• il y a 8 ans
Souvent centré autour du crime organisé et de conflits précis, le travail d’Aragón ressuscite parfois des pans de sa propre histoire familiale marqués par la violence. Baignant dans un calme trompeur, ses vidéos montrent des paysages paisibles et ensoleillés, mais, au fur et à mesure de leur déroulement, des détails s’accumulent pour raconter des histoires très troubles sur le pouvoir et ses relations corrompues. Les portraits paysagers d’Aragón rappellent le fûkeiron ou la « théorie du paysage » élaborés à la fin des années 1960 par des cinéastes japonais qui considéraient que tous les paysages que l’on rencontre au quotidien, même ceux d’une beauté de carte postale, reflètent les structures du pouvoir en place. Dans ses œuvres, Aragón donne à voir le pouvoir des cartels de la drogue, des partis politiques, des sociétés étrangères et la façon dont leurs activités s’interpénètrent par le biais d’ententes illicites.

Sa nouvelle œuvre, Mesoamerica: The Hurricane Effect, examine de près l’action des pouvoirs d’origine étrangère dans le Mexique actuel, qui rappelle la mainmise étrangère en vigueur voici plusieurs siècles. La Mésoamérique fut le berceau d’une riche civilisation d’Amérique centrale apparue environ dix mille ans av. J.-C. et à l’origine notamment des florissantes cultures maya, aztèque et zapotèque. Ces cultures furent anéanties aux XVe et XVIe siècles par l’arrivée des Espagnols, qui utilisèrent la chrétienté comme un outil de discrimination et de soumission des autochtones. Aujourd’hui,« Mésoamérique » est aussi le surnom d’un projet d’aménagement de plusieurs millions de dollars baptisé officiellement « Projet mésoaméricain d’intégration et d’aménagement », financé et mis en œuvre par les États-Unis. Selon son acte de naissance officiel, il a pour but d’aider la région à se développer par le biais d’investissements dans les réseaux d’infrastructure, d’électricité, de télécommunications et de transport, mais, à cause d’une corruption endémique à tous les niveaux, cette initiative ne bénéficie pas aux populations pauvres et favorise au contraire les sociétés étrangères implantées dans la région.