04:08 et que les jeunes qui aujourd'hui n'ont peut-être moins l'occasion de découvrir la musique,
04:14 les arts, la culture dans le cadre de la famille ni à l'école,
04:16 les artistes, moi je pense, ont une responsabilité,
04:20 et nous cette responsabilité, on la porte, et on la porte quotidiennement.
04:24 Paris réussit.
04:25 Paris réussit, exactement.
04:26 Paris réussit. Paris réussit.
04:29 [Musique]
04:32 Merci à tous !